Discours du ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias, lors du débat au Parlement hellénique sur la motion de censure (30.01.2022)

Discours du ministre des Affaires étrangères Nikos Dendias, lors du débat au Parlement hellénique sur la motion de censure (30.01.2022)Débat sur la motion de censure contre le gouvernement, déposée par le chef de l'opposition et président du groupe parlementaire de la Coalition de la gauche radicale, M. Alexis Tsipras et 84 membres de son groupe parlementaire, conformément à l'article 84 de la Constitution et à l'article 142 du règlement du Parlement

Merci, Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs, nous sommes effectivement ici aujourd'hui après 10 ans de crise économique, 2 ans de pandémie, plus de 2 ans de crise quasi permanente sur les questions nationales, une crise permanente avec des phases aiguës sur le front de la migration et à cela viennent aussi s’ajouter les conséquences du changement climatique.

Ces conditions exigent un dialogue politique mûr et je pense que l'orateur précédent, mon ami Andreas Loverdos, a eu raison de le signaler.

En d'autres termes, elles exigent que chacun exerce son rôle institutionnel, avec la maturité que le système politique acquiert au fil de ces crises multiples.

Et le gouvernement, comme l'a dit le Premier ministre depuis le début, comprend que les critiques de l'opposition sont absolument nécessaires.

Et même de fortes critiques lorsque les circonstances le justifient. Or, faire preuve de maturité, Mesdames et Messieurs, c'est aussi présenter des propositions positives, et pas seulement émettre des critiques.

Créer des tensions est une chose. La surenchère dans la réaction émotionnelle en est une autre. Soyons donc honnêtes l'un envers l'autre.

Il y a eu une motion de censure. Par contre, il n’y a pas eu de proposition d'amélioration par l'opposition majeure ou mineure. L'objectif est de stimuler les réflexes. L’objectif n’est pas de mener un dialogue intelligent.

Face aux intempéries, des erreurs ont été commises, mais il est évident qu'Attiki Odos n'a pas honoré ses obligations.

Elle a fait endurer d'incroyables souffrances aux citoyens et aux clients. Ces responsabilités font l'objet d'une enquête à la fois par le ministère public et par l'administration.

Mais la différence réside dans la façon dont le gouvernement aborde les erreurs, et je dois dire que le premier ministre a été franc en reconnaissant immédiatement sa responsabilité.

Il a présenté ses excuses aux citoyens, il a fait en sorte, ce qui est sans précédent, que les concessionnaires privés dédommagent immédiatement les citoyens et il a fait une évaluation de ce qui s'est passé.

Nous attendons également les propositions de l'opposition. Car il faut tenir compte du fait que des phénomènes météorologiques comme ceux que le pays a connus seront plus fréquents en raison du changement climatique et que des actions correctives doivent être sûrement engagées, mais aucune proposition n'a été entendue à cet égard.

Aucune proposition n'a été entendue quant à ce que devraient être ces actions correctives.

Mesdames et messieurs, je veux en venir un peu au domaine dont le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, m'a confié la responsabilité. Avec le soutien de l'écrasante majorité des Grecs, nous avons élaboré et mettons en œuvre une politique diversifiée.

Nous ne nous sommes pas lancés dans le dialogue interne habituel sur les questions gréco-turques et chypriotes et nous ne nous sommes pas lancés dans des accusations entre partis sans issue sur le patriotisme majeur et mineur. Nous n'avons pas cherché à régler nos comptes du passé avec les autres partis par le biais de la politique étrangère.

Nous nous sommes comportés comme un pays européen. Je vous ai dit, lors des déclarations de programme du gouvernement, que nous étions le pays européen le plus important dans les Balkans, et je pense que tout le monde nous traite désormais comme tel.

Nous avons donc traité notre présence dans les Balkans non pas comme une condamnation du point de vue géographique mais comme une mission visant à exporter la stabilité, la prospérité, à soutenir le parcours européen de toute la région, du Kosovo, de la Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine du Nord, du Monténégro.

Nous avons traité l'agression de la Turquie ottomane comme une occasion d’entente avec ceux qui croient au droit international, au droit international de la mer, quelle que soit la distance qui les sépare de notre région.   
Et la pandémie nous a donné l’occasion de constater que notre obligation était d’offrir notre aide au-delà de nos frontières en accomplissant le devoir humain universel.  Le mandat que j'ai reçu du Premier ministre est de faire en sorte que chaque Grec offre un vaccin à un autre être humain sur la planète.

Nous avons donc vu clairement que la Grèce doit dépasser les bornes, élargir ses horizons, établir des contacts avec les pays où se trouvent les navires de notre flotte marchande, où sont établies nos entreprises extraverties, où l'on peut chercher des marchés pour nos produits.

Mesdames et Messieurs, malgré les problèmes, les réalisations du gouvernement Mitsotakis restent importantes à tous les niveaux. Ce n'est pas seulement le système de santé qui a résisté aux épreuves de la pandémie lequel a, inévitablement, supporté le plus gros fardeau.

L'économie a résisté, la société a résisté, et les indicateurs de reprise et de croissance semblent positifs. Le gouvernement Mitsotakis a fait de la Grèce une destination sûre pour les investissements. Les réformes progressent. Et après de nombreuses années, le pays est considérablement renforcé par des instruments de défense modernes.

Et le ministère des Affaires étrangères est en train de changer. Les structures sont modernisées, une branche unique de diplomates est créée, ainsi qu'une planification stratégique avec des objectifs réalisables et, surtout, mesurables. Les problèmes auxquels a été confronté de longue date le service de traduction ont été résolus. L'ensemble des services fournis aux citoyens en Grèce et à l'étranger deviennent numériques.

Mais le plus important est, et soyons honnêtes à cet égard, Mesdames et Messieurs, qu’un objectif recherché pendant près d'un demi-siècle a été réalisé en 30 mois avec le soutien d'une large majorité de cette Assemblée.

Parce que les accords de délimitation de la Zone économique exclusive avec l'Italie et l'Égypte n'allaient pas de soi. Ils ont permis d’étendre pour la première fois après la Seconde guerre mondiale l'espace national et de traiter le « mémorandum » turco-libyen, invalide et illégal.

L'accord, l'entente pour soumettre la question de la délimitation avec l'Albanie à la Cour internationale de justice de La Haye, qui a consolidé l'opinion selon laquelle la Grèce peut se concerter avec tous ses voisins dans le cadre du droit international, n'allait pas de soi.

Les accords de coopération stratégique avec les États-Unis qui renforcent la défense de notre pays, portant les relations gréco-américaines à leur plus haut point historique, n’allaient pas de soi.

L'accord stratégique avec la France n’allait pas du tout de soi. Un accord qui amène la seule puissance nucléaire de l'Union européenne et membre permanent du Conseil de sécurité en Méditerranée orientale.

Les accords avec les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, qui créent des ponts vers et depuis le Golfe, n'allaient pas de soi.

Les modèles de coopération trilatérale et multilatérale que nous avons promus dans la région ne vont pas de soi. Je fais notamment référence au 3+1 : la Grèce, Chypre, Israël et les Etats-Unis.
La réactivation de notre pays dans la résolution des crises, de la Libye à la Syrie, ne va pas de soi.  

Nous avons été absents, Mesdames et Messieurs, de la Syrie et de la Libye. La Libye est à 20 minutes de vol de la Crète et nous l'avons payé cher.

Le Forum Filia, la signature des principes communs du droit de la mer par un grand nombre de pays, ne vont pas de soi. La présence d'un ministre grec au Rwanda, en Gambie, au Ghana, au Nigeria, bientôt au Sénégal, au Tchad, au Cap-Vert, ne va pas de soi, une présence qui élargit notre empreinte géopolitique, qui élargit notre empreinte économique.

La diplomatie des vaccins n'allait pas de soi. La première visite d'un ministre indien des Affaires étrangères en six ans n'allait pas de soi.

Nous avons dévoilé, avec le maire d'Athènes, M. Bakoyannis, la statue du Mahatma Gandhi ; je le mentionne parce que c'est aujourd'hui l'anniversaire de sa mort.

Le niveau de nos relations avec les membres du Conseil de sécurité ne va pas de soi. Le fait que, depuis son entrée en fonction, ce gouvernement a signé 118 accords bilatéraux et 39 conventions multilatérales n’est ni ordinaire, ni évident. Il n'y a pas de précédent similaire pendant la période de la transition démocratique.

Le fait que la Grèce a été élue première en termes de votes au sein de l'Organisation maritime internationale ne va pas de soi. Nous avons été élus par 150 membres sur 157. Nous avons été élus en deuxième position dès le premier tour au Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO avec 119 voix.

112 Etats membres de l'ONU ont soutenu notre proposition de résolution de l'Assemblée générale sur la sécurité des journalistes. Et le fait que nous avons maintenant 97 engagements écrits pour notre élection au Conseil de sécurité pour la période 2025-26 n’allait pas du tout de soi ; nous ferons une annonce à ce sujet dans le courant de la semaine.

Mesdames et Messieurs, à la demande de Kyriakos Mitsotakis, j'ai recherché la convergence sur les lignes nationales. Surtout à un moment où le pays est confronté à des menaces existentielles. Et je continuerai de le faire.

Dans les jours à venir, une autre série de réunions d'information sera organisée pour les chefs de secteur du parti. Parce que le gouvernement ne traite pas la politique étrangère comme un fief.

J'en viens aux relations gréco-turques. La Grèce n'a laissé aucune provocation sans réponse. Nous avons clairement indiqué que nous souhaitons un dialogue constructif et un agenda positif. Mais sur la base du droit international et du droit international de la mer.

Et personne n'a le droit de se faire des illusions sur la volonté absolue de la Grèce de défendre sa souveraineté et ses droits souverains.

Les valeurs de la Grèce s'inscrivent toujours dans le cadre du droit international et du droit international de la mer.

La Grèce, ai-je dit, agit toujours dans le cadre du droit international. La Turquie hors de celui-ci. Le Casus belli. Le « mémorandum » turco-libyen. La patrie bleue. Les survols. Les violations de l'espace aérien national. La contestation de la souveraineté des îles. La poursuite de l'occupation de Chypre. La rhétorique des deux États. Des interventions dans d'autres pays. Irak, Caucase, Syrie, Libye. Des violations massives des droits de l'homme. La conversion de sites du patrimoine mondial en mosquées.

Mesdames et messieurs, nous devons comprendre quelque chose dans cette salle. Que la Turquie a, malheureusement, changé de cap.

Ce n'est pas la Turquie qui, malgré toutes ses particularités, regardait vers l'Ouest et dans une direction européenne.

Face à cette situation, face à la pire situation depuis 1974, notre pays a réussi à contenir cette agressivité.

Il a fait plus que cela, en profitant de fenêtres d'opportunité. Transformer la provocation et de l'arrogance de l'auteur de la menace en bouclier et base de compréhension des rationalistes face à la menace.

Je le répète, nous voulons un dialogue avec la Turquie, mais dans le cadre du droit international. Et non un dialogue sur la base de demandes irrationnelles et illégales. Pas un dialogue sur des acquis illégaux.

La Grèce est confiante. La Grèce n'est pas une Grèce qui a peur. Elle n’est pas une Grèce marginalisée et retranchée.

Et pour être clair, la Grèce n'est pas dérangée lorsque nos partenaires et alliés dans la région parlent à la Turquie.

Il est dans notre intérêt à tous que la Turquie ait des contacts avec des États avec lesquels la Grèce partage les mêmes vues. En d'autres termes, que la Turquie entende les mêmes choses de plusieurs côtés et de plusieurs bouches, et ce serait une bonne chose que la Turquie sorte de son isolement et retrouve la voie européenne.


Personne ne veut d'une Turquie isolée. D’une Turquie agressive. Personne ne veut d'une Turquie néo-ottomane islamique. Mesdames et Messieurs, je reviens au sujet principal du débat et je vais terminer.

Permettez-moi de voir les choses avec sang-froid, pour notre pays, au-delà de la neige, au-delà de la pandémie, et je voudrais vous dire que nous devons être fiers de la Grèce.

Nous devons être fiers de la patrie de chacun dans cette pièce. Notre pays, malgré ses problèmes, est un pays européen moderne.

Un pays moderne avec un grand potentiel géopolitique. Notre pays, malgré ses problèmes, est une démocratie florissante. C'est ce que prouve le débat d'aujourd'hui.

Une Grèce forte grâce aux économies du contribuable grec, grâce au potentiel exceptionnel des forces armées.

Un pays qui est un pilier de sécurité, de stabilité, une destination touristique et d'investissement. Un pays qui est un interlocuteur fiable et constructif pour tous, même sur des questions qui ne nous concernent pas directement.

C'est cette Grèce que sert le gouvernement Mitsotakis. C'est cette Grèce que sert la majorité parlementaire. Autrement dit, les députés de la Nouvelle Démocratie, que je remercie pour leurs luttes, pour leur soutien et pour leur confiance dans le gouvernement.

Je vous remercie.

January 30, 2022