Monsieur le Recteur,
Monsieur le Doyen,
Cher collègue,
Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand honneur pour moi d'être invité à inaugurer cette série d’événements appelée « Journées de l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes », devenue désormais une institution. Comme l'indique justement le titre de l'événement d'aujourd'hui, la Grèce, l'Europe et le monde sont confrontés à un tourbillon de développements internationaux.
Le dernier événement dramatique, l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a non seulement touché la planète entière, mais, si je puis dire, changé le monde. Et à côté de cela, il y a la tentative des forces du révisionnisme qui cherchent à instaurer une autre réalité en violant les principes du droit international.
Une autre menace rampante plane sur le monde après l'invasion russe en Ukraine. Je fais référence à la crise alimentaire qui touche les pays de notre région, mais aussi des pays plus lointains. Et cela s'ajoute à la crise énergétique, qui menace déjà les économies et les sociétés. Cependant, nous ne devons pas minimiser le danger de la crise alimentaire, si l'on y ajoute aussi un élément moins connu, à savoir la crise des exportations d'engrais. Ces deux crises peuvent toutes deux avoir des conséquences désastreuses pour les sociétés de l'humanité, en provoquant des explosions sociales, des flux migratoires. Nous avons peut-être remarqué sur nos écrans de télévision ce qui s'est passé au Sri Lanka ces derniers jours.
Et dans tout ce paysage international brumeux, notre pays est confronté au principal défi posé par notre voisin oriental, la Turquie.
Les éléments constitutifs de ce défi ne sont pas nécessairement nouveaux.
- La menace de guerre, le casus belli,
- la contestation de la souveraineté grecque,
- des droits souverains,
- la tentative, désormais quotidienne, de ternir l'image de notre pays,
- l'instrumentalisation de la question migratoire.
Mais ce qui constitue une réalité différente des autres périodes, c'est l'aggravation des tensions constante et durable. Nous avons eu des crises majeures avec la Turquie, en 1974, au milieu des années 1980, au milieu des années 1990. Mais aucune crise n'a eu une durée aussi longue, nous approchons déjà - voire dépassons - les trois ans.
Et aussi, si vous regardez les sondages à l'intérieur de la Turquie, vous verrez autre chose, pire. Que malheureusement, l'escalade de cette rhétorique consolide des sentiments anti-helléniques au sein de la société turque. Selon les sondages réalisés il y a quatre ans, la Grèce ne posait pas une menace pour l’opinion publique turque. Aujourd'hui, elle figure en haut de la liste. Il y a donc une tendance anti-hellénique, qui pourrait devenir majoritaire, au sein de la société turque.
La récente contestation qui s’écarte de toute raison – ce qui ne la rend pas toutefois moins dangereuse – de la souveraineté grecque sur la moitié de la mer Égée et la Crète est le dernier épisode d'une série d’affirmations scandaleuses.
La question à laquelle nous sommes appelés à répondre, nous, pays européen à la lisière de l'Europe, est donc de savoir quelle doit être notre réponse.
Peut-être que beaucoup d'entre vous se souviennent de l'expression anglaise classique utilisée lors du bombardement de Londres pendant la Seconde Guerre mondiale : « Gardez votre calme et continuez ».
C'est ce que nous faisons, tout en restant attachés aux principes et aux valeurs qui ont guidé notre politique étrangère au fil du temps. Le respect de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de tous les États. Le respect du droit international et du droit international de la mer. Et aussi, ne l'oublions pas, le droit international humanitaire. Telle est notre boussole tout au long de notre parcours sur la scène internationale.
Hier, j'ai eu l'occasion de me trouver à Odessa. J'y ai rencontré des membres de la communauté grecque, ainsi que des Grecs de Marioupol qui avaient fui à Odessa pour échapper aux conséquences tragiques de l'invasion russe. Demain, je me rendrai à La Haye pour participer à un événement spécial, avec d'autres pays européens, sur les crimes de guerre commis lors de l'invasion russe en Ukraine. Je dis cela pour vous rappeler que le droit humanitaire fait partie de notre orientation politique permanente.
Mais en général, nous ne restons pas inertes. Nous prenons des initiatives, construisons ou renforçons nos relations, nos ponts de coopération, sans tomber dans le piège d'une politique exclusivement centrée sur la Turquie, réagissant uniquement à ce que notre voisin fait, revendique ou invente. Parce que nous avons un objectif plus large : consolider la paix, la sécurité et la stabilité dans notre grand voisinage et au-delà.
Je compare donc notre politique aux anciens cercles du logo de la compagnie aérienne Olympic Airways, qui est composé de six cercles qui se croisent.
Premièrement, nous renforçons nos relations bilatérales avec notre famille, nos partenaires européens. Des relations qui ont été relativement négligées. L'État grec, sous la pression de la grave crise économique, pensait que le Conseil des ministres ou le Conseil des chefs d’état et de gouvernement était une enceinte suffisante pour maintenir un niveau élevé de relations avec nos partenaires européens. Ce n'était pas vrai ; le niveau bilatéral est tout aussi important et nécessaire. Et aussi, il faut que nous expliquions nos positions au niveau bilatéral afin que celles-ci soient bien comprises par les pays qui sont membres de l'UE.
Bien évidemment, ces relations avec certains pays, et notamment avec l'État membre de l'UE le plus puissant sur le plan militaire, la France, qui est également une superpuissance nucléaire, ont acquis un caractère stratégique et ont été renforcées par le fameux accord de défense.
Deuxièmement, nous avons fait du renforcement de nos relations avec les États-Unis une priorité absolue pour nous. Je pense que la société grecque en voit les fruits. En particulier en termes de soutien à nos positions sur des questions d'importance fondamentale, tant de la part du pouvoir exécutif aux États-Unis, quel que soit le parti au pouvoir, que de la part du pouvoir législatif aux États-Unis - je répète - quel que soit le parti au pouvoir. On ne peut, Mesdames et Messieurs, établir aucune comparaison entre nos relations actuelles avec les États-Unis et nos relations par le passé, même il y a une vingtaine d'années. Lorsque, du côté de la superpuissance, le maintien de l'équilibre était la principale préoccupation. Je voudrais rappeler ce que la plupart d'entre nous, à des âges divers, ont vu dans la lutte angoissante de notre pays pour maintenir le rapport 7:10 dans les premières années qui ont suivi l'invasion turque de Chypre. Et vous demander à faire la comparaison avec l'époque actuelle, où la Grèce a accès à n'importe quel système américain, ainsi qu'aux avions F-35, tandis que la Turquie tente d'obtenir la mise à niveau des avions F-16.
Troisièmement, un troisième cercle, une zone de sécurité et de stabilité que nous recherchons à instaurer dans la région élargie du Moyen-Orient, dans le Golfe et en Afrique du Nord. Nous avons développé avec l'Égypte les relations les plus étroites que nous ayons jamais eues. L'accord gréco-égyptien témoigne de cette relation, mais la relation ne se limite pas à cela, elle est beaucoup plus profonde. Mais à cela se sont ajoutées les relations avec les Émirats arabes unis, Israël, l'Arabie saoudite, le Koweït, Oman, avec la plupart des pays de la région. En même temps, nous sommes maintenant présents dans les développements en Libye et en Syrie. Avec Chypre, nous avons renforcé, autant que nous le pouvions, les partenariats multilatéraux de coopération régionale, le plus important étant le partenariat 3 plus 1 (3 + 1) : Chypre, Grèce, Israël, le « plus 1 » étant les États-Unis. Notre ambition est que le partenariat « 3+1 », devienne un partenariat à 4. En tout, nous donnons la priorité à la résolution pacifique des conflits sur la base du droit international.
Je viens maintenant à notre voisinage, les Balkans. Surtout les Balkans occidentaux, car dans les Balkans orientaux, depuis l'agenda de Thessalonique de 2003, la Grèce a réussi à faire entrer la Bulgarie et la Roumanie dans l'UE. Cependant, le défi des Balkans occidentaux est énorme et potentiellement déstabilisant. Leur perspective européenne est le seul moyen de parvenir à la stabilisation de la région. Nous mettons tout en œuvre, tant sur le plan politique que technique, pour y parvenir.
Cinquièmement, nous essayons de développer nos relations avec des pays, comme j’ai coutume de dire, au-delà de notre horizon. Des puissances émergentes qui ont des positions similaires ou compatibles avec les nôtres. Je pense à l'Inde, le plus grand pays du monde en termes de population dès l'année prochaine, au Japon - deux pays que j'ai visités ces derniers mois - mais aussi au Vietnam, un pays de 100 millions d'habitants, qui a des positions similaires aux nôtres sur le droit de la mer, à l'Australie, à l'Indonésie. Ces trois pays sont inclus dans le programme des visites d'août et septembre.
Sixième cycle, nous n’oublions pas le continent qui connaît la plus grande croissance économique et démographique de la planète, l'Afrique. Ces derniers mois, j'ai visité sept pays d'Afrique subsaharienne et, sans l'invasion de l'Ukraine, j'aurais achevé ma tournée dans quatorze pays que nous nous étions fixés comme destinations. La Grèce ne peut ignorer l'Afrique. Pour être précis, l'Europe ne peut ignorer l'Afrique.
En plus d’autres choses, nous menons trois campagnes dans le cadre des Nations unies. La première concerne notre élection au Conseil de sécurité des Nations unies pour la période 2025-2026. Nous avons déjà réuni 106 déclarations de soutien écrites. Je considère notre élection comme presque certaine. Pour le moment, il n'y a pas de rivalité, nous sommes deux pays, nous et le Danemark, qui se présentent pour deux sièges. Quiconque entre dans la course a un très long chemin à parcourir avant de pouvoir vaincre la candidature grecque. Mais, en même temps, nous menons deux autres campagnes, l'une pour le Conseil des droits de l'homme, où nous n'avons jamais été élus. Nous y avons déjà réussi à obtenir 34 déclarations de soutien écrites jusqu'à présent. Notre campagne ne dure que trois mois, mais nous sommes extrêmement optimistes à cet égard également. La période concernée commence à partir de 2028, nous avons donc du temps. Mais nous cherchons également à être élus à la présidence de l'Assemblée générale des Nations unies en 2035. Nous considérons également qu'il s'agit d'une réalisation majeure pour la politique étrangère grecque. Derrière tout cela, comme vous pouvez le constater, il n'y a pas la vaine tentative d'un petit pays de se dépasser au niveau international. Au contraire, il s’agit de l'effort d'un pays européen de taille moyenne visant à mettre en avant le droit international, le bon voisinage et le respect des droits de l'homme comme l'élément principal de la présence d'un pays moderne sur la scène internationale.
Permettez-moi de conclure en disant que dans la sombre réalité de 2022 pour la communauté mondiale, les jeunes Grecs peuvent voir un avenir meilleur. Mais pour y parvenir, le pays devra travailler dur, mais conformément aux mêmes principes qui l'ont amené ici : le respect du droit international, du droit international de la mer, de notre prochain, de la communauté mondiale.
Merci beaucoup.
July 14, 2022