Monsieur le Président, Votre Sainteté, Vos Béatitudes, personnalités religieuses, politiques et scientifiques éminentes de notre région, je vous remercie tous d’être venus à Athènes pour discuter de la nécessité de protéger et de soutenir le développement des communautés religieuses et culturelles au Moyen-Orient.
J’aimerais remercier les chefs des Eglises, des dogmes les plus différents et notamment le Patriarche œcuménique, pionnier de la diplomatie verte et de la diplomatie religieuse.
Je remercie le Président de la République, Prokopis Pavlopoulos qui nous soutient toujours dans notre politique étrangère. Je remercie également le Premier ministre Alexis Tsipras pour son soutien, qui prononcera une allocution lors du dîner.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont unis avec la Grèce par des milliers d’années d’histoire commune. Nos civilisations, ici dans la région, se sont influencées mutuellement et les doctrines religieuses de l’Occident sont dans une large mesure nées dans cette région.
Si aujourd’hui nous pouvons être fiers de l’influence de la civilisation et de la science grecques en Occident, similaire à l’influence de la civilisation chinoise en Orient, c’est parce qu’elle a été sauvegardée et reproduite par les Arabes et la civilisation répandue liée à l’islam.
La Méditerranée n’est pas seulement un bassin géographique constitué d’intérêts géopolitiques forts. Elle est avant tout une région de reproduction de l’histoire, des traditions, de la civilisation et de la science, à travers une influence mutuelle continue des religions les plus différentes, des civilisations, des systèmes institutionnels et des relations interpersonnelles.
Ces régions ont, à travers des millénaires, connu et assimilé les principes, les idées, les programmes et les projets sociaux les plus différents. Elles ont toutefois dans le même temps présenté une particularité positive : elles mettent en œuvre, dans une certaine mesure depuis l’Antiquité, des visions et des idées qui, aujourd’hui, sont considérées comme étant profondément démocratiques. Souvent, elles mettent en œuvre, avec certes de grandes difficultés et des bouleversements profonds, des idées et des visions contribuant à la nouveauté occidentale. Dans les régions que nous aborderons lors de ces deux jours ont été mises en œuvre des formes de multi-religiosité et multi-culturalité. Les courants culturels et religieux les plus différents ont même coexisté de manière pacifique. Des courants de l’Islam, des Eglises du Christianisme, des croyances plus anciennes, ont formé dans certaines régions des sociétés multiculturelles et multi-religieuses. Celles-ci sont aujourd’hui détruites par des extrémistes qui invoquent des principes religieux.
Les extrémistes ne se considèrent pas comme un médiateur entre les hommes pécheurs ou vertueux et Dieu, ce qui leur aurait permis de comprendre qu’il y a des choix différentes. Mais au contraire, ils se considèrent comme un messager exclusif de Dieu auprès des hommes, un messager unique ayant un droit de vie ou de mort sur ces hommes.
Le sentiment qu’ils sont les maîtres et non les servants du message divin, maîtres du reste des Hommes et non leurs fervents partisans, justifie leur action inhumaine et fondamentalement antireligieuse. Ils détruisent des communautés culturelles et religieuses, la richesse du Moyen-Orient et de la partie sud de la Méditerranée. Permettez-moi de vous rappeler la coexistence des patriarcats orthodoxes de l’Orient dans des régions où prédominent les populations musulmanes. J’aimerais rappeler l’aide fournie par l’Etat égyptien concernant le Monastère du Sinaï. S’agissant de ce dernier, il existe un acte du prophète Mohammed ayant cédé des droits et portant l’empreinte de sa paume.
Les extrémistes commettent des crimes au détriment de l’homme et de l’humanité, ils bafouent les droits et les valeurs, les règles de vie pacifique et de coexistence pacifique. Ils détruisent les monuments, détruisent l’histoire, mais celle-ci leur répondra, puisqu’ils ne la respectent pas.
Aujourd’hui, nous sommes invités à contribuer à la défense des droits de l’homme, avant tout du droit à la vie, mais aussi des droits sociaux ainsi que de la liberté de millions d’hommes. Leurs droits à rester dans les foyers de leur civilisation, de choisir leur doctrine et croyance religieuse.
La guerre en Irak dure depuis plus de 13 ans, mais aussi en Afghanistan, avec d’importantes conséquences au Pakistan. Quatre années en Syrie déjà. Les jeunes générations perçoivent les guerres comme un phénomène permanent d’une vie sans issue. Ces guerres poussent les jeunes générations à fuir, à devenir des réfugiés. Des régions tout entières sont désertées, l’identité du Moyen-Orient se transforme et les conséquences sont inconnues. Le berceau de grandes civilisations se perd.
La défense du droit au pluralisme culturel et religieux est un combat contre la guerre, en faveur de l’atteinte d’une solution politique en Syrie et globalement au Moyen-Orient, en faveur de la création de l’Etat de Palestine et de la garantie de la sécurité de l’Etat d’Israël.
La défense des droits à la vie de citoyens ordinaires, à leur culture et à leur croyance implique plus spécifiquement la défense des droits des femmes et des enfants. Elle implique également la promotion de grands projets de reconstruction de l’ensemble de la région. Il convient, je dirais, d’augmenter, de multiplier l’aide économique vers les organisations internationales, notamment l’ONU, destinée à contenir dans un premier temps les futurs réfugiés dans leurs camps et par la suite à les réinstaller dans leur pays. Par ailleurs, nous devrons tous ensemble garantir que les peines les plus lourdes soient prévues pour les réseaux de passeurs et leurs patrons.
Les peuples de la Méditerranée sont des peuples fiers. Cela vaut tout d’abord pour les millions de Syriens qui fuient aujourd’hui leur patrie. Nous savons qu’aucun d’entre eux n’aurait souhaité quitter son pays, si la violence et la guerre ne les y avait pas poussés.
Aujourd’hui, la Grèce promeut une politique étrangère multidimensionnelle, elle soutient la solution politique du problème syrien, elle demande à l’Union européenne et promeut la création d’une stratégie spéciale ayant les caractéristiques d’un partenariat à long terme avec la Jordanie et le Liban.
La pierre angulaire des évolutions dans la région, nous le soulignons – en tant que Grèce – auprès des instances de l’Union européenne et de l’ONU, est pour nous la sécurité et la stabilité dans la région en général et en Egypte en particulier. Personne, mais personne, ne peut ouvrir la boite de Pandore et pour des raisons d’idéologie permettre la déstabilisation des régions et des Etats que je viens de mentionner.
Dans le cadre d’une telle politique de stabilité, une solution équitable à la question chypriote y contribuera pleinement, sans force d’occupation, sans le maintien d’un régime des garanties obsolètes. Avec des Chypriotes turcs qui auront le sentiment que Chypre est leur patrie, dans laquelle leurs enfants peuvent et veulent vivre, qui rêveront d’un meilleur avenir. Avec des Chypriotes grecs qui vivront en sécurité et en toute sérénité.
Comme je l’ai mentionné, dans l’espace international, dans notre région se produisent de profonds bouleversements géopolitiques. Dans le triangle Ukraine – Libye – Syrie et Irak il y a la Grèce qui apporte de la stabilité et de la sécurité à la région. Et ce, en dépit de la longue crise économique que traverse le pays. La Grèce qui comprend les préoccupations des peuples de la région, avec lesquels elle est unit par des liens profonds d’amitié.
Une amitié fondée sur des liens historiques et la possibilité pour mon pays d’agir toujours en tant que médiateur entre des parties ayant des expériences différentes et ne se faisant pas forcément confiance. Nous avons la connaissance, les moyens et les méthodes pour aider quiconque ressent la nécessité d’avoir à ses côtés un tel ami fidèle. Nous entretenons des relations amicales avec toutes les parties de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient et nous sommes toujours prêts à apporter notre aide, loin des feux de l’actualité.
Par ailleurs, nous aidons et pouvons le faire encore plus systématiquement – quiconque souhaite avoir un ami fidèle et un fervent partisan au sein de l’Union européenne. Un ami qui n’a pas des arrières pensées et des intérêts propres et qui est lié à notre histoire commune.
Le déracinement de millions de personnes en raison de la guerre, le fanatisme et l’autoritarisme extrême créent un immense courant de réfugiés et de migrants. Quiconque y réfléchit, se souviendra sans doute que dans chaque religion il y a les hommes divinisés migrants, les prophètes qui migrent pour transmettre le message de Dieu ou encore les saints des saints. Tous, indépendamment de la religion et de la culture, ont défendu la valeur de l’homme et sa vie en tant que bien suprême.
S’agissant des réfugiés, comme le dit toujours très justement notre Président, ce qui importe aujourd’hui est de défendre la valeur humaine. Et nous sommes fiers en tant que Grecs car, en dépit de cette crise profonde que traverse notre pays, notre peuple, les citoyens ordinaires dans les îles grecques et dans d’autres régions, ont montré leur visage humain, leurs valeurs, ils se sont comportés d’une telle façon qui est digne de notre civilisation et des valeurs religieuses auxquelles nous croyons.
Ils ont montré qu’ils n’étaient pas disposés à se soumettre aux mouvements néo-nationalistes, à des cris antihumanistes anarchistes, à des opportunismes politiques. Notre peuple souhaite la modération et le sérieux. La coopération étroite que nous avons avec nos voisins, comme la Bulgarie et la Turquie, joue un rôle important dans la lutte contre le problème contemporain des réfugiés. Une coopération basée sur le droit international et non sur des marchandages. Et bien entendu coopération n’est pas du tout synonyme de patrouilles, que ceux qui pensent pouvoir parler sans respect pour les droits souverains de notre pays et de tout pays l’oublient.
J’aimerais, depuis cette tribune, remercier les églises et notamment l’Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce pour l’aide offerte aux migrants et aux réfugiés, comme ils l’ont fait pendant toutes ces années avec les personnes socialement vulnérables.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons – en tant que Grèce – un pays carrefour des civilisations et des religions, une passerelle de trois continents, un médiateur fiable – nous soutenons la nécessité d’un dialogue interculturel et interreligieux, avec le soutien des scientifiques et des institutions.
Notre message et le message de cette conférence est la coexistence pacifique des différentes doctrines, conceptions et convictions. La tentative de faire prévaloir une opinion sur une autre ou encore un dogme, n’a pas seulement détruit les régions où cela a été imposé, mais a provoqué – et continue de provoquer – des maux dans des régions plus élargies.
La suppression du pluralisme dans les régions mentionnées par notre Conférence aura des conséquences négatives sur toute la planète. L’étude de la mondialisation nous l’enseigne. La civilisation humaine est souvent le produit d’individus, mais toujours le résultat de processus collectifs, comme les religions qui mettent en valeur des valeurs humanitaires. Des valeurs que nous, les hommes comme moi, comme tous ceux qui exercent une activité dans le domaine de la politique étrangère, devons transformer en valeurs politiques et, par extension, en réalité sociale.
Enfin, j’aimerais dire que nous soutenons et promouvons la création d’un observatoire international avec la contribution de tous ceux qui d’entre nous le souhaitent, afin qu’ensemble nous contribuions au dialogue le plus fructueux possible sur les communautés dans la région, au recensement et à l’observation des crimes contre l’humanité et sa mémoire, afin de prévenir de nouveaux crimes contre les religions et les civilisations. Je vous remercie d’être venus à Athènes. Je vous souhaite de très bons travaux. Merci.
October 19, 2015