Monsieur le Président de la Chambre de commerce gréco-américaine, je vous remercie chaleureusement pour votre accueil, pour l’occasion que vous me donnez encore une fois de m’adresser à une audience nombreuse et très distinguée, que l’on retrouve toujours lors de ces rencontres organisées par la Chambre depuis 24 années.
J’aimerais vous féliciter pour cet effort et parce que vous avez mis sur pied une institution que l’on utilise chaque année comme tribune de débat public pour réfléchir autour de la question du parcours de l’économie grecque. Le thème de cette année, le nouveau modèle économique et productif grec, les réformes, les investissements, la croissance, aurait pu être traité très facilement si l’on ne se trouvait pas dans cette conjoncture de crise depuis de très nombreuses années.
La description du nouveau modèle économique et productif grec va, je dirais, de soi, car un tel modèle est manifestement fondé sur tous les éléments façonnant la compétitivité nationale. Les avantages comparatifs nationaux, lesdites ressources endogènes qui ne sont autres que la terre elle-même et les hommes. La terre, comme j’ai coutume de le dire, signifie beaucoup de choses. La terre c’est la géographie, c’est l’histoire, la culture, le tourisme, la mer, les montagnes, le patrimoine culturel, la production agricole.
Et les hommes c’est encore plus que cela. Notre capital intellectuel, les capacités, l’innovation, tous ces éléments qui créent la grande plus-value nationale, c’est une ressource endogène. D’ailleurs toutes les études réalisées sur le nouveau modèle de croissance de l’économie grecque convergent, je dirais, et se répètent presque de façon monotone, en révélant de toute évidence les domaines qui sont en première ligne d’un nouveau modèle de production.
Le secteur agroalimentaire, que ce soit le secteur primaire ou l’industrie alimentaire, l’accent étant mis sur la qualité, la normalisation, l’appellation ; ou encore le tourisme grec qui est la force motrice de l’économie grecque avec l’avantage comparatif de la civilisation. La marine grecque qui est une puissance mondiale, les transports maritimes et autres, l’énergie, les ressources naturelles. Tous ces éléments qui peuvent créer ce que l’on appelle « l’extraversion » de la Grèce.
Et bien entendu les conditions à ce nouveau modèle économique et productif sont également manifestes. La première de ces conditions est l’existence d’un Etat normal, un Etat qui a une administration favorable aux investissements, une autonomie, et qui est corrélé à une société favorable aux investissements. Un Etat qui a des mécanismes de pouvoir judiciaire, des mécanismes rapides, efficaces et fiables. Un Etat qui peut offrir une sécurité de droit et avant tout un régime fiscal sûr, stable et simple.
Un modèle jouissant du soutien financier du système bancaire, qui a accès à l’emprunt à un coût raisonnable. Un système financier qui est de nouveau en contact avec l’économie réelle. Une activité de production, notamment industrielle, avec un coût d’énergie peu élevé. Des ressources hors système bancaire que l’on peut trouver dans le nouveau CRSN. Et bien entendu, tout cela présuppose – je le dis très rapidement – la cohésion sociale pour la protection des groupes vulnérables, mais avant tout une stabilité et un consensus politiques.
Si tout ce que je viens d’énumérer se produisait, les choses seraient très simples et très faciles. Malheureusement, et j’en viens au principal sujet de mon intervention, car j’ai commencé par le préambule et non par ce que vous pensiez être le principal sujet. Tout cela, malheureusement, est surplombé par l’apparition d’une soi-disant question demeurée en suspens, injuste et injustifiable, entre la Grèce et nos partenaires européens et internationaux, notamment le FMI, et qui est de savoir si la Grèce veut ou peut mener à bien le programme d’adaptation budgétaire particulièrement difficile. Ou encore si la Grèce se dirige vers la voie de sortie de la crise ou si elle fait marche arrière.
Tout cela, vous pouvez bien vous l’imaginer, crée une atmosphère injuste au niveau national et international et sape nos efforts nationaux et les efforts en général de la zone euro et de l’Union européenne afin de sortir définitivement de la crise.
Cela a malheureusement lieu au niveau institutionnel et politique. Avec les institutions qui participent à la troïka et avec nos autres partenaires institutionnels. Autrement dit, cela a lieu au niveau du secteur public international, tandis que le secteur privé international semble très bien comprendre et se positionner très clairement pour ce qui est de la Grèce.
Le secteur privé international pense que la Grèce est près de sortir de la crise. Que la Grèce apparaît comme une opportunité. Une opportunité d’investissement. Une opportunité de réorganisation du fonctionnement de l’économie grecque et bien entendu cette opportunité appartient avant tout aux Grecs eux-mêmes et à la nouvelle génération notamment, même si la société grecque conçoit tout cela par nécessité, en raison des pressions subies depuis des années, moins que le secteur privé international qui, grâce à son état de préparation au niveau entrepreneurial est à l’avant-garde par rapport aux perspectives de l’économie grecque.
Tout cela apparaît très clairement dans la manière dont les agences de notation envisagent le pays et le fait qu’elles revoient à la hausse sa note de crédit, contrairement à d’autres pays européens puissants du noyau dur de la zone euro qui sont dégradés.
Tout cela apparaît également dans la façon dont fluctuent les spreads, dont fonctionne le marché des obligations émises après le PSI. Cela apparaît dans les nombreux communiqués et études réalisées par un grand nombre de banques internationales. Cela apparaît aussi dans le mode de fonctionnement des funds qui se tournent vers la Grèce et mettent à disposition de la Grèce d’importants capitaux.
Nous espérons que cela sera visible au niveau des privatisations et je suis certain que cela sera visible très vite au niveau des évolutions dans le secteur bancaire grec. Je suppose que les privatisations s’accélèreront et ainsi nous acquerrons de nouveau des capitaux que l’Etat grec a mis à disposition pour la recapitalisation des banque, et ce, bien avant et mieux que ce qui avait été initialement prévu.
J’aimerais, devant cette audience à laquelle je m’adresse chaque année depuis plus de vingt années, depuis la création de l’institution, dire en toute honnêteté où nous en sommes, selon moi, aujourd’hui, après six années de récession et quatre années d’efforts pour sauver le pays et permettre la reprise de l’économie grecque.
Tout d’abord, comme j’ai eu l’occasion de le dire très récemment devant le Parlement hellénique, en Grèce, mais aussi au niveau international, nous confondons la crise en tant que telle, c’est-à-dire les raisons et l’année d’apparition de la crise avec les efforts consentis en 2010 pour y faire face. Des efforts douloureux qui ont été suscités par la crise. Ces efforts ne constituent pas la crise.
Bien entendu, ces efforts ont bien fait sentir les conséquences de la crise, conséquences qui existaient et qui sapaient la société, l’économie, voire les institutions politiques, même si elles n’étaient pas encore visibles à l’œil nu.
En outre, ces efforts s’accompagnent d’importants effets secondaires au détriment de l’économie grecque, qui sont dus à la mauvaise conception du programme qui nous a été imposé par nos partenaires institutionnels car il n’y avait aucun modèle qui avait été testé auparavant pour lutter contre la crise.
Et s’il n’y avait pas de modèle testé auparavant, c’est parce que la conception même de l’euro, de la zone euro était dès le départ le résultat d’un volontarisme politique et que cette conception était prévue pour fonctionner dans des conditions normales.
Des conditions de normalité permanentes de l’intégration européenne et de la zone euro et de l’économie internationale. A l’instar de la paix perpétuelle de Kant en philosophie, les pères de l’euro et de la zone euro avaient pensé aux conditions de la normalité perpétuelle, sans songer à l’éventualité d’une crise, d’un recul et que ce que l’on considère comme acquis et allant de soi allait cesser d’être considéré ainsi.
Par ailleurs, comme vous pouvez l’imaginer, un programme qui aurait été meilleur, d’une application plus lente et plus souple aurait coûté plus cher à nos partenaires. Ce programme aurait nécessité un prêt plus élevé. Un prêt que la Grèce aurait remboursé avec fiabilité. Mais tout cela n’est pas toujours facile à expliquer à des partenaires non préparés lorsqu’une crise balaye toute une région monétaire, comme l’euro.
Mais il est vrai que, nonobstant ces problèmes, nonobstant les difficultés de la négociation et malgré le fait que nous avions en face de nous une Europe non préparée, une Europe conservatrice du point de vue politique, une Europe qui pense économie de la manière simpliste de l’école néolibérale, ce plan n’a pas été là au moment où nous en avions besoin. C’est-à-dire un autre plan, meilleur, au premier semestre 2010. Un plan B. Il n’y a pas eu de plan B et il n’y en aura jamais.
Je me suis demandé maintes fois si le plan A, qui concerne le gros effort de reprise et d’adaptation de l’économie grecque au sein de la zone euro, de l’Union européenne, pouvait dès le départ être meilleur. Et la réponse est positive. Ce plan aurait pu être meilleur dès le départ si nos partenaires l’avaient compris.
Le fait que le plan A initial s’est par la suite amélioré, avec ledit deuxième plan, le deuxième programme qui a définitivement été approuvé en février 2012 montre que cet effort aurait pu être meilleur dès le départ, encore aurait-il fallu que le consensus et le financement soient au rendez-vous. Si le PSI avait eu lieu avant. Si le montant du prêt était dès le départ plus important, aux alentours des niveaux actuels, à savoir 250 milliards. Si nos partenaires avaient fait preuve d’une flexibilité suffisante pour pouvoir faire face à un phénomène qui n’avait pas été prévu, même s’il aurait dû être prévu et signalé en temps utile par les dispositifs d’alerte, qui n’avaient pas fonctionné.
Le fait d’ailleurs que ces dispositifs n’avaient pas fonctionné explique également la décision des gouvernements européens puissants d’imposer la présence du FMI au sein de la zone euro, pour montrer le manque de confiance qu’ils éprouvaient à l’égard de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne concernant le fait que la crise n’avait pas été prévue et que les dispositifs institutionnels d’alerte sur l’évolution de la crise n’avaient pas été activés à temps.
Mais en plus de cela, nous avons un FMI qui n’a pas encore trouvé son équilibre, en dépit du fait qu’il a été appelé à jouer un rôle aussi important. Il n’a donc pas encore trouvé son équilibre dans sa dimension européenne, ni vis-à-vis de ses analyses et évaluations, qu’il conteste par la suite, ni dans son rapport avec la Commission européenne.
Vous savez tous que le programme d’adaptation budgétaire reposait dès le départ sur deux piliers. Le premier pilier de l’adaptation budgétaire au sens littéral, était crucial certes, mais s’il nous fallait le financer et le concevoir tous seuls, jamais nous ne l’aurions conçu ainsi. Jamais nous n’aurions eu une adaptation aussi rapide, aussi exigeante et aussi violente.
Mais il n’y avait pas d’autre solution. Compte tenu du déficit primaire qui atteignait les niveaux record de 12% du PNB, 24 milliards d’euros, nous n’avions pas d’autres choix.
Néanmoins, après les efforts titanesques du peuple grec, nous sommes parvenus à un exploit budgétaire sans précédent. La Grèce peut aujourd’hui renforcer sa crédibilité, en présentant le plus grand excédent structurel primaire en Union européenne et dans la zone euro et le plus grand excédent nominal.
J’ai lu un article ces derniers jours dans la presse grecque et internationale qui indique que l’excédent structurel de la Grèce est bien plus grand que celui de Singapour et que son excédent nominal est bien plus grand que celui de la Suède.
Par ailleurs, nous devons présenter une dette souveraine réduite quant à sa valeur nominale, de 135 milliards d’euros, soit 65 points du PNB, une dette souveraine radicalement restructurée, avec une plus grande durée moyenne, un taux moyen plus réduit, avec de meilleures maturités. Une dette souveraine qui, en grande partie, est exprimée en obligations zéro-coupon, autrement dit, une dette souveraine qui est très près de la viabilité et dont la viabilité relève davantage de petites interventions techniques associées à une volonté politique très forte.
Le deuxième volet du programme, nous aurions du le décider plus tôt. C’est l’adaptation structurelle. Il est particulièrement difficile, je vous assure, d’appliquer en même temps un programme d’adaptation budgétaire ambitieux, qui signifie baisse des revenus, baisse des salaires et des retraites, qui signifie une profonde récession cumulée, qui signifie une hausse du chômage, et des changements structurels ambitieux qui nécessitent un consensus, une résistance sociale et institutionnelle et qui entraînent toujours un coût politique très élevé.
En dépit de tout cela, la Grèce a un secteur bancaire radicalement restructuré. Elle a changé radicalement le marché du travail et le coût du travail par unité de produits a été fortement comprimé. Nous avons un système de sécurité sociale radicalement différent. Et force est de souligner que dans une large mesure – mais pas encore de façon satisfaisante – nous avons ouvert certaines professions et marchés.
Les programmes de privatisation avancent, en dépit des immenses difficultés posées par la Commission européenne elle-même pour des raisons juridiques, notamment liées au droit de la concurrence et aux aides d’Etat. Des interventions importantes commencent à se produire dans l’administration publique, notamment à travers cette institution qu’est la mobilité.
D’importants entités et organismes du secteur public ont été restructurés, parfois de manière plus radicale que les entreprises du secteur privé. Les dépenses publiques ont été fortement réduites et cela concerne la grille de salaires unique, les médicaments, les autres dépenses liées à la santé.
Nous n’avons pas atteint un niveau satisfaisant pour ce qui est de la législation fiscale, mais nous sommes otages de mesures d’urgences que nous devons continuer à appliquer pour réaliser les objectifs fiscaux très rigoureux et urgents et dans le même temps nous avons amélioré notre préparation en vue d’utiliser les ressources du nouveau CRSN, en créant de nouvelles institutions, comme l’Institution for Growth, à savoir la création de canaux de financement de l’économie qui fonctionnent parallèlement au système bancaire.
J’aimerais que nous regardions le tableau d’ensemble en chiffres. Au cours des quatre dernières années, des mesures qui ont coûté globalement 70 milliards à l’économie ont été prises. Soit 35 points du PNB. L’adaptation en termes de déficit primaire dépasse 23% du PNB. La récession cumulée, 25% du PNB. Les revenus disponibles ont baissé de 35% à 40%. Le chômage de la population générale excède 27% et 60% pour les jeunes jusqu’à 24 ans. Nul besoin de mentionner le coût politique et institutionnel.
Après tout cela, on peut se demander ce qui justifie un nouveau cycle de frictions, de retards et de tensions avec la troïka ? A mon avis, rien. Mais quoi qu’il en soit, imaginons qu’il puisse y avoir des raisons probablement d’ordre institutionnel. Le fait que nous traversons une nouvelle période de transition en Allemagne en vue de la formation du nouveau gouvernement de la grande Coalition ? Heureusement, cela se termine.
Nous voulons un gouvernement allemand fort qui peut jouer son rôle de leader au sein de l’Europe, un gouvernement allemand qui comprend les problèmes européens, les priorités européennes et l’avantage que représente l’Europe pour l’Allemagne.
Y a-t-il un problème dans les relations entre le Fonds monétaire international et la Commission, dont nous subissons les conséquences ? Probablement. Y a-t-il une inertie européenne généralisée en raison des élections européennes imminentes et de la nécessité de synchroniser certaines évolutions dans différents pays ? Peut-être.
Mais lesdites « raisons pédagogiques » ne peuvent pas fonctionner dans le cas de la Grèce. Car le peuple grec, en toute conscience et presque toujours sans se plaindre, si l’on songe à l’ampleur de la pression et des sacrifices, a réalisé un exploit budgétaire et structurel sans précédent. Donc, le « recyclage » de ce débat est absolument injuste et contre-productif.
Par ailleurs, il n’a pas de contenu technique, il ne fait aucun sens du point de vue technique, car la discussion sur le fameux « écart budgétaire » et la discussion sur ledit « écart financier », est un débat qui renvoie à la viabilité de la dette, seulement la viabilité de la dette ne dépend pas de facteurs qui sont seulement budgétaires, qui concernent le numérateur de la fraction « dette sur PNB », mais de facteurs macroéconomiques, des objectifs liés au dénominateur de la fraction.
Car si l’on atteint les objectifs budgétaires pour ce qui est du déficit, l’excédent primaire, et que l’on rate les objectifs par rapport à un retour vers des taux de croissance positifs, on ne produit pas – en termes de chiffre, de croissance au niveau social ou politique – le résultat nécessaire qui est la réduction géométrique de la dette.
Donc, est-il si difficile de s’accorder sur le fait que les objectifs sont macroéconomiques, que les exploits budgétaires sont notables, voire uniques et que la Grèce mérite bien de se sentir en sécurité et cette reconnaissance doit être vraie et non juste de beaux discours.
Ce que nous voulons donc, en tant que pays, en tant que nation, en tant que société est ce que j’ai dit. Premièrement, une vraie reconnaissance des sacrifices du peuple grec et non une reconnaissance artificielle mais aussi comprendre ce que la société grecque et l’économique grecque peuvent endurer.
Deuxièmement, nous voulons faire comprendre que, pour les raisons que j’ai expliquées, toute discussion sur des mesures budgétaires supplémentaires est inutile, voire dangereuse. Donc, pas de mesures budgétaires supplémentaires qui cannibalisent les objectifs macroéconomiques.
Troisièmement, nous voulons un débat institutionnel sérieux et avant les élections européennes avec nos partenaires sur le parachèvement du programme en rapport avec les besoins de financement ; c’est-à-dire concernant la confirmation de la viabilité et des capacités de réduire la dette publique grecque sans problèmes avec aucun autre pays, aucun autre parlement et sans grever réellement les contribuables européens.
J’ai eu l’occasion, avant-hier, lors de la rencontre avec le Bureau du Parlement européen, de dire, en m’adressant au Président du groupe parlementaire de la gauche européenne, que oui, des prêts bilatéraux ont été octroyés à la Grèce par les autres pays de la zone euro dans une première phase, par la suite un grand prêt a été octroyé par le dispositif européen, l’EFSF, avec la garantie des actionnaires, qui sont les Etats membres.
Mais ces prêts sont honorés, aucune garantie n’a été perdue, notamment pour le premier prêt interétatique, intergouvernemental de l’Allemagne, KFW intervient avec la garantie du secteur public allemand, donc aucun budget, aucun contribuable n’a été grevé.
Le seul cas où le budget d’un autre Etat membre ou un contribuable d’un autre Etat membre pourraient être grevés serait de saper le programme grec et que la Grèce ne puisse pas s’acquitter de ses obligations liées au prêt. Et j’imagine que personne ne souhaite cela.
Lorsque nous sommes donc devant un tel tableau d’ensemble, les provocations injustifiées quant à la résistance de notre société, de notre démocratie et bien entendu de l’économie réelle du pays sont le moins que l’on puisse demander. Combien la question de la mise aux enchères de la première résidence des ménages pauvres ou moyens est-elle cruciale dans ce tableau d’ensemble ? Combien cette question est-elle cruciale pour le système bancaire grec, pour ladite culture de la conformité aux obligations liées au prêt, pour la sortie de la crise de la Grèce ?
Je vous assure que ce n’est pas du tout crucial. Ce que dit le gouvernement grec est en totale harmonie avec les banques systémiques grecques. Le problème des banques grecques ce ne sont pas les prêts au logement ou à la consommation non honorés des ménages pauvres ou moyens. Certes, il y a un problème avec les prêts d’entreprise non honorés, certes il y a une nécessité impérieuse pour les banques de se reconnecter avec l’économie réelle et de diriger un effort courageux de restructuration des affaires financières des entreprises grecques, afin que l’économie grecque puisse sortir plus forte de la crise.
Mais la mise aux enchères des premières résidences des ménages pauvres et moyens ne jouent aucun rôle. Car on parle de ménages dont on menace de saisir la maison en raison d’obligations fiscales ou d’assurance non honorées. Et il faut voir de manière globale le profil des charges d’une famille à bas revenus ou à revenus moyens. Les obligations ne sont pas seulement des obligations bancaires, mais fiscales et d’assurance.
Maintenant que la Grèce a changé radicalement le marché du travail, a rendu les relations du travail particulièrement flexibles et a réduit considérablement le coût unitaire du travail, combien est-il difficile de dire « je veux retirer les garanties des licenciements collectifs », qui sont par ailleurs prévues s’il y a un problème quelque part, un réel problème de survie d’une grande entreprise ?
Donc, je refuse et nous refusons en tant que pays, en tant que société, que système politique, en tant que Parlement, d’admettre qu’une telle discussion est logique. Une telle discussion désoriente en termes économiques. C’est notre rôle. Et permettez-moi de dire que c’est mon rôle personnel, le rôle du président du PASOK.
Car, en tant que président du PASOK et partenaire gouvernemental, j’exerce également les fonctions de vice-premier ministre et de ministre des Affaires étrangères. Sans considérer le coût politique, personnel ou pour le parti. Car si nous regardions les sondages, qui sont mauvais pour tout le monde, si nous considérions le coût, la Grèce n’existerait pas. Et si elle existait, elle serait un paysage de désolation, un pays désert. Et non un pays membre de l’Europe et de l’Union européenne.
Donc, ce que nous voulons, ce n’est pas une négociation politique qui nous fait des faveurs au niveau économique. Non. Nous voulons une négociation économique avec des interlocuteurs institutionnels intelligents et valables qui sont légitimés, qui comprennent ce qui se passe et qui ne sont pas pris dans la bureaucratie. C’est ce que nous demandons. Et je dois vous dire que je suis particulièrement optimiste, précisément parce que nous avons ces données. Et je suis optimiste parce que la logique politique, la logique des chiffres prévaudra à la fin.
Dans ces conditions, la Grèce après la crise, exerce à partir du 1er janvier 2014 la Présidence hellénique du Conseil de l’Union européenne. Car j’ai entendu un ami à moi, le maire de Thessalonique, Yannis Boutaris, dire « Est-ce que la Grèce n’aurait pas dû laisser passer sa place et ne pas assumer la présidence ? », mais nous entrons dans le semestre du grand débat européen sur ce que doit être le récit de la nouvelle Europe, sur la question de savoir s’il peut y avoir une zone euro et une Union européenne qui puissent gérer des crises, relever de manière dynamique les défis et survivre dans une conjoncture économique mondiale difficile.
Car l’Europe a d’énormes désavantages, sa population baisse, vieillit, perd des avantages comparatifs comparé à d’autres régions économiques. Il est très important que la Grèce soit présidente le semestre des élections européennes.
Car on doit engager un débat. Et ce débat ferait bien de se souvenir ce qui s’est passé en Grèce, au Portugal, en Irlande, en Espagne, en Italie, quelles pressions sont exercées sur la France, pourquoi la note de crédit des Pays-Bas est abaissée, pourquoi y a-t-il des partis d’extrême droite, nazis, non seulement en Grèce, mais aussi en Slovaquie, en Autriche et dans beaucoup d’autres – malheureusement – pays de l’Union européenne.
Sommes-nous l’épicentre de la crise ? Nous méritons d’être également l’épicentre d’une Europe après la crise. Nous devons agir en tant que membre égal du point de vue institutionnel de l’UE. Et nous devons regagner notre crédibilité, notre fierté et notre dignité.
Le peuple grec demande maintenant d’exercer un droit fondamental, son droit à l’optimisme, qui suppose le droit à la sécurité et à la stabilité. Le droit à la reconnaissance des sacrifices. Et personne ne peut nous priver de ce droit.
Je vous remercie.
December 2, 2013