Discours du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos lors de la réunion conjointe des comités "Affaires étrangères et Défense" et "Affaires européennes" du parlement sur les priorités de la présidence hellénique du Conseil de l'UE au cours du premier semestre de 2014 (13/11/2013)
Monsieur le président, Mesdames et messieurs les députés,
La Grèce se prépare à assumer, pour la cinquième fois depuis son adhésion à l'UE – les Communautés européennes, la présidence du Conseil. Nous avons par conséquent une longue expérience en la matière.
La première fois que nous avons exercé la présidence était aussitôt après notre adhésion. C'était la première présidence du palais Zappeion. Par la suite, notre présidence qui a culminé avec la réunion au sommet de Rhodes a laissé des impressions très positives. La troisième présidence hellénique a été assimilée à une vague d'élargissement très importante de l'UE. C'était à cette époque là - ce qui a été déterminant pour nous - qu'a été lancé le processus d'adhésion de Chypre à l'UE, lors de la réunion au sommet de Corfou tenue entre l'UE et la République de Chypre.
La quatrième présidence a été celle de 2003 qui a culminé avec la réunion au sommet de Thessalonique et l'adoption de la Constitution européenne laquelle, à défaut d’avoir été ratifiée, a conduit au Traité transitoire de Lisbonne.
Par conséquent, notre présidence n'est pas quelque chose de nouveau pour nous comme dans le cas des nouveaux pays de l'UE, mais elle nous offre l'occasion de mettre de nouveau en avant le profil institutionnel de la Grèce au sein de l'UE et de promouvoir la physionomie de la Grèce qui est un Etat-membre de l'UE de plein droit du point de vue institutionnel, au-delà de la crise, au-delà de la discussion engagée sur le Mémorandum, au-delà de la discussion sur nos besoins budgétaires et financiers, une situation que les Grecs et les Grecques ne méritent pas et qui limite le champ dans lequel est engagé en Grèce ce débat public sur l'Europe.
Dans le nouveau cadre institutionnel du Traité de Lisbonne, la présidence semestrielle tournante a un champ d'action limité par rapport au passé. Jusqu'au Traité de Lisbonne, le pays qui exerçait la présidence avait en effet une grande marge de manœuvre en matière d'initiatives à caractère politique, pour ce qui est notamment des questions majeures ayant trait à la politique étrangère et à la politique d'élargissement. Sans aucun doute, la présidence semestrielle tournante du Conseil est limitée du fait de l'existence des présidences permanentes. Le Président permanent du Conseil européen joue un rôle très important et définit dans une large mesure l'ordre du jour. Quoi qu'il en soit, il préside un Conseil qui se tient à Bruxelles et non pas dans le pays qui exerce la présidence.
La Haute Représentante de l'UE et vice-présidente de la Commission européenne, Mme Ashton, a ses propres responsabilités très importantes et préside le Conseil des Affaires étrangères. Elle coordonne l'action extérieure de l'UE, préside le Conseil des Affaires étrangères – siégeant dans sa composition des ministres de la Défense et non seulement dans celle des ministres des Affaires étrangères – et le Conseil administratif de l'Agence européenne de défense.
En outre, la présidence permanente de l'Eurogroupe vient en réalité changer de manière radicale les données institutionnelles, dans le cadre desquelles évolue la forme la plus élargie de coopération au sein de l'UE, à savoir la zone euro. Car, le Président permanent de l'Eurogroupe, le deuxième après Jean-Claude Juncker, peut, sans aucun doute, influer sur le climat des réunions et des discussions, le rapport des forces étant toutefois féroce. Ce rapport provient des données budgétaires et de la puissance économique des Etats membres de la zone euro.
Par conséquent, cette image justement, au sein de l'Eurogroupe, est l'image d'une Allemagne qui dirige et décide du sort des 16 autres pays qui sont appelés à suivre ce rythme, sans que les moindres prétextes institutionnels du Conseil de l'UE soient fournis, à savoir de l'ECOFIN dans sa composition des ministres de l’Economie et des Finances.
Bien évidemment, la présidence semestrielle tournante préside le Conseil des Affaires générales, par conséquent toutes les questions qui ne sont pas débattues lors des réunions tenues dans les compositions plus spécialisées du Conseil relèvent de la responsabilité générale de la présidence. Elle préside également des réunions siégeant dans des compositions importantes. Toutes les réunions sont importantes et certaines sont, bien évidemment très importantes, comme l'ECOFIN et le Conseil "Justice et Affaires intérieures" dont le champ de compétence constitue une priorité absolue pour les sociétés européennes, dans la conjoncture actuelle.
La 5e présidence hellénique présente également une spécificité à laquelle s'est tout à l'heure référé le vice-président du Parlement. Il s'agit, en réalité, d'une présidence semestrielle de durée limitée, du point de vue parlementaire, car ce semestre coïncide avec la période préélectorale en vue des élections européennes du mois de mai et les travaux du Parlement européen s'achèvent au mois d'avril limitant ainsi la durée du mandat de la présidence au Parlement européen. Le temps est limité, mais extrêmement condensé car la présidence est exercée au même temps que le débat public engagé au niveau paneuropéen sur la situation et l'avenir de l'Europe.
Le parlement européen a d’ores et déjà façonné, du point de vue institutionnel, le cadre dans lequel aura lieu l’affrontement préélectoral, a mis en avant le rôle des partis politiques européens et invite tous les Etats membres à respecter et à promouvoir le rôle des partis politiques européens et, bien entendu, il est très important de comprendre, à travers ce processus, en tant que pays qui exerce également la présidence, la façon dont se croisent les rapports entre les stratégies nationales et les rapports à caractère idéologique et politique qui sont exprimés à travers les partis européens et nationaux.
En réalité, ce semestre est un défi pour nous car nous devons assurer les conditions institutionnelles et politiques d'un débat substantiel à l'intérieur de chaque Etat membre mais aussi au niveau paneuropéen, pour ce qui est de la société civile européenne sur l'avenir de l'Europe.
Notre présidence succède à celle de la Lituanie laquelle a mis un accent très important sur le partenariat oriental, pour des raisons géographiques et historiques bien évidentes et sera suivie par la présidence italienne avec laquelle nous avons coordonné nos actions à tous les niveaux, Au niveau du Premier ministre et de la ministre des Affaires étrangères et du ministre des Affaires européennes et au niveau des présidents des parlements, en vue d'instituer l'année européenne, à travers les présidences successives de la Grèce et de l'Italie, une année méditerranéenne qui mettra l'accent sur certaines priorités lesquelles ne mettent pas en avant un espace mais une notion.
Car le Sud européen n’est pas une notion géographique, mais une notion politique. Si les pays européens du Sud et notamment les pays du littoral méditerranéen participent au Sud européen, cette perception différente sur l'avenir de l'Europe, à savoir ledit Sud européen, est également partagée par les pays qui ne sont pas situés dans le sud de l'Europe, par des pays qui ont vécu cette douloureuse expérience de la crise, par des forces politiques qui veulent adopter cette approche et par des forces intellectuelles qui jouent toujours un rôle très important - un rôle qu'elles auraient toujours dû jouer - dans ce débat sur l'avenir de l'Europe.
La Présidence grecque est exercée par un pays qui est assimilé à la crise, un pays qui a subi les conséquences les plus dramatiques de la crise. Par conséquent, c'est justement cette expérience de la Grèce qui attire l'attention sur le cadre limité dans lequel fonctionnent l'UE et la zone euro qui ont été mises en place par la voie institutionnelle, émanant d'un volontarisme politique successif, car tous les grands progrès vers l'intégration européenne ont été le fruit de grandes décisions politiques, sans qu'il y ait toujours la nécessaire préparation économique et la nécessaire intégration sociale. Toutefois, il a été prouvé que cette préparation était prévue pour des conditions normales. Il n'y a eu aucune prévision pour des conditions de crise, il n'y a pas de mécanismes d'alerte et d'intervention rapide et cela a eu, bien entendu, comme résultat une crise institutionnelle profonde, notamment au niveau de la zone euro, avec l'arrivée et l'installation du Fond monétaire international au cœur de l'Europe, à savoir la zone euro.
Le Fond monétaire international, avec la participation duquel a été mis en place la Troïka, une entité qui n'était pas prévue par les traités, ne s'est pas installé au cœur de la zone euro parce que la Grèce le voulait et il ne s’est pas installé pour la Grèce. Cela a été le résultat de la volonté des grands et puissants pays de la zone euro, notamment du gouvernement allemand qui voulait exprimer, par la voie politique et institutionnelle, sa défiance à l'égard du rôle et des capacités de la Commission européenne.
En réalité, à cause de ce modèle, nous nous trouvons confrontés à des problèmes stratégiques plus grands et à grande échelle, au problème de l'espace économique euro-atlantique et à celui lié aux relations entre l'UE et les Etats-Unis. Car si l'on voulait faire une comparaison à la fois institutionnelle et historique, on pourrait dire que tout comme l'OTAN qui est en Europe, après la Seconde guerre mondiale, un pilier fondamental de la politique européenne de sécurité et de défense, le FMI, d'une manière paradoxale et indirecte, en raison de la crise, est également appelé ces dernières années à assurer la sécurité monétaire et économique de l'UE avec tout ce que cela implique pour ce qui est de la façon dont nous fonctionnons au sein de la zone euro et de la façon dont la zone euro et l'UE doivent réfléchir sur leur avenir.
L'avenir d'un continent qui manque d'intégration politique et économique. Car l'Europe demeure toujours un continent beaucoup plus grand que l'UE. L'intégration monétaire est beaucoup plus importante que l'intégration monétaire et politique. L'Europe est en train de vieillir. L'Europe, en tant que puissance économique dispose d'avantages comparatifs et demeure toujours le vieux continent, tout en ayant la conviction erronée d’être le centre des évolutions au niveau mondial. De nouveaux acteurs, de nouveaux rapports et de nouveaux marchés émergent. Il existe des phénomènes qui ne peuvent pas être assimilés par l'UE laquelle est dans une large mesure dominée par une contradiction intérieure dont nous sommes conscients, mais nous ne voulons pas l'avouer.
A savoir les frontières intérieures cessent d'exister et un marché unique est en train de se créer mais ce dernier comporte de nombreuses barrières par rapport aux autres entités économiques au niveau mondial. Par conséquent, des concepts qui sont extrêmement hostiles au projet de l'intégration européenne à l'intérieur de l'UE, apportent des résultats au niveau des relations extérieures de l'UE, sur le plan économique et commercial. Toutefois, en dépit du fait que certains Etats membres de l'UE sont des membres permanents du Conseil de sécurité, cette dernière ne joue pas le rôle qu'elle mérite de par sa tradition dans des régions européennes ou très proches de l'Europe, comme cela a été le cas ces vingt dernières années dans notre région, les Balkans, la Méditerranée, le Moyen-Orient et le monde arabe.
Par conséquent, il est très important au cours du semestre de la présidence grecque de soulever d'une manière claire, au sein de tous les organes et de tous les forums, la question politique de l'UE. Le grand défi de la présidence grecque - dans la mesure où nous pourrons faire entendre notre voix - est donc d'assurer les conditions qui nous permettrons de redonner un caractère politique à ce débat engagé depuis longtemps au sein de l'UE et qui revêt un caractère technocratique, ce qui rend la réflexion unidimensionnelle.
Permettez-moi de vous dire, en ma qualité de président du PASOK et de vice-premier ministre du gouvernement et non pas en celle de ministre des Affaires étrangères que ce que je dis est vrai, et cela je l'ai également affirmé lors de la réunion plénière avant-hier, à savoir que toutes ces années difficiles de la crise et de la négociation, notre interlocuteur a été une Europe conservatrice du point de vue politique, une Europe dominée par une pensée économique stéréotypée.
Et tous les pays, mêmes les pays dont les gouvernements et les parlements partagent au niveau national les mêmes perceptions, se trouvent dans la même situation. Il est donc très important de valoriser cette occasion en vue de promouvoir à nouveau la nécessité de l'égalité institutionnelle, d'une véritable solidarité ce qui signifie une répartition des charges. Et, par conséquent, la nécessité de discuter du budget communautaire en d'autres termes ainsi que des mécanismes de répartition qui vont au-delà des limites habituelles des fonds structurels de l'UE.
Et, bien entendu, c'est une occasion d'examiner les nouveaux rapports. De nouveaux rapports qui ne peuvent pas être facilement façonnés au sein de l'UE, pour deux raisons. Cela est dû premièrement au fait qu'il existe des stratégies nationales qui sont suivies par les gouvernements de chaque pays-membre, indépendamment de son identité politique. Et, deuxièmement, les milieux électoraux au sein de l'UE sont construits de manière à toujours donner lieu à des élections, des successions et une coalition tournante élargie. Il n'existe pas de positions claires, de fronts précis, même pas au sein du cadre politique traditionnel, entre les deux grandes familles européennes, celle du Parti populaire et du Parti socialiste européen, des Socialistes et des Démocrates européens.
Tel est donc le cadre qui nous permettra d’apporter une réponse, lorsque notre pays est dans le collimateur des médias, comme c’est le cas ces derniers jours. Car, on assiste de nouveau à une discussion visant à sous-estimer les sacrifices du peuple grec, une discussion qui prétend ignorer les exploits budgétaires et, comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer avant-hier en m’adressant à la chambre de commerce gréco-allemande, nous ne demandons pas une négociation politique. Nous demandons des interlocuteurs politiques crédibles en vue de mener une négociation économique. Une négociation économique qui tiendra compte des données réelles, de la dynamique des chiffres et cela apportera une réponse à la corrélation des notions, à savoir la viabilité de la dette, les lacunes budgétaires et financières, en vue de donner un sens à une discussion qui sape actuellement nos efforts visant au redressement de l’économie réelle. Mais, comme cette discussion manque de profondeur, j’espère qu’elle prendra bientôt fin car tout le monde comprendra ce que nous disons et qui est manifeste.
Du point de vue technique, nous avons l’expérience des quatre présidences précédentes et la Grèce ne doit permettre à qui que ce soit de lui reprocher de n’avoir pas compris ce qui a changé après la crise. Ce sera une présidence sobre, fonctionnelle et efficace. Les actions seront notamment concentrées sur les sièges institutionnels des instances européennes, à savoir Bruxelles, Strasbourg, Luxembourg et Athènes. Très peu d’initiatives auront lieu en dehors d’Athènes, et notamment au Palais Zappeion qui sera le point de référence de la présidence.
Nous nous efforçons de réduire les coûts, en respectant toutes les règles de transparence, sans surplus d’effectifs. Nous valoriserons les effectifs existants et les nouveaux attachés du ministère des Affaires étrangères et officiers de liaison avec les autres ministères. Nous valoriserons les bénévoles. Nous valoriserons les fonds des bailleurs de fonds institutionnels, qui couvriront certains besoins de la présidence grecque. La dimension culturelle de la présidence revêt toujours une importance dans le pays d’accueil, mais aussi à Bruxelles, à Strasbourg et à Rome, qui succèdera à la Grèce. Et bien entendu, la dimension culturelle de la présidence sera médiatisée avec la coopération du ministère des Affaires étrangères et du Secrétariat général de la Communication, qui coopère avec nous à cet égard.
J’en viens maintenant à la question fondamentale des priorités politiques générales de la présidence, telles que décidées lors du Conseil ministériel et telles que présentées à nos partenaires institutionnels de l’UE. Nos priorités sont, dans une très large mesure, des priorités définies à l’avance. Car l’ordre du jour des instances de l’UE et notamment du Conseil est défini. Mais la présidence a toujours la possibilité d’intervenir sur l’ordre du jour et les priorités de l’UE.
La première priorité, la plus évidente, est la nécessité pour l’Europe de surmonter la crise, de repenser sa compétitivité et son modèle de développement. Nous devons aussi aborder de nouveau la question de l’Etat social européen, d’une Europe susceptible de faire face aux pressions de la concurrence internationale au moyen de l’innovation et en exploitant le capital intellectuel très important dont elle dispose.
Le premier axe est donc la croissance, l’emploi et la cohésion sociale. Cela signifie que nous nous efforcerons de promouvoir les textes et initiatives communautaires en rapport avec nos besoins nationaux. La liquidité est un problème ainsi que les crédits aux entreprises, les investissements diffus, notamment des petites et moyennes entreprises qui sont en grand nombre. Nous avons eu l’occasion d’aborder ce point ce matin avec le Président de la Banque européenne d’investissement, M. Hoyer et sa délégation, que nous avons rencontrés au ministère des Affaires étrangères.
En réalité, nous devons éviter un nouveau danger qui apparaît au sein de l’UE, le fameux creditless and jobless growth, c'est-à-dire un état où nous pouvons avoir une croissance sans crédits et sans emplois. Cela n’est pas possible et le problème des crédits est un problème de coût de l’argent, un problème de taux d’intérêt, c’est un problème en réalité qui est lié à la deuxième priorité que nous aborderons, celle de la gouvernance de la zone euro et de l’UE.
C’est un problème qui en réalité est lié à de nouvelles institutions, non bancaires, qui feront baisser le coût moyen de l’argent en ajoutant des fonds disponibles pour ce faire. Mais la croissance elle-même ne saurait résoudre le problème du chômage. Dans aucun pays d’Europe. Qui plus est en Grèce où des interventions supplémentaires sont nécessaires. Des interventions qui vont au-delà du fonctionnement normal de l’économie, même si l’économie se stabilise à des niveaux de croissance élevés à partir d’un certain point. Au-delà de 2,5% selon l’étude régissant le programme grec.
Ainsi, les programmes visant à réduire le chômage, le Fond social européen, la façon dont nous allons utiliser les fonds communautaires, le CRSN de la nouvelle période, sont très importants. Tout cela, très souvent, se heurte à des obstacles bureaucratiques. Et il est très important de pouvoir surmonter ces obstacles, en tant que présidence, par le biais des différentes compositions du Conseil et des contacts avec la Commission.
Et bien entendu, la question la plus importante est le chômage des jeunes et les initiatives, lesquelles ont été abordées lors de la réunion au sommet qui s’est tenue hier à Paris. Seulement les budgets sont limités et nous avons vraiment besoin de ces subventions en Grèce. Ce qui signifie que la négociation est en cours car une intervention de grande envergure est nécessaire. Et nous insistons sur cette question et voulons valoriser les ressources du CRSN pour parvenir à ce résultat.
La deuxième priorité, qui est obligatoire car les procédures sont en cours, est l’intégration et l’approfondissement de la gouvernance économique dans la zone euro et l’UE. Et si je le mentionne, c’est parce que ces questions relèvent dans une large mesure de la compétence de l’ECOFIN. Eventuellement, la compétence est également à caractère intergouvernemental lorsque les pays membres de la zone euro opèrent individuellement. La grande question est l’Union bancaire. Un pas important a d’ores et déjà été fait s’agissant du mécanisme unique de surveillance en rapport avec les 125 grandes banques systémiques de l’UE, dont 4 sont des banques systémiques grecques. Mais cela ne suffit pas. Le dispositif de surveillance à lui-seul n’a pas de sens. Ce dont nous avons réellement besoin, ce sont des mécanismes pour faire face aux problèmes de fonctionnement des banques pour la dissolution, la liquidation, lorsque nécessaire, et la recapitalisation des banques. Mais cela encore ne suffit pas. Et même une directive ne suffit pas, autrement dit que chaque Etat applique les mêmes règles de façon unique, et non par le biais du financement communautaire ou d’un mécanisme communautaire.
Et cela concerne naturellement le dispositif européen de garantie des dépôts qui est différent de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts. Cette directive en fin de compte contraint chaque Etat membre à mettre en œuvre ses propres dispositifs et à les financer. Nous voulons quelque chose de totalement différent.
Mario Monti avait soulevé la question du dispositif européen unique de garantie des dépôts en tant que condition préalable à l’Union bancaire, sans que fonctionne un dumping inverse (reverse dumping) dans la zone euro, au détriment des pays en crise, qui offrent des taux élevés, mais pas la sécurité des d’autres systèmes bancaires. Et après l’expérience de Chypre, chacun accorde une très grande importance au paramètre de la garantie des dépôts.
Il est donc très important de promouvoir ces vues. A savoir le dispositif unique pour la liquidation et la recapitalisation. Nous voulons que le MES assume le fardeau – rétroactivement si possible – de la recapitalisation des banques. Personne n’est prêt à l’accepter facilement car cela allègerait beaucoup la dette publique. Et certes le dispositif des garanties doit, dans un marché unique, fonctionner à un niveau pan-européen. C’est donc un débat majeur qui ne peut se limiter à la promotion des deux directives.
La troisième priorité est celle liée au problème épineux de la protection des frontières maritimes et terrestres. Sans oublier la mobilité, la gestion des flux migratoires, les initiatives prises par les pays méditerranéens, avec la dernière initiative commune Grèce – Malte – Italie, qui a été cosignée finalement par 9 pays lors du dernier Conseil européen qui est pour nous une grande question ouverte.
Des fonds doivent être débloqués. On doit prévenir des tragédies humanitaires comme celles à Lampedusa ou en Sicile. Ainsi, un travail considérable et une coopération étroite avec les pays d’origine sont nécessaires. Bien entendu, tout cela doit être appliqué dans le cadre du droit international. Dans le respect des droits de l’homme.
Et voir des résultats en matière de protection des frontières ou de respect des droits de l’homme et du droit international est une opération extrêmement exigeante.
La quatrième priorité est la priorité horizontale de la politique maritime globale. Pour un pays comme la Grèce, cela va quasiment de soi, mais il y avait la présidence chypriote récente qui avait abouti à ladite Déclaration de Limassol sur la politique maritime. Il y a une autre initiative chypriote supplémentaire avec l’Espagne, à savoir établir de nouveau le Groupe de l’Olive des pays méditerranéens de l’UE. La politique maritime horizontale est un facteur qui unit : la sécurité des frontières maritimes, la croissance bleue, l’énergie, la pêche, le tourisme, la protection des sites archéologiques sous-marins et les zones maritimes.
Bien entendu, nous coopérons avec la Commissaire compétente, Mme Damanaki et la présentation de l’étude de la Commission européenne sur les avantages économiques offerts aux pays membres de l’UE en cas d’application de la Convention de l’ONU sur le droit de la mer en Méditerranée constitue un pas important. Cela revêt une grande importance historique car, lors de la préparation de la Convention de Montego Bay, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, les débats faisaient rage sur le rôle de la Méditerranée. Il est donc important d’avoir la conviction commune que la déclaration et la délimitation des zones maritimes en Méditerranée offre une valeur ajoutée économique et non seulement politique. Cela est lié à d’autres initiatives que nous avons, comme la déclaration de la macro-région Adriatique et Ionienne. Cela est lié à la branche que nous voulons ajouter au gazoduc TAP afin de couvrir également les pays qui sont du côté de l’Adriatique.
L’élargissement et les Balkans occidentaux, qui étaient l’Agenda de Thessalonique – ne sont pas une priorité de la présidence, dans le sens où les évolutions suivent leur cours. Nous voulons que le début de la présidence grecque coïncide avec le début des négociations d’adhésion entre l’UE et la Serbie. Il est très important de mettre en exergue le rôle de la Grèce en rapport avec la perspective euro-atlantique de tous les pays des Balkans occidentaux. Cela est, en très grande partie, lié aux relations entre la Grèce et l’Albanie et les contacts que nous avons eus, le Président de la République avant-hier et moi-même il y a quelques jours à Tirana. Vendredi je rencontrerais à Athènes, le vice-premier ministre du gouvernement albanais, dont la visite fait suite à ma visite à Tirana.
C’est également lié au Monténégro qui occupe une très bonne position dans ce processus avec les problèmes en suspens, en rapport avec l’Ancienne République yougoslave de Macédoine et le Kosovo, mais notre priorité est de parachever le processus du dialogue entre Belgrade et Pristina. Nous devrons attendre de voir le résultat des élections locales au second tour – et nous espérons que tout se passera au mieux – en dépit des difficultés, nous espérons que le dialogue sera de mise pour pouvoir garantir globalement la perspective euro-atlantique du pays voisin.
Il est bien entendu évident que, pour ce qui est des relations extérieures de l'UE, vis-à-vis du voisinage oriental - ce qui était l'une des priorités de la présidence lituanienne et sera la priorité de la présidente lettone qui prendra le relais après la présidence italienne et nous avons débattu de cette question avec le ministre letton des Affaires étrangères - notre priorité est le voisinage sud qui est le destinataire de la plus grande partie des fonds y relatifs.
Les deux tiers de ces fonds sont alloués au voisinage sud et un tiers au voisinage oriental. Bien entendu, nous avons nos propres priorités ainsi qu'un grand nombre de problèmes que nous devons régler et dont nous avons discuté lors de la dernière réunion du Comité Affaires étrangères et Défense. Car nous devons de nouveau discuter de l'Egypte, de la Syrie, de la Libye, du Liban, de l'Algérie, de la Tunisie, etc.
Bien évidemment, vous êtes au courant de nos positions en la matière et des initiatives que nous avons prises, pour ce qui est notamment de l'Egypte, une question sur laquelle nous avons beaucoup travaillé et c'était justement hier que se sont achevées les consultations politiques au niveau des directeurs politiques et au niveau bipartite, Grèce-Egypte et, tripartite Grèce- Egypte-Chypre, au Caire.
Ces priorités s'intègrent dans le cadre des priorités générales de la présidence. Il est évident qu'il existe des priorités différentes en fonction de la composition dans laquelle siège chaque réunion du Conseil. Certaines d'entre elles sont très importantes et j'imagine que nous aurons l'occasion, probablement pas au niveau du Comité des Affaires européennes, mais celui des différents Comités permanents et à travers les ministres compétents, de discuter de ces priorités.
Nous ne voulons pas suivre une procédure expéditive au cours de notre présidence et nous borner seulement à promouvoir les questions figurant à l'ordre du jour de la Commission et les priorités du Secrétariat du Conseil. Nous allons, bien entendu, régler les problèmes fonctionnels et administratifs et nous procèderons conformément aux disposions des traités. Toutefois, nous avons des priorités clairement définies, européennes et non pas nationales.
Mais le grand défi de l'UE est de pouvoir à un certain moment identifier l'intérêt national de chaque Etat membre avec celui de l'Europe ce qui n'est pas facile à faire et, notamment, à mettre en avant au sein des sociétés de l'UE.
November 14, 2013