Votre Eminence
Révérend,
Monsieur le Président des cours suprêmes,
Messieurs les ministres,
J’ai le plaisir d’accueillir le coordinateur national de la lutte contre la corruption, le Procureur honoraire de la cour suprême, M. Tentes, ici, au ministère des Affaires étrangères, en ma qualité de ministre des Affaires étrangères.
Nous avons l’honneur de partager des locaux avec, pour ne pas dire « héberger », une nouvelle institution, particulièrement ambitieuse, qui – je l’espère – sera tout aussi opérationnelle qu’efficace. Et j’espère que cette cohabitation constituera un bon présage pour notre coopération et une garantie supplémentaire de l’application des règles de transparence, à commencer par les locaux [du ministère des Affaires étrangères] où nos activités sont peu axées sur la gestion économique, et surtout sur la gestion des enjeux nationaux, notamment dans la conjoncture actuelle difficile, tant au niveau national qu’international.
Notre décision de créer le poste de coordinateur national de la lutte contre la corruption a donné une garantie supplémentaire internationale de notre foi en cet effort, qui constitue une obligation internationale du pays, mais surtout, une obligation constitutionnelle, démocratique et liée à l’Etat de droit.
M. Tentes a tout à l’heure évoqué les fondements chrétiens de la morale. Nous appliquons une morale institutionnelle, qui va au-delà de la simple légalité, car nous nous référons à des valeurs, qui sont particulièrement importantes.
Certes, les gens sont las d’entendre certains mots, comme la lutte contre la corruption et ses réseaux, la nécessité de garanties de transparence et nous risquons d’être victimes d’une pléthore d’autorités et d’instances qui sont compétentes pour agir au nom de la légalité constitutionnelle, de la démocratie et du peuple grec. D’ailleurs, le système fondamental des garanties contre la corruption est la justice, le système constitutionnel classique existant des garanties de l’Etat de droit. Par la suite, un système parallèle d’autorités indépendantes a été créé au niveau international, à commencer par l’espace anglo-américain. En 2001, nous avons institutionnalisé – et j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de cette révision constitutionnelle globale. Et cela produit des résultats, même s’il y a encore des questions de rapports, notamment avec le pouvoir judiciaire, qui doivent être résolues et elles le seront, j’imagine, progressivement.
Mais il fallait un coordinateur pour tout cet effort. Et c’est en la personne du procureur sortant de la cour suprême que le gouvernement a trouvé la personne la plus appropriée, la plus expérimentée et celle qui était la plus prête au combat. Et nous le remercions d’avoir accepté la réduction de son mandat de procureur pour relever ce défi. Et ainsi son successeur a eu l’occasion de le soutenir en tant que chef du parquet, en raison de la structure hiérarchique de cette autorité.
Bien entendu, nous ne pouvons pas éviter les malentendus qui prédominent dans la vie publique. Il y a une corruption organisée et majeure, il y a une corruption diffuse et petite. Il y a une corruption au sein du pouvoir politique, de l’administration publique, dans le secteur public et il y a aussi une corruption au sein du secteur privé. Après tout la crise, la crise structurelle qui a éclaté en 2008 et dont nous avons pris pleinement conscience en 2010, n’est pas seulement une crise de l’Etat et du secteur public, elle est aussi une crise du secteur privé. Et nous avons déployé des efforts considérables visant à la restructuration de l’Etat et du secteur public. Nous attendons des efforts similaires de la part du secteur privé.
Par ailleurs, la conception des Grecs – qui se considèrent comme le peuple le plus intelligent au monde – selon laquelle la Grèce est le pays le plus corrompu, est erronée. Ce n’est pas vrai. Il y a des pays qui doivent relever les défis économiques immenses et qui sont profondément corrompus. L’Union européenne elle-même, la Commission européenne et ses institutions très souvent font la lumière sur des affaires de corruption.
Par conséquent, il faut déployer des efforts de manière systématique, des efforts portant sur la lutte contre la corruption, comme l'a affirmé le procureur, des efforts en faveur de la transparence et de l'autonomie de la politique et de la justice. Donc, comme vous pouvez le constater, si l'on veut comparer et assimiler la corruption au pouvoir, je dirais que le pouvoir n'est pas seulement politique, parlementaire et gouvernemental mais il revêt également un caractère largement économique. Il existe le pouvoir médiatique, il existe le pouvoir qui est manifesté dans le cadre des activités sociales, telles que les sports, il existe le pouvoir qui est lié aux aspects non politiques de l'Etat, tels que la justice et l'administration publique aux échelons non politiques.
Et, en outre, la corruption n'est pas obligatoirement assimilée à la majorité et au gouvernement car elle peut porter en général sur les modalités de fonctionnement de la vie publique. Nous avons tendance à prendre pour cible seulement le milieu politique et cela crée une image injuste. Le milieu politique lui-même crée cette image car nous transformons les désaccords politiques en accusations de corruption. Il faudra un très grand effort pour faire la distinction entre une hypothèse réelle liée à la corruption et un désaccord politique qui devient intense.
Nous sous-estimons les institutions et la démocratie quand on ne peut pas faire cette distinction et nous permettons aux vrais responsables de la corruption d'échapper à l'attention des médias et des dispositifs de contrôle. Par conséquent, il faut engager un débat très ouvert et plus courageux sur ces questions et coordonner nos efforts. Le gouvernement a la volonté d’y parvenir pour des raisons évidentes aussi liées à l'opportunisme politique car cela est une demande formulée par la société.
Toutefois, la société demande la vérité mais très souvent elle est séduite par le mensonge et elle vote pour le mensonge et cela est le grand problème auquel nous sommes actuellement confrontés. Il nous faut en effet de la coordination, de l'intégration législative et de l'intégrité. Et il nous faut aussi une très bonne coopération internationale et européenne en vue d'avoir des résultats tangibles sur le terrain là où réside le problème. Car souvent on nous montre un objectif erroné pour que l'objectif réel échappe à notre attention.
C'est dans cet esprit que je voudrais vous souhaiter monsieur le procureur la bienvenue dans vos nouveaux locaux où vous allez mettre en avant votre rôle et prouver, comme vous l'avez déjà fait, combien il est important de coordonner notre action institutionnelle et d'apporter des résultats qui ne servent pas des fins démagogiques mais revêtent un caractère institutionnel permanent.
Je vous souhaite tout le succès dans vos fonctions.
November 5, 2014