Discours du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos à une conférence du Comité économique et social sur le thème : « De l'austérité à la croissance et au redressement : lutter contre l'impact socio-économique de la crise en

Discours du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, E. Vénizélos à une conférence du Comité économique et social sur le thème : « De l'austérité à la croissance et au redressement : lutter contre l'impact socio-économique de la crise enC'est avec un grand plaisir que je vous accueille ici au nom du gouvernement grec et de la Présidence hellénique du Conseil de l'Union européenne. Je tiens à féliciter en votre personne, M. le Président, le groupe III du Comité économique et social européen pour avoir eu cette excellente idée d'organiser, ici à Athènes, au cours de la Présidence hellénique, une réunion sur une question aussi critique que délicate.

En Grèce, nous vivons l'austérité dans sa forme la plus extrême et ce à quoi aspire la société grecque, et toute société européenne, est de laisser derrière elle les politiques d'austérité et de retrouver ses rythmes de croissance, afin de lutter contre l'impact socio-économique de la crise.

Permettez-moi donc, suite à ces remarques, de vous présenter quelques réflexions émanant de ma propre expérience pendant toutes ces années difficiles marquées par la crise, car la Grèce est un véritable laboratoire de la crise mais aussi du redressement que nous souhaitons tous et du retour à des taux de croissance positifs. Du retour à la normalité.

Comme il est d'ores et déjà évident, la zone euro a été conçue pour fonctionner dans des conditions normales. La principale caractéristique de la zone euro a été son incapacité de prévision, de prévention et finalement de gestion de la crise, telle que celle-ci évolue au niveau mondial depuis 2007.

Ces problèmes structurels de la zone euro et en général de l'Union européenne ont donné lieu - lors du déclenchement de la crise vers la fin de 2009 et le début de 2010, la Grèce étant dans l'œil du cyclone - à la mise en place d'un dispositif qui n'était pas prévu du point de vue constitutionnel par les traités, par le droit communautaire. Je parle du dispositif de la Troïka, puisque le FMI a été appelé à assumer un rôle très important au sein de l'Union européenne et de la zone euro.

Le fait que l'Union européenne, le fait que le puissant groupe des Etats membres de la zone euro, se sont vus obligés de recourir à un mécanisme comme le FMI, à la recherche non pas tant de fonds mais plutôt d'expertise, met en évidence les problèmes liés à la construction constitutionnelle et à la perception politique de la zone euro.
En outre, nous devons signaler, par souci de sincérité, que cela atteste de la méfiance dominante au sein de nombreux gouvernements à l'égard du rôle et des capacités de la Commission européenne. Ainsi, nous sommes arrivés au dispositif du mémorandum, à savoir à une série de conditions politiques, économiques et administratives à l'octroi d'une aide à la Grèce et à d'autres pays et à la Troïka, en tant que dispositif de surveillance qui va, dans une large mesure, au-delà du Pacte de stabilité et des mécanismes constitutionnels prévus par les traités.

Il est donc vrai que pendant ces quatre dernières années, la solidarité européenne avec des pays, tels que la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Espagne, s’est manifestée au plus haut niveau économique. Du point de vue économique, la solidarité européenne a été sans précédent. L'aide accordée à la Grèce s'élèvera à plus de 240 milliards d'euros. La réduction de la valeur nominale de la dette atteint 125 milliards d'euros et le soutien de la Banque centrale européenne aux banques grecques se situe entre 70 et 150 milliards.

Une comparaison entre ces montants et les besoins financiers de l'Ukraine qui s'élèvent à près de 35 milliards euros, met en évidence l'ampleur du problème de la Grèce, du problème de la zone euro mais aussi la taille de l'économie grecque et d'autres économies de la zone euro, par rapport aux autres régions et pays dans le monde.

La solidarité européenne se manifeste au niveau le plus élevé en termes d'aide financière, mais, dans le même temps, cette solidarité est accompagnée de perceptions politiques et de conditions politiques représentant un coût très grand sur le plan social, politique et sur celui du développement pour les pays qui ont adhéré à ces programmes.

Il y a eu d'emblée de très grands problèmes au niveau de la planification de ces programmes d'aide, notamment dans le cas de la Grèce. Cela est désormais reconnu par le FMI lui-même d'une manière tout à fait officielle. Il fallait prendre des décisions mais celles-ci ont été prises en retard et partiellement ce qui rendu impossible leur application à part entière.

Il y avait et il y a toujours des stéréotypes injustes pour la Grèce et pour d'autres pays du sud et de la périphérie. Une discussion injuste est en cours au niveau international, alimentée il y a très longtemps par notre incapacité, par l'incapacité européenne de réagir d'une manière coordonnée, systématique, définitive, efficace.

Et, bien évidemment, pour en venir aux questions d'intérêt particulier pour le Comité économique et social européen, en tant qu'organe institutionnel de l'Union européenne, il est vrai que très souvent nous avons été appelés à faire face à des demandes de la part de nos partenaires et de nos créanciers, de la part de la Troïka qui allaient à l'encontre du droit communautaire européen, à l'acquis communautaire, à la perception de l'Etat social européen, aux règles ou aux instructions de droit souple émanant de l'Union européenne, du Conseil de l'Europe, de l'Organisation internationale du travail.

La négociation n'a jamais été facile, car même ce qui était évident, comme l'application de l'acquis communautaire, devrait faire l'objet d'une négociation et être confirmé au terme de grands efforts et avec beaucoup de retard.

L'impact social est évident. En Grèce, on assiste ces dernières années à une récession cumulative d'une ampleur beaucoup plus importante que celle prévue par ceux qui ont élaboré le programme, qui s'élève environ à 25% du PNB.

Le revenu disponible enregistre une baisse estimée par le FMI à près de 11%, mais il est vrai que certains groupes sociaux ont vu leur revenu disponible baisser de 35%.

De nouvelles formes de pauvreté extrêmement menaçantes font leur apparition. Des changements très importants s'opèrent, des changements qui ont changé le marché du travail et le système de sécurité sociale, mais à côté des rigidités, des privilèges injustifiés que nous sommes en train de supprimer - en entrant en conflit avec les anciennes "guildes" et les partisans de l'étatisme - il existe les demandes justes et légitimes des citoyens ou des groupes sociaux qui demandent l'application de l'acquis communautaire.

Il est extrêmement difficile d'appliquer simultanément un programme d'ajustement budgétaire très ambitieux - en imposant des mesures d'austérité, des mesures visant à réduire les revenus ou en faisant augmenter les impôts - et un programme d'ajustement structurel également ambitieux et impressionnant promouvant d'importants changements institutionnels visant à renforcer la compétitivité, à libéraliser les professions réglementées et à donner accès au marché. Car la société, quand elle est confrontée à des mesures d'austérité, ne peut pas soutenir, comme elle l'aurait fait dans des conditions différentes, les politiques ambitieuses et indispensables portant sur des changements structurels et la modernisation de l'administration publique, mais aussi sur les modalités de fonctionnement elles-mêmes du marché.

En dépit de cela, la Grèce, comme vous le savez, affiche quatre ans après, des résultats impressionnants grâce aux sacrifices du peuple grec. Nous avons commencé par un déficit primaire, sans prendre en considération le coût du service de la dette, qui en 2009 s'élevait à plus de 12% du PIB et maintenant nous avons un excédent primaire atteignant plus de 1,5% du PIB.

Cela signifie que, en termes de déficit primaire, d'excédent primaire, nous sommes parvenus à un ajustement budgétaire atteignant environ 28 milliards d'euros, soit 13,5% du PNB.

Mais, afin d'atteindre cet objectif, notre pays a pris des mesures s'élevant à plus de 80 milliards d'euros. Par conséquent, vous comprenez que cet ajustement budgétaire spectaculaire et sans précédent n'est pas sans peine.

Maintenant, même le déficit budgétaire de la Grèce, y compris le coût du service de la dette publique - car justement nous sommes parvenus à sa restructuration, nous avons réussi à réduire considérablement les intérêts et le coût du service de la dette - se situe au dessous de la limite du 3%, soit à 2,1 %.

Et en dépit des critiques visant le pays ou des doutes existants, les changements structurels dans les grands domaines, sont bien évidents. L'élément le plus impressionnant est la taille de l'Etat, en termes de dépenses publiques visant à répondre aux besoins de financement de l'Etat et du secteur privé élargi.

Ces dépenses représentent actuellement en Grèce 35% du PIB. A cet égard, la Grèce figure parmi les plus petits Etats en termes de taille de l'administration publique, au sein de l'Union européenne et de la zone euro.

Nous vous accueillons à Athènes, en Grèce, deux jours après l'accord conclu avec la Troïka, avec nos partenaires institutionnels, un accord qui marquera l'étape finale du programme en nous menant vers la sortie définitive de la crise et du mémorandum. Un accord qui nous aidera à retourner à la normalité en tant que pays européen, un pays membre de la zone euro qui est sur le même pied d'égalité du point de vue institutionnel que les autres Etats membres. Et, pour le meilleur ou pour le pire, cette égalité inconstitutionnelle, la souveraineté des Etats est mesurée, dans une large mesure, par leur capacité à participer aux marchés internationaux et à parvenir à des conditions d'emprunts normales sur les marchés internationaux.

A l'heure actuelle nous nous trouvons à un tournant très important car nos partenaires, la Banque centrale européenne, la Commission européenne, le FMI ont d'ores et déjà reconnu de manière définitive que la Grèce n'a pas besoin et ne peut pas prendre de nouvelles mesures d'austérité budgétaire.

Cela est un message très important pour le peuple grec mais aussi pour toutes les sociétés européennes. Grâce à l'important excédent primaire que nous utilisons, dans une large mesure, pour atteindre les objectifs majeurs du programme, nous pouvons commencer à réparer les injustices et à renforcer les mesures de protection de la cohésion sociale, en venant à l'aide des groupes sociaux vulnérables. Des familles sans revenu, des familles nombreuses, des personnes d'un âge très avancé non couvertes par la sécurité sociale, des chômeurs de longue durée ne bénéficiant pas de l'aide nécessaire de l'Etat, des S.D.F. pour lutter contre les phénomènes de la pauvreté absolue. Dans le même temps, le système bancaire grec qui est recapitalisé à part entière est solide et a maintenant l'obligation de contribuer à l'entrepreneuriat, à l'emploi et à l'économie réelle.

Et nous savons que nous devons mettre l'accent sur le parachèvement des changements structurels, pour ce qui est notamment de l'administration publique, mais aussi sur la libéralisation du marché afin qu'il y ait des conditions de pleine compétitivité.

Nos prochains pas sont d'ores et déjà prévus par notre accord avec nos partenaires. La dette publique grecque présente de grandes particularités. 80% de cette dette est détenu par nos partenaires institutionnels, par les pays de la zone euro, la Banque centrale européenne, le MSE et le FMI. 20% seulement de la dette est négociable sur les marchés internationaux. Sa structuration est impressionnante. Le Directeur général du MSE, M. Klaus Regling, avec lequel nous avons signé l'accord sur l'aide financière importante accordée à la Grèce, à l'époque où j'assumais les fonctions de ministre des Finance, a, à maintes reprises, expliqué les raisons pour lesquelles la dette souveraine grecque était tout à fait viable et moins considérable en termes de valeur nette actuelle, par rapport à celle d'un bon nombre d'autres Etats membres de l'Union européenne.

La Grèce est prête à revenir sur les marchés. En réalité, elle n'a jamais quitté les marchés. Elle est toujours présente à travers les obligations du Trésor grec, mais nous reviendrons sur les marchés à travers d'autres titres car nous avons la possibilité de le faire dans le cadre institutionnel en vigueur.

Par conséquent, les conditions budgétaires et financières au redressement sont remplies. Nous n'avons pas la possibilité de suivre un autre plan. Nous partenaires institutionnels, les organes institutionnels de l'Union européenne nous ont imposés ce plan. Probablement ils n'ont pas bien calculé les conséquences, notamment les conséquences sociales et celles sur le développement, mais nous n'avions pas de meilleure solution dans ces conditions marquées par la crise extrême et à cause du danger de la faillite désordonnée.

Bien évidemment, il y a l'urgence maintenant, ce qui demeure toujours notre priorité absolue, de prendre des mesures contre le chômage. Des mesures visant à préserver la cohésion sociale. Mais nous nous ne parviendrons pas à lutter efficacement contre la question majeure, à savoir le chômage et notamment le chômage des jeunes, si le climat ne change pas, s'il n'y a pas la sécurité et l'optimisme ne sont pas de mise. Car ce n'est qu’à travers le renforcement de l'entrepreneuriat, à travers les investissements à tous les niveaux d'affaires, les investissements grecs et étrangers, que nous pourrons atteindre les objectifs souhaitables, à savoir parvenir à des taux de croissance positifs et à la création d'emplois.

Et ces propos, nous les tenons à quelques semaines des élections européennes qui donneront lieu à un nouveau parlement européen. La grande question est, s’il peut y avoir une nouvelle narration sur l’Europe. Autrement dit, si l’on peut donner une réponse aux sociétés qui associent l’Europe aux politiques d’austérité, à la récession et au chômage, car il y a de telles sociétés en Europe.
La nouvelle génération des citoyens européens craint que cette génération ne soit pas celle des droits, mais une génération qui ne « trouve pas une place sous le soleil » du continent européen.
Les formes d’euroscepticisme augmentent. Nous avons un euroscepticisme radical, soi-disant de gauche, qui finalement vire vers l’euroscepticisme étatique et nationaliste car souvent nous allons de l’euroscepticisme au nationalisme économique. Nous avons des stratégies nationales, qui ne sont pas toujours présentes, indépendamment du gouvernement au pouvoir dans chaque Etat.
La discussion sur le principe de subsidiarité est de nouveau engagée, mais avec des conditions étranges, car à la question de savoir si nous voulons plus ou moins d’Europe, la réponse facile est que nous voulons une meilleure Europe, mais comment est-ce possible devant tant de préjugés ?
En effet, nous voulons une autre Europe, une Europe des valeurs, une Europe qui a conscience de son histoire, une Europe compétitive, une Europe sensible, une Europe pluraliste, une Europe qui soit la meilleure région du monde. Mais l’Europe se rétrécit du point démographique, elle perd de sa compétitivité. Elle n’est plus le centre du monde.
Selon les conceptions prévalant, nous arriverons à cette autre Europe en passant par trois étapes. Premièrement, le renforcement de la compétitivité dans le domaine des services, de l’industrie. Le Conseil européen discute aujourd’hui de la compétitivité industrielle de l’Europe. Le Conseil précédent avait discuté de la compétitivité dans le domaine des services. Mais toutes ces propositions qui sont déclinées dans le Pacte de stabilité et de croissance sont contractuelles. Elles ne constituent pas une approche attrayante et extraordinaire que nous pourrions présenter à nos peuples, à nos citoyens.
La deuxième étape est l’Union bancaire. Cela est très important. Nous discutons d’un mécanisme de supervision unique et d’un mécanisme de résolution unique, mais nous ne discutons pas d’un mécanisme unique de protection des dépôts, ni de taux uniques d’emprunts pour les entreprises. Une petite et moyenne entreprise en Grèce emprunte à des taux d’intérêt 7% plus chers qu’une entreprise allemande. Donc, nous avons des différences énormes dans le coût d’emprunt et le coût de l’énergie. Et certes, la troisième étape est l’approfondissement en général de la gouvernance économique, à travers les mécanismes existants, mais il n’y a pas encore de réponse globale aux grandes questions, que je mentionnerais en tant que titres, car ils doivent faire l’objet de la discussion européenne maintenant, avant les élections.
Rien ne se passera si nous ne discutons pas sérieusement des propres ressources de l’UE. Si le budget communautaire est celui qui est. La Commission Bondi a été créée. Il y a un certain nombre de pays qui acceptent la taxe sur les échanges financiers, comme source de financement (fonds propres), mais il est vrai qu’il n’y a pas de discussion européenne sérieuse qui soit faite à ce sujet. Nous avons besoin d’une solution définitive au problème de la dette publique des Etats membres pour briser le cercle vicieux.
La dette souveraine grecque est certes considérable. Trois cent vingt milliards en valeur absolue. La dette allemande est de 2 trillions 600 milliards, la dette française s’élève à deux trillions 200 milliards, la dette italienne à 2 trillions 100 milliards. Les trois pays à eux seuls enregistrent une dette totale de 7 trillions d’euros. La dette grecque est de 320 milliards en valeur européenne. Je ne recherche pas maintenant une solution technique, à savoir ce qu’il adviendra de la réciprocité de la dette ou des obligations européennes. En tout état de cause, c’est une question importante.
La troisième grande étape est ce qui nous intéresse ici. C’est d’insuffler un nouvel élan à l’idée de l’Etat social européen. Pouvons-nous avoir un Etat social européen sans menace démographique et budgétaire ? L’Europe peut-elle absorber définitivement dans son modèle de développement et de compétitivité un niveau élevé de protection de l’Etat social européen ? C’est une question à laquelle nous devons répondre horizontalement, au niveau européen car c’est seulement ainsi que nous pourrons revenir à l’Europe des valeurs, comme je l’ai dit, et aider l’Europe à fonctionner comme une vraie entité politique.
Ce qui, comme le montre la crise en Ukraine, est difficile. Il n’y a ni planification, ni mécanismes qui nous permettent de fonctionner efficacement en tant qu’entité politique forte qui dépasse le nombre d’Etats membres.
Sur ces pensées, qui sont évidentes pour vous, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue. Vous souhaiter de bons travaux et vous remercier car vous avez eu la bonne idée et l’initiative d’organiser cette rencontre, sur cette question, à l’heure actuelle, ici en Grèce. Je vous remercie beaucoup.

March 24, 2014