Discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias lors de la première réunion des membres des groupes d’amitié parlementaires pour le renforcement et la valorisation du rôle de la diplomatie parlementaire (Athènes, 20.01.2016)

Discours prononcé par le ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias lors de la première réunion des membres des groupes d’amitié parlementaires pour le renforcement et la valorisation du rôle de la diplomatie parlementaire (Athènes, 20.01.2016)Bonjour et bonne année.
Nous savons que le Parlement est basé sur le principe du gouvernement et de l’opposition. Ces Comités sont basés sur nos intérêts nationaux communs – dans la mesure où nous y parvenons -, sur notre conception commune de la politique étrangère et du monde extérieur et sur notre effort visant à parvenir au mieux à nos objectifs communs.

Je vous remercie pour votre invitation. J’espère vous être utile aujourd’hui. J’espère aussi que notre ministère vous sera utile ces prochaines années – et de manière plus renforcée à partir d’aujourd’hui – et qu’il contribuera à la remarquable action que vous entreprenez en apportant des textes et des idées. Le ministère des Affaires étrangères a, comme vous le savez, quatre ministres actuellement. Il est doté de centaines de diplomates d’une grande valeur mais pour moi les groupes d’amitié parlementaires avec des pays tiers sont comme si nous disposions de trois cents ministres de diplomatie parlementaire et bien plus de voix que nous ne pouvons nous même avoir.

Vous savez que la diplomatie des parlements n’avait pas été développée au 19e siècle. C’était essentiellement une diplomatie desdites assemblées jusqu’à ce que soit créée la Société des Nations qui a été la première à instituer une assemblée diplomatique afin que les parlements puissent être dotés d’une voix. Jusqu’à aujourd’hui, il y a la nécessité de créer des Assemblées parlementaires au sein des organisations internationales et régionales. Dans certaines, elles existent. Certains de mes collègues universitaires distingués, comme David Held, ont proposé, par exemple, la création d’une Assemblée générale constituée de parlementaires, en tant que deuxième mécanisme de prise de décisions à l’ONU aux côtés de l’Assemblée générale de l’ONU. Vous savez, auparavant à l’Union européen, avant que le Parlement européen ne soit créé avec un processus électoral, il était constitué de représentants des parlements nationaux.

À l’époque de la Société des Nations, à l’époque de l’Union européenne, nous avions la création de commissions parlementaires dans la plupart des parlements du monde. Nous avons des commissions qui se consultent et qui consultent également les ministères. Elles jouent un grand rôle dans le développement de relations interpersonnelles. Et pour moi, dans la perspective de la politique étrangère, cela est important.

Les assemblées parlementaires des organisations internationales, les groupes d’amitié parlementaires entre Etats – deux en règle générale, mais je vous proposerai par la suite les groupes multilatéraux – sont une occasion pour un plus grand nombre de personnes de pouvoir se connaître, des personnes sérieuses et engagées certes dans des actions politiques, de développer des relations personnelles et parler de choses que même les ministres ont parfois du mal à dire entre eux. Autrement dit, la possibilité de discuter, de soulever certaines questions de manière directe et amicale, est très grande aussi bien lors des assemblées générales des organisations internationales que des assemblées interparlementaires.

Mais aujourd’hui, des années se sont écoulées depuis les Assemblées du 19e et les premières commissions interparlementaires du 20e siècle.

S’agissant de ce que l’on appelle l’internationalisation – moi j’utilise le terme de mondialisation – nous avons une diplomatie très complexe. La diplomatie ne concerne plus deux Etats seulement. Si vous parlez à des diplomates plus anciens, ils vous diront « Nous, on ne voyageait pas autant. Nous faisions un voyage tous les deux, trois, voire six mois », alors que moi, la semaine prochaine, j’ai huit vols dans différents pays, avec des diplomates qui m’accompagnent ou qui effectuent leurs propres voyages.

Le deuxième point est que, outre l’intensification des contacts diplomatiques, nous avons de nombreux acteurs. Parmi ces acteurs, le deuxième plus important est le Parlement, après bien entendu le mécanisme étatique central « Président – Premier ministre – ministères ».

Le Parlement a, à mon avis, un rôle de médiation, entre les demandes des mouvements, des activistes, de la société civile, des organisations civiles, des organisations intermédiaires et le ministère des Affaires étrangères qui exprime son opinion toujours en tenant compte des intérêts étatiques et ne peut par conséquent pas fonctionner exactement sur la base des conceptions des mouvements et des activistes.

Et à mon avis, l’organe exerçant un rôle de médiateur entre la société, sa volonté d’agir, d’exprimer son opinion et dans le noyau dur de l’Etat, est bien entendu le Parlement. Le rôle du Parlement se développe beaucoup, non seulement en raison d’une thématiques plus riche et de son rôle particulier en tant qu’acteur, mais parce qu’aujourd’hui les relations entre l’intérieur et l’extérieur sont dans une certaines mesure limitées.

Je vais vous donner un exemple, sans pour autant vouloir ouvrir une quelconque discussion. Par exemple, vous savez que l’Etat grec exige que l’appellation choisie par notre pays voisin du nord, l’ARYM, soit utilisée à l’égard de tous, au niveau intérieur et extérieur. Vous savez, eux pensent qu’ils peuvent faire la distinction entre les deux. Mais si vous considérez cela sur le plan pratique, on ne peut pas faire de distinction. Le pays voisin possède, par exemple, deux millions de véhicules, dont un million et demi voyage à l’étranger. En Europe, par exemple, nous voyageons avec des cartes d’identité écrites en caractères latins. Les cartes d’identité sont un document interne, et pourtant elles sont devenues un document international. Ou encore aujourd’hui, à l’ère des diplômes, les titres d’études nationaux sont utilisés pour des études postuniversitaires, en grande partie à l’étranger.

Ce que je veux dire par là est que la politique intérieure et la politique extérieure sont étroitement liées, et ne peuvent être dissociées, comme elles pouvaient l’être d’antan, et par extension, le rôle d’un parlement national ne se limite pas au plan intérieur ou aux relations internationales, mais ce sont les relations internationales qui sont de plus en plus revalorisées, conférant de ce fait plus d’importance au Parlement. Et augmentent également la diplomatie publique et la diplomatie parlementaire ainsi que la diplomatie des citoyens qui est liée au Parlement.

Ce que je veux dire par là est qu’à une période où le rôle et l’importance de la politique étrangère est renforcé, le rôle du grand acteur de la politique étrangère, qui est à notre avis le Parlement, est également revalorisé, et notamment les commissions, les dizaines de commissions que vous avez créées pour l’établissement de contacts interparlementaires.

A notre avis, les Parlements font de la politique étrangère et ils se doivent de faire de la politique étrangère et de créer des réseaux d’amitié et de connexion et d’assumer également le rôle de coordinateur. Toutefois, nous pensons – et moi personnellement – que le Parlement est doté de multiples fonctions, s’agissant de la politique étrangère. Il contrôle la politique intérieure du noyau du mécanisme étatique – à savoir le Premier ministre et le ministère des Affaires étrangères et d’autres ministères qui jouent un rôle particulier sur la scène politique extérieure –, et soutient, dans la mesure où il le veut, la politique extérieure officielle, mais il exerce aussi la politique extérieure à sa façon.

Je pense que nous devons préserver l’autonomie et l’expression unique de ces commissions parlementaires dans les politiques étrangères internationales, en tenant compte bien entendu, et non pas en ignorant, ni en nous soumettant, de l’importance des positions que nous avons.

Je pense par ailleurs que les parlements peuvent devenir des organes d’expression de ce que l’on appelle les questions nationales. Les Chinois les appellent des questions au cœur de la politique étrangère. Il existe différentes appellations, mais celle-ci a été établie. On pourrait aussi appeler cela les questions immédiates que nous avons dans le monde environnant.

Dans un même temps, j’aimerais vous dire de l’expérience que j’ai tirée des autres parlements – et tout ce que j’ai pu étudier à ce sujet et je ne suis pas un spécialiste – qu’il est important de ne pas soulever des questions qui n’intéressent que notre pays. En politique étrangère, pour développer et avoir un rôle, il est très important de défendre des principes généraux, d’être solidaire avec les besoins des citoyens qui vivent dans le monde, de prendre en compte les peuples qui luttent pour obtenir des droits élémentaires ou pour pouvoir satisfaire des besoins élémentaires. Dans la mesure où l’on adopte et lutte pour un éventail élargi de questions, on devient plus convaincant quant à ce que l’on veut exprimer concernant son propre pays.

Cela signifie bien entendu que, en tant que ministre des Affaires étrangères je serais toujours content si vos commissions soutiennent nos conceptions en matière de politique étrangère, mais je serai d’autant plus content si je peux apprendre de votre expérience, car vous voyez les choses d’un autre angle, vous êtes plus près de la société, vous rencontrez d’autres types de personnalités et acteurs sociaux lors de l’exercice des tâches des Commissions créées par le Parlement et par extension, vous avez beaucoup de choses à nous dire. Autrement dit, dans la mesure du possible, que nous puissions bénéficier de vos expériences, de vos soucis et de vos préoccupations et j’espère que nous pourrons valoriser cette expérience au mieux pour que nous soyons également gagnants.

J’aimerais donc dire que nous avons une succession d’actions et une interaction en politique étrangère, tout en gardant bien entendu le rôle particulier du ministère des Affaires étrangères. Je pense que vos commissions doivent être autonomes tout en étant aidés du ministère des Affaires étrangères et garder cette particularité que je viens de décrire. Car comme je l’ai dit, le cas de figure est la société civile, les organisations sociales, les activistes. En haut, en bas, à côté, la forme de la figure m’importe peu, il y a le ministère central des Affaires étrangères et bien entendu le Premier ministre – le ministère des Affaires étrangères suit ses ordres – et entre les deux il y a le Parlement qui joue un rôle de médiateur.

Il ne faut pas oublier que de par la nature de ses activités, le Parlement est un organe profondément démocratique, avec une fonction démocratique profonde, puisque les opinions individuelles et des parties prévalent, ce qui n’est pas le cas dans un ministère des Affaires étrangères. C’est pourquoi certaines discussions entre les parlementaires et la société sont plus faciles.

Je suis heureux – et je le dis en ma qualité de député – que ces commissions parlementaires que nous demandions – du moins moi – commencent leur activité avec le nouveau Bureau du Parlement au début de cette l’année. Ce sont des groupes parlements au sein desquels vous avez hiérarchisé, par votre participation, les domaines d’intérêt, de la même façon que je l’aurais fait. Autrement dit, les plus grands groupes sont la Chines, les Etats-Unis d’Amérique, les principaux acteurs de l’Union européenne, la Serbie, la Turquie et autres pays de la région. S’agissant des pays qui sont le plus éloignés de nous, j’ai vu que ces commissions ont jusqu’à trois membres maximum. Ces groupes d’amitié peuvent enregistrer les questions que nous avons avec d’autres pays et aider à la revalorisation de notre politique étrangère. Par ailleurs, elles peuvent nous ouvrir la voie pour établir des relations avec des pays avec lesquels nous n’entretenons pas des relations étroites ou avec lesquels nous n’entretenons pas de relations en raison du fait que nous sommes pris dans notre quotidien et occupés à nos problèmes. Si vous identifiez l’intérêt d’un pays avec lequel nous n’entretenons pas de contacts étroits aujourd’hui, ce serait un bénéfice pour nous. Et vous pouvez – car c’est plus facile pour les députés, à travers vos délégations parlementaires – nous aider à identifier la volonté et les intentions de pays tiers, importants pour nous, vis-à-vis de nos grandes questions nationales ou des problèmes que nous appelons mondiaux.

Peu de ministres des Affaires étrangères – j’ai coutume de le faire du moins dans les instances auxquelles je participe au niveau international – parlent la langue de la vérité, de la clarté et de l’honnêteté, mais utilisent plutôt le langage diplomatique. Parfois, le décodage de cette langue peut se faire au moyen des contacts parlementaires que vous aurez. Du point de vue pratique maintenant, je pense que les commissions ont le soutien sans faille et doivent avoir le soutien sans faille du ministère des Affaires étrangères. Je pense que nous pourrions à l’avenir créer des relations spéciales entre le Président ou le Bureau de chaque commission et – si possible ou si besoin est – d’autres députés, avec la direction respective du ministère des Affaires étrangères.

Il est manifeste que le ministère des Affaires étrangères apporte son aide par le biais de ses directions et de ses ambassades. Par conséquent, lors de chaque voyage d’une commission à l’étranger, il faudra établir un contact avec notre ambassade et nos ambassades se doivent d’aider chaque représentation parlementaire et de fournir un dossier avec tous les documents que nous estimons nécessaires pour le succès d’une mission.

Il est vrai que certaines questions ne doivent pas toujours être rendues publiques. Toutefois, pour les questions spécifiques, je pense qu’il peut y avoir ne serait-ce qu’une communication orale sur ce à quoi l’on doit faire attention ou encore sur l’état d’avancement d’une négociation.

Permettez-moi de dire, à titre d’information, que ces derniers jours, nous avons eu des développements intéressants. Nous avons créé une nouvelle réunion trilatérale. La réunion trilatérale est un système institutionnel que nous avons avec deux pays tiers. Aujourd’hui, selon la règle, le deuxième pays est Chypre. Chypre et la Grèce sont des Etats membres de l’Union européenne et nous soutenons les intérêts ou les convictions de nos partenaires. Nous essayons de développer systématiquement des relations économiques, sociales et politiques, notamment pour ce qui est des problèmes régionaux.

Les systèmes de ces réunions tripartites sont complexes. Le premier niveau est celui des diplomates, le second celui des secrétaires généraux, le troisième celui des ministres des Affaires étrangères et le quatrième celui des Premiers ministres ou des Président d’Etats. Récemment, il y avait, par exemple, le Président d’Egypte, M. Sissi.

Nous avons également eu une réunion trilatérale dans le passé, où nous avons eu une coopération avec l’Egypte et Israël. Nous débutons maintenant une coopération plus systématique avec la Jordanie. Nous avons fait les premières rencontres de secrétaires généraux, de directeurs politiques et de ministres avant-hier, lundi. Nous avons en tête également de créer une réunion trilatérale avec la Palestine et le Liban.

Par ailleurs, nous sommes convenus avec les pays arabes, avec lesquels nous avons des réunions trilatérales, d’organiser vers la fin de l’année des réunions multilatérales avec tous les pays arabes qui participent à des réunions trilatérales sur les questions de sécurité et de stabilité en Méditerranée orientale.

Il serait sans doute intéressant que vous réfléchissiez sur la création de commissions parlementaires trilatérales en tant que nouvelle institution, comme faisant suite ou précédant les réunions trilatérales futures, aux côtés des groupes bilatéraux d’amitié, lesquelles contribueraient à apporter un poids sociopolitique plus fort aux réunions trilatérales que nous commençons à développer.

Dimanche, tard dans la soirée, nous avons eu une réunion quadripartite entre les Etats membres de l’Union européenne qui sont situés dans les Balkans, la Croatie, la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce. La Croatie se trouve dans un processus de formation de son gouvernement, mais des diplomates éminents ont participé à la réunion. Nous sommes convenus de poursuivre lors du Conseil informel, ledit Gymnich – car il s’est tenu pour la première fois dans cet Etat – les 5 et 6 février.

C’est notre initiative, qui, je l’espère sera mise en œuvre plus fréquemment à l’avenir, sur une sorte de coopération entre quatre Etats membres de l’Union européenne que nous n’avions pas dans le passé. Avant, il y avait eu la tentative de création d’une réunion trilatérale avec la Roumanie et la Bulgarie sur des politiques communes dans le but de stabiliser la région des Balkans et l’Europe du Sud-est.

Nous avons également une coopération étroite avec Chypre qui, j’imagine, a et aura sa dimension parlementaire. Nous avons des contacts étroits avec des Etats membres de l’UE, mais dans le système parlementaire il y a aussi le parlement européen et il faudra voir comment faire distinguer les questions bilatérales, qui ne concernent pas l’UE strictement, des questions relevant du Parlement européen.

Il est par ailleurs positif de constater que certains pays – je dirais qu’ils sont actuellement au nombre de quinze – avec lesquels nous développons des relations spéciales, comme par exemple la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, ou encore la Russie. Il est important d’intensifier nos relations avec ces pays au niveau des institutions parlementaires également. Je parle d’institutions car celles-ci – la plupart d’entre elles – sont dotées de systèmes parlementaires uniques, comme l’Assemblée populaire nationale avec trois mille députés, qui se réunit une fois par an en Chine, ou encore de systèmes avec deux chambres ou de sous-systèmes, comme c’est le cas du Congrès américain qui a le Sénat et la Chambre des Représentants.

Par conséquent, je prierais le Bureau du Parlement et vous, au-delà des réunions parlementaires bilatérales, d’ouvrir la voie ou de suivre les procédures multilatérales spéciales que suit la politique étrangère grecque et que cela soit exprimé à travers la procédure parlementaire.

Je vous remercie beaucoup de votre attention et j’espère devenir plus sage grâce à vos remarques d’aujourd’hui et de demain.

Je répète qu’il s’agit d’une question pour laquelle – outre les désaccords sur des questions pratiques en matière de politique étrangère – nous avons des préoccupations communes et le rôle de l’opposition – gouvernement est moins intense que dans les groupes parlementaires réguliers.

Je vous remercie.

January 21, 2016