Discours tenu par le ministre des Affaires étrangères D. Avramopoulos lors de la conférence annuelle de l'American Jewish Committee

 Discours tenu par le ministre des Affaires étrangères D. Avramopoulos lors de la conférence annuelle de l'American Jewish CommitteeChers amis,
Robert Elman et David Harris,

Permettez-moi de vous dire que me trouvant ici, à cette manifestation exceptionnelle, je me sens comme si j’étais en famille.

Je n’exagère pas quand je vous dis que je ne viens pas d’Athènes, mais directement de Jérusalem, où je me trouvais il y a trois jours, et j’emporte avec moi la cordialité et les sentiments d’amitié du peuple israélien.

Monsieur le Président et Directeur exécutif de l’American Jewish Committee, chère amie, Mme la ministre de la Justice et négociatrice en chef sur le dossier palestinien, Tzipi Livni, membres distingués, invités distingués de l’American Jewish Committee,

Je m’adresse aujourd’hui à cette assemblée avec un sentiment profond de respect et d’amitié.

C’est un grand honneur pour moi de m’adresser à des personnalités aussi éminentes de la société américaine aux noms prestigieux. Des noms qui évoquent la réussite. Des noms de personnes qui ont joué et continuent de jouer un rôle crucial dans la vie économique, scientifique, culturelle, sociale et politique de cette grande nation que sont les Etats-Unis d’Amérique, un pays ami et allié de la Grèce.

La Grèce et les Etats-Unis ont combattu ensemble pour les mêmes valeurs de la démocratie, de la liberté et du respect de la dignité humaine. Nous devons aux Etats-Unis et au Président Truman la reconstruction de la Grèce après l’occupation nazie et notre guerre civile qui a eu des conséquences désastreuses pour notre pays.

Je saisis l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui, à Washington, pour adresser un message à notre grand ami et allié que sont les Etats-Unis d’Amérique. En dépit des bouleversements produits par les évolutions régionales et mondiales, la Grèce était, et continuera d’être, le facteur de stabilité le plus fiable, puissant et stable de tout le voisinage de l’Europe du sud-est et de la Méditerranée orientale. Et comme l’a prouvé l’histoire contemporaine, la Grèce est le bastion de nos valeurs communes, notamment la démocratie, la paix, la stabilité et la sécurité. Des valeurs dont le monde a plus que jamais aujourd’hui besoin en ces temps perturbés.

Nous reconnaissons par ailleurs, les importants exploits de la communauté juive des Etats-Unis, lorsque, après la Deuxième Guerre mondiale, ils ont servi de refuge à des milliers de victimes des persécutions nazies.

Une communauté dont certains de ses membres ont survécu à l’Holocauste, des martyrs du crime le plus abominable qui n’ait jamais été commis dans l’Histoire de l’Humanité. Elles ont trouvé ici une nouvelle Terre Promise et ont joué un rôle crucial dans la grandeur de l’Amérique.

Je me trouve ici en qualité de représentant d’une nation et d’un peuple qui partage les mêmes valeurs et principes que le peuple juif et qui s’inspire de notre passé culturel et historique commun. Deux peuples anciens qui, pendant plus de 3 000 ans, se rencontrent de par le monde où florissaient le commerce, les lettres et les sciences et où se développaient les civilisations. Il est vrai que nous avons vécu de nombreuses aventures et avons fait de nombreux sacrifices au fil des siècles.

Nous savons comment nous adapter à toutes les circonstances de la vie, en enrichissant dans le même temps les nations et les sociétés dans lesquelles nous nous intégrons. Les Etats-Unis sont le meilleur exemple.

Chers amis,

Il y a exactement un an, j’avais été invité à participer à ce Forum. Malheureusement, je n’ai pu y assister en raison d’élections prématurées. J’avais à l’époque promis à mon bon ami David Haris que je viendrais, et c’est mon cœur et non l’engagement qui m’a amené ici.

Je viens en messager de l’amitié et de la solidarité. Ma visite coïncide avec les événements qui provoquent et nous provoquent. Et je me réfère à la résurgence de l’antisémitisme en Europe. Il semblerait que certains Européens aient oublié le passé. L’heure est venue d’élever notre voix, d’offrir un soutien mutuel et de mettre définitivement fin à une menace qui sape l’édifice de la paix et de la démocratie que nous avons bâti tous ensemble. C’est une insulte à notre civilisation.

Dans l’édition du dimanche du quotidien grec « TO VIMA », David Haris a souligné la montée de l’antisémitisme en Europe : « Notre histoire nous enseigne que l’antisémitisme pourrait commencer avec les Juifs, mais finalement il menace la prospérité de pays tout entier ».

Comme vous le savez déjà la Grèce, en raison de ses problèmes économiques, est confrontée à des défis sociaux de taille, avec des forces politiques qui sont une honte pour nos traditions démocratiques et humanitaires. Permettez-moi de dire, depuis cette tribune, avec détermination et conviction, que la Grèce ne permettra jamais à la haine de se propager dans le pays. Nous lutterons contre cette haine et y mettrons un terme. Mais dans le même temps, nous devons lutter de manière efficace contre les facteurs sociaux qui ont permis que cela se produise. L’ignorance, le désespoir, la colère, la déception vis-à-vis du système politique sont quelques-uns de ces facteurs. Je suis certain que les antisémites disparaîtront avec la fin de la crise.
Nous devons admettre que la crise économique a fait naître un phénomène très dangereux qui ne sied pas à la culture démocratique du peuple grec. Personne n’aurait pu penser que le pays qui a donné naissance à la démocratie et au respect de l’homme, et qui est le meilleur exemple d’opposition au nazisme, ne puisse jamais tolérer et accepter la renaissance de la haine et du racisme. La détermination du gouvernement et la volonté ferme du peuple en sont la garantie.

Chers amis,

Je suis un vieil ami du peuple juif. Je me souviens des premiers pas que j’ai fait dans la diplomatie et la politique, lorsque j’ai œuvré pour la reconnaissance d’Israël et l’établissement de relations diplomatiques, entre Israël et la Grèce, lorsque le Premier ministre actuel de la Grèce, Antonis Samaras, occupait les fonctions de ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de Konstantinos Mitsotakis. J’étais maire d’Athènes lorsque la première cérémonie officielle Yad Vashem a eu lieu à la Mairie d’Athènes en 1995. J’ai vécu des moments inoubliables. J’ai rencontré des martyrs, des victimes de l’Holocauste et leurs paroles sont encore très présentes à mon esprit. J’ai également rencontré des Grecs qui ont aidé les Juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale et je me souviens de leur message fort : « Votre génération ne doit pas permettre que cela se reproduise ».

J’ai également été le premier maire d’une capitale européenne à avoir effectué une visite officielle à Jérusalem et signé un protocole d’accord de coopération en 1999.

Pendant toutes ces années, je constatais, avec joie, que les relations entre la Grèce et Israël s’approfondissaient et se renforçaient. Il y a deux jours, j’ai effectué une visite officielle en Israël en vue de la préparation de la première réunion intergouvernementale entre la Grèce et Israël, laquelle se tiendra dans trois mois. Pendant cette rencontre, 20 accords au moins devraient être signés, des accords qui permettront d’établir un réseau de coopération entre la Grèce et Israël.

Ce sera un moment important pour nos deux nations. Cette rencontre est le fruit d’actions précises, cohérentes et ayant fait l’objet d’une bonne préparation, ce qui traduit la volonté ferme de nos deux pays de coopérer étroitement dans l’intérêt de la prospérité de nos deux peuples.

Les liens sont forts, les perspectives de taille et les efforts difficiles. Nous devons nous inspirer du modèle de coopération que vous avez réussi à instaurer ici aux Etats-Unis avec les communautés gréco-américaines et américano-chypriotes.

Une coopération qui inaugurera une nouvelle ère et confèrera aux Juifs et Grecs un rôle encore plus important qui nous conduira vers l’avenir. Il est vrai que cette évolution a tardé à venir. Mais elle est arrivée au moment le plus opportun, car c’est aujourd’hui, plus que jamais, que les Etats-Unis, dans le cadre de leur rôle mondial, ont besoin de notre héritage, de nos valeurs communes, de nos idées et de nos idéaux qui seront mis au service de notre perspective commune pour un monde cohérent, démocratique et pacifique.

Mes chers amis,

Notre voisinage est de nouveau en crise. La menace est mondiale. Nous soutenons pleinement la nouvelle initiative du Secrétaire d’Etat américain, John Kerry sur le processus de paix au Moyen-Orient.

La Grèce, comme elle l’a souvent fait dans le passé, est prête à apporter son aide pour faciliter tout effort consenti en faveur de la paix. Espérons que la logique prévaudra. Dans cet esprit, se développent nos relations bilatérales avec Israël. Au même moment, dans la même région géographique, avec Chypre qui se trouve au milieu, et qui espérons-nous sera unie et libérée du joug étranger, nous mettons en œuvre des plans de coopération pour le développement de nos ressources énergétiques, en nous axant sur la prospérité de notre région tout entière.

Permettez-moi de vous rappeler et de souligner de nouveau que notre stratégie n’est pas du tout hostile à un quelconque pays de la région. Au contraire, elle est la meilleure garantie pour la paix et la prospérité de tous nos pays voisins. A ce stade, j’aimerais vous rappeler que la Fédération chypriote d’Amérique et la Fédération des associations grecques de New York étaient fières de leur participation au défilé de la communauté juive, dimanche 2 juin, et ont exprimé leur soutien au peuple d’Israël et nos valeurs démocratiques communes.

Mesdames et Messieurs,

La Grèce et Israël sont les démocraties les plus stables et les plus mûres de la région. Nous sommes les pays les plus démocratiques de la région. Nous partageons la même passion pour la défense et la promotion de la liberté. Nous prenons des engagements vis-à-vis des défis de notre avenir afin de livrer ensemble le combat contre le terrorisme et les facteurs qui le cultivent. Nous sommes deux pays uniques dans notre région : nos pays sont petits de par leur taille, mais grands de par leur histoire, leur civilisation, la qualité de leurs ressources humaines et leurs capacités. Nous avons le soutien de notre Diaspora et nous devons maintenant bâtir notre amitié et nos intérêts communs.
Mes chers amis,

La Grèce traverse toujours une période difficile, ce que vous savez tous. Mais comme l’avait dit Winston Churchill « Si tu traverses l’enfer, ne t’arrête pas ».
Il avait aussi dit : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté ».

Et c’est ainsi que nous voyons les choses en Grèce. Nous travaillons durement, au travers des politiques que nous mettons en œuvre avec détermination. Certaines politiques auraient dû être appliquées en dehors du contexte de la crise : la restructuration de l’administration publique, les privatisations, les mesures concernant les professions réglementées et la facilitation aux entreprises et investissements privés. D’autres politiques s’imposent par nécessité. Mais malgré tout cela, les choses s’améliorent beaucoup.

La baisse considérable du déficit et l’excédent de la balance des paiements attendues cette année, sont porteuses d’espoir et nous pouvons voir maintenant une lueur au bout du tunnel.

Les sacrifices de notre pays produiront des résultats finaux, avant tout pour notre peuple.

La Banque mondiale a déclaré récemment que la Grèce est l’une des 12 économies à enregistrer la meilleure amélioration au niveau mondial. Est-ce que cela aurait été pensable il y a douze mois ? Il y a un an tout le monde pariait contre la Grèce.

Aujourd’hui, selon le Financial Times, « les capitaux d’investissements parient que la Grèce fleurira et survivra ». Le relèvement de la note de crédit de la Grèce par l’agence de notation Fitch et Standard and Poors, les multiples déclarations positives et autres articles confirment le climat positif.

La compétitivité de notre économie s’est drastiquement améliorée. Les fonds d’investissement privés et publics du monde entier ont exprimé leur intérêt d’investir dans des projets stratégiques en Grèce. Je vous invite à visiter la Grèce et à y investir. C’est maintenant le moment de le faire.

Nous sommes tout au début d’un long processus visant au redressement de l’économie grecque. Nous n’allons pas ralentir notre pas. Nous continuerons d’appliquer toutes les mesures nécessaires, les réformes structurelles et les privatisations et nous redoublerons nos efforts en vue d’alléger la souffrance des groupes les plus vulnérables de la population et surtout des jeunes chômeurs.

Mais ce stade précoce constitue aussi une opportunité. Une opportunité pour les investisseurs qui seront les premiers à identifier cette nouvelle tendance et investiront dans les perspectives renouvelées de notre économie.

Des investisseurs qui, avant tout, apprécient les avantages comparatifs uniques de notre pays, à savoir sa position géostratégique à la porte d’accès sud-ouest de l’Europe, ses réserves énergétiques, le long littoral méditerranéen, la plus grande flotte marchande mondiale, le climat idéal, la gastronomie excellente et ses ressources humaines compétentes.

La Grèce dispose d’une richesse nationale unique. Nous serons très contents d’accueillir les coentreprises américaines, israéliennes et grecques qui peuvent jouer un rôle avantageux dans de nombreux domaines, entres autres, l’industrie de défense, les projets agricoles et, bien entendu, l’énergie.

Permettez-moi de faire une référence spéciale au tourisme. L’année dernière, 400 000 Israéliens ont visité la Grèce et, cette année, on s’attend à un flux touristique encore plus important. Une chose est sûre : le Premier ministre Netanyahu a promis de visiter la Grèce.

Et savez-vous pourquoi ? Parce que les Israéliens se sentent chez eux en Grèce. C’est un pays qui a ouvert ses bras et son cœur à nos amis israéliens. Et, le plus important, la Grèce est un pays sûr.

Chers amis,

Nous ne pouvons pas oublier qu’à l’époque sombre marquée par l’atroce crime de l’Holocauste, les Grecs ont protégé les Juifs qui vivaient en Grèce. Des Juifs, amis et compatriotes, ont trouvé refuge chez des centaines de familles grecques qui les ont cachés chez elles en bravant tous les dangers. En outre, il ne faut pas oublier qu’après la guerre c’était le nouvellement fondé Etat d’Israël qui a envoyé en Grèce les premières équipes de sauvetage en vue de soutenir les Grecs, victimes des séismes qui ont touché les îles de Céphalonie et de Zakynthos.

Il est vrai que les Juifs n’oublient pas.

En mars dernier, le Premier ministre grec, Antoni Samaras a prononcé un discours historique à Thessalonique, à la plus grande synagogue en Grèce, dans le cadre d’une cérémonie consacrée à la mémoire des premiers Juifs grecs déportés et transportés au camp de concentration d’Auschwitz.

Et je vous assure que ses paroles : « Plus jamais ça ! », nous servent de guide dans l’exercice de notre politique démocratique et antiraciste. A ce stade, je voudrais partager avec vous certaines réflexions qui me sont venues à l’esprit lors de mon déplacement à Jérusalem, tout en étant inspiré par ma visite au musée de l’Holocauste et par les fortes émotions que j’ai ressenties là bas, des réflexions que j’ai notées dans le livre des visiteurs à Yad Vashem :

« En visitant encore une fois le musée consacré à la mémoire des milliers de martyrs, j’ai constaté qu’il y avait plus de bruit que l’autre fois. Et cela est dû malheureusement au fait que les comportements qui ont permis à ce crime abominable d’être commis, émergent de nouveau dans le monde entier. L’homme n’oublie pas. Cela lui permet plusieurs fois d’avancer mais l’oubli ne peut dominer. Oublier les martyrs, oublier l’Holocauste ne constitue pas seulement un acte impardonnable mais aussi dangereux, offensant nos sentiments d’humanité. L’horreur est si grande, le respect dont nous devons faire preuve à l’égard des victimes si immense et notre devoir d’éviter qu’une chose similaire se répète est impérieux. Nous ne devons jamais oublier ».

Mesdames et messieurs,

Nos peuples, comme je l’ai tout à l’heure dit, ont jeté les fondements de la civilisation occidentale. Comme l’a affirmé Leo Strauss, Athènes et Jérusalem sont les deux sources de notre civilisation et je cite ses paroles : « Ces grandes villes représentent les deux forces de la raison et de la révélation qui ont insufflé la vie à l’Occident ».

Tout au long de ces années difficiles, je pense, comme Winston Churchill l’avait encore affirmé, que les empires du futur seront spirituels. Et face à cet avenir nos grands peuples ont un rôle important à jouer.

Et nous pensons fermement que nos deux peuples peuvent jouer ce rôle de concert. L’amitié historique entre les Américains, les Grecs et les Israéliens, comme je l’ai tout à l’heure affirmé, a des racines profondes. Mais je suis convaincu que notre passé ne sera pas un facteur aussi unificateur que notre avenir que nous allons construire ensemble.

Et cette nouvelle période sera longue et résistera à l’épreuve du temps, tandis que nos relations deviendront de plus en plus profondes et solides dans les années et les décennies à venir. Une nouvelle ère de rêve et de puissance, de solidarité et d’unité s’ouvre devant nous!

Baruh ha shem.

Que le Dieu vous bénisse!

June 5, 2013