JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, bienvenue à Alexandroupolis.
G. GERAPETRITIS : C'est toujours un grand plaisir d'être à Alexandroupolis et c'est un grand honneur d'être parmi vous aujourd'hui. Il est très important de mettre en avant les avantages géopolitiques de la revalorisation de la Grèce et en particulier de la Thrace, région à l’égard de laquelle nous avons une très grande sensibilité. Il s'agit des frontières de la Grèce, de notre territoire, et il est toujours prioritaire de pouvoir œuvrer en faveur de son renforcement et de sa revalorisation.
JOURNALISTE : Hier, l'ambassadeur américain, M. Tsounis, a décrit Alexandroupolis comme un point unique en Grèce, d'une importance géostratégique, commerciale, énergétique et militaire. J'aimerais connaître votre avis sur l'importance de la ville au milieu de deux guerres, la guerre en Ukraine qui se déroule actuellement, la guerre au Moyen-Orient, et l'inversion des routes énergétiques, mais aussi des routes commerciales qui vont maintenant du sud au nord.
G. GERAPETRITIS : Alexandroupolis est en train de devenir un centre géostratégique d'une importance énorme. Alexandroupolis est aujourd'hui, tout d'abord, un environnement énergétique très diversifié. C'est un centre énergétique de grande importance. Je peux l'expliquer, mais c'est aussi une évidence. À l'heure actuelle, la deuxième dimension forte d'Alexandroupolis est qu'elle est en train de devenir une plaque tournante du transport combiné, avec les grands projets qui ont lieu dans le port. Mais surtout, avec les améliorations apportées au réseau routier et ferroviaire, qui créeront l'axe vertical qui deviendra une énorme route alternative pour la région et pour la Grèce dans son ensemble. Bien entendu, Alexandroupolis devient également un pôle géostratégique d'importance stratégique en matière de défense. L’accord avec les États-Unis, le MDCA, fait essentiellement d'Alexandroupolis, grâce aux projets de revalorisation et de modernisation, un pôle qui pourrait faire de la région et de la Grèce un pôle militaire très fort. J'aimerais souligner en particulier, en ce qui concerne l'énergie, qu'à l'heure actuelle, comme vous l'avez dit à juste titre, il existe une tendance mondiale générale à la diversification énergétique.
L'agressivité de la Russie à l’égard de l’Ukraine a montré qu'aucun pays ne peut fonctionner dans un régime de sur-dépendance, en particulier de sur-dépendance énergétique. C'est pourquoi la réalisation d’un énorme projet a été accélérée afin que nous puissions diversifier nos sources. Et je pense qu’aujourd’hui Alexandroupolis représente justement cette diversification énergétique. Alexandroupolis dispose actuellement de l’Unité flottante de stockage et de regazéification, la FSRU, qui est en phase d'essai et dont nous espérons qu'elle sera opérationnelle en mars. Il existe un potentiel pour une deuxième FSRU en Thrace, que nous espérons également activer.
Nous avons donc d'une part les gazoducs, qui assurent la regazéification, et d'autre part la production d'électricité, la production combinée d'électricité, qui n'utilise pas seulement le gaz naturel, mais qui pourrait à l'avenir utiliser de l'hydrogène. Nous avons les oléoducs, les deux oléoducs de Burgas à Alexandroupolis et l'oléoduc de l'OTAN. Nous comprenons donc qu'Alexandroupolis peut aujourd'hui assurer la sécurité énergétique, non seulement de la Grèce, mais aussi de l'ensemble de l'Europe du Sud-Est. Je pense qu’un 'exemple caractéristique à cet égard est le suivant : alors que la Grèce dépendait indirectement de la Bulgarie pour son approvisionnement en gaz naturel en raison de la combinaison des gazoducs, après que la Russie a interrompu l’approvisionnement en gaz de la Bulgarie, c'est la Grèce qui a fourni à la Bulgarie la possibilité de survivre. Ainsi, comme vous l'avez dit à juste titre, nous sommes actuellement sur une voie rétrograde. Aujourd'hui, notre ambition à travers Alexandroupolis est essentiellement de faire de la région un pôle rétrograde afin que nous puissions devenir les fournisseurs de toutes les formes d'énergie.
JOURNALISTE : Puisque vous avez parlé de la Russie et il est évident que tout cela se produit en raison de la guerre en Ukraine et de l'invasion en cours, je voudrais vous demander dans quelle mesure vous êtes préoccupé par ces développements ?
G. GERAPETRITIS : La réalité est que nous sommes dans une phase extrêmement critique de deux guerres qui sont relativement proches géographiquement de la Grèce. Mais au-delà de la proximité géographique, il y a aussi la proximité géostratégique. En ce qui concerne la Russie, nous comprenons tous que l'Ukraine se trouve actuellement dans une position extrêmement difficile. En effet, l'agression russe se poursuit sans relâche. Nous avons eu l'incident de la visite du Premier ministre à Odessa, qui, je pense, est également révélateur de l'état d'esprit qui règne. Nous avons le Moyen-Orient, où il semble que les efforts de paix n'aient pas été couronnés de succès. Le monde arabe déploie des efforts considérables pour présenter une proposition susceptible de réconcilier tous les problèmes du Moyen-Orient et d'offrir une perspective au peuple palestinien. L'aide humanitaire - un grand effort est fait pour l'acheminer et le corridor maritime est important - ne suffit pas. Nous sommes au bord d'une catastrophe humanitaire comme on en a rarement vu dans l'histoire mondiale.
JOURNALISTE : La Grèce va-t-elle participer au corridor maritime ?
G. GERAPETRITIS : Bien sûr que oui. La Grèce fera partie du corridor maritime. C'est une initiative qui a été prise, qui peut désamorcer un peu la crise humanitaire, mais, Madame Fotakis, permettez-moi de dire que ce n'est pas suffisant.
Pour l'instant, la crise humanitaire a atteint de telles proportions qu'un corridor maritime est nécessaire mais pas suffisant. D'autres corridors humanitaires doivent absolument être ouverts pour que l'aide humanitaire puisse circuler sans entrave, en particulier dans le nord et l'est. En d'autres termes, il devrait y avoir un flux combiné d'aide humanitaire à Gaza, de sorte que nous puissions traiter non seulement les questions liées à la fourniture des produits de première nécessité, mais aussi les questions liées aux maladies, au manque d'infrastructures de base. Je pense que nous avons atteint le point zéro. Et bien sûr, nous comprenons tous que tant que les hostilités se poursuivent, il y a toujours un risque d'alourdir le fardeau qui pèse sur l'ensemble de la région. Je sais que vous allez me poser des questions sur la mer Rouge.
JOURNALISTE : Hier, nous avons eu un incident impliquant la frégate Hydra. Permettez-moi de vous dire qu'il y a tellement de parties qui réagissent, de personnes qui réagissent, qui ont peur et qui pensent que la Grèce est impliquée dans une guerre. Il est tout à fait compréhensible que les hommes politiques affirment qu'il en va de l'intérêt national, mais lorsque les véritables tirs commencent, des préoccupations nouvelles apparaissent.
G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, pour être très, très précis sur ce qui s'est passé - nous avons eu la première opération avec des tirs réels, qui étaient dirigés contre de petits avions sans pilote. Il s'agissait donc en fait d'UAV, vous savez, de drones, qui volaient et créaient des conditions de destruction. Ce que je veux souligner, c'est que la Grèce adopte une position de principe au niveau de la politique internationale. Nous sommes en faveur du droit international, en faveur de la défense, contre toute forme de révisionnisme. Il y a une vision d'ensemble, une stratégie, que nous devons toujours servir et que nous devons servir de manière cohérente. Nous devons être actifs dans notre politique.
En ce qui concerne plus particulièrement la mer Rouge, je tiens à souligner que, tout en écoutant et en respectant les opinions qui veulent que la Grèce adopte une neutralité créative, je ne peux, en tant que ministre des Affaires étrangères et le gouvernement dans son ensemble, fermer les yeux lorsqu'il y a une attaque en mer Rouge en ce moment, non seulement contre le commerce international, mais aussi contre des navires grecs. La décision prise par le gouvernement grec, permettez-moi de le dire, était une décision absolument équilibrée et nécessaire. Nous avons dit que nous serions actifs en mer Rouge, avec un rôle d'accompagnement et de défense - pas offensif, évidemment - mais nous assurerons, comme il se doit, la liberté de navigation, la sécurité de la navigation, la sécurité des marins grecs, la sécurité des navires grecs. Et je voudrais dire ceci à ceux qui prétendent que nous devrions être neutres pour éviter les risques, je voudrais qu'ils prennent en compte les conséquences énormes que pourrait avoir aujourd'hui une industrie maritime constamment menacée. La Grèce est la première puissance navale en termes de flotte marchande. Lorsque vous êtes la première puissance, vous n'avez pas seulement des privilèges, vous avez aussi des obligations.
JOURNALISTE : Les risques sont donc compréhensibles. Nous ne disons pas que nous allons dans un environnement sûr.
G. GERAPETRITIS : Nous sommes toujours bien réalistes. Il y a toujours une évaluation des risques et une évaluation des coûts et des bénéfices. Ce que nous disons, c'est qu'il doit y avoir une présence correspondante de la Grèce et cette présence correspondante est claire. La Grèce ne s'engagera jamais dans des actions agressives. Nous ne ferons rien qui puisse mettre en péril la mission grecque et la diplomatie grecque. Ce que nous faisons, et nous le faisons de manière cohérente et avec conviction, c'est d'être dans une zone extrêmement vulnérable, de protéger la navigation grecque, les marins grecs, la politique étrangère grecque.
JOURNALISTE : En ce qui concerne l'Ukraine, envisagez-vous d'envoyer une aide autre que logistique ?
G. GERAPETRITIS : Si vous voulez parler de troupes, il n'y aura pas d'envoi de troupes grecques. Nous continuerons à soutenir l'Ukraine. Je tiens à vous dire que la situation en Ukraine est sombre, et je sais que cela peut sembler une banalité aujourd'hui, mais la situation a atteint le point de non-retour pour l'Ukraine. L'agression russe se poursuit et s'intensifie. L'Ukraine se trouve dans une position de plus en plus difficile au fil du temps. La communauté internationale a exprimé sa solidarité, mais cela ne suffit pas toujours. Pour moi et pour la Grèce, soutenir l'Ukraine par tous les moyens, en la soutenant politiquement et militairement, est une nécessité absolue et une obligation nationale. Je le répète, si nous ne nous opposons pas aujourd'hui au révisionnisme qui est présent dans de nombreuses parties du monde, nous perdons tout droit moral d'invoquer le révisionnisme dans une situation future, quelle qu'en soit la signification.
JOURNALISTE : Permettez-moi de revenir sur la situation à Gaza, la guerre à Gaza et le Moyen-Orient. On s'inquiète de l'élargissement du front, mais il y a aussi des questions secondaires, comme celle de l'Égypte, qui sont extrêmement préoccupantes. Nous avons déjà constaté une augmentation des flux migratoires vers la Crète. J'aimerais votre commentaire là-dessus.
G. GERAPETRITIS : Vous abordez une question très, très importante. Bien sûr, nous comprenons tous que ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient est principalement lié à la crise humanitaire qui est générée. Mais les conséquences collatérales sont loin d'être négligeables. Il s'agit évidemment de l'extension des hostilités. Vous avez déjà mentionné la sécurité du commerce international, qui peut également signifier une augmentation considérable des prix dans le monde entier, en plus de la sécurité de la navigation internationale. Il y a aussi les questions géostratégiques plus larges. Vous évoquez à juste titre l'Égypte.
L'Égypte est un pays qui est actuellement un pilier dans la région élargie. Elle est entourée d'un voisinage extrêmement difficile, un voisinage qui est soumis à de fortes pressions et qui crée des conditions de grande tension dans l'ensemble de la région. L'Égypte devrait se tenir, et s'est tenue jusqu'à présent de manière productive, avec une certaine modestie, si je puis dire, face aux choses, en jouant un rôle créatif substantiel. D'autre part, l'Égypte a subi une énorme perte économique à la suite de ces événements. Il suffit de penser à la réduction de 35 % des revenus provenant des transits par le canal de Suez, qui est la principale ressource de l'Égypte, pour comprendre qu'elle est au bord de multiples crises.
Elle reçoit également une aide importante du Fonds monétaire international. Mais elle recevra également une aide très importante de l'Union européenne. Et je voudrais vous dire que la Grèce a été à l'avant-garde de l'amélioration de la relation stratégique de l'Union européenne avec l'Égypte et de l'aide qui lui sera apportée.
Une délégation au plus haut niveau de la Commission européenne se rendra en Égypte ce week-end en présence du Premier ministre grec, afin qu'il puisse proclamer le soutien que l'Union européenne et la Grèce apportent à l'Égypte. Comme vous le savez, la Grèce et l'Égypte ont développé une relation stratégique très forte. Pour nous, le soutien à l'Égypte n'est pas seulement nécessaire, c'est aussi une obligation nationale et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le maintenir. Je tiens à vous rappeler qu'en plus des questions géostratégiques qui lient la Grèce et l'Égypte, il y a aussi la question du développement d'un programme énergétique majeur, l'interconnexion de l'Égypte avec la Grèce, l'interconnexion électrique de l'Égypte avec la Grèce. Il s'agit d'un projet qui a été approuvé par la Commission européenne en tant que projet d'intérêt mutuel, c'est-à-dire l'un des principaux projets que l'Union européenne accepte aujourd'hui. Il garantira l'adéquation et la continuité de la couverture énergétique. Un mot sur la migration, que vous avez mentionnée. En effet, la pression migratoire de l'axe sud est considérable. En ce moment, nous avons des flux accrus en provenance de la Libye. Je tiens à vous rappeler que la Libye est un pays extrêmement vulnérable en raison des conditions, des conditions politiques qui se sont développées ces dernières années.
JOURNALISTE : Et un autre facteur d'instabilité.
G. GERAPETRITIS : Un autre facteur d'instabilité dans la région élargie. Je dois souligner que cette augmentation des flux migratoires en provenance de la Libye concerne principalement des Égyptiens qui traversent la frontière et qui, de l'est de la Libye, arrivent en Grèce. Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour que, d'une part, les frontières soient contrôlées et que, d'autre part, les personnes qui arrivent en Grèce soient renvoyées. Cependant, je tiens à souligner combien il est important, lorsque nous parlons de crises migratoires, d'essayer de gérer les causes sous-jacentes qui produisent la crise. Et dans ce cas, la cause sous-jacente, qui produit la crise, est précisément la grande instabilité que nous observons dans la région de l'Afrique, en particulier en Afrique du Nord, mais aussi en Afrique subsaharienne et au Moyen-Orient. Il faut donc une diplomatie active, l'établissement d'un régime de paix et, bien sûr, la suppression des inégalités, qui, malheureusement, est actuellement très inégale.
JOURNALISTE : Permettez-moi de changer de chapitre et de passer aux relations gréco-turques, puisque nous avons eu lundi la visite de la Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Mme Papadopoulou, à Ankara, dans le cadre d'un dialogue politique. Permettez-moi de commencer par les questions les plus faciles. Avons-nous discuté de ce qui nous préoccupe ces derniers temps ? Y a-t-il des choses qui nous dérangent ? Peuvent-elles perturber le climat ? Quelles réponses avez-vous obtenues ?
G. GERAPETRITIS : Je l'ai dit à plusieurs reprises. Avec la Turquie, la conversation n'est pas facile et nous le comprenons tous. Moi, et c’est ma vision du monde, j'ai toujours un principe de base : nous devons discuter. Nous devons adopter un ton consultatif. Nous ne pouvons pas toujours être en alerte. Et cela ne s'applique pas seulement à la Turquie. Il s'agit de toutes les synergies qui peuvent être développées. Je pense que des discussions productives peuvent permettre de réaliser des choses importantes. Et surtout, une chose peut être réalisée. Les différences n'engendrent pas de crise. Lorsque je suis arrivé au ministère, je me suis fixé comme objectif, pour ce qui est des relations gréco-turques, et selon les instructions du Premier ministre, de pouvoir discuter, de trouver le moyen, le mécanisme, pour qu'à chaque fois que nous avons des tensions, nous ne produisions pas de crises et, si nous le pouvons, aborder aussi les questions difficiles. Les questions faciles maintiennent un état d'accalmie dans la région. Mais tant que nous n'aborderons pas et ne résoudrons pas les questions difficiles, qui perdurent depuis des décennies, nous ne serons pas dans un état de calme absolu.
JOURNALISTE. Quand allons-nous aborder les questions difficiles ? L’accord conclu entre la Libye et la Turquie par exemple.
G. GERAPETRITIS : Nous comprenons tous que l’accord turco-libyen n'est pas fondé, qu'il ne produit pas d'effets juridiques. Quoi qu'il en soit, nous avons eu une décision d'un tribunal libyen qui a précisément accepté l'absence d'effets juridiques de ce mémorandum.
Ce que je veux vous dire, c'est que le mandat que les deux ministres des affaires étrangères ont reçu des deux dirigeants, les chefs de gouvernement, est de procéder, lorsque les conditions seront jugées appropriées, à l'examen de nos principales questions. Et, bien sûr, je comprends que les questions majeures, nous le comprenons tous, sont la délimitation des zones maritimes et, en particulier, la zone économique exclusive et le plateau continental. C'est une discussion qui, à mon avis, doit avoir lieu.
Il est très important que nous puissions poursuivre un régime de réconciliation, que nous n'ayons pas de violations de l'espace aérien, que nous ayons réduit les flux migratoires, grâce aux contrôles mutuels et à la bonne coopération qui a été développée aux frontières. C'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. Je pense que nous devons avoir le courage de nous pencher sur les problèmes majeurs, et le moment est important. Je pense que le temps est venu où nous pouvons discuter sans extrêmes et sans acrimonie, même sur des questions complexes.
JOURNALISTE : Donc, vous et M. Fidan allez engager la discussion sur les choses difficiles, parce que même si le climat est bon, à un moment donné, il se gâche quand nous n'avons pas de solutions.
G. GERAPETRITIS : La vérité est que le climat est satisfaisant. Nous avons développé de multiples canaux. Vous savez, il y a des tensions qui sont générées et bien souvent elles n'atteignent pas la surface, précisément parce que nous en sommes venus à avoir ces mécanismes de décompression qui fonctionnent immédiatement et efficacement. Dans de nombreux cas, des crises potentielles ont été évitées précisément parce que nous avons mis en place un mécanisme de décompression de ces crises. Nous continuerons dans cette voie.
En ce qui concerne le dialogue avec le ministre turc des affaires étrangères, nous le poursuivrons. Le ministre turc des affaires étrangères a également reçu un mandat pour discuter de toutes les questions. Bien entendu, nous aurons une discussion et peut-être une réunion avant la rencontre des deux dirigeants à Ankara en mai. Aujourd'hui, je pense que nous sommes sur une voie relativement bonne. Cela n'enlève rien au fait que nous comprenons la difficulté et la complexité de traiter en quelques mois des questions qui sont à la fois sensibles au temps et qui ont provoqué des crises majeures dans le passé. Nous voulons être en mesure, premièrement, de vivre dans un état de calme et, deuxièmement, de discuter de manière consultative non seulement des choses relativement faciles, telles que l'agenda positif mutuellement bénéfique, mais aussi des choses difficiles.
JOURNALISTE : Certains analystes, à l'époque de la crise avec la Turquie, ont également évoqué la possibilité d'un pacte de non-agression s'il n'est pas possible de trouver une solution aux grandes questions. Pensez-vous que cela soit possible ?
G. GERAPETRITIS : Un grand pas a été franchi avec la déclaration d'Athènes du 7 décembre sur les relations de bon voisinage et le développement de l'amitié. Pour moi, il faut avancer pas à pas. Je ne suis pas du tout partisan des bonds en avant. Je préfère la marche à la vitesse. En particulier en ce qui concerne les relations avec la Turquie, nous comprenons tous que nous ne pouvons pas passer de zéro à cent en quatre secondes, comme le ferait une Ferrari.
Je pense que nous devrions prendre les choses dans une logique d'approfondissement progressif. Je dois encore vous dire que j'ai le sentiment que nous sommes en train de construire une honnêteté mutuelle qui, par le passé, s'était effondrée. Je pense que nous avons atteint un niveau satisfaisant de compréhension mutuelle, mais nous devons avancer pas à pas, et non par bonds.
JOURNALISTE : Mais il y a aussi le problème de Chypre, qui reste dans l'impasse et qui pourrait être une source de tension.
G. GERAPETRITIS : Le problème chypriote est une priorité majeure de la politique étrangère grecque, je l'ai souligné à maintes reprises. Je pense que la situation actuelle offre une excellente occasion de remettre la question chypriote à l'ordre du jour des Nations unies et d'engager une discussion de fond.
La nomination de l'envoyé spécial, l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies, est un développement très positif. J'ai eu l'occasion de discuter longuement avec l'envoyé spécial, ainsi qu'avec le secrétaire général lui-même, M. Guterres.
À l'heure actuelle, nous devrions insister sur la nécessité d'une discussion immédiate. Nous comprenons tous que nos positions peuvent diverger, et c'est de toute façon le cas sur de nombreuses questions entre les parties grecque et turque. Mais en ce qui concerne Chypre, la chose la plus importante à l'heure actuelle est que les parties concernées s'assoient à la même table et discutent de l'avenir de Chypre. Nous comprenons tous que cette discussion ne se déroule pas dans le vide. Il s'agit d'un débat qui s'inscrit dans un cadre structuré, et ce cadre structuré, ce sont les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que, dans un esprit créatif et productif, nous puissions aider Chypre, pour que nous puissions activer les mécanismes de discussion, pour que nous puissions avoir une compréhension plus significative de ces questions et pour que nous puissions enfin voir Chypre unie.
JOURNALISTE : L'affaire Beleri maintenant. Que comptez-vous faire ? Et si cette affaire est susceptible de faire exploser les relations entre l'Albanie et la Grèce ?
G. GERAPETRITIS : L'affaire Beleri est une question européenne et non une question bilatérale. Pourquoi s'agit-il d'une question européenne ? Parce qu'il s'agit d'une manifestation de l'État de droit par excellence.
JOURNALISTE : Je pense que certains de vos collègues de l'Union européenne ne sont pas d'accord.
G. GERAPETRITIS : Je pense que nous avons la capacité de persuader même ceux qui sont mitigés, et nous le ferons si nécessaire. Ce que je veux souligner, c'est ceci. Nous sommes en présence d'un maire élu. Il est important qu'il s'agisse d'un élu local. Il est la voix du peuple et nous devons donc tous être compréhensifs. Ici aussi, la Grèce a adopté une position extrêmement productive et bénéfique. Nous n'avons jamais dit que nous ferions chanter une décision de justice. Ce que nous avons dit, c'est l'évidence. Qu'il y ait d'abord un procès équitable et, ensuite, que le maire élu reprenne ses fonctions. C'est le minimum que nous puissions exiger.
D'un autre côté, nous devons dire que nous n'avons pas vu d'initiatives similaires du côté albanais. Une décision d'un tribunal albanais exige la révocation immédiate du maire en exercice, Jorgo Goro. Malheureusement, cette décision n'a jamais été appliquée et nous nous trouvons face au paradoxe politique et historique suivant : le candidat battu à la mairie lors des élections du 14 mai est actuellement maire et Fredi Beleri, qui est le maire élu, est en prison. Excusez-moi, mais cela soulève la question de l'État de droit.
JOURNALISTE : Le veto est donc ouvert.
G. GERAPETRITIS : La Grèce garde toujours toutes les options ouvertes. Mais le veto n'est pas une fin en soi. Le veto, qui est donné dans le cadre du processus décisionnel de l'Union européenne, n'a pas pour but d'exercer une quelconque pression dans un sens ou dans un autre. C'est pour que nous puissions comprendre ce que signifie l'acquis européen. L'acquis européen exige des choses très, très spécifiques. Il exige le respect du droit international, le respect des minorités, le respect de l'État de droit et des droits politiques fondamentaux. Nous comprenons donc que chaque État membre a non seulement le droit mais aussi l'obligation de soulever ces questions dans le cadre de la Commission européenne et du Conseil européen.
JOURNALISTE : Je vous remercie.
G. GERAPETRITIS : Ce fut un grand honneur et un grand plaisir. Je vous remercie.
March 14, 2024