Journaliste : Merci encore et merci de nous rejoindre pour l’Entretien de France 24, alors que la Grèce longtemps enfant terrible de la zone euro a pris la présidence tournante de l’Union européenne au 1er janvier, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui son ministre des Affaires étrangères, Evangelos Vénizélos. Bonjour. Vous êtes un ministre assez atypique il faut le dire puisque vous avez été nommé à la Défense en 2009 lorsque le PASOK, le parti socialiste que vous dirigez d’ailleurs actuellement, a vaincu aux élections, sous le gouvernement de Papandréou, puis vous vous êtes vu confier, sous la pression populaire, le ministère des Finances, vous êtes devenu vice-Premier ministre, vous l’êtes toujours aujourd’hui, mais depuis 2013 vous avez rejoint le gouvernement d’union nationale dirigé par un homme de droite, Antonis Samaras et vous avez le portefeuille des Affaires étrangères. Alors Monsieur Vénizélos, on s’est beaucoup interrogé sur cette présidence grecque de l’Union européenne alors que ce pays a été sous plan de sauvetage, sous surveillance, sous monitoring de ses pairs, vous trouvez cela paradoxal ?
E. Vénizélos : Ecoutez, la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne est une obligation institutionnelle pour chaque pays membre. C’est une occasion exceptionnelle pour nous de montrer, si vous voulez, à l’opinion publique internationale notre visage ordinaire parce que la Grèce est un pays en crise mais aussi un pays membre, un pays ordinaire et nous devons exercer ce droit à l’égalité institutionnelle de pays membre.
Journaliste : Alors c’est vrai que vous voulez un retour à la normale.
E. Vénizélos : Un retour à la normalité qui est une normalité pas seulement politique, mais aussi économique. Par exemple le retour sur le marché est une indication de normalité.
Journaliste : Vous avez indiqué 1,65 milliards en bons du trésor à un taux de 3,75 en baisse de 15 points. C’est un très bon début d’année vous dites ?
E. Vénizélos : Ecoutez, l’ajustement fiscal grec, au cours des quatre dernières années, est vraiment impressionnant, unique au niveau historique. Parce que nous avons commencé l’année 2009 avec un déficit primaire de 12 points de notre PIB et maintenant...
Journaliste : Vous êtes en excédent…
E. Vénizélos : …maintenant nous avons la capacité de montrer cet excédent primaire grâce aux sacrifices du peuple grec parce que pour effectuer cet ajustement fiscal nous avons pris des mesures très dures, nous avons appliqué une politique d’austérité parce qu’il y a une conditionnalité européenne et internationale. Nous ne faisons pas nos options propres, nous participons à un rapport de forces international. Aussi dans un rapport de force européen nous devons accepter la conception dominante en ce qui concerne la politique européenne parce que nous avons besoin de l’assistance de nos partenaires institutionnels.
Question : Mais en même temps, quand vous dites la dette pèse encore 175% du PIB pour la Grèce, il y a un chômage très important plus de 27% de la population…
E. Vénizélos : C’est le problème majeur surtout pour la jeune génération. Parce que le taux de chômage parmi les jeunes est de 60%. C’est vraiment une situation inacceptable.
Question : Mais comment Samaras, le Premier ministre dont on disait qu’il n’est pas de la même majorité politique que vous – il est centre-droit – peut affirmer que la reprise est imminente.
E. Vénizélos : Ecoutez, maintenant nous pouvons organiser la dernière phase de l’application du programme d’ajustement. Maintenant nous pouvons présenter, devant l’opinion publique grecque et européenne, une histoire qui est une histoire concrète, qui est le retour à la normalité, le retour sur le marché, mais pas seulement sur le marché, c’est la viabilité de la dette. Parce que la dette n’est pas seulement une référence par rapport au PIB. La dette est une structure et selon l’approche présentée par le mécanisme européen de stabilité qui est notre partenaire institutionnel surtout en ce qui concerne la dette et la viabilité de la dette, il faut constater qu’il y a une structure de la dette grecque qui est vraiment très amicale. Parce que nous avons une durée de la dette qui est très grande et nous avons des taux d’intérêt qui sont vraiment acceptables et nous avons aussi une période de grâce qui est très utile et nous avons un calendrier qui concerne les maturités qui est vraiment …
Journaliste : Donc vous n’allez-pas demander l’allègement de la dette ou un nouveau plan de sauvetage ?
E. Vénizélos : Ce fameux problème de la décote de notre dette est un problème politique parce qu’il faut présenter des idées acceptables par les parlements des autres pays membres, par les sociétés des autres pays membres, par les cours constitutionnelles des autres pays membres.
Journaliste : Vous parlez de l’Allemagne en l’occurrence là ?
E. Vénizélos : Pas seulement de l’Allemagne. La participation française est également très importante, égale. Alors nous présentons des idées qui sont des idées applicables, pratiques, simples, basées sur l’idée que la structure de notre dette nous permet de vérifier maintenant la viabilité. Parce que le critère majeur final est le coût de service annuel. Nous avons un coût de service qui est très très amical pour nous maintenant. C’est pour cela que nous pouvons persuader les marchés. Et le comportement, la position du secteur privé international par rapport à la Grèce maintenant est très positive. Parce que le marché, le secteur privé a ce sentiment de profit, ce sentiment sur l’avenir.
Journaliste : Mais en même temps, vous avez profité des cérémonies officielles de présidence grecque pour redire que la troïka avait commis un certain nombre d’erreurs, que la cure d’austérité ne convenait pas à votre pays ?
E. Vénizélos : Ce n’est pas le gouvernement grec ou moi-même comme leader du parti socialiste et ministre des Affaires étrangères qui a présenté cette dimension du programme grec, c’est le Fonds monétaire international lui-même qui a dit « oui nous avons fait des erreurs », des erreurs méthodologiques en ce qui concerne la récession, en ce qui concerne le chômage. Mais écoutez, il y a des erreurs scientifiques, théoriques, mais il y a aussi la réalité de l’austérité et nous devons, en tant que leaders politiques européens d’institutions démocratiques, respecter la résistance de notre société et les sacrifices faits par le peuple grec.
Journaliste : Alors la résistance de votre société, elle se démontre aussi à travers la montée de populisme et à gauche par exemple, votre gouvernement d’unité nationale est très critiqué par Alexis Tsipras, le leader de Syriza. Il est en tête des sondages dans le pays, il a aussi été désigné comme le candidat du parti de gauche européenne pour mener en mai prochain la campagne des européennes. Comment vous allez répondre à cette ascension ?
E. Vénizélos : Il n’y a pas un projet alternatif. Il y a un seul projet national, un seul projet qui est réaliste, qui est applicable, qui est acceptable au niveau international. Nous sommes membres de l’Union européenne, nous participons à la vie internationale économique et financière. Nous faisons nos options nationales mais quand on a besoin d’une assistance internationale, on doit accepter le rapport de forces. Nous avons toujours la volonté et la capacité de participer à une négociation très dure, de protéger les intérêts nationaux et les intérêts de notre société mais chaque fois il faut conclure pour protéger l’existence de notre économie, l’existence de notre démocratie et de notre république.
Journaliste : Et tout à fait à l’opposé, il y a Aube Dorée, un parti néo-nazi avec six députés mis en examen, deux nouveaux encore cette semaine.
E. Vénizélos : Il y a un parti et selon la justice grecque, il y a une organisation criminelle. Il y a un mélange entre le parti qui existe, qui est présent au Parlement grec et de l’autre côté, il y a cette organisation criminelle qui doit donner des explications devant la justice criminelle de mon pays.
Journaliste : Mais qui risque d’arriver devant votre propre parti, le PASOK, parti historique…
E. Vénizélos : C’est un problème pour la société grecque. Ecoutez, cette atmosphère publique, cette ambiance de l’austérité, de la crise, de la récession, du chômage, c’est une atmosphère non productive pour le rationalisme politique, pour une discussion calme, pour des projections vers le futur européen. D’un autre côté, c’est le devoir historique, politique, démocratique pas seulement du personnel politique mais aussi des citoyens de réfléchir à ce qui se passe avec l’extrémisme, avec le néonazisme. C’est vraiment inacceptable pour le pays de la démocratie, pour la Grèce de la démocratie, de l’histoire, de la culture et de la civilisation de participer au mouvement néonazi international.
Journaliste : Si vous deviez qualifier l’année 2014 pour votre pays, en conclusion, vous diriez quoi ? Elle sera comment cette année ?
E. Vénizélos : C’est l’année d’une nouvelle occasion pour nous. C’est le moment du tournant parce que nous avons notre priorité nationale qui est d’organiser un projet de reconstruction nationale après la crise. La « Grèce après la crise », la Grèce digne, souveraine qui est égale aux autres pays membres de l’Union européenne et nous avons notre devoir additionnel d’exercer la présidence du Conseil d’une façon qui soit réaliste, acceptable, avec les initiatives nécessaires, en coopération toujours avec nos partenaires et avec les institutions européennes.
January 16, 2014