Entretien entre le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, et la journaliste Katerina Tsamouri (DELPHI ECONOMIC FORUM, 29.04.2023)

Entretien entre le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, et la journaliste Katerina Tsamouri (DELPHI ECONOMIC FORUM, 29.04.2023)JOURNALISTE : Bonjour à toutes et à tous. Merci beaucoup de vous être joints à nous aujourd'hui, de suivre en présentiel et par le biais du live streaming, la discussion très intéressante - j'en suis sûr - qui va suivre.

Aucune présentation n'est nécessaire. Mais je vais les faire. Aujourd'hui, j'ai le plaisir et l'honneur de m'entretenir avec le ministre des Affaires étrangères de la Grèce et candidat au Parlement de la Nouvelle Démocratie dans le secteur sud, M. Nikos Dendias. Bonjour.

N. DENDIAS : Bonjour, Mme Tsamouri. Bonjour à tous.

JOURNALISTE : Cela fait une année de plus que vous participez au Forum économique de Delphes en votre qualité de ministre des Affaires étrangères. Au cours de ces quatre dernières années, qu'est-ce que la Grèce a accompli en matière de politique étrangère au point de dépasser vos propres attentes ?

Quelles ont été les erreurs commises ? Où avons-nous stagné et sur quels points pensez-vous que le prochain gouvernement devrait se concentrer lorsqu'il sera élu ?

N. DENDIAS : Je pense que ce qui a été réalisé au cours des années - et je pense que c'est une réalisation globale du gouvernement - c'est de créer un cadre de compréhension, de perceptions, d'alliances, d'accords qui ont réellement changé le cadre juridique et réel dans notre région.

Je pense tout d'abord aux deux accords sur les zones économiques exclusives. Avec l'Italie après un demi-siècle de négociations, avec l'Égypte après 35 ans de négociations, l'accord de principe avec l'Albanie, après plusieurs vagues, des hauts et des bas sur la base du droit international de la mer. Et aussi les accords de défense, les deux avec les États-Unis, l'accord avec la France, l'accord avec les Émirats arabes unis, l'accord avec l'Arabie saoudite, l'entente stratégique avec l'Égypte, l'excellente relation avec Israël.

Je pense que tout cela a créé, je le répète, une nouvelle réalité. Il s'agit là de réalisations du gouvernement grec, mais aussi, je dois le dire, dans une large mesure, du système politique grec dans son ensemble.

En effet, par le passé, nous avons toujours eu tendance à être divisés sur les questions de politique étrangère. Au cours de ces quatre années, il y a peut-être eu des désaccords, mais il y a eu des accords sur les choix fondamentaux. Et si nous regardons vers le nord, nous sommes revenus aux Balkans. Je pense que nous jouons un rôle très constructif avec nos relations historiques, comme avec la Serbie, avec les relations que nous développons avec les autres pays, avec la Macédoine du Nord, avec l'Albanie, avec le Monténégro, avec la Bosnie-Herzégovine.

D'une manière générale, je ne m'étendrai pas sur le fait que nous sommes allés au sérieux, pour la première fois de notre histoire, en Afrique subsaharienne, en Amérique du Sud et en Inde.

L'armée de l'air indienne était à Athènes et a effectué des exercices avec nous depuis quelques jours. Le chef d'état-major des armées est ici. Ce n'est pas quelque chose d'habituel dans la routine quotidienne de la politique étrangère grecque.

Je pense, donc, en utilisant un terme chrétien, que nous présentons à la société grecque de bonnes «excuses» pour le «jugement» du 21 mai.

Maintenant, pour ce qui est de nos erreurs. Il est évident que nous avons commis des erreurs, mais je pense qu'il vaut mieux laisser à quelqu'un d'autre le soin de nous le dire. Si nous devons à la fois juger de nos erreurs et de ce que nous avons bien fait, je crois que nous devenons un peu excessifs.

JOURNALISTE : Vous êtes célèbre pour vos réponses claires, vous ne vous dérobez pas et si...

N. DENDIAS : Eh bien, n'en faisons pas trop, déjà en période électorale.

JOURNALISTE : Je dois dire ces mots d’introduction pour obtenir une telle réponse. Vous n'êtes pas évasif, vous n'arrondissez pas les angles et je veux que vous me répondiez clairement à ce qui suit : Ces derniers jours, vous avez parlé d'un changement de stratégie, d'un changement de tactique de négociation, afin qu'à un moment donné, nous puissions nous entendre avec la Turquie, de la même manière que nous sommes parvenus à nous entendre avec les pays que vous avez mentionnés. Qu'entendez-vous par là ?

N. DENDIAS : Je suis l'un de ceux qui croient profondément à la possibilité de nous entendre avec la Turquie, de trouver une solution avec la Turquie à notre différend. Et je suis particulièrement, particulièrement heureux parce que je termine ce mandat au ministère des Affaires étrangères avec un très bon climat dans les relations gréco-turques.

Un climat qui, si nous le maintenons jusqu'aux élections et que nous le transmettons au prochain gouvernement - je pense que nous serons le prochain gouvernement, mais c'est le peuple qui est notre juge ultime - peut offrir une fenêtre d'opportunité.

Une fenêtre d'opportunité pour discuter de notre différend de manière claire, honnête, franche et sincère et, je le crois sincèrement, pour le résoudre. Je ne comprends pas pourquoi nous pouvons résoudre des problèmes avec l'Égypte, l'Italie, l'Albanie et que nous ne pouvons pas le faire avec notre voisin, la Turquie.

JOURNALISTE : Parce que la Turquie n'accepte pas la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), et dès lors qu'elle ne discute pas dans le cadre de l’UNCLOS, qu'est-ce qui vous rend optimiste ?

N. DENDIAS : Laissez-moi vous dire ce qui me rend optimiste. La Turquie n'accepte pas l’UNCLOS, mais elle accepte qu'il s’agît du droit international.

Par conséquent, puisqu'elle accepte qu'il s’agît du droit international, et si bien sûr la Turquie le souhaite, je ne suis pas celui qui imposera ses vues à la Turquie. Donc, si la Turquie veut discuter sur la base de ce droit international, je pense qu'il y a toujours un potentiel de solutions, il y a toujours un potentiel de convergence.

Je suis toutefois convaincu que pour trouver une solution, il faut créer un climat propice. Les convergences sont obtenues lorsque le contexte général encourage les convergences et elles ne sont pas obtenues lorsque le contexte général crée une atmosphère hostile, lorsqu'il y a des déclarations, des contestations, des menaces. Tout cela n'aide pas.  

JOURNALISTE : Dans le cadre de cette stratégie différente que vous avez dit vouloir inclure et dans la lettre que vous laisserez au Premier ministre et à votre remplaçant, comme vous l'avez dit, incluez-vous l'échelonnement des eaux territoriales dans la mer Égée ? Cela pourrait-il être une solution ?

N. DENDIAS : Nous avons dit d’être clair, mais pas comme ça. Il n'y a aucune chance que j'entre dans le débat public, mais je crois honnêtement qu’après 63 cycles de discussions exploratoires il faut changer le mode de négociation avec la Turquie. Car ces changements permettront de parvenir plus rapidement à des accords, si cela est possible.   

Mais cela, bien sûr, j'ai l'obligation, j'ai vraiment l'obligation, de le transmettre comme un héritage et comme un conseil à la fois au Premier ministre - je pense que ce sera le même Premier ministre - et au prochain ministre des Affaires étrangères, quand et si cela est nécessaire.

JOURNALISTE : Je ne vais pas succomber à la tentation d'ouvrir le débat, car nous sommes ici pour parler de politique étrangère. Mais si nous en avons le temps, je le ferai.

Nous parlons, Monsieur le ministre, du différend suivant, la délimitation de nos zones économiques maritimes. Le Premier ministre l'a clairement indiqué hier, ici même, lors du Forum économique de Delphes.

Cependant, ces dernières heures et ces derniers jours, malgré le bon climat auquel vous avez vous-même fait référence, nous avons vu votre homologue et ami, Mevlüt Çavuşoğlu, remettre directement en question la souveraineté grecque sur les îles.  

Nous avons également vu le spot de l'AKP baptiser la Thrace occidentale et la moitié des îles de la mer Égée orientale et septentrionale comme territoire turc. Alors ?

N. DENDIAS : Ecoutez, je vais être clair. Je ne prends pas ces choses pour argent comptant. L'AKP, Mevlüt et le président Erdoğan ont une campagne électorale très difficile devant eux. Et comment son parti organise des présentations, comment il imprime des cartes de parti et comment il les distribue, franchement, permettez-moi d'être clair, je ne le prendrai pas au sérieux.

En d'autres termes, je ne vais pas rétablir, en ce qui me concerne, le climat des relations gréco-turques à son niveau d'avant le tremblement de terre juste parce qu'un responsable de l'AKP a bêtement imprimé la carte qu'il a imprimée. Je ne ferai pas cela.

Je donnerai à la société turque l'occasion d'exprimer son opinion avec les élections et immédiatement après les élections, sans la pression d'une campagne préélectorale, le nouveau gouvernement turc peut exprimer son opinion à la Grèce.

Je laisse, je veux laisser - si vous voulez, je crois que j'ai le devoir, en ce qui me concerne, de laisser - ouverte la fenêtre d'opportunité dans les relations gréco-turques.

Il serait facile pour moi aussi, Madame Tsamouri, de m'emparer de cette carte, de hausser le ton pour alimenter le nationalisme et d'obtenir quelques votes et quelques croix supplémentaires.

Ce n'est pas un élément de contribution nationale. Car un élément de contribution nationale, c'est le sérieux. Lorsque vous devez dire ce que vous dites, dites-le et dites-le clairement.

Et je n'ai pas mâché mes mots et je n'ai pas mâché mes mots à l'égard de mon ami, Mevlüt Çavuşoğlu, lorsque j'étais dans sa capitale et qu'il m'accueillait.

Mais créer un problème parce qu'un représentant du parti a imprimé une carte comme il l'a fait, non, je ne le ferai pas.

JOURNALISTE : Mevlüt Çavuşoğlu a lui-même prononcé des mots durs. Mais attribuez-vous cela uniquement aux feux d'artifice pré-électoraux ou est-ce un signe de leurs revendications post-électorales ?

N. DENDIAS : Je ne suis ni naïf, ni ne peux le savoir. Mais j'ai vu d'autres preuves, que je ne citerai pas ici, dans le comportement des Turcs, qui m'orientent dans une direction complètement différente. Dans une autre direction.

Et je le répète, je ne suis ni naïf ni irréaliste. Nous n'allons pas non plus rompre avec les positions nationales fondamentales et fermes qui sont l'acquis de tout le système politique.

Mais je pense que nous avons l'obligation de lui donner une chance. Et je suis heureux que l'écrasante majorité du système politique du pays fasse preuve du sérieux nécessaire. Il est certain que l'AKP, si l'on regarde les sondages dans le pays voisin, se prépare à des élections très difficiles. Je ne dirai pas quel sera le résultat. Les citoyens turcs jugeront. Mais sous ce régime de pression, on peut toujours dire cinq ou dix mots de plus. Il n'est pas bon de se laisser entraîner dans cette voie. Nous pouvons résister, faire patience pendant un mois.

JOURNALISTE : Faites-vous confiance à leur nouveau visage ... Pensez-vous que ce virage turc va durer ? Est-il sincère ? Est-ce un moyen de tendre la main aux Etats-Unis pour obtenir les F16 qu'ils réclament ?

N. DENDIAS : Je ne vais pas entrer dans les relations turco-américaines. C'est une question qui concerne la Turquie et les États-Unis d'Amérique.

JOURNALISTE : Mais en quoi s'agit-il d'une question bilatérale ? Quand ils survolent les îles grecques avec des F16.

N. DENDIAS : Je vais vous le dire. Les États-Unis ont toujours, et je ne parle pas ici en tant que ministre des Affaires étrangères de la Grèce parce que ce n'est pas à moi de parler, je parle en tant qu'observateur. Les États-Unis d'Amérique ont toujours pris en compte à la fois la stabilité de l'alliance et la stabilité des relations entre les pays amis, ainsi que, bien sûr, le droit international et tout ce qui s'y rapporte.

Par conséquent, les États-Unis, avec leur droit souverain en tant qu'autre pays, jugeront dans quelles conditions et à quelles conditions ils peuvent fournir du matériel de guerre et à quel pays. Mais ce n'est pas à moi d'indiquer aux États-Unis.

Cela étant, nous savons tous comment fonctionne le système américain. Nous savons qu'il y a le pouvoir exécutif, nous savons qu'il y a le pouvoir législatif, le Congrès. Nous savons que le Congrès, en particulier au sein de la Commission des affaires étrangères, procède à un examen approfondi du respect des conditions et du droit international avant d'approuver le matériel de guerre.

Mais tout cela concerne les États-Unis. Je ne vais pas faire entrer la Grèce dans ce processus, la laisser parler de questions qui concernent deux autres pays. Mais je vous ai dit ce que je pense être le cadre dans lequel je pense que les États-Unis opèrent habituellement.

JOURNALISTE : Pour clore la question de la Turquie et examiner les autres sujets de notre politique étrangère, je voudrais que vous me répondiez franchement à cela : Un pays comme la Turquie, qui ne respecte pas l’UNCLOS, a toujours un casus belli sur la table au cas où la Grèce irait de l'avant avec son droit inaliénable d'étendre jusqu'à 12 milles nautiques ses eaux territoriales, vous riez parce que vous savez où je veux en venir, mais je vais continuer ….

...N’est-il pas risqué de soutenir sa candidature au poste de secrétaire général de l'OMI, même s’il n'est pas un favori, même si c'est le Panama et même si la contrepartie que nous avons obtenue, à savoir leur propre soutien à la candidature grecque au Conseil de sécurité de l'ONU, est bien plus importante.

Je veux dire par là que le risque est plus grand que le bénéfice.

N. DENDIAS : Non, non. Tout d'abord, je ne pense pas qu'il y ait de risque. L'OMI est une organisation qui a des statuts spécifiques, qui a un agenda spécifique, qui concerne généralement les questions de navigation.

La Grèce la connaît très bien, j'ai un ami personnel, le seul secrétaire général grec à ce jour, l'amiral Thymios Mitropoulos, qui est mon ami personnel. Je l'ai consulté longuement avant de prendre les dispositions que nous avons prises avec la partie turque.

Je vous dirais de voir les choses différemment. La Turquie ne prend-elle pas un risque en soutenant ouvertement la Grèce qui a un agenda précis comme candidat membre au Conseil de sécurité des Nations unies, je répète, avec un agenda precis qui est fondé sur le droit international et la résolution pacifique des différends ?

Et pourtant, la Turquie l'a pris. Elle l’a pris pour Le Conseil de sécurité de l'ONU et la Grèce ne le prendra pas pour l'OMI ?  Franchement ?

Je pense que nous devons être courageux.  Si nous voulons qu'il y ait des ententes, des compréhensions, des pas en avant doivent être faits de part et d'autre. Je suis très heureux de cette compréhension mutuelle, de ce soutien mutuel.

J'espère qu'il s'agit d'un premier pas vers d'autres mesures beaucoup plus sérieuses et importantes. Vous savez, si nous ne sommes pas prêts, Mesdames et Messieurs, à prendre le moindre risque, nous n'irons nulle part. Nous ne pourrons même pas sortir de chez nous le matin parce qu'une tuile pourrait nous tomber dessus.

Ce n'est pas la bonne approche. Cet accord entre la Grèce et la Turquie est un excellent premier pas qui peut nous mener là où nous espérons aller.

Et je le répète pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Nous n'allons pas rompre avec les positions grecques fermes. Nous ne sommes pas naïfs, nous ne pensons pas que ce soit la plus grande possibilité, mais il serait criminel de ne pas essayer. Ce serait criminel.

JOURNALISTE : Bien, vous êtes clair.  Ce que nous essayons de faire avec la Turquie, nous l'avons réalisé dans une certaine mesure avec l'Albanie, puisque Edi Rama a accepté de porter la question de la ZEE devant La Haye.
Où est le blocage en parlant du compromis ?  Pourquoi n'avance-t-il pas ?  C’est le président ?

N. DENDIAS : Il ne bloque pas, il ne bloque pas. Je ne veux pas dire où il en est à ce stade parce que c'est une question d'ordre juridique interne albanais. C'est un processus qui est en cours et je prédis avec une certitude absolue qu'il sera achevé très bientôt, une procuration du président albanais se présentera au gouvernement albanais pour négocier l'accord.

Le fait que nous soyons parvenus à un accord avec l'Albanie est un énorme succès, non seulement pour nous et l'Albanie, mais aussi pour l'ensemble de l'ordre juridique maritime des Balkans.

JOURNALISTE : Quand vous dites très bientôt, voulez-vous dire dans le courant de l’année 2023 ?

N. DENDIAS : Oui, dans le courant de l’année 2023, mais ne m'obligez pas à préciser quand exactement. Je suppose, mais cela n’a pas de sens que je le dise.

JOURNALISTE : Vous supposez que c'est avant l'été ?

N. DENDIAS : Non, n'allons pas trop vite en besogne. Dans un instant, vous me demanderez quel jour et à quelle heure.

JOURNALISTE : D'accord. Restons dans les Balkans. Le « Kosovo ». Il y a peu, vous avez rencontré M. Kurti lors du 8e Forum économique de Delphes. Je vois et je comprends que vous avez développé des liens très étroits et solides avec M. Kurti et M. Vucic.

Lors du dernier vote sur l'adhésion du « Kosovo » au Conseil de l'Europe, la Grèce a maintenu une position neutre. Chypre a voté contre, la Grèce s'est abstenue, ce qui a déplu à la Serbie. Pensez-vous que cela affectera nos relations avec Belgrade ?

N. DENDIAS : Non, les relations de la Grèce avec la Serbie sont historiques et profondes. Ce sont des relations de solidarité pendant les guerres mondiales, ce sont des relations de sacrifice de sang.

Nous, je vous le dis clairement, nous « compatissons » avec la Serbie et nous aiderons autant que possible la Serbie à devenir un membre de notre famille européenne, là où elle doit être. Nous ne pensons pas qu'il puisse y avoir de paix et de stabilité dans les Balkans si la Serbie reste un trou noir.

Nous pensons donc qu'en adoptant une position constructive dans les efforts de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina, nous aidons également la Serbie. Et, bien sûr, nous aidons aussi Pristina. Je veux être honnête à ce sujet. Nous aidons les Balkans, nous aidons notre région, nous aidons l'Union européenne.

Nous mettons en œuvre l'  « Αgenda de Thessalonique ». Cet Αgenda vise à intégrer les Balkans dans la famille européenne. Nous avons réussi dans les Balkans orientaux, mais ce sont les Balkans occidentaux qui représentent un plus grand défi. De nombreux petits pays, à long terme, s'ils ne rejoignent pas une famille plus large, auront beaucoup de mal à faire croître leurs économies.

Notre rôle, Madame Tsamouri, est précisément celui d'un pays européen dans la région, qui a le devoir de réaliser ce qu'il a réalisé pour les autres pays de notre voisinage également.

JOURNALISTE : J'ai quand même vu que votre homologue serbe a remercié Syriza pour avoir condamné l'attitude du gouvernement de la Nouvelle Démocratie par rapport à l'abstention.

N. DENDIAS : Ivica Dacic, avec qui j'ai également une relation personnelle étroite, a, je pense, sous la pression de la situation interne en Serbie, fait l'annonce qu'il a faite.  

C'est son droit, vous savez, comme je l'ai déjà dit tout à l’heure, certaines choses doivent être évaluées en fonction de leur poids, de leur gravité et de la manière dont il faut les comprendre. Nous comprenons les difficultés, ce n'est pas facile et pour la Serbie, beaucoup de choses ne sont pas faciles.

Nous voulons aider. Elle est notre amie, notre grande amie.

Je suis Corfiote. Mon bureau à Corfou se trouve en face du consulat serbe. Les Serbes lors de la Première Guerre mondiale se sont installés pendant des années à Corfou. J'ai de profonds sentiments pour la Serbie.

Je pense simplement que lorsque vous êtes dans un sac, vous n'y voyez pas aussi clair. Notre rôle, à l'extérieur, est de voir plus stratégiquement et d'aider, si vous voulez, d'une manière plus intelligente.

JOURNALISTE. Bien. Avions-nous d'autres choix que l'abstention ou était-ce une voie à sens unique pour maintenir la position que vous avez décrite ?

N. DENDIAS : Mais nous n'avons pas voté pour maintenir nos propres relations. Nous votons chaque fois pour faciliter l'avenir européen de notre région.

C'est notre critère. Nous votons pour aider à résoudre les problèmes.  La Grèce a un autre luxe - et pardonnez-moi le mot - elle n'a pas d'agenda intéressé. Nous ne sommes pas une grande puissance qui cherche à dominer ou à imposer des solutions.

Nous sommes un pays européen de taille moyenne et notre seul objectif est la paix, la stabilité, le droit international et le développement économique.  Si vous voulez, le développement social dans les Balkans également, car ils sont confrontés à un problème en ce moment. Ils « deviennent orphelins », ils font face à ce que l'on appelle la « fuite des cerveaux ».

Tel est notre agenda.  C'est dans l'intérêt commun de tous les pays, pas dans l'intérêt étroit et égoïste de la Grèce.

JOURNALISTE : Chypre a voté contre.

N. DENDIAS : Je vais vous dire pourquoi Chypre a voté contre et je le comprends parfaitement. Tout d'abord, vous savez, avec Nikos Christodoulidis, je ne l'ai pas caché, j'ai une relation personnelle étroite.

Chypre a voté contre parce qu'il y avait l’idée dans le passé que le cas de la reconnaissance avait des similitudes avec la partie nord de Chypre occupée. Ce n'est pas exact.

Il existe une décision de la Cour internationale de justice qui, textuellement, distingue et différencie clairement les deux cas. Cependant, n'oublions pas à quel point la question de l'occupation du nord de Chypre est profondément ancrée dans l’âme chypriote.

Chypre est un pays qui vit « mutilé ». Je comprends, donc, que Chypre vote sous l'emprise d'un agenda interne qui vient d’un
état mental.  C'est parfaitement compréhensible. Je suppose que tout le monde le comprend.

JOURNALISTE : Mais dernièrement, dans divers domaines, sur diverses questions, nous avons été en désaccord avec Chypre. Et sur la question de l'OMI.

N. DENDIAS : Pourquoi n'étions-nous pas d'accord avec Chypre ?

JOURNALISTE : Chypre a dit « soutenez la candidature turque, nous adopterons une position différente ».

N. DENDIAS : Madame Tsamouri, nous n’allons pas être d’accord là.  Chypre, tout d'abord, j'avais informé Nikos Christodoulidis, je peux vous dire le jour et l'heure et...

JOURNALISTE : Non, c'est bon de l'entendre, vous faite bien de le dire.

N. DENDIAS : Au petit déjeuner dans un hôtel central, sans faire de publicité, dans un hôtel central d'Athènes. Si je me souviens bien, c'était le 13 mars, quelque chose comme ça. En fait, nous étions tous les deux.
Pourquoi ai-je fait cela ?  Parce que, bien sûr, je n'aurais pas fait une chose pareille sans que le gouvernement chypriote en soit informé. Et je dois vous dire que l'on a compris ce que visait cette compréhension mutuelle avec la Turquie.

Cela étant, le fait que Chypre n'ait pas pu voter pour le candidat turc s'explique par le fait que la Turquie, pour des raisons qui lui sont propres - et qui sont à mon avis erronées - ne permet pas aux navires battant pavillon de la République de Chypre d'entrer dans les ports turcs.

Dès lors, puisque la Turquie ne reconnaît pas la République de Chypre, qu'elle ne permet pas à ses navires d'entrer dans ses ports, comment Chypre peut-elle voter pour le candidat turc ? La position chypriote est parfaitement compréhensible. Et ne croyez pas un instant que la Grèce ait dit le contraire à Chypre. La Grèce fait bien et Chypre fait bien.

Et puis, une chose est évidente : si les relations gréco-turques s'améliorent, cela ouvrira une nouvelle fenêtre pour rediscuter du problème chypriote.

JOURNALISTE. Nous pourrions parler pendant des heures. Je suis sûre que vous avez tous apprécié notre discussion. Malheureusement, nous n'avons plus de temps.

Permettez-moi de conclure en vous remerciant, au nom de tous les citoyens grecs, pour l'issue très positive de la difficile opération d'évacuation et de rapatriement de nos compatriotes grecs du Soudan. Vous et le général Floros, qui est avec nous aujourd'hui, méritez des félicitations.

En tant que journalistes, nous avons vécu toute l’angoisse de nos compatriotes et je me devais de le dire.

Bonne chance pour la difficile lutte qui se profile.

N. DENDIAS : Je vous remercie.

April 29, 2023