Extrait de l’interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, au journal « Eleftheros typos tis Kyriakis » et au journaliste N. Eleftheroglou (29.04.2023)

JOURNALISTE : Qu'est-ce que cela fait d'être un homme politique qui est comme... un ministre des Αffaires étrangères permanent ?

N. DENDIAS : Permettez-moi de faire remarquer que la politique étrangère d'un pays est un processus dynamique qui évolue dans un environnement international en constante mutation. En même temps, elle ne se limite plus aux développements géopolitiques, mais s'étend à de nouveaux domaines. L'économie, la culture et l'environnement offrent de nouvelles possibilités de coopération mutuellement bénéfique.

J'ai eu la chance d'occuper le poste de chef de la diplomatie grecque à un moment critique - et donc intéressant - tant au niveau international que régional. Dans le même temps, l'exercice de mes fonctions tout au long de mon mandat a permis l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan cohérent avec un large horizon géographique dont l’objectif était d’étendre et d’approfondir nos alliances et nos partenariats et de relever efficacement les défis. En dehors de cela, bien sûr, la permanence n'existe pas dans les rôles ministériels.

JOURNALISTE : Vous avez récemment joué un rôle central dans une opération complexe visant à évacuer des Grecs et leurs proches du Soudan. Quelle a été la difficulté et la complexité de cette opération ?    

N. DENDIAS : A l'heure où nous parlons, nous pouvons nous réjouir d'avoir réussi à faire évacuer nos concitoyens grecs et chypriotes du Soudan, avec l'aide de nos partenaires et de nos alliés.

Il s'agit d'un exercice complexe, à bien des égards : Consultations et ententes avec mes homologues, nos autorités diplomatiques dans la région, le Haut Représentant de l'UE pour la politique étrangère, les ambassades étrangères, planification du déploiement des deux avions de transport dans le sud de l'Égypte, en étroite collaboration avec le ministère de la défense.

La Grèce possède une expérience considérable dans la gestion de telles situations, ayant mené à bien des évacuations similaires par le passé. Cette expérience, ainsi que les excellentes relations que nous entretenons avec les pays de la région, ont contribué au succès de cette opération. Et permettez-moi d'exprimer à nouveau les sincères remerciements de notre pays à la France, à l'Italie, aux Pays-Bas, à l'Allemagne, à l'Égypte et aux Émirats arabes unis pour leur assistance et leur médiation.


JOURNALISTE : Craignez-vous qu'entre le 21 mai et le 2 juillet, il y ait un incident chaud ou un accident .... dans la mer Égée ?

N. DENDIAS : J'espère qu'après les tremblements de terre en Turquie et le soutien concret de notre pays à notre voisin et à son peuple, qui ont été durement éprouvés, nous nous sommes éloignés du scénario d'un épisode chaud. Dès les premiers instants qui ont suivi la catastrophe, la Grèce s'est tenue aux côtés de son voisin, de manière fiable et désintéressée. Cela ne pouvait manquer d'avoir un impact sur nos relations. Les images des efforts des sauveteurs grecs ont réfuté le récit d'un voisin hostile et ont créé une base sociale et politique solide pour une diplomatie positive. Par conséquent, je pense que le scénario d'un incident chaud ou d'un accident a été écarté, car il comporte trop de conditions préalables, qui ne sont pas remplies actuellement.

Bien sûr, nous enregistrons les fluctuations de la rhétorique turque, comme nous le faisons toujours, nous les notons, nous les retenons. Il est intéressant de noter que les élections auront lieu quasiment au même moment dans les deux pays et que nous ne savons pas quel gouvernement émergera en Turquie, mais je suis convaincu qu'il existe des moyens de réduire les tensions et de travailler sur des questions d'intérêt commun, de trouver un terrain d'entente pour résoudre le seul différend bilatéral qui nous oppose à la Turquie, à savoir la délimitation de la ZEE et du plateau continental dans la mer Égée et la Méditerranée orientale, sur la base de l’UNCLOS et des principes du droit international - et tout cela sans se menacer mutuellement.

Je l'ai déjà dit, nous ne sommes ni naïfs ni irréalistes. L'objectif d'une politique étrangère responsable est de prévenir les incidents chauds et le devoir d'une défense nationale efficace est de les gérer. Dans ce contexte, au cours des quatre dernières années, nous avons élaboré un plan stratégique global capable de répondre à toute action agressive de la Turquie. Nous prenons nos mesures et je pense que nous nous rendrons en toute sécurité et sans heurts à nos propres élections.

JOURNALISTE : Quelles sont vos prévisions après les élections en Turquie et, bien sûr, en Grèce ? Peut-on s'attendre à des initiatives ?

N. DENDIAS : La position de la Grèce est claire : nous avons un différend avec la Turquie concernant la délimitation du plateau continental et de la ZEE. Nous souhaitons que ce différend soit résolu de manière pacifique, par le biais d'un dialogue honnête et constructif, qui sera mené sur la base du droit international et du droit international de la mer. C'est également dans l'intérêt du pays voisin.

Nous sommes prêts à nous engager dans un tel dialogue à tout moment, à condition qu'il n'y ait pas de provocations de la part de l'autre partie qui le compromettent. Et je voudrais souligner ici que les déclarations et les cartes que nous avons vu circuler dans notre pays voisin ces derniers jours, manifestement à des fins de campagne électorale, ne sont pas constructives et ne contribuent pas à maintenir le bon climat qui s'est instauré dans nos relations bilatérales au cours des derniers mois.  

Je voudrais, donc, croire que, dans la période à venir, les « tentations électorales » ne permettront pas de perturber ce climat positif, qui pourrait être un bon point de départ pour un dialogue substantiel et sincère après les élections dans les deux pays.

Cela ne signifie pas, bien sûr, que nous sommes naïfs. Nous sommes pleinement conscients des difficultés des relations gréco-turques, tout comme nous sommes pleinement conscients que la Turquie ne semble pas avoir abandonné ses positions figées pour le moment.


April 29, 2023