Extrait de l’interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, lors du programme « Kalimera » sur la chaîne de télévision SKAI TV au journaliste G. Aftias (22.04.2023)

JOURNALISTE : Ecoutez, je me souviens de vous avec Cavusoglu. C’était un grand moment, n'est-ce pas ?

N. DENDIAS : De quoi vous souvenez-vous, Monsieur Aftias…

JOURNALISTE : Je me souviens de ce moment. Ce n'est pas rien d'être en Turquie, à un moment critique, pour le mettre au pied du mur.

N. DENDIAS : On n'a pas besoin de cela...

JOURNALISTE : Tout cela est derrière, n'est-ce pas ? Comment voyez-vous l'évolution des relations gréco-turques, Monsieur le Ministre, avant d'aller dans le sud, parce qu'il y a beaucoup de questions ?

N. DENDIAS : Toujours avec beaucoup de prudence. La Grèce n'est pas naïve non plus, je ne dis pas que la Turquie est naïve, il faut être prudent. Nous verrons après les élections si la « lune de miel » que nous vivons actuellement sera poursuivie par la politique turque ou si elle fera marche arrière pour revenir à la situation habituelle. Nous observons cela très attentivement.

Quelle est notre obligation ? Tout d'abord, protéger le climat afin que les deux sociétés puissent exprimer leurs points de vue sans craindre un incident. Vous rappelez-vous où nous en étions il y a quatre mois...

JOURNALISTE : Oui, c'est vrai.

N. DENDIAS : Et deuxièmement, les prochains gouvernements qui sortiront des élections - nous espérons que ce sera nous - devront gérer la question, en espérant peut-être résoudre le conflit gréco-turc. Soyons, donc, prudent et dans le respect de la société qui exprime son opinion.

JOURNALISTE : Vous savez, la bataille a été multiple pour arriver à ce point décisif. Nous avons armé le pays, nous avons armé le pays avec les Rafale, les Belhara, etc... Nous avons eu la politique étrangère, qui a été menée avec le bouclier du droit international et les arguments du Premier ministre et des vôtres, ainsi que le grand moment au Congrès, où Erdogan a été mis à nu.

Ce sont les trois points, Monsieur le Ministre ?

N. DENDIAS : Je commencerai par le dernier. Le discours au Congrès était excellent. Excellent. J'ai eu la chance d'y assister en direct. Je ne comprends toujours pas pourquoi la Turquie l'a perçu négativement, d'ailleurs, à l'heure où je vous parle...

JOURNALISTE : Parce que ça fait mal, voilà pourquoi.

N. DENDIAS : Quand on dit la vérité, l’autre partie attend quoi ? Qu’on ne dise pas la vérité ? Mais cela étant, le pays évolue aujourd'hui dans un contexte différent de ce qu'il a évolué pendant plusieurs années. Telle est la réalité. Et je dois dire, avec un grand acquis, une compréhension nationale plus large des grandes lignes de notre politique étrangère. Dans le passé, vous vous souvenez des expressions familières : « traîtres », « vendus », « vous faites ceci, vous faites cela ».

JOURNALISTE : Je m'en souviens, oui.

N. DENDIAS : Ces quatre années sous le gouvernement Mitsotakis, on n’avait pas cela. Il y avait une séance d’information plus large des partis, sur ordre du Premier ministre, que je faisais tout le temps, et une compréhension plus large de la direction que devait prendre le pays.

Un accord absolu ? Il n'y en a jamais. Mais il est important d'être unis, M. Aftias. Nous sommes un petit pays avec de gros problèmes. Les divisions internes sont projetées à l'étranger et nous détruisent.  

C'est notre histoire.    Lorsque nous sommes tous ensemble, nous arrivons à beaucoup plus. Nous laissons cela en héritage au prochain gouvernement.

JOURNALISTE : À la clôture, nous n'étions pas tous ensemble. Nous semblions avoir des problèmes. Mai arrive, la question se pose à nouveau et nous allons y arriver probablement, n'est-ce pas ?

N. DENDIAS : C'est simple. En effet, vous avez raison, Syriza a mis en avant ce que j'ai dit en 2018.  Je l'ai dit correctement en 2018, je ne contredis rien de ce que j'ai dit.

Mais de 2018 à 2022, il y a une station intermédiaire appelée 2020. Quiconque se souvient de ce qui s'est passé en 2020, lorsqu'ils ont considéré la migration non pas comme une question migratoire, mais comme une arme contre l'Europe et le pays, comprend maintenant qu'il y a une priorité différente. C'est évident.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, je me souviens de ce « lundi pur » où j'ai dû parler à la fois au Premier ministre, à vous-même et au ministre de la Défense, de ce « lundi pur » difficile. Est-ce là que Nikos Dendias a senti que nous avions une menace directe de l'autre côté ?  Était-ce le point culminant des menaces ?

N. DENDIAS : Vous savez, j'essaie de ne pas transmettre aujourd'hui l'humeur d'hier, exactement pour la raison que je vous ai dite. Mais la réalité, c'est que, vous vous en souvenez, cela n'a pas été facile, il ne faut pas se voiler la face. Voulez-vous que je dise « extrêmement difficile2 ? Voulez-vous que je dise « extrêmement dangereux » ? Voulez-vous que je dise « au bord du gouffre » ? Je peux le décrire de 15 façons différentes.

Si j'écris un jour un livre, je pense qu'il aura un sens.

JOURNALISTE : Oui, écrivez-le.

N. DENDIAS : Oui, mais il vaut mieux que les hommes politiques fassent des choses, qu'ils ne parlent pas trop et qu'ils n'écrivent pas trop.  Mais, en tout cas, j'aurais peut-être la tentation, à propos de certaines choses, d'écrire un livre un jour.

JOURNALISTE : Oui écrivez-le.

N. DENDIAS : Peut-être que j'aimerais le faire, écrire sur cette période difficile de quatre ans, sur le rôle de l'Aube dorée dans le passé.

JOURNALISTE : Le ministère des Affaires étrangères vous a-t-il fatigué ?

N. DENDIAS : Si vous voulez dire que c'était fatigant... Mais je pense que c'était, d'un autre côté, un grand honneur. Et aussi, parce qu'il y a eu des résultats concrets, c'est rare qu'un ministre ait la chance de signer toute une série d'accords importants pour le pays, finalement c'est ça qui compte et c'est ça qui reste.

JOURNALISTE : Cependant, il y a de nombreuses questions sur lesquelles nous devons nous pencher.  « Quo vadis, Turquie » ? titre le journal « TA NEA » aujourd'hui, « Où va la Turquie ? » Et vous, vous gardez un œil sur la direction que prend la Turquie, n'est-ce pas ?

N. DENDIAS : C'est l'un des paramètres que la Grèce doit toujours prendre en compte.  Le peuple turc exprimera son opinion le 14 mai et peut-être le 28 mai à nouveau et...

JOURNALISTE : Et nous attendons.

N. DENDIAS : Et nous aurons un aperçu global de la situation, pour voir si nous pourrons alors recommencer un processus qui au moins ne nous permettra pas de revenir à la situation de 2020 et 2021.

JOURNALISTE : Exactement. Je vous remercie.

N. DENDIAS : Je vous remercie également.

April 22, 2023