E. VENIZELOS : Bonjour.
Lors de l'Assemblée générale de l'ONU, nous avons eu plus de 20 rencontres bilatérales, avec mes homologues, ministres des Affaires étrangères ou des Premiers ministres et plus de dix rencontres multilatérales.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de prononcer un discours devant l'Assemblée générale sur toutes les grandes questions relevant de la politique étrangère, notamment le dossier chypriote, les relations Grèce - Turquie, la question du nom du pays voisin, l'Ancienne République yougoslave de Macédoine.
J'ai par ailleurs fait deux autres interventions, dans le cadre de l'Assemblée générale, à des sessions spéciales, lors des Forums sur le handicap et sur le développement durable.
Si je devais bien sûr en retenir quelques-unes, je mentionnerais la rencontre – du point de vue institutionnel – avec le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. Nous nous sommes penchés sur les grandes questions qui préoccupent le pays, notamment le dossier chypriote et la question du nom de l’ARYM, mais aussi des questions relevant de la politique internationale, comme la Syrie.
Parmi les rencontres bilatérales, force est de noter celle que j’ai eue avec M. Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères et vous avez été informés des communiqués qui ont suivi cette rencontre, s'agissant notamment des relations gréco-turques, mais aussi du dossier chypriote.
Après la demande de la République de Chypre, annoncée officiellement par le Président Anastassiadis, nous avons décidé de faciliter le processus et les initiatives de la République de Chypre, d’accepter une rencontre du ministère grec des Affaires étrangères, à un niveau qui sera défini ultérieurement, avec le négociateur de la communauté chypriote turque, rencontre prévue par la Constitution de 1960, dès lors que M. Davutoglu m’a assuré que, au niveau qui sera défini, le gouvernement turc est prêt à s’entretenir avec le négociateur de la communauté chypriote grecque, ce que le gouvernement chypriote considère comme étant une évolution cruciale.
Cette décision a été saluée par bon nombre de mes collègues, ministres des Affaires étrangères et le Secrétaire général de l’ONU. J’aimerais tout particulièrement noter la satisfaction exprimée – comme le gouvernement chypriote m’en a informé – par le Vice-président Biden lors de sa rencontre à Washington avec le Président Anastassiadis.
Nous avons bien entendu passé en revue d’autres questions, que je pourrais développer dans le cours de notre discussion, si l’occasion m’en est donnée.
J’ai eu l’occasion de présenter au Secrétaire général de l’ONU lui-même et à M. Poposki, le ministre des Affaires étrangères de notre pays voisin, la position grecque, telle que je l’avais présentée il y a quelques jours à l’envoyé spécial du Secrétaire général, l’ambassadeur Nimetz lors de sa visite à Athènes.
Parmi les rencontres bilatérales, force est de noter ma rencontre avec le ministre des Affaires étrangères d'Iran, le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Serguei Lavrov et avec M. Kerry, le Secrétaire d'Etat américain, dans le cadre du dîner transatlantique.
J’aimerais également me référer tout spécialement aux contacts que nous avons eus avec le ministre albanais des Affaires étrangères - je serai en déplacement à Tirana le 14 octobre -, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères du Kosovo, le ministre des Affaires étrangères de la Serbie, le Premier ministre de Malte, le Conseiller fédéral en charge des Affaires étrangères de la Suisse.
Je citerais également les rencontres avec les pays du Golfe avec lesquels nous entretenons des relations étroites, avec le ministre des Affaires étrangères des Emirats arabes unis et du Qatar, les ministres des Affaires étrangères de la Libye, de la Jordanie, de l’Algérie, du Kazakhstan et de la Palestine, que je visiterai le lendemain de la réunion intergouvernementale qui se tiendra à Israël, le 8 octobre, où se rendra une grande délégation du gouvernement grec, dirigée par le Premier ministre.
Une autre grande question qui a dominé les discussions lors de la quasi-totalité des contacts que j’ai eus, était la question liée au parti de l’Aube dorée, au nazisme en Grèce, une question aussi récurrente que la question de la crise économique.
J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet devant l’Assemblée générale de l’ONU qui devait entendre officiellement de la bouche du ministre grec des Affaires étrangères que la Grèce lutte pour surmonter la crise, grâce aux sacrifices du peuple grec, le pays est prêt à organiser sa sortie de la crise car il enregistre d’ores et déjà un excédent primaire structurel de l’ordre de 5% du PIB, soit la meilleure performance de la zone euro. Cela bien entendu au prix d’énormes sacrifices, les Grecs ayant perdu une grosse partie de leurs revenus, mais le pays lutte pour restaurer sa crédibilité institutionnelle et en réalité son indépendance nationale en matière budgétaire et économique.
En outre, la communauté internationale devait entendre que l’Etat grec assure la protection de la démocratie contre toute forme de comportement violent, contre les comportements racistes et xénophobes qui sapent en effet la cohésion sociale et la sécurité des ressortissants grecs.
La démocratie dispose de mécanismes d’auto-défense, le plus important étant la Justice qui est invitée à protéger la démocratie et l’Etat de droit et la réaction de la part des partis politiques européens, du parlement européen, du commissaire en charge des droits de l’homme du Conseil de l’Europe et des médias internationaux viennent le confirmer.
Maintenant, tous ont compris que la Grèce, le gouvernement grec, le parlement grec, la société grecque ont la détermination nécessaire pour faire non seulement sortir le pays de la crise économique et budgétaire, mais aussi de la crise des valeurs et des comportements qui nous tourmentent depuis très longtemps.
Et, personnellement, je dois avouer que je me sens en quelque sorte justifié car j’ai été le premier à soulever cette question avant les élections de juin 2012. J’ai soulevé cette question à maintes reprises tout en demandant l’activation de l’axe constitutionnel et aujourd’hui – mieux vaut tard que jamais – un assassinat monstrueux commis de sang froid a suscité une réaction immédiate, ce qui aurait dû se passer il y a très longtemps.
L’important est que nous ayons de la confiance constitutionnelle et de la mémoire historique.
Α. PELONIS : Est-ce que votre rencontre avec M. Davutoglu et le processus convenu concernant la question chypriote créent les conditions favorables à l’organisation d’une réunion quadripartite ?
E. VENIZELOS : Comme je l’ai affirmé dans une déclaration écrite, la question d’une rencontre quadripartite n’a pas été abordée, ni soulevée. La Grèce n’est pas d’accord avec l’idée d’une conférence quadripartite. La question chypriote est une question internationale qui est envisagée dans le cadre de la mission de bons offices du Secrétaire général.
Puisque la Constitution de 1960 qui constitue la base de l’existence de la République de Chypre prévoit l’existence de deux communautés, la communauté chypriote grecque et la communauté chypriote turque, et comme il y avait dans le passé aussi des interlocuteurs ou des négociateurs de chaque communauté, en acceptant la proposition du Président de la République de Chypre, nous n’avons aucune objection à nous entretenir avec le négociateur nommé par la communauté chypriote turque.
Permettez-moi de dire que cela est plus conforme à la logique de la constitution de 1960 et au respect de la personnalité légale internationale de la République de Chypre que toute autre forme de pourparlers.
Mais la Grèce ne s’assimile pas à la Turquie. La Turquie n’est pas seulement la mère-patrie de la communauté chypriote turque mais l’une des trois puissances garantes sur la base du traité de 1960 ; c’est le pays responsable de l’invasion militaire et de l’occupation, lequel a été condamné à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme et a été directement impliqué dans cette question, tout en entretenant une relation avec la communauté chypriote turque tout à fait différente à celle que nous entretenons avec la communauté chypriote grecque.
Il faut qu’il y ait aussi quelque chose de plus substantiel comme les propositions du Président Anastassiadis concernant les mesures de confiance. Nous soutenons toutes ces propositions portant sur la ville et le port de Famagouste. A ce jour, il n’y a eu aucune réponse à cet égard. Nous osons espérer qu’il y aura une réponse ou qu’une dynamique sera donnée à ce processus.
Α. TASSOULIS : Question sur les zones maritimes.
E. VENIZELOS : La question de l’accord signé sur la délimitation de toutes les zones maritimes entre la Grèce et l’Albanie a été, bien entendu, abordée lors de la visite non officielle du nouveau Premier ministre de l’Albanie en Grèce, M. Rama, mais aussi lors de la rencontre que nous avons eue avec le nouveau ministre des Affaires étrangères à New York. Cette question sera de nouveau abordée au cours de ma visite le 14 octobre à Tirana. Par ailleurs, le Président de la République effectuera une visite officielle à Tirana début novembre.
Comme je l’ai tout à l’heure affirmé lors de mon introduction, la question des zones maritimes qui est également liée aux initiatives de la Commission européenne mais aussi, en général, à la façon dont on perçoit la Méditerranée en tant que mer de paix et de développement, constitue une priorité de la Présidence grecque.
Par conséquent, ce sont ces questions dont nous discutons avec Chypre, avec l’Egypte et sur une base tripartite avec l’Egypte et Chypre et avec Israël et Chypre, ainsi qu’avec l’Italie avec laquelle nous avons un accord sur la délimitation du plateau continental en vigueur depuis 1977. Et il est tout à fait logique, puisque en mer Méditerranée le plateau continental a la même étendu que la ZEE, de transformer l’accord sur la délimitation du plateau continental en accord sur la délimitation de la ZEE, quelle qu’en soit la valeur ajoutée. Et la discussion que nous avons avec les Maltais s’intègre dans la même logique.
Comme vous le savez, le droit international de la mer est extrêmement détaillé. Il comporte des dispositions relatives en la matière. Toutefois, je dois vous dire que la plus importante évolution depuis 1974 et la plus importante évolution depuis la ratification du droit international sur la mer par la Grèce en 1994, a été celle du lancement de recherches sur le terrain.
Cela vient changer la donne, à savoir la Grèce est en train de mener des recherches qui apportent des résultats et cela est lié aux dispositions de la loi 4001 de 2011 qui définit, sur la base du droit international, lesdites « limites extérieures » de nos zones maritimes, tel que prévu par le droit international.
Toutefois, la délimitation, telle que prévu par le droit international, est le résultat de consultations bilatérales ou multilatérales suivant le cas, avec les pays opposés et adjacents. Et c’est justement cela que nous faisons avec la Turquie depuis très longtemps, depuis 2002. Et, comme je l’ai, à plusieurs reprises, dit cela ne concerne pas seulement l’Egée, mais aussi la Méditerranée orientale et toutes les zones maritimes.
Pour ce qui est maintenant de votre question relative à l’Egypte, comme je vous l’ai dit, les réunions tripartites avec Chypre posent un problème. Il y aura des consultations bilatérales au niveau politique ainsi qu’une réunion des comités techniques dans les plus brefs délais.
L. BETHANIS : Est-ce que l’Aube dorée peut faire du chantage au gouvernement grec ? Quelle serait votre réaction à cet égard ?
E. VENIZELOS : Personne ne peut faire du chantage au gouvernement grec, qu’il soit de l’intérieur ou de l’extérieur.
Si vous entendez par là la démission des députés de l’Aube dorée, force est de signaler qu’un grand nombre de ces députés ont été arrêtés et font l’objet d’une enquête judiciaire. Nous verrons quelles seront les décisions du juge d’instruction et du Procureur. Mais, quoi qu’il en soit, une instruction est en cours portant sur des crimes graves.
Je n’ai jamais pris au sérieux le scénario des démissions et des élections partielles. Personne ne peut provoquer, en allant à l’encontre des disposions de la constitution, une crise démocratique ou parlementaire.
La Constitution permet d’apporter une réponse en matière de démocratie. Quiconque aspire à humilier les institutions parlementaires et démocratiques et les processus électoraux n’y arrivera pas. Le pays a besoin de stabilité, il doit rester attaché à ses objectifs ambitieux.
A. MOSCHOVAS : Y a-t-il du nouveau concernant la question du nom de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine ?
E. VENIZELOS : En ce qui concerne la question du nom ? J’ai transmis à M. Poposki et au Secrétaire général ce que j’ai dit à M. Nimetz, à savoir que la Grèce est prête à accepter ce dont le système politique grec a largement convenu depuis des années, à savoir une appellation composée avec déterminatif géographique qui permette de faire la distinction – comme je l’ai dit dans mon discours devant l’Assemblée générale – entre notre pays voisin et la Macédoine grecque qui fait partie du continent grec et qui est une région du pays – elle regroupe d’ailleurs trois régions du pays – à savoir la Macédoine centrale, la Macédoine occidentale et orientale et Thrace ; la Macédoine, en tant que région historique de la Grèce est différente de l’entité de notre pays voisin. Et nous voulons une seule appellation, pour tous les usages.
C’est le sens d’erga omnes et sur cette base nous sommes prêts à soutenir, par des moyens très précis et rapidement, l’intégration du pays voisin aux institutions euro-atlantiques et à l’aider dans ses perspectives de développement, car nous sommes son partenaire le plus fiable et le plus efficace. Αu cours des 20 dernières années, dans le cadre de l’Accord intermédiaire et de contacts continus sur la question du nom, la Grèce a une présence marquée sur le plan économique et des investissements et elle continuera de l’avoir, nous voulons un Etat uni, qui se développe et nous envoyons un message d’amitié et de bon voisinage ; nous voulons que le gouvernement de l’ARYM ait une attitude similaire, une attitude basée sur le droit international et les relations de bon voisinage, qui sont un critère fondamental de participation et d’adhésion aux institutions euro-atlantiques pour tous les pays.
October 1, 2013