JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, je voudrais commencer par votre commentaire sur la tragédie nationale que nous avons vécue à Tempi. La tristesse est immense et les questions sans réponse nombreuses.
N. DENDIAS : C'est une tragédie qui provoque une tristesse indescriptible, d'autant plus que beaucoup de victimes étaient des jeunes qui ont perdu la vie d'une manière totalement inattendue. En tant qu'État coordonné, nous devons enquêter sur les causes, attribuer les responsabilités là où elles existent, mais aussi veiller à ce que rien ne reste sans réponse. Tout comme nous devons, en tant que système politique dans son ensemble, nous pencher sur la sécurité et le développement des chemins de fer en Grèce et sur les causes de leurs problèmes en tant que moyen de transport, par rapport aux autres pays de l'Union européenne, malgré les importants projets d'infrastructure des dernières décennies. Il ne faut pas oublier que les chemins de fer sont un moyen de transport beaucoup plus écologique, avec une empreinte environnementale plus faible.
JOURNALISTE : Avez-vous des espoirs pour l'amélioration des relations gréco-turques et où les fondez-vous ? Une proposition en six points a-t-elle été envoyée par le ministère turc des Affaires étrangères, comme l'a dit Mevlüt Çavuşoğlu et quelle est la réponse de la Grèce ?
N. DENDIAS : Après les tremblements de terre du 6 février, une perspective encourageante a été enregistrée, qui s'est également reflétée lors de ma visite sur place, dans la déclaration de mon homologue et ami Mevlüt Çavuşoğlu, qui a exprimé l'espoir qu'un effort serait fait pour résoudre les différends par le dialogue.
Le climat de solidarité qui s'est créé, et qui a été confirmé par le soutien de la Turquie à notre pays après le tragique accident de Tempi, pourrait favoriser le rapprochement des deux sociétés. Il est possible que la dynamique qui s'est créée nous permette d'envisager la possibilité de reprendre des contacts exploratoires ou des pourparlers sur des Mesures de confiance. Pour nous, toute démarche de la Turquie visant à normaliser nos relations et à résoudre notre seul différend (la délimitation du plateau continental et de la ZEE), sur la base du droit international et du droit international de la mer, est la bienvenue. Nous devons travailler pour maintenir ce bon climat.
JOURNALISTE : Un an après l'invasion russe en Ukraine, y a-t-il un espoir de paix à l'horizon et comment pourrait-il être atteint ?
N. DENDIAS : Ces jours-ci, il y a un an, l’invasion barbare et injustifiée de l'Ukraine par la Russie avait été lancée. Un an plus tard, nous assistons à une catastrophe indicible qui se déroule au détriment d'un État indépendant.
Dans le même temps, nous sommes confrontés à une prise de conscience brutale de l'ampleur des changements intervenus dans le monde et l'environnement géopolitique à la suite de la guerre et de la rupture de l'ordre international fondé sur des règles.
Bien sûr, la première chose que nous voulons, c'est que la guerre cesse immédiatement, complètement et sans condition, afin qu'un dialogue puisse commencer. Mais un dialogue basé sur les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies et du droit international. Mais en attendant, avec nos partenaires, nous sommes aux côtés du peuple ukrainien, que nous continuerons à soutenir de toutes nos forces, en solidarité avec sa lutte.
Permettez-moi toutefois de réaffirmer dès à présent que cette position de principe, qui repose entièrement sur le droit international, n'est pas dirigée contre le peuple russe, avec lequel nous avons des liens historiques.
JOURNALISTE : La récente visite d'Anthony Blinken à Athènes a confirmé le haut niveau des relations gréco-américaines. Quel est le bénéfice pratique pour notre pays dans l'immédiat et à long terme ?
N. DENDIAS : En ce qui concerne les résultats de la visite officielle d'Anthony Blinken, les annonces officielles sont suffisantes pour comprendre qu'ils sont nombreux, importants et durables dans le temps.
Le communiqué conjoint a notamment souligné l'importance du respect de la souveraineté, des droits souverains et du droit international, y compris du droit de la mer, et du règlement pacifique des différends maritimes et autres désaccords par la voie diplomatique.
Nous avons réaffirmé notre détermination mutuelle à défendre les principes de souveraineté, d'indépendance et d'intégrité territoriale.
En outre, nous avons abordé des questions telles que les relations gréco-américaines, l'évolution de la situation dans la région de la Méditerranée orientale et les relations gréco-turques, l'énergie et le rôle de notre pays en tant que fournisseur de sécurité énergétique en Europe du Sud-Est. Nous avons confirmé l'intention d'approfondir la coopération stratégique bilatérale, dont la pierre angulaire est l'Accord de coopération en matière de défense mutuelle (MDCA), et la nécessité pour la Suède et la Finlande d'adhérer à l'OTAN, adhésion que notre pays soutient depuis le début.
Non seulement l'excellent climat des relations entre Athènes et Washington a été confirmé, mais aussi le renforcement de l'empreinte géostratégique du pays, qui est considéré dans la capitale américaine comme l'un des alliés les plus fiables dans une région critique de la carte du monde.
Je profite également de l'occasion pour remercier le Secrétaire d'Etat américain d'avoir exprimé son soutien au peuple grec dans sa douleur suite au tragique accident de Tempi.
JOURNALISTE : Il y a maintenant une nouvelle direction politique et gouvernementale à Chypre. Le dialogue pour la réunification de l'île sera-t-il relancé et à quelles conditions ?
N. DENDIAS : La position constante du gouvernement grec est de parvenir à une solution juste et viable au problème chypriote. Une solution basée sur les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Une solution compatible avec l'acquis européen. C'est-à-dire une fédération bicommunautaire et bizonale. La résolution du problème chypriote, dans ce contexte, est la priorité absolue de la politique étrangère grecque. Pour nous, l'état actuel des choses ne peut être la solution au problème chypriote. Chypre ne peut être le dernier État divisé de l'UE.
Dans ce contexte, nous attendons avec grand plaisir la première visite officielle du Président de la République de Chypre, Nikos Christodoulidis, et de mon homologue, Konstantinos Kombos, à Athènes. Pour la Grèce, la coopération, le consensus et la coordination avec Chypre a été, est et continuera d'être une priorité nationale de premier ordre.
JOURNALISTE : Sur la « carte » de la Méditerranée orientale, de nombreux grands projets énergétiques ont été prévus, du pipeline East Med aux câbles sous-marins. Combien, finalement de ces projets, et lesquels peuvent aller de l'avant et avec quelle valeur ajoutée pour notre pays ?
N. DENDIAS : C'est un fait que ces dernières années, notre pays a travaillé systématiquement pour exploiter ses avantages comparatifs - géographiques, politiques, économiques - dans le but de devenir une plaque tournante énergétique régionale dans une région plus large, partant de la Méditerranée orientale et allant jusqu'à l'Europe du Sud-Est.
Nous mettons en œuvre cet objectif à travers un réseau d'infrastructures stratégiques, souvent en coopération avec d'autres pays de la région, toujours sur la base des principes du droit international.
Ainsi, aux infrastructures existantes telles que Revithoussa et le pipeline TAP, nous ajoutons maintenant le terminal flottant d'Alexandroupolis avec la participation de nos pays voisins tels que la Bulgarie, la Serbie et la Macédoine du Nord, les oléoducs d'interconnexion avec la Bulgarie et la Macédoine du Nord, East-Med, l'interconnecteur euro-asiatique (Grèce-Chypre-Israël) et l'interconnecteur euro-africain (Grèce-Égypte), l'oléoduc Alexandroupolis-Burgas et d'autres projets.
Ces projets donneront une impulsion importante au développement de notre pays et augmenteront de manière décisive son empreinte géopolitique, en particulier dans le contexte du besoin urgent d'indépendance énergétique de l'Europe.
JOURNALISTE : Depuis octobre 2021, date de l'annonce de l'Accord gréco-albanais pour saisir la Cour internationale de justice de la Haye concernant la désignation des ZEE, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Pourquoi la question du recours à la Cour internationale de justice pour la délimitation des zones maritimes n'a-t-elle pas progressé ?
N. DENDIAS : Lors de ma dernière visite à Tirana en décembre, j'ai eu l'occasion d'avoir une discussion approfondie avec mon homologue albanaise, Olta Xhaçka, sur la nécessité d'accélérer le dialogue entre les deux pays, sur la base de l'accord politique d'octobre 2021, dans le but de rédiger le compromis pour la saisine de la Cour internationale de justice de La Haye sur la question de la délimitation de la ZEE et du plateau continental.
La rédaction du compromis est une entreprise complexe du point de vue technique et juridique. Du côté albanais, il y a des procédures internes à suivre. Je pense que la résolution de cette question aura de multiples avantages. Tout d'abord, pour les deux pays, car elle ouvrira un nouveau chapitre dans nos relations bilatérales. Deuxièmement, pour la région, car elle enverra le message que les pays de la région sont capables de résoudre les problèmes bilatéraux à l'amiable, sur la base du droit international. Et troisièmement, pour la perspective européenne de l'Albanie elle-même.
JOURNALISTE : Quels pourraient être les objectifs principaux de la politique étrangère grecque, pendant les quatre prochaines années ?
N. DENDIAS : Dans un environnement international et régional complexe et en constante évolution, notre principale préoccupation est de poursuivre une politique étrangère responsable, significative et constructive, avec calme, prudence et détermination.
La géographie détermine sans aucun doute la position de notre pays. Toutefois, elle ne limite pas la formulation et la poursuite d'une politique étrangère dynamique et à multiples facettes.
Le point de référence de notre politique étrangère est la défense de nos intérêts nationaux, la recherche de la paix, de la stabilité et de la sécurité, le respect des droits souverains de chaque pays, le respect du droit international et du droit international de la mer, l'engagement en faveur de la résolution pacifique des différends, le développement de relations de bon voisinage, le respect des droits de l'homme et la protection de l'environnement.
Permettez-moi de mentionner, à titre d'exemple, des initiatives qui reflètent notre aspiration à une contribution active et constructive de notre pays aux développements mondiaux : la candidature de la Grèce au Conseil de sécurité des Nations unies (2025-2026), au Conseil des droits de l'homme (2028-2030), à la présidence de l'Assemblée générale (2035) et l'organisation de la conférence « Our Ocean 2024 ».
Notre objectif est que la politique étrangère grecque continue à améliorer méthodiquement la présence internationale du pays et à renforcer systématiquement nos relations aux niveaux européen, régional et international.
March 4, 2023