Extraits de l'interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, au journal « TO VIMA TIS KYRIAKIS » et à la journaliste Alexandra Fotaki (23.04.2023)

JOURNALISTE : Commençons par les relations gréco-turques et le sous-entendu que vous avez fait concernant le processus des contacts exploratoires. Que vouliez-vous dire ?


N. DENDIAS : Je n'ai pas fait de sous-entendu, Madame Fotaki. J'ai simplement fait une évaluation du processus des contacts exploratoires, sur la base de l'expérience que j'ai acquise au cours des quatre années ou presque où je suis à la tête du ministère des Affaires étrangères. Nous avons, donc, un processus qui dure depuis 21 ans, 64 cycles de contacts exploratoires ont eu lieu, sans, il est vrai, aucun résultat substantiel, sauf peut-être le maintien d'un canal de communication. Et il serait peut-être naïf de croire que le résultat viendra au cours du 65e ou du 70e cycle. Soyons clairs : Je ne suggère en aucun cas un changement des positions grecques qui sont fermes. Je dis qu'il faut repenser certains paramètres du processus et j'ai des réflexions et des propositions précises à ce sujet. J'ai, donc, l'intention de les rassembler dans une note adressée au Premier ministre et au prochain ministre des Affaires étrangères, si quelqu'un d'autre me succède à ce poste.


JOURNALISTE : Les élections turques joueront-elles un rôle dans les initiatives visant à trouver des solutions ou bien la politique étrangère turque est-elle stable ? Des initiatives telles que le soutien de la Turquie à l'OMI pourraient s'avérer « dangereuses » pour la République de Chypre, par exemple ?

N. DENDIAS : Nous ne nous faisons pas d'illusion sur le fait que la Turquie abandonnera du jour au lendemain la grille de positions et de revendications à l'égard de la Grèce, qu'elle suit depuis des décennies, indépendamment des changements de gouvernement. Mais en même temps, il est important de maintenir le bon climat qui a prévalu dans nos relations ces derniers temps et qui n'était pas du tout évident il y a quelques mois. Je pense, donc, que l'atmosphère positive d'aujourd'hui est un bon point de départ pour qu'après les élections, lorsque les deux pays auront des gouvernements dotés d'un nouveau mandat populaire, nous puissions entamer un dialogue sérieux et sincère. En tant que pays qui recherche le dialogue et des solutions pacifiques sur la base du droit international, nous devons saisir toutes les occasions qui se présentent dans ce sens. Et, bien sûr, nous devons toujours garder à l'esprit que toute amélioration du climat dans les relations gréco-turques ne peut avoir qu'un effet positif sur les efforts visant à résoudre le problème chypriote.


JOURNALISTE : Le moment est-il venu de conclure un accord menant à La Haye ? La Grèce a-t-elle la force politique de supporter le fardeau d'un compromis ?


N. DENDIAS : Madame Fotaki, nous ne percevons pas les relations internationales de notre pays comme un « bazar à l’oriental », dans lequel des accords et des pratiques illégaux sont assimilés à des droits légaux. Nous cherchons à trouver une solution pacifique, toujours sur la base du droit international et du droit international de la mer, au seul différend qui nous oppose à la Turquie et qui concerne la délimitation du plateau continental et de la ZEE. Une solution qui, précisément parce qu'elle repose sur ces bases solides, contribuera à la paix et à la stabilité dans l'ensemble de la région. Et pour ne pas laisser la dernière partie de votre question sans réponse, je suis profondément convaincu que presque toutes les forces politiques grecques sont prêtes à assumer le fardeau du soutien à un tel effort.

JOURNALISTE : Soudan. Que se passe-t-il avec les Grecs dans ce pays ? Et comment réagissez-vous aux allégations de Syriza concernant l'exportation du Predator ?

N. DENDIAS : Au Soudan, la situation est difficile et il semble qu'elle va durer un certain temps. La communauté internationale tente de parvenir à un cessez-le-feu. Pour nous, la chose la plus importante et la plus immédiate à laquelle nous travaillons est de faire sortir nos compatriotes qui vivent au Soudan en toute sécurité dans le cadre d'une éventuelle opération d'évacuation avec le reste des ressortissants étrangers. Dès que le conflit a éclaté, la cellule de gestion de crise a été activée afin de coordonner les efforts avec les autres États membres de l'UE. Il va sans dire que nous restons en contact permanent avec le Métropolite de Nubie, Mgr. Savvas, et avec notre ambassade au Caire, mais aussi avec la Croix-Rouge internationale, afin que toute l'aide possible puisse être apportée aux personnes bloquées lorsque les conditions le permettent.
Pour le reste, il s'agit d'un processus en cours et je ne suis pas autorisé à faire des commentaires.

JOURNALISTE : En tant que ministre des Affaires étrangères, vous sembliez être un partisan d'une politique étrangère « hors des sentiers battus ». Le Conseil de sécurité est-il une opportunité ?

N. DENDIAS : Le Conseil de sécurité est le gardien, si l'on peut dire, des principes de la Charte des Nations Unies et du droit international. Notre élection à ce Conseil pour la période 2025-26, ainsi que notre candidature au Conseil des droits de l'homme (2028-30) et à la présidence de l'Assemblée générale des Nations unies pour 2035, outre leur valeur symbolique, reflètent la confiance et l'assurance que la politique étrangère de notre pays a acquises, grâce à un cycle d'accords solides qui a été forgé au cours des dernières années.

En même temps, ils soulignent l'urgente nécessité d'élargir encore les horizons de notre politique étrangère, ce à quoi je me suis activement employé au cours de mon mandat, malgré les difficultés liées à la pandémie. Les visites et les Accords avec un certain nombre de pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine sont un bon héritage pour la poursuite de cette voie, même à un moment où les relations internationales sont bouleversées.

Permettez-moi de noter ici que la Grèce dispose de trois avantages qui peuvent être exploités davantage : Elle a un nom de marque en raison de son histoire, elle n'a pas de passé colonial et elle a des communautés grecques dans le monde entier. Elle peut donc mobiliser des forces pour jouer un rôle actif dans des initiatives dans un certain nombre de domaines, tels que le climat, les structures de développement ou la protection des sites du patrimoine mondial.

April 23, 2023