JOURNALISTE : Passons maintenant au point où nous devrions normalement commencer notre discussion.
N. DENDIAS : M. Chiotis, je suis heureux que vous reveniez à la normale. Mais avec vous j'ai toujours peur des « ruses », pas de la normalité.
JOURNALISTE : La normalité ainsi que les «ruses» sont de mon devoir, Monsieur le Ministre.
N. DENDIAS : Au moins, vous l'admettez, vous êtes honnête.
JOURNALISTE : Absolument.
JOURNALISTE : Nous assistons à un changement spectaculaire dans les relations gréco-turques, en tout cas…
JOURNALISTE : Quel changement spectaculaire ? Il s’agit d’une atmosphère idyllique.
JOURNALISTE : Pensez-vous qu'il s'agit d'une véritable atmosphère idyllique ? Y a-t-il un changement de cap de la part de la Turquie ? J'ai entendu hier M. Kalin dire qu'il s'agissait d'un changement stratégique de la Turquie vers l'Occident. Le ressentez-vous ?
N. DENDIAS : Il faut examiner les données, voir ce que nous avons. Après la visite à Antioche, la Turquie a fait preuve d’un comportement chaleureux. Elle a reconnu l'aide que nous lui avions offerte et a complètement changé un certain nombre de paramètres vis-à-vis de la Grèce. Comme la rhétorique, ainsi que les violations, que ce soit dans les airs ou en mer, ou les survols. Car je dois vous dire que durant tous ces mois, non seulement la Turquie n'a pas violé l'espace aérien grec ou les eaux territoriales grecques, mais elle n'a même pas survolé la mer Égée.
JOURNALISTE : Et c'est la preuve, si je puis dire, que cette attitude, lorsqu’elle se manifeste, est guidée par des motifs spécifiques. Parce qu'à l'époque où il y avait des violations, les Turcs nous disaient : « Non, pour l'amour de Dieu, nous ne le faisons pas en tant que gouvernement. »
N. DENDIAS : Bien évidemment, c’est tout à fait vrai. Excusez-moi, en tant que ministre des Affaires étrangères, je reçois chaque après-midi un rapport complet sur les violations, les survols, tout. Et, en fait, avec une distinction très claire. Pourquoi ? Parce que pour moi, c'est le baromètre des relations avec le pays voisin. C'est la réalité. C'est exactement ce que vous dites. Mais...
JOURNALISTE : Alors pourquoi ont-ils gelé tout cela ?
N. DENDIAS : Tout d’abord, il est évident qu’il y a un ordre venant d'en haut. Il y a donc un choix clair, qui provient d’en haut et qui est un geste envers la Grèce. Et la Grèce n'ignore pas ce geste. Elle ne fait pas semblant de ne pas le comprendre. Au contraire, elle réagit. Pourquoi ? Parce que ce geste est exactement la condition préalable que la Grèce avait posée pour pouvoir normaliser ses relations avec son voisin et discuter avec lui du différend.
JOURNALISTE : Et je suppose que si la partie turque recule un jour sur la position qu'elle adopte aujourd'hui, ce sera un argument supplémentaire pour le gouvernement grec. N'est-ce pas ?
N. DENDIAS : Nous n'en discutons pas, nous n'en discutons pas.
JOURNALISTE : Mais avez-vous le sentiment que la Turquie renonce à ses revendications sur les zones grises ? Sur la démilitarisation des îles ?
N. DENDIAS : J’ai déjà dit publiquement que ni nous, ni la Turquie ne sommes dupes. Nous comprenons tous les deux. Mais créer un climat qui, après les élections, nous permettra sobrement, si vous voulez, dans une atmosphère amicale, de voir si nous pouvons résoudre notre différend, je pense que c'est quelque chose de très sérieux. Et puis il y a un autre acquis. Si cette atmosphère est maintenue, elle permet aux deux sociétés, grecque et turque, d'exprimer leur volonté souveraine, sans crainte d'un épisode chaud. Car si nous avions eu cette discussion avant la visite à Antioche, vous m'auriez demandé si je devais rester ministre des Affaires étrangères et si le ministre de la Défense devait lui aussi rester par crainte d'un épisode chaud. C'est-à-dire que l'incident chaud, la possibilité d'un incident chaud, s’inscrivait dans la logique, qui avait à voir avec la capacité du peuple grec, dans des conditions de sécurité, d'exprimer sa volonté souveraine. Cela, au moins pour le moment, n'est pas sur la table, nous n'en discutons pas.
JOURNALISTE : M. Kalin a déclaré hier que nous devrions maintenant entamer un dialogue direct entre la Grèce et la Turquie sans médiateur. Comment voyez-vous cela ?
N. DENDIAS : A la veille des élections, entamer un dialogue gréco-turc, vous comprenez que cela risque de faire...
JOURNALISTE : Au lendemain des élections, si les mêmes gouvernements se maintiennent.
N. DENDIAS : C'est tout à fait différent. La Grèce est absolument ouverte à un dialogue avec la Turquie au lendemain des élections. Sur le différend spécifique et dans les conditions spécifiques, afin de ne pas être trompé. Le droit international, le droit international de la mer.
Mais la Grèce, bien sûr, est prête à discuter avec la Turquie. Nous l'avons toujours dit, nous ne nous sommes pas cachés et nous ne nous sentons pas coupables, d'ailleurs.
JOURNALISTE : Je voudrais poser une autre question. Ces bonnes intentions sont exprimées par le gouvernement Erdoğan. Pensez-vous que même si nous avons un changement de gouvernement en Turquie, elles seront également exprimées par l'administration Kılıçdaroğlu s’il parvient à remporter les élections ?
N. DENDIAS : Je ne peux pas le savoir.
JOURNALISTE : Ou cela ne concerne-t-il que l'administration Erdoğan ?
DENDIAS : Je ne peux pas le savoir. Ce que nous voyons, c'est le travail du gouvernement actuel de la Turquie. À partir de là, ce que l'opposition turque fera au cas où la société turque la choisirait, cela reste à voir.
JOURNALISTE : Bien. Selon vous, quelles devraient être les prochaines étapes dans les relations gréco-turques ? Devrions-nous reprendre les discussions avec les secrétaires généraux des ministères des Affaires étrangères ? Ou, comme nous l'avons entendu, une discussion sur les Mesures de Confiance ?
N. DENDIAS : Permettez-moi de dire la chose suivante. J'ai une idée très claire de ce qu'il faut faire au lendemain des élections, que je proposerai au Premier ministre le lendemain des élections.
JOURNALISTE : Ne pourrions-nous pas l’entendre nous aussi, puisque nous vous avons à la radio ?
N. DENDIAS : Exactement, mais parce que la question est ce qu'elle est, je pense que ce n'est pas quelque chose qui devrait être dit en public et que cela n'aidera pas l'effort qui sera fait si ces choses sont dites en public. Mais j'ai quelque chose à dire, sans dénigrer l'énorme effort qui a été fait. Quand quelque chose avec une approche particulière n'a pas abouti à un résultat positif pendant des décennies, il est plutôt naïf de penser que si vous continuez à faire exactement la même chose, cela changera le résultat.
JOURNALISTE : Allez-vous donc prendre une autre initiative ?
N. DENDIAS : Nous avons convenu que ce n'était pas une bonne chose à dire publiquement.
JOURNALISTE : Si j'ai bien compris, il y a une pause dans les initiatives du gouvernement grec en raison de la période électorale. Est-ce que cela s'applique à toutes les initiatives ? Car vous ne vous occupez pas uniquement des questions gréco-turques au ministère des Affaires étrangères.
N. DENDIAS : Nous avons un rôle spécifique dans les Balkans et nous avons un agenda spécifique au-delà des Balkans ou des questions de la Méditerranée orientale. Dans la mesure où les intérêts nationaux grecs ne sont pas lésés, il est bon de ne pas le faire à un moment strictement électoral ou quasi-électoral, comme c'est le cas aujourd'hui.
Mais dans le cadre de l'initiative que nous avons sur la Syrie, dans laquelle tous les représentants des pays sur la question syrienne ainsi que Pedersen, le représentant spécial de l'ONU, viendront à Athènes, et c'est la première fois que la Grèce s'implique sérieusement dans les questions ayant trait à la Syrie, bien sûr que nous le ferons. Je serai là, nous serons là, nous prendrons position, nous essaierons de faciliter le processus.
Ou sur la question du dialogue Belgrade-Pristina, si quelque chose est nécessaire, bien sûr, nous sommes prêts à apporter notre contribution. Le monde ne s'arrête pas à cause de nos élections.
April 6, 2023