Extraits de l'interview du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, accordée à « ALPHA RADIO 9,89 FM » et aux journalistes Nikos Panagiotopoulos et Dina Moschou (09.05.2023)

N. PANAGIOTOPOULOS : Accueillons maintenant notre invité, que nous avons déjà annoncé. Il s'agit du ministre des Affaires étrangères, M. Nikos Dendias.

D. MOSCHOU : Monsieur le Ministre, bonjour.

N. DENDIAS : Bonjour, Madame Moschou, Monsieur Panagiotopoulos.

D. MOSCHOU: Bonne chance.

N. DENDIAS : Merci beaucoup.

N. PANAGIOTOPOULOS : Monsieur Dendias, commençons par une question personnelle. C’est comment un homme qui voyage et parcourt autant de kilomètres ? Vous devez avoir un record, n'est-ce pas ? Je ne sais pas si vous les avez comptés, combien de kilomètres et combien de pays.

N. DENDIAS : Non. Je les ai comptés. J'ai dépassé les 1 100 000 kilomètres.

D. MOSCHOU : Vraiment ?

N. DENDIAS : C'est à peu près deux fois l'aller-retour sur la lune.

D. MOSCHOU : Et en heures de vol cela fait combien ?

N. DENDIAS : Il faut les diviser par 600, qui correspond à la vitesse moyenne de l'avion.

N. PANAGIOTOPOULOS : Vous avez fait le tour du monde. Vous avez visité des pays, en tant que ministre des Affaires étrangères, qu'aucun ministre grec des Αffaires étrangères n'avait jamais visité auparavant.


N. DENDIAS : 16 de ces...

D. MOSCHOU : Le ministre des Affaires étrangères le plus voyageur que nous ayons jamais eu.

N. PANAGIOTOPOULOS : Et bien sûr, il ne s'agit pas d'un fétiche, pour utiliser un argot politique, pour l'euro en tout cas, que certains utilisent. C'est un travail qui élargit les horizons et les relations de notre pays.

N. DENDIAS : Vous avez tout à fait raison et on ne peut pas faire autrement, M. Panagiotopoulos. Tout d'abord, nous menons trois campagnes aux Nations unies, ce qui n'était jamais arrivé auparavant.

N. PANAGIOTOPOULOS : Elles sont très importantes pour le pays.

N. DENDIAS : D'une part, nous sommes très près d'atteindre notre objectif pour le Conseil de sécurité.

Mais au-delà de cela, nous sommes un pays moyen, nous avons besoin d' ententes, de sympathies et d'alliances. Cela ne peut se faire en restant assis à Athènes et en attendant que les autres vous rendent visite. Si nous étions les États-Unis, nous pourrions le faire. Ils viendraient tous à nous.  Aujourd’hui, c’est à nous d’aller et d’expliquer.

Et c'est absolument nécessaire, non seulement le fait que cela ce soit produit, mais que cela doit continuer.

D. MOSCHOU : Le ministre des Affaires étrangères doit, donc, être présent en personne pour exprimer la position de son pays.

N. DENDIAS : Il y a un dicton, ou plutôt une blague, qui dit quelle est la différence entre Dieu et un bon ministre des Affaires étrangères. Dieu est partout, un bon ministre des Affaires étrangères est partout sauf dans son pays.

N. PANAGIOTOPOULOS : Vous me faites une passe maintenant. C’est comment pour un candidat, c'est-à-dire vous êtes une personne qui vit de près les problèmes à l'intérieur du pays mais qui les voit aussi de l'extérieur, qui voyage constamment et qui vient maintenant faire campagne avec les problèmes de la vie quotidienne ? En d'autres termes, dans quelle mesure êtes-vous proche de la vie quotidienne des citoyens ?


N. DENDIAS : Ecoutez, il ne faut pas se voiler la face, c'est un inconvénient. D'abord, la longue absence, je suis 4-5 jours de travail par semaine ailleurs. Donc, ça veut dire que cela crée un sentiment d'absence. Il faut donc que je compense cela dans la campagne électorale dans laquelle je continue aussi parce que disons que demain ou après-demain je dois aller à Stockholm où il y a Gymnich.

Le pays ne peut pas ne pas être représenté dans les Conseils au motif qu’il y a un processus électoral en cours. Cela signifie, donc, que même sur ce peu de temps, une partie doit être allouée pour répondre aux besoins nationaux.

Mais que faire ? C'est le travail, il faut le faire au mieux et c’est à la société de juger.

N. PANAGIOTOPOULOS : La course électorale a-t-elle changé depuis que vous la suivez ?  Les gens sont-ils plus détachés ?  Est-elle un peu plus télévisuelle ?

N. DENDIAS : Je tiens à vous dire que les gens en général ne s'intéressent pas beaucoup à la politique, c'est la vérité.  Mais je tiens également à dire que les gens apprécient, dans le domaine dont j'ai eu l'honneur de m'occuper, ce que ce gouvernement a offert.

En d'autres termes, le taux d'acceptation du travail en matière de politique étrangère, j'ose le dire, dépasse de loin notre propre impact électoral. Et cela se reflète, bien sûr, dans mes contacts avec les personnes avec lesquelles je parle et communique.

Et ils ont compris, je pense, dans leur grande majorité, ce qui a été fait.

N. PANAGIOTOPOULOS : Des élections ici, des élections en Turquie, et passons aux choses sérieuses.  Nikos Dendias a-t-il une préférence, par rapport à qui sortira vainqueur des élections en Turquie ?

N. DENDIAS : Bien sûr, Nikos Dendias a une préférence, mais pas le ministre grec des Affaires étrangères.

N. PANAGIOTOPOULOS : Comme vous êtes également ministre des Affaires étrangères, il me sera difficile de connaître votre préférence personnelle. Passons, donc, au ministre des Affaires étrangères.

N. DENDIAS : Oui, c'est absolument impossible, je n'ai pas le droit d'avoir une opinion en tant que ministre des Affaires étrangères.

N. PANAGIOTOPOULOS : Impossible, alors qu'attendons-nous de cette élection, qu'est-ce qui peut changer ? Nous avons eu une amélioration du climat à cause des tremblements de terre, mais nous observons...

N. DENDIAS : Une très grande amélioration.

D. MOSCHOU : Mais elle n'est pas durable, Monsieur le Ministre.

N. DENDIAS : Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas vigilants, cela ne veut pas dire que nous sommes naïfs, cela ne veut pas dire que nous pratiquons une politique d'apaisement.

Mais cela signifie que nous avons la responsabilité de maintenir ouverte une fenêtre d'opportunité pour le prochain gouvernement grec – et nous pensons que nous serons le prochain gouvernement grec – et pour le prochain gouvernement turc, dont le peuple turc décidera, afin d'essayer, peut-être avec une approche plus fraîche, de résoudre notre différend.

À partir de là, nous verrons, nous avons du temps devant nous. Mais si nous parvenons à maintenir ce climat, je pense que ce sera un grand succès. Je me souviens qu'il y a quelques mois, on s'inquiétait du fait que moi et Nikos Panagiotopoulos – qui a le même prénom et le même nom que vous – restions dans nos ministères, parce que nous risquions à tout moment une crise avec la Turquie.

Le fait que nous soyons parvenus à ce stade est donc, je pense, une chose très, très positive.

N. PANAGIOTOPOULOS : Existe-t-il une clé pour déverrouiller les relations d'unité ? Nous sommes tous conscients du fait, d'un autre côté, ceux d'entre nous qui ont des amis ou des personnes que nous voyons et à qui nous parlons, les peuples, les hommes d'affaires, les travailleurs veulent une coopération, parce que nous sommes tous conscients du fait et les Turcs aussi, qu'une Grèce et une Turquie ayant une relation de paix à un niveau de croissance touristique et à d'autres niveaux, pour l'environnement, l'industrie, le transport, il y a tellement de domaines où nous pouvons coopérer, ce serait très, très bon pour les deux pays.



N. DENDIAS : Ce serait incroyable, ce serait une explosion de possibilités positives. Mais pour cela, il faut qu'Ankara et le gouvernement qui émergera adoptent une approche réaliste sur notre différend.

Si cette approche est expansionniste, si c’est une approche de souveraineté dans l'ensemble de la région, la Grèce ne peut certainement pas être d'accord. Si c’est une approche dans le cadre du droit international, c'est tout à fait différent et il y a une grande marge de manœuvre pour résoudre notre différend.

Je suis profondément convaincu que nous ne sommes pas condamnés à entretenir une relation de rivalité avec la Turquie. Au contraire, je crois qu'il est plus simple d'être dans une relation de compréhension commune sur la base du droit international. Mais comme on dit, il faut être deux pour danser le tango.

D. MOSCHOU : Monsieur le Ministre, je suis sûr que vous avez également étudié les opposants d'Erdogan, qui semblent jusqu'à présent, et selon les médias étrangers, avoir une chance d'évincer Erdogan du pouvoir. Vont-ils changer de politique étrangère et de tactique à l'égard du pays, qu’en pensez-vous ?

N. DENDIAS : Si l'on se base sur les sondages, les chances sont assez bonnes. Mais quelles sont les chances réelles, je ne le sais pas. Je ne peux pas savoir comment la société turque peut faire l’objet de sondages, surtout avec sa géographie intéressante et ses endroits vraiment inaccessibles. Autrement dit, je ne sais pas à quel point les sondages sont fiables.

Je n'ai pas entendu grand-chose de la part de l'opposition turque qui me fasse penser qu'elle est prête à adopter une approche différente.

Mais nous ne devrions pas prendre au sérieux ce qui se dit en période électorale ou, pour mieux dire, nous ne devrions pas prendre ce qui se dit pour argent comptant, en particulier dans le cadre d'une élection qui fait l'objet d'une telle pression. Peut-être que l'opposition a une vision plus sérieuse derrière ce que nous entendons et voyons.

Néanmoins, il s'agit d'une coalition de six partis, et non d'un seul, ce qui signifie qu'il est difficile d'adopter des positions réalistes. Deuxièmement, l'hellénisme a vécu une expérience étrange, pour ne pas dire une mauvaise, avec le parti de M. Kilicdaroglu, à commencer par l'invasion de Chypre.

N. PANAGIOTOPOULOS : La clé des relations gréco-turques, pour clore la question gréco-turque et parler de nos propres élections, pensez-vous qu'il n'y a que la question de l'énergie ? Ou, pour inverser un peu la question, les questions énergétiques pourraient-elles, si nous avions une solution, nous rapprocher ? Ou bien y a-t-il d'autres questions ?

N. DENDIAS : Les questions énergétiques n’ont pas beaucoup de problèmes. Et il n'y a pas beaucoup de problèmes à résoudre pour une principale raison, même si c'est là que beaucoup d'autres ont commencé.

D. MOSCHOU : Restons un instant sur les questions relatives au ministère des Affaires étrangères et un commentaire de votre part sur la guerre qui se poursuit en Ukraine, Monsieur le ministre, parce que Niko et moi disions, du moins les analystes disaient, que la guerre durerait quelques jours et qu'elle se terminerait. Un an s'est écoulé et Poutine poursuit l'escalade.

N. PANAGIOTOPOULOS : Qui plus est aujourd’hui ou c’est le Jour de la Victoire. Je me souviens qu'à l'époque, quand la Russie était très proche de l'Occident, les dirigeants européens se rendaient sur place, c'est-à-dire qu'ils célébraient tous ensemble la victoire contre le nazisme.

N. DENDIAS : Personne ne conteste la participation de ce qui était alors l'Union soviétique à la bataille et à la victoire contre le nazisme. Personne n'ignore les millions de victimes que l'Union soviétique, c'est-à-dire, dans une large mesure, la Russie, a sacrifiées dans la bataille contre le nazisme.
Nous l'avons reconnu, tout comme nous avons reconnu l'énorme contribution à la littérature, à la poésie et à la musique. Tout cela est là.

Mais il y a aussi l'invasion brutale de l'Ukraine et la partie russe pensait peut-être pouvoir renverser le gouvernement Zelensky en l'espace de trois ou quatre jours et d'installer un autre gouvernement à Kiev, mais cela confirme qu'il est facile de commencer les guerres, mais qu'il est difficile d'y mettre fin.

À l’heure actuelle, pour l'humanité, la guerre qui a résulté de l'invasion russe de l'Ukraine est une très grande perte et un désastre, mais nous ne pouvons rien faire d'autre que de nous en tenir au droit international et aux principes et valeurs que nous invoquons pour nous-mêmes.


Et juste espérer le meilleur. Croire qu'à un moment donné, l'envahisseur adoptera une approche plus réaliste.


May 9, 2023