Extraits de l’interview du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la station radio « Alpha Radio 98,9 » et aux journalistes Takis Hatzis et Giorgos Evgenidis (15.05.2023)

T. HATZIS : Je voudrais un premier commentaire sur ce que nous avons vu en Turquie, sur le résultat des élections. Qu'est-ce que cela peut signifier pour la Grèce, Monsieur le Ministre ?

N. DENDIAS : Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que nous n'avons pas été surpris du tout. Nous avons toujours eu le sentiment, dans nos analyses internes, que les sondages turcs qui, d’un côté comme de l’autre, ont été publiés, sous-estiment la Turquie orientale profonde, dans laquelle le président Erdogan a une influence accrue. Par conséquent, nous ne pensions pas que son hégémonie dans le pays voisin serait facilement renversée.

T. HATZIS : Vous pensiez donc personnellement qu'Erdogan allait, selon toute vraisemblance, remporter cette élection.

N. DENDIAS : Oui, c'est ce que je pensais, M. Hatzis. Cela étant, le gouvernement grec n'a pas le droit d'exprimer une quelconque préférence ou opinion.

Nous attendons la décision souveraine du peuple turc. Nous sommes prêts à coopérer avec le gouvernement qui sortira des élections après 15 jours.

Bien sûr, les élections de ce dimanche n'ont pas été sans résultats politiques. Il n'y a qu'un seul Parlement. Dans ce Parlement, l'AKP semble avoir la majorité. Nous devons voir…

T. HATZIS : ils ont 322 ...

N. DENDIAS : ... ce qui s'est passé exactement. Quoi qu'il en soit, il semblerait qu'en dépit des prédictions occidentales, la période d'hégémonie absolue d'Erdogan n'est pas terminée. Maintenant, nous allons voir ce qui va se passer avec la présidence...

T. HATZIS : Y a-t-il une chance que la situation évolue favorablement ? Je veux dire par là que j'ai également vu dans l'interview que M. Erdogan a donnée à M. Kostidis, mon collègue de Kathimerini, qu'il commençait à parler de paix, de coopération, de dialogues et d'autres choses de ce genre. Y a-t-il une chance que nous assistions à un revirement de la situation dans cette direction après le résultat de cette élection ?

N. DENDIAS : M. Hatzis, nous espérons toujours le meilleur. Mais je dois être honnête, nous nous préparons au pire. Il est clair que la partie turque a complètement changé sa rhétorique et ses pratiques ces derniers temps - et c'est tout à fait bienvenu. Après la visite et le comportement de notre pays après les tremblements de terre, la Turquie a reconnu le geste de manière très pratique et très claire. Mais à partir de là, nous avons encore un long chemin à parcourir.

G. EVGENIDIS : Est-ce que ce climat peut être maintenu ?

T. HATZIS : Je ne sais pas si cela peut être maintenu.

G. EVGENIDIS : Je voudrais demander...

T. HATZIS : Un instant. Monsieur le Ministre, la Turquie veut être un acteur intermédiaire dans la région.

N. DENDIAS : Oui. Je pense que si la Turquie...

T. HATZIS : Je pense que cela va de soi. Alors, est-ce que cela aide maintenant à dialoguer avec la Grèce ?

N. DENDIAS : Je veux être honnête. Lorsque je parle et négocie avec quelqu'un, je me mets à sa place. Je comprends les ambitions turques, la Turquie est un grand pays, la Turquie aimerait jouer un rôle important. Ce que j'espère que la Turquie comprendra, à un moment donné, c'est que précisément pour ces ambitions, une relation étroite et amicale avec la Grèce est une condition préalable importante, voire essentielle.


Et, au contraire, même ses propres ambitions elle ne les sert pas par l'hostilité envers la Grèce, ni par la perception qu'elle viole le droit international et cherche à imposer des choses par la force.

C'est de cette Turquie ambitieuse dont je parle. Et la Grèce n'a rien à perdre d'une Turquie riche et stable. C'est un marché énorme à côté de nous, nous avons toujours été des commerçants dans notre histoire, nous avons toujours créé des relations, des relations commerciales, des relations humaines.

Il s'agit pour la Turquie de sortir de la logique de l'imposition néo-ottomane. C'est cela l'enjeu pour moi.  Je veux que la Turquie ait des ambitions, je souhaite que la Turquie ait des ambitions.

G. EVGENIDIS : Oui, c'est parfaitement compréhensible. Il y a juste une question ici, à savoir si une victoire de M. Erdogan au second tour ne risque pas de le «libérer» dans ses ambitions régionales. Et ces choses qui semblaient avoir été mises « en veilleuse » pendant un certain temps à cause des tremblements de terre, à cause de la position des États-Unis dans la région, pourraient, après un résultat électoral net, l'amener à un nouveau cycle de comportement agressif et révisionniste.

N. DENDIAS : M. Evgenidis, personne ne peut exclure quoi que ce soit, soyons clairs. Nous avons vu le président Erdogan à différents stades de sa longue et brillante carrière politique. Nous devons espérer et être prêts pour le meilleur.    Mais le fait, par exemple, qu'un candidat d'extrême droite se soit positionné ce matin en faveur de l'opposition turque devrait nous en dire long. Par ailleurs, je suis de ceux qui...

T. HATZIS : Vous voulez parler de M. Sinan Ogan ?

N. DENDIAS : Oui, c'est exactement de lui que je parle. Je n'aime pas citer de noms. Et aussi - parce que je connais l'histoire et que vous la connaissez tous, et parce que c'est assez récent - nous savons comment, en principe, le parti républicain a évolué après Kemal et pendant la période où Inonu était à la tête du parti. Quoi qu'il en soit, pour dire les choses franchement, qui était responsable, quel parti était responsable, quel parti dirigeait la Turquie au moment de l'invasion de Chypre ?

May 15, 2023