Extraits du discours prononcé par le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères E. Vénizélos lors de la Conférence interparlementaire sur la PESC / PSDC (3.4.2014)

Mesdames et Messieurs, chers collègues, comme vous le savez la Grèce se trouve géographiquement parlant dans une région particulièrement importante du point de vue géostratégique, historique, puisqu’elle est le berceau d’importantes civilisations, le berceau en fait de toutes les religions monothéistes, avec une contribution décisive dans l’histoire de la civilisation. Mais elle est située également près d’une région qui a toujours été instable, une région tourmentée par les crises qui menacent la sécurité, non seulement au niveau régional, mais aussi européen, dès lors que nous nous référons au Moyen-Orient et à l’Afrique du nord, région très tourmentées.

Dans ce contexte instable, la présence de la Grèce est un point de stabilité, une garantie de stabilité pour toute la région. Et ce, en dépit du fait que nous traversons une crise économique et budgétaire qui a imposé de durs sacrifices et qui suscite de très fortes réactions sociales.

La Grèce sert de pont entre le nord et le sud, entre l’Europe et le Moyen-Orient et l’Afrique du nord. Elle constitue ce maillon qui facilite au mieux l’approfondissement qualitatif et le renforcement des relations de l’UE avec les pays du voisinage sud. Même si la question d’actualité débattue dans toutes les enceintes est le voisinage oriental, en raison de la crise en Ukraine et de la crise dans les relations Occident et Russie, OTAN et Russie, Union européenne et Russie, nous axons notre attention aujourd’hui ici en Grèce sur la perspective du voisinage sud.

La Grèce entretient des relations étroites avec tous les pays de notre région et elle a réussi ces dernières années à renforcer également ses relations avec des pays comme Israël, à travers un parcours honnête de rapprochement qui n’entre pas dans la logique de la somme nulle, mais dans celle d’une situation où il y a seulement des vainqueurs.

Cela concerne notre approche quant aux relations gréco-turques, qui sont naturellement influencées de manière déterminante par les évolutions dans le dossier chypriote. Cela constitue l’axe de notre politique dans les Balkans occidentaux et à cette occasion j’aimerais dire que le 8 mai nous organisons de concert avec la Haute Représentante et la Commission une réunion ministérielle à Thessalonique entre les 28 Etats membres de l’Union européenne et les 6 Etats de la région des Balkans occidentaux. Par ailleurs, ici à Athènes, nous organiserons le 10 juin une autre réunion ministérielle très importante entre les 28 Etats membres de l’Union européenne et les Etats membres de la Ligue arabe.

J’aimerais vous rappeler que la priorité horizontale de la Présidence hellénique qui a été adoptée également par la Présidence italienne qui nous succèdera et avec laquelle nous formons une année de présidence méditerranéenne à l’UE, est la politique maritime intégrée axée sur la Méditerranée. Nous sommes confrontés à la nécessité de rediscuter de l’application du droit international de la mer dans le bassin méditerranéen, car il ressort des études commandées et présentées par la Commission européenne, par le truchement de la commissaire compétente, Mme Damanaki, combien il est avantageux d’appliquer les dispositions du droit de la mer pour ce qui est de la délimitation et de la valorisation des zones maritimes et je me réfère notamment au plateau continental et à la ZEE en Méditerranée.

Nous voulons que l’accord de 2009 sur la délimitation des zones maritimes entre la Grèce et l’Albanie soit achevé et ratifié. Et nous avons commencé des pourparlers techniques très importants avec l’Egypte sur la délimitation des zones maritimes en Méditerranée orientale.

En référence à la question chypriote, qui pour l’UE et bien entendu pour la Grèce, constitue toujours une question de priorité absolue, il est évident que la Grèce – comme elle en a d’ailleurs l’obligation et comme il ressort de notre sentiment national – soutient pleinement les efforts du Président Anastasiades mais aussi le communiqué conjoint des dirigeants des deux côtés de Chypre, à savoir l’atteinte d’un règlement équitable et durable, basé sur une fédération bicommunautaire, bizonale, avec une seule souveraineté, une personnalité juridique et une seule et unique nationalité. Nous soutenons donc un système fédératif, tout à fait compatible avec les décisions y relatives du Conseil de sécurité des Nations Unies, mais aussi l’acquis communautaire, puisque l’on parle d’un pays membre de l’Union européenne et de la zone euro. Bien entendu, le maillon crucial est toujours la Turquie, Ankara. Cela est l’objet de mes contacts réguliers et de mes entretiens avec mon homologue turc. La Grèce et la Turquie soutiennent les communautés respectives, mais il est manifeste que la Turquie a une responsabilité internationale reconnue, conformément aux décisions de la cour européenne des droits de l’homme et elle est cruciale pour le rapport de forces militaire sur l’île, pour la présence de ses forces armées, pour la présence des colons et donc elle assume un lourd fardeau. Nous accepterons avec joie toute action qui atteste d’un changement d’intention sincère sur la question. D’ailleurs, l’UE l’attend et cela est lié aux critères de Copenhague pour tous les pays candidats.

Vous savez bien mieux que moi que la situation en Syrie demeure malheureusement dramatique. Les répercussions humaines sont manifestes. Nous subissons, par le biais de l’afflux de réfugiés, ces conséquences et je veux notamment parler des pays européens du sud de la Méditerranée.

Permettez-moi de me référer tout particulièrement aux monuments chrétiens et au rôle que jouent les Patriarcats grecs orthodoxes de la région, le Patriarcat d’Alexandrie, ayant son siège en Egypte et le Patriarcat d’Antioche, à Damas, installé maintenant à Beyrouth.

Une autre question qui nous préoccupe, est l’opération de destruction de l’arsenal chimique syrien, conformément aux résolutions de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. J’aimerais que cela ne se produise pas dans la mer fermée de la Méditerranée, mais dans l’océan. Si cette opération a finalement lieu en Méditerranée, nous voulons que toutes les garanties nécessaires soient respectées.

Le rôle que joue l’Egypte dans tout le voisinage sud est particulièrement crucial. Nous avons une coopération étroite et un contact avec le gouvernement de transition dans le cadre des résolutions y relatives du Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne et du Conseil européen. Nous espérons que les élections présidentielles imminentes mèneront à l’application du principe d’inclusivité, que les sources de tensions disparaîtront, ce qui naturellement est très difficile.

Nous maintenons ouvert le dialogue politique entre la Grèce, Chypre et l’Egypte. Il est très important également de nous positionner sans plus tarder vis-à-vis du problème demeuré en suspens de la Libye.

C’est une nécessité impérieuse pour l’Union européenne et les Etats membres de continuer à offrir leur aide nécessaire et leur savoir-faire aux pays du voisinage sud en vue de la création d’institutions étatiques, de la bonne gestion des défis et de confirmer dans la pratique et au quotidien notre engagement à coopérer avec eux. Cela est lié à notre décision de maintenir les proportions entre le voisinage sud et le voisinage oriental.

S’agissant de l’Ukraine, la position européenne est et doit toujours être une position de principes, une position fondée sur le respect de la légalité internationale, une position basée sur le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les pays, car c’est la base du fonctionnement de la communauté internationale, notamment pour le continent européen c’est la base sur laquelle fonctionne depuis 1975 l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. Le principe sur lequel tout cela est bâti est en réalité le rejet du réformisme.

Il ne faut pas oublier que parce que le respect de la légalité internationale est notre doctrine, la décision de l’AG de l’ONU est très importante, décision prise avec le rapport de forces que vous connaissez, mais le système des Nations Unies reconnaît que la Crimée fait toujours partie du territoire de l’Ukraine et cela est important. Certes les mécanismes dépendant des décisions du Conseil de sécurité ne sont peut être pas mobilisés, mais la décision de l’AG a toute son importance.

Nous n’avons jamais discuté sérieusement et ouvertement de l’hypothèse de travail que nous faisons stratégiquement sur la réaction russe ou les évolutions à l’intérieur de l’Ukraine, car l’Ukraine est un pays complexe, un pays où plusieurs paramètres sont à prendre en compte : la présence de minorités ethniques et linguistiques, des différences de développement qui sont historiques. Je pense que notre analyse devait être plus réfléchie et plus complète.

Nous sommes invités à réexaminer notre stratégie en rapport avec la Russie et au niveau de l’Union européenne et de l’OTAN, donc nous sommes, de par la force des choses, obligés de tenir compte de l’approche américaine, qui a le cadre stratégique de référence et une pratique, qui consiste – à juste titre selon moi – à des contacts téléphoniques continus entre le Président Obama et le Président Poutine et des contacts continus et rencontres de MM. Kerry et Lavrov.

Nous sommes arrivés à la formulation, avant-hier mardi, de la position unanime et officielle de l’Alliance, à Bruxelles, au niveau des ministres des Affaires étrangères, en disant que nous interrompons pratiquement tout contact politique et militaire avec la Russie dans le cadre du Conseil OTAN – Russie, mais dans le même temps nous voulons maintenir ouverts les voies diplomatiques et politiques et aboutir à une solution, qui soit mutuellement acceptable et aussi politique. Manifestement elle doit être légitime, selon le droit international.

Nous avons les données définitives et nous devons parvenir à une solution définitive ou bien avant cette solution définitive, nous devons lutter sérieusement pour atteindre un accord politique et diplomatique pour ce qui est de la crise en Ukraine.

Et cela est très important, notamment pour l’UE, car au niveau économique et énergétique, les Etats-Unis n’ont pas le problème que nous avons par rapport à la Russie. Dans le même temps, l’Union européenne n’est pas prête à traiter de questions qui en réalité signifieraient une inégalité entre les Etats membres dans leurs relations avec la Russie. Autrement dit, chaque Etat membre séparément veut conserver ses avantages économiques, commerciaux voire ses avantages en matière de défense par rapport à la Russie, mais personne n’est disposé à engager un débat d’unification réelle de la politique européenne par rapport à la Russie dans ces domaines.

Nous devons être très réservés et, en tout cas, si nous aboutissons à un choix, qui est un choix relatif à un changement de doctrine au sein de l’OTAN et de l’UE, nous devrons voir les conséquences économiques et énergétiques et ce que cela voudra dire pour la Syrie, pour les négociations entre le groupe P5 + 1 ou EU 3 + 3 sur l’Iran, ce que cela voudra dire pour la situation en Afghanistan, pour la lutte contre le terrorisme et les menaces asymétriques. Il faudra voir la question de manière globale.

Il faut que notre vision soit stratégique, lorsque nous prenons une décision nous devrons au moins savoir quelles seront les deux prochaines décisions que nous prendrons. Car connaître ou avoir planifié les deux prochains pas avant de faire le premier pas en avant qui peut entraîner toute une série de répercussions, nous ne l’avons jusqu’à présent pas constaté dans aucune région du monde et dans aucune crise.

La présence du FMI en Ukraine est un problème et de par mon expérience à l’époque où j’occupais les fonctions de ministre des Finances je peux le dire car le fameux principe de conditionnalité de l’aide fournie par le FMI est très lourd pour la société.

Je suis d’accord avec l’idée présentée par les trois ministres du Triangle de Weimar, sur la nécessité de convoquer une grande conférence internationale sur le problème économique en Ukraine. Je l’avais dit il y a un mois environ à Budapest, lors d’une rencontre entre les trois pays européens balkaniques (Grèce, Roumanie, Bulgarie) et du groupe de Visegrad. Et je suis particulièrement content car cela devient une nécessité largement acceptée et une proposition largement acceptée.

J’aurais l’occasion de visiter la Moldavie mardi, dans quelques jours, dans le cadre des actions de la présidence hellénique du Conseil. Nous discuterons de la façon dont nous pouvons accélérer l’intégration. Nous convenons du caractère crucial de la question de la Transnistrie.

Et notre discours politique, en rapport avec nos sociétés, le corps électoral, la société civile, doit revêtir tous ces éléments stratégiques, qui doivent toujours motiver notre pensée et cela concerne bien entendu la politique grecque.

La leçon fondamentale de notre relation avec l’histoire que nous devons mettre en pratique s’appelle la nécessité d’une vision stratégique.

April 8, 2014