Extraits d'une interview du ministre des Affaires étrangères, N. Dendias au journal « Apogevmatini tis Kyriakis » et à la journaliste Katerina Tsamouri (09.04.2023)

JOURNALISTE : Combien de temps pensez-vous que ce changement de l’attitude turque va durer ? Les Turcs cherchent-ils à obtenir des contreparties de la part des Européens et des Américains ? Ils veulent obtenir, par exemple, les F-16 ...

N. DENDIAS : Les tremblements de terre dévastateurs du 6 février en Turquie et ma visite à Antioche ont dessiné un nouveau paysage dans les relations gréco-turques. La Turquie fait preuve d'un comportement très différent suite à notre expression concrète de solidarité avec le peuple turc. Ce comportement se caractérise notamment par une désescalade de la rhétorique turque, jusqu'alors particulièrement intense, et par l'absence de transgression en mer Égée.

Je ne suis pas en mesure de savoir combien de temps durera ce très bon climat, mais j'espère qu'il se maintiendra. Les caractéristiques qualitatives de cette période nous intéressent également. La Turquie sera-t-elle prête à engager un dialogue franc et constructif sur la base du droit international et du droit international de la mer ?

Cela nécessite une décision et un choix politiques au plus haut niveau. Il est particulièrement important que cette position différente de la Turquie constitue une décision politique centrale d'importance durable.  Vous avez mentionné les F-16. Il s'agit d'une question sur laquelle de nombreux points de vue ont été exprimés par les dirigeants américains... En tout état de cause, la vente ou non de ces avions est une question bilatérale entre les États-Unis et la Turquie.

JOURNALISTE : Vous êtes convenu avec Mevlut Cavusoglu qu'ils nous soutiendraient au Conseil de sécurité et que nous les soutiendrions à l'Organisation maritime internationale. Que répondez-vous à ceux qui affirment que la Grèce aide ainsi la Turquie à devenir un « gendarme de la circulation » en mer, tout en ignorant la CNUDM et en rêvant de la « Patrie bleue » ? Le danger est-il plus grand que le bénéfice ?

N. DENDIAS : Le choix de la Turquie de soutenir la Grèce au Conseil de sécurité revêt un symbolisme énorme, car le Conseil est le gardien de la Charte des Nations Unies et du droit international, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. D'autre part, l'OMI est une organisation spécialisée des Nations unies, dont la mission principale est la sécurité et la protection de la navigation internationale.

Le soutien grec à la candidature turque au poste de Secrétaire général de l'OMI concerne un poste dans une organisation où la Grèce joue un rôle de premier plan (catégorie A).

JOURNALISTE : Y avait-il finalement un « problème » avec Chypre ? Parce que les Chypriotes, en plus de déclarer qu'ils ne soutiendront pas la candidature turque, ont annoncé leur propre candidature (à un autre poste, bien sûr) et ont exprimé une certaine amertume à l'égard de la Grèce. L’avez-vous ressenti ?  

N. DENDIAS : Madame Tsamouri, ce développement reflète l'amélioration du climat des relations gréco-turques et ne peut être considéré que comme positif. Positif à la fois pour la paix et la sécurité dans l'ensemble de la région et pour les efforts visant à reprendre les négociations en vue d'une solution juste et viable à la question chypriote sur la base d'une fédération bizonale et bicommunautaire, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité et compatible avec l'acquis européen. Ce fait incontestable a été récemment mentionné par des responsables chypriotes.

Parallèlement, les relations entre Athènes et Nicosie restent excellentes. A Chypre, j'ai informé le Président de la République de Chypre et mon ami Nikos Christodoulidis, ainsi que mon homologue chypriote Konstantinos Kombos, de la décision du gouvernement grec de soutenir la candidature chypriote à la réélection dans la catégorie C du Conseil de l'OMI. Au cours de cette même visite, notre objectif national commun a été confirmé : le règlement de la question chypriote. Pour le gouvernement Mitsotakis, la question chypriote est une priorité nationale absolue.


JOURNALISTE : Qu'a-t-on dit sur l'énergie lors de la réunion tripartite avec Chypre et Israël ? Le gazoduc Eastmed reste une bonne carte purement en matière de diplomatie ? Et dans quelle mesure le fait que trois jours plus tard, vous vous êtes entretenu avec le ministre des Affaires étrangères des Émirats est une coïncidence ? Un accord sur l'énergie avec les Émirats est-il envisagé ?

N. DENDIAS : Lors de la réunion tripartite avec mes homologues de Chypre et d'Israël, la question du gazoduc EastMed et l'importance stratégique du gazoduc EuroAsia Interconnector entre la Grèce, Chypre et Israël ont été abordées.
Ces projets revêtent une valeur pratique et géostratégique supplémentaire pour la Méditerranée orientale et l'Union européenne, en particulier à la lumière de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et de la nécessité d'un découplage énergétique et d'une interconnexion accrue.
Nous avons également discuté du Forum gazier de la Méditerranée orientale. Nous sommes positifs quant à la perspective de participation d'autres pays, comme la Turquie, par exemple, à condition qu'ils respectent le droit international et le droit international de la mer.

Lors de ma rencontre avec mon homologue des Émirats arabes unis, le développement d'initiatives dans la région, en particulier dans le domaine de l'énergie et des énergies renouvelables, l'économie et les questions de sécurité ont été discutées dans un contexte plus large.  Une deuxième réunion informelle a eu lieu à mon retour de Bruxelles. Dans le cadre de notre diplomatie active dans la région, j'attends également mon ami, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Shoukri, à Athènes le mardi 11 avril. Nous aurons l'occasion de discuter de questions régionales et internationales. Nos relations stratégiques avec l'Égypte ne cessent de se renforcer et, comme vous le savez, mes rencontres avec mon homologue égyptien sont fréquentes.  
La politique étrangère grecque joue désormais un rôle actif dans les évolutions qui ont lieu dans notre région plus élargie et participe aux efforts visant à trouver des solutions aux questions qui préoccupent la communauté internationale. Par exemple, le vendredi 21 avril, une réunion sur la Syrie sera organisée pour la première fois en Grèce avec la participation de l'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, M. Pedersen (qui se rendra ensuite à Damas), et de tous les envoyés des États membres de l'UE pour la Syrie.    

JOURNALISTE :   Lundi, M. Cavusoglu a parlé d’un partage des richesses de Chypre et de la Méditerranée orientale en général, malgré la « désescalade ». Des contacts exploratoires ou des mesures de confiance peuvent-ils être envisagés après de telles déclarations ?

N. DENDIAS : Madame Tsamouri, je suis tout à fait conscient des difficultés dans les relations gréco-turques. Mais en même temps, pour les raisons que j'ai déjà évoquées, le comportement de la Turquie à l'égard de notre pays a changé. La communication bilatérale s'est améliorée, les violations dans la mer Égée ont été réduites à presque zéro et la rhétorique extrêmement agressive n'a pas seulement diminué, elle a été remplacée par des déclarations et des gestes de désescalade et de cordialité.

Je tiens à souligner que cette semaine encore, j'ai eu une brève rencontre avec le ministre turc des Affaires étrangères à Bruxelles, en marge de la réunion ministérielle de l'OTAN, tandis que les ministres de la Défense, de l'Immigration et de l'Asile, M. Panagiotopoulos et M. Mitarakis, se sont rendus dans les régions de Turquie touchées par le tremblement de terre. Une nouvelle atmosphère se crée donc. Il est certainement trop tôt pour savoir si cette atmosphère deviendra permanente ou, plus encore, si elle débouchera sur des solutions. Mais nous devons, en tant que pays qui recherche le dialogue et les solutions pacifiques sur la base du droit international, exploiter toutes les possibilités qui s'offrent à nous dans ce sens.

April 9, 2023