Extraits d’une interview du ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, au journal « Parapolitika » et au journaliste K. Papachlimitzos (20.05.2023)

JOURNALISTE : Comment interprétez-vous le résultat des élections présidentielles et législatives de dimanche dernier en Turquie ? Quel est le message que vous souhaitez adresser au prochain président de notre pays voisin ?  

N. DENDIAS : Pour l'instant, il semble que le président Erdogan ait de bonnes chances d'être réélu au second tour.  Il est très probable qu'il n'y aura pas de changement de régime et que la situation actuelle sera maintenue. Il s'agit certainement d'une équation complexe et il n'est pas facile de faire des prédictions sûres, car il reste à voir comment l'équilibre des pouvoirs en Turquie se dessinera finalement après les élections du 28 mai.  Ce qui est certain, cependant, c'est que le nouveau président de la Turquie - quel qu'il soit - sera confronté à un certain nombre de défis. Comme nous l'avons dit à maintes reprises, nous attendrons le résultat final des élections ; nous sommes des observateurs et ne pouvons pas prendre position.

Cependant, notre souhait est de travailler avec le prochain gouvernement. Nous sommes prêts à engager des pourparlers avec le gouvernement qui émergera, quel qu'il soit, à condition  que ce dernier ne hausse pas le ton et ne revienne pas à une rhétorique menaçante.

Permettez-moi de dire qu'il ne m'appartient pas d'envoyer un message au prochain président de la Turquie. Comme l'a souligné le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, son intention est de « tendre une main amicale » au vainqueur des prochaines élections en Turquie, tout en exprimant l'espoir que le prochain gouvernement qui sera formé dans le pays voisin « reconsidérera son approche vis-à-vis de l'Occident ». Nous sommes dans une période de désescalade des tensions après les tremblements de terre. La transformation de cette désescalade en une période d’apaisement de tensions plus stable dépendra dans l'immédiat de l'attitude que la Turquie choisira d'adopter. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, une fenêtre d'opportunité s'est ouverte, que nous devons exploiter.

JOURNALISTE : Le recours à La Haye avec l'Albanie sur la délimitation de la ZEE est en retard et le gouvernement voisin semble jouer des jeux politiques avec la minorité ethnique grecque. Quelle devrait être la politique du gouvernement à l'égard de l'Albanie à partir de maintenant ?   

N. DENDIAS : Tout d'abord, je suis très heureux de l'élection de Beleris et je voudrais répéter ce que le Premier ministre Rama a également dit, à savoir que s'il n'y a pas de preuves irréfutables contre lui, c'est un grand scandale de l'arrêter. Je tiens à être clair. La décision de le maintenir en détention a complètement renversé les règles d'égalité devant la loi dans les élections municipales à Chimarra, un centre important de la minorité ethnique grecque en Albanie.

Une telle décision a également des implications pour les relations de l'Union européenne avec l'Albanie, car une condition préalable à ce parcours européen est l'engagement des pays candidats à respecter les règles européennes et les principes de l'État de droit. Par conséquent, l'Albanie, qui souhaite se rapprocher du projet européen et devenir membre de la famille européenne, ce que nous encourageons, devrait bien sûr respecter l'État de droit.

JOURNALISTE : Quels peuvent être les objectifs majeurs mais réalistes de la politique étrangère grecque pour les quatre prochaines années ?  

N. DENDIAS : Les objectifs de notre politique étrangère dans un avenir proche et lointain continueront à reposer sur les bases solides bien connues.  A savoir, le respect de la Charte des Nations Unies, du droit international et du droit international de la mer, la protection des droits de l'homme, en particulier des femmes et des enfants, et la protection de l'environnement. La politique étrangère grecque poursuivra et encouragera une stratégie d'actions ciblées, de confiance en soi et d'ouverture d'horizons, visant à maximiser l'empreinte géopolitique du pays sur la scène internationale. C’est dans ce cadre, entre autres, que s’intègre la candidature de la Grèce en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU pour la période 2025-2026, qui est un exemple concret de l'engagement de la Grèce à promouvoir le multilatéralisme sur la base du droit international. Il en va de même pour les candidatures de la Grèce aux deux autres organes clés de l'ONU, le Conseil des droits de l'homme (2028-2030) et la présidence de l'Assemblée générale (2035-2036), toutes deux pour la première fois dans l'histoire du pays. Un objectif tout aussi important, mais absolument réaliste, est de renforcer le cadre existant d'alliances, d'accords, d'ententes et de perceptions communes avec des pays tels que l'Italie, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, la France et Israël, pour n'en citer que quelques-uns, qui - si j'ose dire - ont créé une nouvelle réalité dans la région. Enfin, je voudrais souligner, comme élément fondamental pour la réalisation de tout objectif, la nécessité de maintenir l'acquis de l'entente nationale, ou du moins la compréhension nationale, sur les questions de politique étrangère.

May 20, 2023