Monsieur le Président de la République hellénique,
Votre Sainteté,
Vos Béatitudes,
Personnalités politiques éminentes,
Chers collègues du milieu universitaire,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je vous remercie tous d’avoir répondu à notre invitation et d’être venus de nouveau à Athènes en vue de discuter de ce qui s’est passé les deux dernières années et de ce que nous pourrons faire pour protéger, soutenir et contribuer à la défense et au développement d’une diversité culturelle et religieuse dans la région de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient.
1. Pendant les deux années qui se sont écoulées depuis notre première conférence, nous avons pu élargir notre public et nos actions concernant cette question. De plus en plus de forums, d’institutions et d’organisations spécialisées manifestent actuellement un vif intérêt à l’égard de cette thématique. Toutefois, je dois signaler en toute franchise que les grandes organisations qui sont présentes dans la région n’ont pas encore entrepris des actions dans ce sens et n’ont pas fait preuve d’une volonté d’entreprendre des initiatives pour la protection des communautés culturelles et religieuses dans les régions citées ci-dessus. Et même quand ces organisations entreprennent des actions visant à protéger l’une ou l’autre communauté, elles négligent l’élément le plus important, à savoir le pluralisme qui est en train de disparaitre de la région.
L’ONU déploie certains efforts, mais elle n’a pas encore adopté et élaboré un plan global. L’attitude de l’UE à cet égard pose encore plus de problèmes. La question des droits de l’homme attire de plus en plus l’attention de l’UE et les rapports et les interventions y relatives sont multiples. Toutefois, ces efforts sont plutôt destinés à soutenir certains Etats et certains individus et minorités, au lieu d’être axés sur l’ensemble de la région et notamment sur les communautés religieuses et culturelles. Je ne veux pas dire par cela que l’UE ne s’intéresse pas aux droits de l’homme, mais que la question spécifique qui fait l’objet de nos débats ici a échappé à son attention.
Je propose donc de soumettre en 2018 une résolution spéciale à l’ONU et à la Commission concernant les droits de l’homme ainsi que d’inclure dans les documents de l’UE la thématique qui fera l’objet de nos discussions aujourd’hui et demain. Je propose également de renforcer davantage, à travers votre contribution, notre observatoire, le « Centre pour le pluralisme religieux au Moyen-Orient ». Celui-ci est dirigé par M. Sotiris Roussos – le spécialiste par excellence du monde arabe – dont la mission est de prendre note des conditions de vie et d’exercice des devoirs religieux, ainsi que des libertés religieuses des communautés qui font l’objet de notre conférence, de diffuser des informations à travers un réseau spécial, de publier tous les trois mois les rapports de l’observatoire – j’espère que vous recevez tous ces rapports en format électronique, sinon veuillez donner les adresses électroniques pour l’expédition du matériel – ainsi que d’assurer la continuité de l’esprit de notre conférence, à savoir l’osmose et une meilleure compréhension mutuelle parmi les chefs politiques et religieux, les milieux universitaires et les ONG qui sont actives dans notre région, à travers des contacts réguliers et des actions communes.
2. Pendant la période intervenue entre l’étape précédente et l’étape actuelle, nous avons proposé, du côté grec, la co-organisation de la conférence internationale avec des Etats tiers, telles que l’Autriche et les Emirats arabes unis. Certains pas ont été faits en vue de préparer conjointement ladite conférence, mais cela n’était pas, dirais-je, suffisant. J’espère que l’intérêt à cet égard sera renforcé et que cette cause sera dotée d’un caractère plus global. Toute proposition et incitation dans ce sens sont les bienvenues.
Chers amis,
Mesdames et Messieurs,
Vos excellences,
3. Depuis notre précédente rencontre, il y a eu de nombreuses évolutions que nous devons prendre en considération. Les actes de violence contre les plus petites communautés dont la sécurité est de plus en plus menacée au Moyen-Orient, ont été multiplié ces deux dernières années. Toutefois, les bonnes nouvelles sont de plus en plus nombreuses. Le soi-disant califat a perdu ses territoires ainsi que ses manifestations institutionnelles qui ressemblent à un Etat. Il n’est plus en possession des régions destinées à la production et à la collecte des équipements, d’un grand nombre de camps militaires, de multiples sources de revenus provenant notamment de la vente des matières premières, des sources d’énergie et des biens culturels qui appartiennent au patrimoine des peuples de la région, mais aussi à toute l’humanité. Bien évidemment, parallèlement à ces évolutions positives, tout porte à croire qu’il y aura une montée des antagonismes alimentés par les forces qui vivent dans la région et notamment par celles en dehors de celle-ci.
Aujourd’hui, les rivalités dans la région ne portent plus seulement sur les relations entre Israël et la Palestine, sur la nécessité d’assurer la sécurité d’Israël et de créer un Etat palestinien, mais sur les relations entre de nombreux autres Etats. Cela met en avant la nécessité d’entreprendre des initiatives positives, créatives et pacifiques dans notre région, contre le fanatisme et contre la logique qui fait que l’histoire soit considérée comme une prison, au lieu d’être une école.
4. Pendant la période qui s’est écoulée, les résistances du genre humain ont atteint leurs limites. A elle seule, la guerre en Syrie a fait 450 000 victimes et 12 à 13 millions de personnes ont été privés de leurs foyers. Des guerres qui ont été déclarées au nom des droits de l’homme, ont détruit des vies humaines. C’est pourquoi nous, Grecs, soulignons lors de chaque réunion internationale que les guerres en Syrie et en Irak présentent deux éléments revêtant un intérêt particulier :
a) Il y a ceux qui décident de faire la guerre et ceux qui en payent le prix. D’autres décident de bombarder et d’autres deviennent les victimes, les réfugiés, les pays et les régions qui luttent pour faire face à la vague des réfugiés et à des milliers de migrants. Nous devons dissiper la peur et instaurer la sécurité dans cette région; ce sentiment d’absence d’avenir, notamment chez les nouvelles générations.
b) Et le plus important, si l’on veut défendre les droits de l’homme, nous devons avant tout préserver la vie humaine. Sans la vie humaine, il ne peut y avoir de droits de l’homme. Il faut d’abord assurer la vie humaine et, par la suite, défendre les droits de l’homme. La protection de la vie humaine est la priorité prépondérante, tandis que la sauvegarde des droits de l’homme en est son dérivé.
C’est dans cet esprit que nous avons procédé, en printemps 2016, à la mise en place d’une structure de sécurité et de stabilité en Méditerranée orientale et nous sommes en train de préparer la troisième réunion au sommet qui se tiendra en été 2018. A cette structure participent 12 Etats arabes, deux organisations arabes internationales et 7 Etats européens. Il s’agit de la conférence des 21. Dans le cadre de cette conférence nous promouvons des actions communes sur la base d’un agenda positif pour la mise en place de réseaux et de systèmes de coopération dans tous les domaines. Il ne faut pas oublier que l’Europe du Sud-est et le monde arabe actuel formaient un espace commun de civilisation et d’économie, de commerce et d’actions conjointes datant depuis 5 000 ans. Il suffit de visiter le nouveau musée à Riad, en Arabie saoudite, pour le constater vous-mêmes.
La région de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient n’est pas une région qui a seulement connu la violence, les guerres et des conflits violents, comme cela a été le cas au cours de toutes ces années de notre vie commune, mais au contraire c’était une région qui a donné naissance à de grandes civilisations et à toutes les grandes religions monothéistes du monde occidental. Sur les neufs Etats qui participent au forum mondial des civilisations anciennes, dont les civilisations demeurent actuelles jusqu’à ce jour et ont une grande influence, cinq proviennent de cette région de l’Europe du Sud-est et du Moyen-Orient. Cette région a été le berceau de grandes civilisations, comme celle de la Mésopotamie, de l’Iran, de l’Egypte, la civilisation grecque et romaine, la civilisation byzantine et la civilisation arabe en général. C'est dans cette région qu'eut lieu l’épanouissement des lettres et que les origines de la science et de la culture du monde occidental ont été préservées.
Nombreux ont été ceux qui ont essayé d’effacer cette histoire. Et c’étaient les djihadistes, à travers des actes de barbarie sans précédent, qui n’ont pas respecté le patrimoine culturel de l’humanité. La destruction du patrimoine mondial a été en première ligne de leur idéologie et sa vente illégale leur premier choix pratique.
C’est ce patrimoine que nous sommes invités à défendre et à assurer que ce dernier retourne avec toutes les personnes qui ont quitté leurs foyers, là où il a pris naissance et a été développé.
5. La civilisation et la religion nous enseignent l’inédit. Ce qui est dans l’âme, dans la conscience et dans l’inconscient des hommes. Ils cherchent à rapprocher l’homme du bien et à le protéger contre la barbarie et le mal.
Les fanatiques ont essayé d’utiliser la civilisation et la religion comme un moyen de diffusion du mal et de destruction des exploits de l’homme et ce, en invoquant la divinité. Mais c’était le fanatisme qui était présenté comme divinité. Ils ont tenté de transformer l’église et la religion, de moyen qu’elles sont pour les hommes de communiquer avec Dieu en une arme pour commettre des crimes contre ceux qui n’acceptent pas que les fanatiques aient l’exclusivité de la voix de leur maître.
6. Les extrémistes dans la région ont commis un crime à l’encontre de personnes. À l’encontre de la religion de communautés. A l’encontre de notre héritage culturel commun. Ils ont foulé aux pieds des valeurs et des droits, ils ont détruit des mémoires historiques et des monuments. Mais, comme j’ai coutume de le dire, l’histoire leur répondra fermement. Les crimes contre l’humanité ne doivent pas être pardonnés et ils ne seront pas pardonnés.
Dans notre région, nous devons lutter pour le respect de la diversité, notamment des groupes religieux différents. Nous devons voir comment assurer leur retour dans leur foyer et non comment, au nom de la machine sociale, certains groupes seront exclus selon des critères religieux et culturels. Nous devons défendre la diversité de notre région qui, il y a des milliers d’années, était parvenu au pluralisme que beaucoup rêvent en Occident, en tant qu’objectif de modernité.
Nous devons soutenir les puissances qui, après l’échec des djihadistes, n’envisagent pas un nouveau règlement de comptes, ou qui veulent remplacer les sphères d’influence géopolitiques par des sphères d’influence dans des églises ou des communautés culturelles. Soutenir les efforts déployés par le gouvernement d’Irak, notamment ceux de l’Egypte en faveur des Chrétiens coptes sur la base de la politique de son président et des dispositions de la Constitution du pays. Que les biens et les lieux de culte historiques des communautés – notamment des Palestiniens, des Juifs et des Alévis – ainsi que des multiples communautés chrétiennes existant depuis l’Antiquité, soient respectés dans les autres pays. Que l’on respecte celui qui a construit un lieu de culte, le monument qui traduit l’une ou l’autre culture ou encore plusieurs cultures. Les religions et les civilisations doivent vivre en paix et être le point de départ qui garantira une relation pacifique permanente et productive parmi tous. Qu’il y ait de nouveaux projets de réhabilitation et d’extension de grandes ou petites infrastructures.
Il est par ailleurs urgent d’aborder la question de savoir comment protéger les monuments au Moyen-Orient. Comment organiser leur restitution et restauration. Comment éviter qu’ils soient vendus ou achetés à des pays tiers. Nous devons expliquer à toute l’humanité que la destruction de tant de monuments religieux et culturels, et encore plus de tant de communautés, constitue une perte irrémédiable pour toute l’humanité.
7. Dans ce contexte, nous avons proposé deux ateliers dans le cadre de notre conférence internationale :
- Le premier concerne le rôle des leaders, notamment religieux, dans la réintégration des réfugiés, migrants et groupes déplacés qui retournent dans leurs foyers, même lorsque ces derniers sont détruits. Il concerne leur rôle dans la reconstruction des foyers avec l’aide des chefs politiques et de la communauté internationale.
- Le second concerne la coopération des leaders, des communautés religieuses et culturelles, avec les médias et les réseaux sociaux.
8. La Grèce a assumé un rôle important dans la région. C’est le pays qui entretient les liens culturels et historiques les plus forts avec cette dernière. La Grèce est un phare de stabilité et de sécurité. Ses cinq initiatives tripartites dans la région, avec Chypre, l’ « esprit de Rhodes » pour de nouvelles structures de sécurité, l’initiative mondiale pour les civilisations anciennes vivantes et la présente initiative, mais aussi la coopération des sept pays d’Euromed, sont la pierre angulaire de notre politique dans la région.
La Grèce a toujours soutenu, depuis des millénaires, le respect de la diversité, la tolérance parmi les religions et les civilisations, l’échange créatif de leurs exploits, l’enseignement mutuel.
J’aimerais remercier tous les dirigeants ici présents et les représentants de gouvernements, civilisations et églises, avant tout Sa Béatitude le Patriarche œcuménique et Mgr l’Archevêque d’Athènes et de toute la Grèce. Je suis très honoré de la présence de personnalités éminentes de l’Eglise catholique, du judaïsme, du monde musulman, notamment du grand mufti du Caire. Je les remercie tous du fond du cœur.
Nos remerciements, au ministère des Affaires étrangères, vont également au Président de la République hellénique, une personnalité exceptionnelle dévouée à sa patrie, qui prend toujours soin de nous et nous offre la protection nécessaire.
J’aimerais également remercier le Premier ministre du pays pour son soutien sans faille à la politique étrangère grecque et pour le fait qu’il assistera à notre dîner de ce soir.
Je remercie également le Président du Parlement pour le déjeuner qu’il offre en notre honneur.
Je remercie, enfin, mes collaborateurs et ceux du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, le Département du Protocole et la Direction des pays arabes et du Moyen-Orient pour cette mission dont ils se sont acquittés encore une fois avec succès.
Je vous remercie.
November 1, 2017