Intervention de E. Vénizélos, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, lors de la session plénière du Parlement européen sur la réunion au sommet UE-Russie (Strasbourg, 5 février 2014)

Intervention de E. Vénizélos, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères,  lors de la session plénière du Parlement européen sur la réunion au sommet UE-Russie (Strasbourg, 5 février 2014)Monsieur le Président,

Bien que la présidence tournante du Conseil de l'UE ne participe pas aux réunions au sommet avec la Russie, j'ai le plaisir de vous briefer en la matière, en représentant Mme Catherine Ashton, Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

La réunion au sommet avec la Russie a donné l'occasion dans la conjoncture actuelle, d'engager un débat sur des questions fondamentales relevant de nos relations avec la Russie. Il est nécessaire d'émettre un message fort, à savoir qu'il faut faire face aux récents développements critiques afin que le Partenariat soit mis sur la bonne voie.

Cela porte sur l'approche différente à l'égard du Partenariat oriental et de l'Ukraine ainsi que sur certaines questions de nature commerciale qui constituent des points de friction, des points qui pourraient être facilement réglés. Les engagements qui ont été pris dans le cadre de l'OMC ainsi que celles portant sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales, doivent être respectés.

Un débat sincère et ouvert a été engagé sur ces questions lors de la réunion au sommet. Nous saluons tout particulièrement la volonté de la Russie de participer à ce débat. Nous pensons que la Russie est consciente des défis que posent ces évolutions pour nos relations et elle sait qu'il est dans son intérêt de maintenir cette coopération dans un cadre de plus en plus constructif.

Je sais que le commissaire Fule, lequel consent d'importants efforts en faveur du Partenariat oriental, aura plus à dire sur ces questions et les résultats des pourparlers.

Permettez-moi de souligner que toutes les deux parties sont bien conscientes de leur interdépendance. L'UE est de loin le plus grand partenaire commercial de la Russie, représentant 45% des exportations globales de la Russie et la Russie est le troisième plus grand partenaire commercial de l'UE, après les Etats-Unis et la Chine.

La sécurité dans notre continent commun et la région élargie, ne peut être garantie que par le biais d’une coopération étroite entre la Russie et l'UE. Dans ce contexte, il est important de signaler que la coopération entre l'UE et la Russie en matière de politique étrangère a été évaluée de manière positive au cours de la réunion au sommet.

Toutes les deux parties ont apprécié la bonne coopération sur la question du programme nucléaire iranien et la Russie a félicité Mme Catherine Ashton, Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, pour sa contribution personnelle à l'issue positive des pourparlers Ε3+3. Afin de parvenir définitivement à une solution permanente à la question iranienne, il est d'une importance vitale d'établir une bonne coopération entre l'UE et la Russie.

Pour ce qui est de la Syrie, nous avons désormais une meilleure coopération avec la Russie, particulièrement dans le cadre de la Conférence de Genève II. L'UE a mis l'accent sur la nécessité d'offrir une aide humanitaire aux citoyens syriens, ce qui a été un élément fondamental des interventions à Montreux où ont été invités les ministres des Affaires étrangères de nombreux pays suite à l'invitation du Secrétaire des Nations Unies.

Apparemment la situation en Ukraine a été à l'ordre du jour de la réunion, sans toutefois monopoliser les débats. La Russie a proposé de nouveau l’ouverture des pourparlers avec l'Ukraine, mais l'UE n'a pas accepté cette proposition car nos relations bilatérales doivent rester bilatérales.

L'accord sur l'ouverture des pourparlers bilatéraux - au niveau d'experts - sur le Partenariat oriental et les accords de libre échange [DCFTAs] et leurs éventuelles conséquences sur l'économie russe constituent une évolution importante. Nous espérons que lors de ces réunions un dialogue constructif sera engagé entre l'UE et la Russie, ce qui améliorera la coopération et la compréhension, en vue de la prochaine réunion qui se tiendra le 3 juin à Sotchi.

Une autre évolution importante est l'adoption d'une déclaration conjointe sur la coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Dans cette déclaration nous réitérons notre engagement de coopérer pour lutter contre la menace terroriste, tout en axant nos actions sur le respect de l'Etat de droit et des droits de l'homme.

Monsieur le Président, membres distingués du Parlement européen,

Vu les récents incidents, la réunion ne s'annonçait pas facile. Toutefois, nous avons eu la possibilité de parler en toute franchise et je pense que l'autre partie également a fait preuve de la même franchise  et que nous avons fait un premier pas en vue de mettre de nouveau notre relation sur la bonne voie. Il existe de nombreuses questions que nous ne pouvons régler qu'à travers une coopération très étroite. Par conséquent, c'est tant dans l'intérêt de  l'UE que de la Russie de coopérer. Cela, bien évidemment, ne nous empêche pas de nous exprimer ouvertement, lorsque cela est nécessaire. Je pense que nous avons réussi à atteindre tous les deux objectifs au cours de la réunion au sommet de la semaine dernière.

Je vous remercie pour votre attention.

DEUXIEME PARTIE

Merci monsieur le Président. J'ai écouté avec une grande attention les interventions très importantes des membres distingués du Parlement européen et nous respectons pleinement, en tant que Présidence, toutes les sensibilités. Des sensibilités nationales, historiques, géographiques ainsi qu'idéologiques. La discussion déroulée que nous vous avons décrite, le commissaire M. Füle et moi, après la récente réunion au sommet, a été très constructive. Nous partageons les mêmes vues, en tant que Présidence, avec ceux qui considèrent que nous avons, en tant qu'UE, un seul choix: l'établissement des relations constructives avec la Russie. La Russie n'est pas un partenaire ni facile, ni simple, mais un partenaire nécessaire et critique. Nous devons éviter à tout prix les nouvelles lignes séparatrices et les nouvelles sphères d'influence au sein de l'Europe.

Nous donnerions l'impression d'être complètement ignorants en histoire si nous permettions que la situation évolue dans des dilemmes et des divisions. Cela irait à l'encontre des intérêts tant de l'Europe que de la Russie. L'amélioration des relations entre l'Europe et la Russie s'avèrera profitable à plusieurs égards. Ce ne sont pas seulement le commerce et les investissements - des relations sans aucun doute fondamentales - qui influent sur nos choix politiques. Par conséquent, on doit lever les obstacles aux transactions commerciales. On doit renforcer le commerce bilatéral ce qui est de toute façon renforcé. Il existe une perspective positive, il existe la perspective des investissements mutuels. Nous devons valoriser tout cela, dès lors que notre grande priorité, la grande priorité européenne est la croissance et la création d'emploi.

Il existe toutefois d'autres questions politiques. Nous ne pouvons pas d'un côté tenir une discussion sur la réunion au sommet et le partenariat entre l'UE et la Russie, et de l'autre côté oublier ce que nous avons affirmé au cours des discussions précédentes et même aujourd'hui lors de la session plénière du Parlement européen concernant l'importance que revêt la coopération entre l'UE et la Russie, les évolutions en Syrie, en Iran et l'atteinte d'une solution définitive pour ce qui est du contrôle du programme nucléaire. Il est évident que lorsque nous parlons du partenariat entre l'UE et la Russie, il faut aussi prendre en considération l'état d'avancement des relations entre les Etats Unis et la Russie. Lorsque nous discutons de la relation entre l'UE et la Russie, il faut aussi prendre en considération l'état d'avancement de la relation entre l'OTAN et la Russie ainsi que le Conseil OTAN-Russie.

Et, comme Mme Giannakou l'a remarqué, nous devons en effet voir quelle est la plus-value de la politique européenne par rapport à la Russie. A titre personnel, j'ai souvent l'impression que la politique de l'UE à l'égard de la Russie est plus limitée par rapport à la somme des relations politiques qu'entretient chaque Etat membre avec la Russie. Nous avons besoin d'une plus-value européenne, d'une politique plus importante que la somme des relations bilatérales avec la Russie. Et cela est évident dans de nombreux domaines. Je pense que l'exemple le plus éloquent à cet égard est le secteur de l'énergie. Nous avons eu l'occasion lors de la réunion de la Commission des Affaires étrangères d'aborder cette question de manière plus détaillée.

Nous disposons certains instruments que nous pouvons valoriser au-delà de l'intensification des transactions commerciales. C'est la signature d'un nouvel accord ambitieux et global. Il existe toujours la question de la facilitation des visas d'entrée ce qui concerne tout particulièrement les destinations touristiques en Europe et finalement la libéralisation des visas, dès que les conditions le permettront. Nous devons réaliser des progrès dans ce domaine, toute en tenant toujours compte, bien entendu, du cadre stratégique de nos relations. Nous devons consacré de nombreuses heures de discussion au sein du Conseil et du Parlement, au cadre stratégique et aux équilibres, et je pense que cette discussion a d'ores et déjà beaucoup aidé à prendre note des points de vue très utiles que je transmettrai au Conseil qui, très bientôt, se penchera de nouveau sur les relations entre l'UE et la Russie. Je vous remercie.

February 5, 2014