Intervention en ligne du ministre des affaires étrangères N. Dendias (Nicosie, 19.02.2022)

Intervention du ministre des affaires étrangères N. Dendias (Nicosie, 19.02.2022)Intervention en ligne du ministre des affaires étrangères Nikos Dendias lors de la conférence « L'avenir de l'Europe » sur le thème « L'Europe dans le monde » : Politique étrangère, sécurité et défense - Énergie - Élargissement - Europe et Méditerranée du Sud-Est" (Nicosie, 19.02.2022)


Chers participants,
Mesdames et messieurs,

C'est un grand plaisir d'être avec vous, même si ce n'est qu'en ligne, en tant que ministre des Affaires étrangères de la Grèce, ministre du gouvernement Mitsotakis, à l'occasion de cet événement très intéressant sur l'avenir de l'Europe. Un événement qui concerne l'avenir européen commun de la Grèce et de Chypre.

Et permettez-moi de dire que des initiatives comme celle d'aujourd'hui rendent hommage à la mémoire du grand européiste Glafkos Kliridis.

Je dois souligner que Glafkos Kliridis a été l'un des pionniers du parcours européen de la République de Chypre, avec d'autres personnalités importantes de l'hellénisme chypriote et grec, comme George Vassiliou et Giannos Kranidiotis.

Pendant la présidence de Glafkos Kliridis, les négociations pour l'adhésion de Chypre à l'Union européenne ont été lancées et conclues.

Je voudrais également mentionner mon cher collègue, l'ancien ministre des affaires étrangères de Chypre, Ioannis Kasoulidis.

Je tiens à le remercier chaleureusement de m'avoir invité à m'adresser à la Conférence aujourd'hui.

Mesdames et messieurs,

L'intégration de Chypre dans la structure européenne, comme l'intégration de la Grèce il y a plusieurs décennies, a été la réalisation d'un objectif stratégique majeur de l'hellénisme.

Lorsque feu Konstantinos Karamanlis a présenté la demande d'adhésion de la Grèce à ce qui était alors la Communauté économique européenne, il ne visait pas seulement à rejoindre un marché commun. C'était un projet politique très important pour rejoindre un système de valeurs communes.

Et ce projet de création d'un espace de valeurs communes est évolutif, il n'est pas achevé.

Mais malgré ses nombreux problèmes - ses très nombreux problèmes - il s'agit d'un effort unique dans l'histoire du genre humaine. Sans doute, si j'ose dire, le plus ambitieux.

Un élément fondamental de cet effort est l'établissement d'une politique étrangère commune, ainsi que d'une politique de sécurité et de défense.

Je n'oublie jamais de faire référence à l'article 42, paragraphe 7, du Traité.

Ces politiques sont fondées sur des valeurs communes. A commencer par le respect du droit international. Le respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance des États. L'interdiction de la menace ou de l'utilisation de la force dans les relations internationales. Et, bien sûr, le respect des droits de l'homme.

Et je dis toujours que ce n'est peut-être pas très connu, mais la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l'UNCLOS, telle que nous la connaissons, fait partie intégrante de l'acquis européen. Elle a été signée par l'Union européenne elle-même en tant qu'entité ainsi que par 167 autres parties, soit 168 parties au total.

Ces principes de droit international sont défendus par la Grèce et Chypre en Méditerranée orientale. Et notre objectif commun est qu'ils deviennent la propriété de tous les États, de tous les peuples de la région. Qu’ils soient enregistrés avec crédibilité, avec réalisme et en reflétant la réalité dans la boussole stratégique commune, dont nous discutons pour l'Union européenne.

Et je voudrais vous dire que je crois fermement que la résolution de tous les problèmes de notre grande région est possible. Mais pour y parvenir, nous devons tous partager des valeurs communes, des règles communes.

Aucun problème, aucun différend ne peut rester irrésolu, encore faut-il que toutes les parties qui se battent pour cette résolution aient un point de départ commun, un ensemble de règles communes et un cadre de référence commun.

D’ailleurs, c'est dans ce cadre que la Grèce et Chypre ont résolu des questions bilatérales, telles que la délimitation des zones maritimes, avec plusieurs de nos voisins.

Dans le même temps, elles encouragent la coopération multilatérale avec d'autres pays qui acceptent ce cadre de référence commun.

Je suis désolé de constater qu'un pays de la région refuse obstinément d'adhérer à ces valeurs.

La Turquie promeut un agenda divergent complètement différent, un agenda néo-ottoman. Elle tente de transformer la région dans son ensemble en une zone d'influence.

Malheureusement, avec ces actions, la Turquie s'éloigne de l'Europe, non pas géographiquement, mais de l'Europe en tant qu'ensemble de principes et de valeurs, et son processus d'adhésion, que la Grèce a courageusement soutenu, est en réalité au point mort.

Et je tiens à souligner que pour nous, ce n'est pas la situation souhaitée.

Je suis personnellement convaincu qu'une très grande partie de la société turque attend avec impatience un avenir européen. Ils attendent un rapprochement avec les valeurs de l'Union européenne, l'État de droit, les droits de l'homme, les droits des femmes. Ce sera au bénéfice de la société turque, au bénéfice de toutes les sociétés et de tous les États de la région.

Et dans ce cadre de valeurs, je réitère ma conviction absolue que notre différend avec la Turquie peut être résolu.



Bien sûr, je ne manque pas de réalisme. Je n’entrevois pas cette perspective aujourd'hui. Malheureusement, c'est plutôt le contraire qui se produit.  

Mais je persiste à croire que la consolidation de principes fondamentaux tels que le respect du droit international et du droit international de la mer est la seule voie à suivre, la seule voie pour les États de la région de la Méditerranée orientale.

C'est avec cette vision, avec ce concept de valeurs que la Grèce et la République de Chypre continueront à avancer au sein de l'Union européenne.

Merci beaucoup.

JOURNALISTE : Pensez-vous qu’après le sommet de l'OTAN à Varsovie en 2016 et les déclarations conjointes entre l'Union européenne et l'OTAN, des progrès significatifs ont été réalisés et qu'ils vont maintenant pouvoir porter leurs fruits, étant donné que – d’après ce que M. Alli a dit – M. Poutine a fait des miracles en nous unissant. Il serait très intéressant d'entendre votre point de vue.

N. DENDIAS : Je voudrais être honnête, j'appartiens par conviction au parti optimiste. En revenant de Moscou hier, j'ai apporté avec moi la déclaration directe de mon collègue, M. Sergei Lavrov, selon laquelle la Russie ne va pas envahir l'Ukraine.

Et je pense que je voudrais conserver cette position franche de la partie russe, parce que tout ce qui suggère le contraire créera un énorme chaos. Comme l'a dit brillamment le Premier ministre Mitsotakis, nous sortirons tous perdants.

Je ne peux pas concevoir qu'au XXIe siècle, un grand pays comme la Russie – qui doit par définition faire partie de l'architecture de sécurité européenne et qui ne peut être ignoré du fait qu’il va jusqu’à l'Oural – réagisse de cette manière.

Je reste donc fermement convaincu que le front uni des Alliés de l'OTAN et de nombreux autres pays, qui sont en faveur du droit international, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance des États, cherchera à convaincre la partie russe, grâce à cette unité désormais évidente, pour éviter une telle chose si tant est qu’elle y songerait.

En conclusion, après vous avoir remercié de l'occasion qui m'a été donnée, je voudrais faire un dernier petit commentaire concernant la prise de position de l'orateur précédent. Ce qu'il dit de l'Afrique et de l'Inde est extrêmement intéressant. La politique étrangère grecque a clairement perçu cet élan. J'ai déjà visité six pays, si je me souviens bien, du continent africain au cours des derniers mois, et je repars en Afrique mardi après Paris pour visiter deux autres pays. Et début mars, je me rendrai en Inde, après au moins trois réunions avec le ministre indien des affaires étrangères, le Dr S. Jaishankar, une personnalité exceptionnelle.

Un nouveau monde de défis s'ouvre devant nous et l'hellénisme ne peut s'y soustraire et rester confiné à un stéréotype qui nous a gardés concentrés sur les seuls problèmes de notre région ces dernières années.

Encore une fois, je vous remercie beaucoup pour cette excellente opportunité. Je vous souhaite beaucoup de succès et j'espère rencontrer M. Kasoulidis à Bruxelles lundi.

Merci beaucoup.

February 19, 2022