Intervention du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, dans le cadre d’une Conférence sur l'avenir de l'Europe lors de la table ronde intitulée « En préparant le terrain pour l’avenir : Engagement mondial et régional de l'Union européenne - Aspects de sécurité et de défense » (Pula, 21.01.2022)
Cher Gordan,
Merci beaucoup, c'est un grand plaisir de vous voir. Permettez-moi également de saluer la participation par visioconférence de la vice-présidente de la Commission européenne et de me référer aux remerciements de Gordan aux personnes présentes, car si j'essaie de les répéter, je suis sûr que j'en oublierai au moins la moitié. Mais encore une fois, je dois dire que je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.
Et si vous me permettez une petite remarque personnelle, je me sens tout à fait chez moi, je viens de Corfou, à quelques centaines de kilomètres au sud. Je suis tout à fait habitué à l'environnement adriatique et j'aime être dans ce lieu merveilleux qu'est Pula.
La discussion et le dialogue avec les citoyens de l'UE, en particulier les étudiants et les universitaires, sur les questions centrales de notre Union est indispensable pour façonner notre avenir commun. Et lorsque Gordan m'a invité à co-organiser cet événement, j'ai saisi avec plaisir l'opportunité d'y participer. J'ai même envié l'organisation d'une telle série d'événements.
Vous savez, il y a quelques mois, je discutais avec un Commissaire de la manière dont la Commission et les institutions de l'Union européenne envisagent d'organiser ce dialogue avec la société européenne sur notre avenir commun. Et ils m'ont dit qu'ils avaient créé une plateforme via laquelle les citoyens pouvaient interagir avec les institutions de l'Union européenne.
Je leur ai dit que c'était une bonne idée. Combien de citoyens, combien de personnes ont accédé à la plateforme et ont donné leur avis ? Et ils ont répondu 26 500 personnes. À ce moment-là, cela me semblait tout à fait correct. Mais ensuite, j'ai posé les questions cruciales : et pouvez-vous me dire d'où viennent ces avis ? Et la réponse a été décevante. Plus de 20.000 avis venaient de Bruxelles. Il semble donc qu'une partie de ce dialogue ait été menée en l'absence de la société européenne.
Donc, ce qui est organisé ici aujourd'hui, Gordan, ce que vous organisez en Croatie, je pense que c'est exactement ce qui doit être fait. Et si vous me le permettez, je vais proposer à mon Premier ministre, qui va vous rendre visite avec moi dans quelques jours, donc vous aller de toute façon me revoir, de suivre votre exemple. Nous devons discuter de notre maison commune.
Et je dois dire qu'il n'est pas nécessaire de discuter des différents aspects de la sécurité et de la défense de notre Union pour comprendre les tensions accrues et les problèmes de sécurité auxquels nous sommes confrontés dans notre région, notre région européenne. Il suffit de suivre l'actualité, il n'y a rien à faire de plus.
Notre environnement de sécurité est marquée par une concurrence stratégique entre de nombreuses puissances, entre grandes puissances, mais aussi entre puissances régionales à l’attitude agressive. Et il faut également tenir compte du changement climatique, du terrorisme, des menaces hybrides et d'autres problèmes tels que la pandémie, qui était totalement impensable il y a seulement trois ans.
Et si vous me permettez de dire que dans cet environnement très complexe, l'UE, notre Union, n'a qu'un seul choix : assumer davantage de responsabilités pour sa propre sécurité, la sécurité des États membres et la sécurité des citoyens européens.
Nous devons reconnaître qu'au cours des dernières années, l'UE a essayé et continue d'essayer de réaliser des progrès dans le domaine de la sécurité et de la défense.
La stratégie globale de l'UE a fixé un haut niveau d'ambition pour le rôle que nous voulons jouer dans ce monde de plus en plus complexe. Et nous avons développé de nouveaux outils analytiques pour évaluer les menaces et les crises potentielles.
Grâce à la coopération structurée permanente (CSP) nous travaillons sur un vaste éventail de projets visant à développer nos capacités et à favoriser une coopération étroite entre les États membres. Si vous me permettez de le souligner, cela revêt une importance capitale.
Il y a aussi des projets qui aspirent, par exemple, à construire une corvette européenne, un char de combat européen, des systèmes de surveillance maritime, des systèmes de cyber-sécurité qui permettraient de relever des défis.
Le Fonds européen de défense est doté d'un budget important visant à soutenir directement la recherche et l'industrie en Europe, ce qui pourrait créer des avantages à long terme pour les entreprises européennes.
La Boussole stratégique, dont nous avons discuté à Brest la semaine dernière, comme l'a dit Gordan, constitue une étape importante dans ce sens qui pourrait renforcer cet effort. Nous avons, grâce à cette boussole, la possibilité de fixer des objectifs clairs et des résultats concrets afin d'être en mesure d'agir au niveau mondial et d'assurer notre propre sécurité.
Et il est nécessaire d'offrir une perspective stratégique claire pour les années à venir. Le besoin est là.
On peut se poser une question rationnelle, à laquelle Gordan a encore fait référence : en avons-nous vraiment besoin ? Tout cela est-il nécessaire ? Ou nous pouvons tout simplement l'éviter et aller de l'avant comme nous le faisons.
Et économiser de cette façon beaucoup d'argent ? Pouvons-nous compter sur l'OTAN ? L'OTAN est là, la plupart des pays de l'UE, pas tous, sont des Etats membres.
Eh bien, pour nous, pour la Grèce - et je peux vous dire que nous avons un problème de sécurité qui est, en fait, majeur - ce n'est pas un vrai dilemme.
Tout d'abord, les initiatives européennes de défense rationalisées profitent également à l'OTAN et à la coopération euro-atlantique. Nous ne parlons pas de deux mondes antagonistes. En outre, elles rendent la défense du point de vue européen et les questions de sécurité plus compréhensibles pour le citoyen européen moyen ; et, si je puis me permettre, pour la jeune génération d'Européens.
En d'autres termes, à nos yeux, aux yeux du gouvernement grec, une défense européenne plus forte rend également l'OTAN plus forte.
En outre, l'Union européenne peut, en fin de compte, fournir un ensemble d'outils plus important que l'OTAN pour devenir un fournisseur de sécurité. Et si je puis me permettre, la puissance douce dont, comme nous l'avons dit, l'Europe possède dans une large mesure, constitue également un élément de sécurité.
Dans de nombreux domaines, nous sommes en mesure de promouvoir la paix et la stabilité de manière importante. Et puis, n'oublions pas de dire, dans un esprit d'humilité, que l'Europe est l'une des plus grandes économies du monde. Et nous pouvons avoir une présence et une activité diplomatiques fortes si nous travaillons tous ensemble.
Et nous devons reconnaître que l'Europe est de loin le plus grand fournisseur d'aide humanitaire et d'aide au développement dans le monde. Le degré de réussite et d'efficacité est une autre question. Et si vous voyagez en Afrique, vous comprendrez de quoi je parle. Mais encore une fois, si vous prenez juste les chiffres, nous sommes loin devant. Et ce, permettez-moi de le dire, à juste titre.
Nous disposons également, en tant qu’Europe, d'un impressionnant réseau de partenariats, qui nous aidera à développer les capacités de gestion les plus avancées.
Ainsi, si tous ces avantages sont mis à profit, ils pourraient en fin de compte faire de l'Union européenne un fournisseur de sécurité souple, adaptable et efficace au XXIe siècle et au-delà, capable d'agir là où l'OTAN ne peut peut-être pas, parce qu'elle en a la capacité.
Ce qui est nécessaire pour faire de l'Union européenne une puissance géopolitique plus forte, c'est, à mon humble avis, d'abord la volonté de le faire.
L'ambition de le faire. Mais aussi la capacité de définir nos propres priorités, de façonner nos décisions dans le cadre d'une politique étrangère et de sécurité commune. C'est ce qui pourrait rendre les efforts de sécurité et de défense de l'Europe réalisables dans le monde d'aujourd'hui.
Nous devons cependant être réalistes. Si nous voulons faire de l'Union européenne un acteur mondial, nous devons commencer par notre région et notre voisinage. Nous avons besoin de plus d'unité et de solidarité. Nous devons prendre très au sérieux les problèmes de sécurité les uns des autres.
Gordan et moi-même, en tant que membres du Conseil des ministres, sommes bien conscients des cas où cela n’a pas été du tout le cas.
C'est un défi de garantir notre sécurité commune, et ce sera l'aspect crucial alors que nous nous dirigeons vers ce que nous espérons être l'intégration européenne. Car une Union européenne plus intégrée sera une Union européenne avec plus de confiance en elle-même. Et une Union européenne avec de plus confiance en elle même sera plus en sécurité et capable d'assurer une plus grande sécurité dans la région au sens large.
Face aux énormes défis géopolitiques auxquels nous sommes confrontés, il est clair qu'une voix européenne est nécessaire, mais une voix européenne qui soit prise au sérieux par tous les acteurs.
Et permettez-moi de dire – ce qui est regrettable – que l’on doit admettre que nous n'en sommes pas encore là.
Merci beaucoup.
January 21, 2022