Intervention du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la séance plénière du Parlement lors du débat et du vote du projet de loi de ratification de l'accord Grèce-France (07.10.2021)

Intervention du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la séance plénière du Parlement lors du débat et du vote du projet de loi de ratification de l'accord Grèce-France (07.10.2021)Intervention du ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la séance plénière du Parlement lors du débat et du vote du projet de loi du ministère des Affaires étrangères portant « Ratification de l'accord entre le gouvernement de la République hellénique et le gouvernement de la République française sur l'établissement d'un partenariat stratégique pour la coopération en matière de défense et de sécurité », 7 octobre 2021.

Merci beaucoup, Monsieur le Président, je vais essayer d'être bref car le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a pris la parole plus tôt et a fait un exposé détaillé sur les questions liées à l'accord.

Je voudrais simplement me concentrer sur certaines des remarques formulées par l'opposition, tant lors de la réunion de la Commission [permanente de la Défense nationale et des Affaires étrangères] que lors de la séance plénière. Je pense que ces remarques, parce que je veux toujours être honnête avec vous, partent d’un principal motif.

Le motif principal est la crainte car le gouvernement entre dans la deuxième moitié de son mandat et donc SYRIZA pense qu'il n'a plus le temps de rester cohérent dans des positions raisonnables.
Ainsi, il pense pouvoir inventer des raisons ou des excuses pour voter contre les initiatives du gouvernement, même si ces initiatives gouvernementales étaient un objectif poursuivi par SYRIZA lorsqu'il était au pouvoir.

Je commencerai par la première raison, en apparence, pour laquelle Syriza ne veut pas voter pour l'accord. C'est que l'article 2 de l'accord franco-grec ne couvre pas les questions de la zone économique exclusive.

Le Premier ministre et moi-même avons demandé - on leur a lancé un défi si vous voulez - à tous ceux qui s'opposent à l'accord sur la base de ce raisonnement, de produire ou d'indiquer au moins un article d’un accord, quel qu’il, soit signé par la communauté internationale à n’importe quel moment portant sur un engagement contractuel similaire ou analogue entre deux États.

Bien sûr, la réponse a été un silence assourdissant.
Mais parce que ce simple défi n'est peut-être pas clair pour un public plus large à l'échelle nationale, et parce qu’il doit y avoir la conviction de droit chez le citoyen ordinaire de la nécessité pour le pays d'avoir cet accord, vous nous permettrez, à nous qui sommes la majorité, plus diligemment, de présenter et d’inscrire au procès-verbal ce que nous vous avons demandé de présenter.  

Je vais donc inscrire au procès-verbal immédiatement après - il n'y a pas lieu de le faire maintenant à cause de l’écran de protection en verre - l'article 42.7 de l'Union européenne. L’article 5 du Traité de l'Atlantique Nord. Mais aussi un certain nombre d'articles d'autres accords d'une énorme importance pour les parties qui comportent également des questions relatives au droit de la mer.

Je me réfère à l'accord entre le Japon et les États-Unis, article 5. Je me réfère à l'accord entre les États-Unis et les Philippines. Je me réfère et je l’inscris au procès-verbal, à l'accord entre l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.

Je me réfère et je l’inscris au procès-verbal, à l'accord conclu entre les États-Unis et la Corée. Je me réfère, et je l’inscris au procès-verbal, au bulletin d'information qui a été rendu public sur AUKUS, l'accord bien connu entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie.

J’inscris également au procès-verbal l'article 51 de la Charte des Nations unies, car il est également mentionné dans l'accord en question.
J’inscris également au procès-verbal, pour que vous ne pensiez pas que nous ne parlons que du monde occidental, le Traité de sécurité collective de 1992 entre la Russie et les pays de l'ancien bloc soviétique.

Et, enfin, j’inscris au procès-verbal aussi, ce qu'on appelait autrefois le Tiers monde, l'accord de l'Union africaine, l'accord de défense commune.
Vous comprenez donc, Mesdames et Messieurs, que ce que vous dites est absolument vide de sens.

De même, la tentative du chef de l'opposition officielle de poser des soi-disant questions-pièges du type « que ferez-vous si un navire va là-bas et que feront-ils si un navire va ici » est une discussion qui n'est pas appropriée au niveau de la délégation nationale.

Et j'ai demandé, lors du débat au sein de la commission, que si l'on pense à engager des discussions de ce type, que celles-ci soient faites en privée, comme il se doit et comme il convient au sérieux dont chacun d'entre nous doit faire preuve.

Parce que nous ne sommes pas ici pour servir à travers ce débat particulier des intérêts partisans. Il est clair que le Premier ministre de ce pays ne veut pas et ne doit pas, il serait inacceptable pour lui d'entrer dans un tel débat. Cela ne serait pas dans notre intérêt, dans l’intérêt de nos alliés, cela serait nuisible à notre planification, à nos perspectives.

Et aussi, je tiens à relever ce que bon nombre ont constaté, à savoir que l’objectif ici n’est pas de montrer qui est le meilleur patriote dans cette salle.

En ce sens, je pense que nous comprenons tous que la zone économique exclusive est un élément auquel la majorité gouvernementale s'intéresse, et permettez-moi de dire que la majorité gouvernementale devrait, s'il doit y avoir une mesure d'affection pour la zone économique exclusive, avoir plus d'affection, plus d'intérêt à cet égard.

Les deux zones économiques exclusives dont dispose actuellement la République hellénique portent notre signature. C’était sous le gouvernement Mitsotakis, que ces deux zones ont été délimitées. Et l'accord avec l'Albanie a également été conclu sous le gouvernement actuel.

Alors, que voulez-vous insinuer par-là ? Que nous ne nous intéressions pas aux zones économiques exclusives ? Puisque, apparemment nous ne sommes pas moins bons patriotes, comme cela a été finalement - ce qui est important - convenu dans cette salle ?

Le deuxième élément abordé et considéré comme étant un désavantage de l'accord, et je veux être honnête à cet égard, élément qui a été également présenté d'une manière qui n'est pas correcte, est la tentative de nourrir la peur chez la mère grecque qu’elle pourrait, si je peux le dire en termes simples, se demander : « Quels sont les plans du gouvernement Mitsotakis  ? Ils veulent envoyer nos enfants se battre au Sahel ? ».

Il y avait aussi une description des cercueils dans lesquels seraient enfermés des soldats grecs que le gouvernement Mitsotakis allait envoyer au Sahel, pour se battre et sacrifier leur vie pour les intérêts soi-disant impérialistes français quelque part au fin fond de l'Afrique.

Mesdames et Messieurs, nous comprenons votre besoin d'inventer des raisons ou des excuses pour voter contre cet accord dans le cadre du jeu politique. Est-il nécessaire de vous engager dans une telle politicaillerie mesquine ? Pourquoi ?

Nous ne nous sommes pas comportés de la sorte en tant que gouvernement sur ces questions. Je vous ai dit que nous avons signé 106 accords bilatéraux et 37 accords multilatéraux et que nous n'avons pas essayé d’en tirer profit.

Le chef de l'opposition, pour étayer son raisonnement, a cité une réponse que moi et le ministre de la Défense, le ministre de la Défense présent, Nikos Panagiotopoulos, avons donnée concernant les opérations au Sahel.

Puisque je sais ce qui a été discuté avec la France, ainsi que, bien évidemment, ce qui a été discuté au Conseil européen, j'ai cherché et j’ai à ma disposition les documents que SYRIZA a inscrits aux procès-verbaux des réunions du parlement.

Ces documents sont censés, chers collègues, prouver sans aucune ambigüité que le Premier ministre a pris l’engagement envers le président Macron que la Grèce mettrait à disposition des troupes de combat et participerait aux opérations au Sahel. Est-ce exact ? Sinon, le dépôt des documents n'avait aucun sens.

Je vois donc le document, qui porte ma signature. Dans le document, qui porte ma signature, dans le paragraphe concerné, on lit ce qui suit : « Force est de signaler que l'assistance de la Grèce envers les forces armées maliennes par le biais d'une contribution à la force internationale Takuba a été sollicitée bilatéralement par le Mali à travers une demande officielle du Président. La réponse à cette demande et une éventuelle participation sont en cours d’examen ».

Ce document a été déposé par vous en tant que preuve de notre décision de participer à ladite opération ce qui aurait comme résultat l’envoi de cercueils du Mali vers la Grèce.  

Et si mon collègue, le ministre Nikos Panagiotopoulos, qui est présent, me le permet, je citerai le document qu'il a signé pour conclure.
Le chef de l'opposition a cité quelque chose qui est effectivement écrit dans ce document. « Advise, assist and accompany at fight», phrase qui atteste du rôle des troupes grecques. À une différence près, cela ne s'applique pas aux troupes grecques et, encore une fois, cela ne signifie pas que l’armée grecque sera menée au combat. Franchement, le document ne dit pas ça.

Mais si vous regardez la première page, vous verrez qu'il s'agit d'une description de l'opération, et non d'une description de ce que feront les troupes grecques. Vous comprenez ?

Pourquoi essayons-nous de créer des syndromes phobiques ? Pourquoi veut-on nourrir la peur chez la mère grecque ? La crainte face à ces élections est-elle enfin si grande que nous devons dire de telles choses ?

Et si je peux me permettre, Mesdames et Messieurs, pourquoi cela se produit-il tout d’un coup maintenant ?

Monsieur le Président, j'ai été à la fois rapporteur et représentant parlementaire et je comprends la nécessité pour tout représentant parlementaire et rapporteur de défendre le chef du parti qui est absent. Je le comprends parfaitement.

Le document sera inscrit au procès-verbal. Tout le monde pourra le lire, c'est exactement comme je vous le dis.

Quoi qu’il en soit, le parti de Syriza soulève tout d’un coup cette question comme si la question du Sahel était en principe une opération impérialiste lointaine menée par une France inspirée de sa grandeur impériale – qui se considère comme un pays jouissant  d’une grandeur impériale - en ignorant le fait que le Sahel est un point permanent à l’ordre du jour de tous les Conseils de l'Union européenne, ou en feignant de l'ignorer, et qu'il est communément admis en Europe que le Sahel est un problème majeur pour l'Union européenne et que l'instabilité au Sahel entraîne non seulement des flux migratoires mais aussi des attaques terroristes et pose un énorme problème en matière de sécurité.

Je présente, à titre indicatif, les conclusions du Conseil de 2019 où M. Tsipras était présent. Juin 2019, Tsipras était présent. Conseil des ministres des Affaires étrangères du 18 février 2019, Politique de sécurité et de défense « it approved joint civil military concept of operations ». Ensemble d'opérations ou concept d'opérations civilo-militaire conjoint.

Je n'ai trouvé nulle part une réaction de la part de SYRIZA car j'ai également demandé à la représentation permanente s'il y avait un contre-argument du côté grec à l'époque sur ces questions. Aucun contre-argument grec n’a été enregistré. Au contraire.

Alors, pourquoi cet alarmisme soudain ?

Et si je peux dire quelque chose d'autre. Lisez le texte de l'accord, Mesdames et Messieurs de SYRIZA. Ne cherchez pas de fausses excuses.

L'article 18.i, qui est censé être celui qui vous pose problème, lisez-le, que dit-il ? Oblige-t-il la Grèce à envoyer des forces au Sahel ? C'est ce qu’il dit ? Et vous devez voter contre l'accord ?

Si vous regardez, vous verrez que l'article 18, je vous lis, et j'imagine que nous serons d'accord sur le fait que c'est bien la lecture que nous en faisons, « Cette coopération Grèce-France peut, est susceptible de prendre les formes suivantes ». Peut. Et elle peut, mais quand ?

Autrement dit, il doit y avoir deux conditions. Tout d'abord, la première condition pour aller au Sahel est de décider de le faire, et de décider de le faire si cela est dans l'intérêt commun. C'est-à-dire si le gouvernement grec, le gouvernement actuel, le prochain, le suivant, peu importe, considère que cela sert l'intérêt national.

Par conséquent, l'article 18 n'est pas non plus lié à l'article 2. Autrement dit avec la fourniture d'une assistance. La France ne nous dit donc pas : si vous n'envoyez pas de forces au Sahel, nous ne vous fournirons pas d'assistance en matière de défense. Ce n'est pas ce qui est dit. Ce sont deux choses indépendantes.

Alors, comment ces deux articles permettent-ils d’aboutir à la conclusion que vous ne devez pas voter pour ? Le premier : ce que vous nous demandez constitue une première au niveau international car en réalité vous nous demandez de formuler un article sur la défense en eaux internationales.  Et pour le second, il s’agit d’une possible coopération gréco-française dès lors que des intérêts communs sont servis.

Donc, comment ces deux articles vous permettent-ils de conclure que vous ne devez pas voter pour un accord qui est unique depuis la seconde guerre mondiale? C'est le seul accord de ce genre signé par la République française, à l'exception de celui que, pour des raisons historiques évidentes, elle a signé avec l'Allemagne. L'Allemagne, en revanche, n'est menacée par personne.

En tenant compte de quel critère en arrivez-vous à dire «  non, nous n'avons pas besoin de cela, nous ne voulons pas cela »?

Et permettez-moi, en conclusion, parce que je ne vais pas ignorer votre patriotisme, qui existe, je crois, de dire ceci, qui est extrêmement désagréable et qui constitue une mise à niveau qualitative. Je dis cela parce que j'ai entendu diverses opinions sur la manière de s’entendre avec la Turquie.

Au sein de la Commission, j'ai eu l'occasion de vous le dire, en énumérant un certain nombre de contradictions de la Turquie, entre ce qu'elle dit par rapport au droit international et ce qu'elle fait sur le terrain, en mer ou dans les airs, pour être précis.

Mesdames et Messieurs, ne perdez pas de vue qu'au cours de la dernière période, pour ne pas dire au cours des dernières semaines, voire des derniers jours, la Turquie a exprimé une autre pensée, qui va au-delà des choses incroyables qu'elle a dites jusqu'à présent.

Elle affirme que la démilitarisation des îles de la mer Égée orientale est une condition à la souveraineté nationale grecque sur ces îles. En d'autres termes, pour dire les choses clairement, si les îles ne sont pas démilitarisées, elles ne sont pas grecques.

Et elle a protesté lorsqu'un ministre grec a pris des photos sur l'une de ces îles il y a quelques jours.

Et face à cette Turquie, nous avons l’occasion pour la première fois de signer un tel accord. Car comme je vous l'ai dit avant, nous avions dans le passé aussi acheté des systèmes d'armes, des avions F1, des Combattantes, des chars MX30, des avions Mirage 2000. La France n'a jamais proposé un tel accord, parce que je n'imagine pas que la Grèce ne voulait pas s'entendre avec la France sur la base d’un tel accord de défense.

Alors, face à cette attitude de la Turquie, à ces ambitions, à ce comportement, pensez-vous que la Grèce peut se permettre de ne pas s'entendre avec une superpuissance nucléaire, la plus grande puissance militaire d'Europe ? De ne pas signer cet accord ?

Et si vous n'êtes pas d'accord, non pas pour ce qui est des frégates elles-mêmes car j'ai bien compris que vous considérez cette arme comme excellente, mais sur d’autres éléments divers, le ministre, M. Panagiotopoulos, peut vous apporter toutes les précisions nécessaires à cet égard.

Mais, en tout cas, nous ne vous demandons pas de voter pour l'achat des frégates, car le chef de l'opposition a parlé pendant 16-17 minutes des frégates et des programmes d'armement, et non pas de l'accord.

Mesdames et Messieurs, soyons honnêtes afin que chacun puisse avoir la conscience tranquille. Selon le gouvernement Mitsotakis la responsabilité nationale impose clairement l'adoption de cet accord.

Je vous invite donc, au nom de l'unanimité nationale et au nom de la nécessité nationale, qui est bien évidente et en faveur de laquelle personne n'a besoin d’avancer des arguments, à voter pour, à voter en faveur, et à partir de là, nous aurons tout le temps de discuter de toutes les questions internes.

Merci beaucoup.

October 7, 2021