Remarques introductives
N. DENDIAS : Je vous remercie pour votre invitation et l’occasion que vous me donnez de participer à une discussion avec d’éminents invités, mes amis, les ministres des Affaires étrangères du Royaume d’Espagne, de Malte, de Chypre, Nikos mais aussi le professeur Katrougalos, qui représente l’opposition et est aussi un spécialiste des questions internationales et de la région.
Vous avez soulevé une question essentielle, comment nous pouvons envisager les questions concernant notre région. Y a-t-il un autre moyen au-delà du droit international et du droit international de la mer ?
Je pourrais répondre de deux façons à cette question. La première est une réponse courte : non, il n’y en a pas.
Mais pour expliquer pourquoi il n’y a pas d’autre moyen, je vais devoir recourir à une réponse plus longue. Permettez-moi, par conséquent, d’utiliser les cinq minutes que j’ai à ma disposition.
Il y a de nombreuses personnes, des hommes politiques et analystes dans le monde entier, qui pensent que le centre de gravité a été actuellement déplacé vers le Pacifique. Mais même les hommes politiques et les analystes comprennent bien combien la Méditerranée orientale est importante pour l’équilibre mondial.
La Méditerranée orientale est une route commerciale, une route énergétique ; elle est également une région où les civilisations anciennes ont prospéré. Et comme vous l’avez dit dans votre question introductive, elle revêt une importance capitale.
La migration est un problème mondial qui doit être abordé. De nombreux conflits se poursuivent dans la région depuis des décennies ou des siècles pour certains. En ce moment, nous avons de nouveau le problème avec les Palestiniens et Israël. Il y a la situation en Libye. Permettez-moi de dire également que le Golfe est juste à côté, le Yémen aussi, l’Iran est juste à côté. De plus, il ne faut pas oublier que la Méditerranée orientale est la seule route vers la Mer Noire et là nous avons l’Ukraine, la Crimée. Par conséquent, nous sommes confrontés à tous types de problèmes.
MODERATRICE : Nous sommes en pleine tourmente.
Ν. DENDIAS : Malheureusement, toujours lorsque je discute avec mes collègues, les ministres au Conseil, à Bruxelles ou au Luxembourg, je dis toujours : Nous n’avons pas la chance d’être au Luxembourg. Nous sommes la Grèce. Et malheureusement ou heureusement, outre les traditions énormes et importantes, il y a toujours de nombreux problèmes autour de nous.
Par conséquent, qu’est-ce que la Grèce essaye de faire ? La Grèce essaye de convaincre tous nos voisins dans la région que si nous ne trouvons pas des règles suivant lesquelles nous ferons face aux problèmes existants, ces problèmes ne seront jamais réglés et il n’y aura aucun moyen d’accomplir des progrès.
Toutefois, nous ne pouvons pas inventer les règles. Les règles existent et les règles sont le droit international et le droit international de la mer. Telles sont les règles.
Et je me réjouis du fait que de nombreux pays de la région, qu’il s’agisse des pays du Golfe ou des pays des Balkans, acceptent cette position. Il existe toutefois des exceptions. Et malheureusement des exceptions très importantes. Des exceptions très importantes pour nous et très importantes pour le monde. La Turquie constitue un excellent exemple d’un pays faisant exception à cet égard.
Là encore, je pense que nous continuerons de déployer des efforts et que celle-ci est la seule manière de procéder. Mais on abordera de nouveau cette question au cours de notre discussion aussi.
En résumé, ma réponse courte est qu’il n’y a pas d’autre moyen. Et je vous ai fourni dans ma réponse plus longue toutes les explications y relatives.
MODERATRICE : Voyons donc comment on pourra mettre en application ces moyens ou comment, en fin de compte, on pourra les imposer.
Ν. DENDIAS : Nous croyons en la force de la persuasion. Il faudra plus de temps mais je pense qu’en fin de compte cette force est plus solide.
MODERATRICE : Je vous remercie beaucoup monsieur le ministre pour vos remarques introductives.
***
QUESTIONS-REPONSES
MODERATRICE : Permettez-moi de commencer par notre hôte, le ministre, N. Dendias. Je dois dire qu’ici en Grèce, cher ministre, nous avons apprécié votre présence en Turquie, votre présence en votre qualité de ministre des Affaires étrangères de la Grèce.
En revanche, nous avons vu l’effondrement des pourparlers sur la question chypriote sous l’égide du Secrétaire général de l’ONU, Guterres.
Et la question est maintenant de savoir comment procédera-t-on par la suite ? Est-ce que nous nous trouvons actuellement dans une impasse avec la Turquie ? Poursuivrons-nous les efforts avec M. Çavuşoğlu ? Allez-vous le rencontrer dans les jours ou les mois à venir ? Que fera-t-on ensuite ?
Ν. DENDIAS : Je vous remercie de votre question. Il est vrai que pour tout journaliste l’enjeu est de poser le plus grand nombre de questions possible, tandis que pour tout homme politique est de répondre au plus petit nombre de questions possible.
Donc, je commencerai par la réunion à Genève. Comme Nikos Christodoulides le confirmera également, ce n’était pas une bonne rencontre. Elle n’était pas du tout bonne, malgré les énormes efforts – dois-je dire- du Secrétaire général des Nations Unies, M. Guterres qui a fait tout ce qui était en son pouvoir. Il est à de noter que la Turquie et les Chypriotes turcs ont commencé la discussion par un point inacceptable. Qu’est-ce que j’entends par cela ? Ce n’est pas quelque chose qui ne nous plaît pas ou qui ne plaît pas à la République de Chypre, car dans ce cas il n’y aurait aucun problème. C’est quelque chose qui est inacceptable à l’égard du droit international, des résolutions des Nations Unies, et des résolutions du Conseil de sécurité.
La Turquie et les Chypriotes turcs ont demandé aux Chypriotes grecs, à la République de Chypre et à la Grèce d’accepter que la communauté chypriote turque avait des droits souverains, qu’elle constitue une entité souveraine, ce qui va à l’encontre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Par conséquent, en dépit de tous nos efforts déployés à tous les égards, il est vrai que si le point de départ de la Turquie est cela, si le point de départ de la communauté chypriote est cela, il sera impossible de parvenir à une issue positive.
Toutefois, j’entretiens un petit espoir que le Secrétaire général continuera de consentir des efforts dans ce sens. Et nous continuerons nous aussi de consentir des efforts pour convaincre la Turquie et les Chypriotes turcs que ça vaut la peine d’unifier de nouveau l’île mais ce dans un cadre spécifique. Et ce cadre ne pourrait être autre que les résolutions du Conseil de sécurité et le droit international, ce qui signifie en réalité la mise en place d’une fédération bicommunautaire, bizonale à Chypre. Il n’existe aucune autre manière d’y parvenir.
Pour ce qui est de la Turquie, je rencontrerai bien évidemment Mevlüt Çavuşoğlu, avec lequel – je ne l’ai jamais caché – j’entretiens des relations amicales. Je l’ai invité à Athènes et il a en principe accepté l’invitation.
MODERATEUR : Quand est-ce qu’il viendra ?
Ν. DENDIAS : Cela est à lui de décider. La porte est toujours ouverte pour lui en Grèce, à Athènes. Et en plus de cela, comme je vous l’ai tout à l’heure dit, il est mon ami. Et j’espère que cette rencontre préparera la rencontre entre nos dirigeants, entre le Premier ministre Mitsotakis et le Président Erdogan car nous devons trouver un moyen de régler les questions avec la Turquie.
Et même si nous ne parvenons pas à une solution, nous pourrons au moins trouver un moyen de gérer nos différends.
Ce qui est survenu en 2020 et au début de 2021 était complètement inacceptable ; le mépris total du droit international de la part de la Turquie, soit à Evros avec les flux migratoires, soit en Méditerranée du Sud-est, ou en Egée avec les survols des îles grecques. Tout cela est complètement inacceptable. Nous devons donc trouver un autre moyen. Mais ce moyen nécessite un cadre et ce cadre est le droit international de la mer.
MODERATEUR : Cette rencontre aura-t-elle lieu bientôt ?
Ν. DENDIAS : J’espère que cette rencontre aura lieu bientôt et pas plus tard. Car ce qui s’est apparemment produit à Ankara était une sorte de discussion ouverte et cette discussion a été, à mon humble avis, utile. Car tous ont écouté avec une grande clarté, dans une langue pas tout à fait diplomatique, deux points de vue. Et je dois dire qu’aux yeux des personnes ayant de bonnes intentions, il est bien clair qui a raison et qui à tort. Néanmoins, je suis le ministre des Affaires étrangères de la Grèce et par conséquent j’exprime ma propre opinion. Mais je pense qu’il est bon que tout le monde sache quel est le point de départ.
Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas discuter, que le dialogue ne peut pas se poursuivre et que nous ne pouvons pas vivre ensemble.
MODERATEUR : Je vous remercie monsieur le ministre de votre réponse.
***
MODERATEUR : En guise de conclusion…
Ν. DENDIAS : Donc, je pense que ce que nous pouvons dire est que tout le monde s’est mis d’accord sur le fait que les moyens existent, les moyens existent pour la Méditerranée orientale. Et ce moyen est de fonder nos discussions sur le dialogue, sur le droit international et le droit international de la mer. Tel est la voie à suivre. Et je pense que la Grèce, indépendamment du gouvernement au pouvoir, fait exactement cela et devient un pont entre l’Europe, le Moyen-Orient et la région toute entière.
Je vous remercie beaucoup pour m’avoir donné cette occasion et je tiens également à remercier le Forum de Delphes et M. Tsomokos pour l’organisation de ce forum en plein milieu de la pandémie. Il s’agit d’un grand exploit.
MODERATEUR : Je vous remercie monsieur le ministre.
May 14, 2021