Intervention du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, K. Fragogiannis lors de la manifestation intitulée « No Deal Brexit : préparation de l’administration publique et des entreprises à un éventuel retrait sans accord du Royaume-Uni de l’UE » (MAE,

Intervention du Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, K. Fragogiannis lors de la manifestation intitulée «  No Deal Brexit : préparation de l’administration publique et des entreprises à un éventuel retrait sans accord du Royaume-Uni de l’UE » (MAE, 8 octobre 2019)« Je tiens à vous souhaiter également la bienvenue à la manifestation d’aujourd’hui, la troisième qui est organisée par le ministère des Affaires étrangères avec les acteurs entrepreneuriaux, professionnels et commerciaux de notre pays sur le Brexit.

Je me réjouis particulièrement de cette occasion qui nous sera offerte de discuter de la situation actuelle dans le domaine économique et commercial en raison du Brexit et de vous présenter le travail de préparation que nous avons accompli en vue de faire face à un éventuel Brexit désordonné. Tous les responsables en la matière au sein des ministères et des organismes publics sont présents et vous présenteront par la suite les actions entreprises par leurs ministères afin de faire face à toute éventualité.

J’ai l’honneur d’être à la tête de la diplomatie économique du ministère des Affaires étrangères. Nous sommes en train de mettre en place un dispositif substantiel visant à soutenir et à renforcer l’extraversion des entreprises grecques ainsi qu’à promouvoir les produits grecs à travers le monde. Notre objectif est d’assurer, en agissant de manière ferme mais aussi audacieuse, l’accès de toutes les entreprises grecques et de tous les produits grecs aux marchés internationaux, de préserver nos acquis ainsi que d’élargir notre part de marché dans le monde entier.

L’un des marchés qui sera l’arène pour le maintien de nos acquis sera celui du Royaume-Uni après le Brexit. Comme l’a affirmé le ministre délégué aux Affaires étrangères, notre principale priorité est, au-delà de la préparation de la Grèce à un éventuel Brexit désordonné, le maintien mais aussi le renforcement du niveau de nos relations bilatérales avec le Royaume-Uni dans tous les domaines après sa sortie de l’UE.

Je suis tout à fait d’accord. Il est vrai que le Brexit est un fait très désagréable pour l’Union européenne et la Grèce et on aurait préféré que cela n’ait pas lieu.

Mais souvent la vie a plus d’imagination que nous. Et derrière une évolution très désagréable pourrait se cacher une opportunité. Il suffit de pouvoir la saisir.

En tout état de cause, nous œuvrons de concert avec nos partenaires au sein de l’UE en vue de sauvegarder les intérêts des citoyens et de nos entreprises. Dans le même temps, nous nous préparons à toute éventualité, sans pour autant négliger les possibilités qui nous sont offertes, qu’il y ait un Brexit avec accord ou non. En tant que ministère des Affaires étrangères et administration publique de la Grèce, nous œuvrons depuis longtemps de manière intensive et synergique dans ce sens.

Pour pouvoir transformer le défi en une opportunité nous devons coopérer – les organismes publics et les entreprises –  de manière plus étroite. Nous voulons que vous nous disiez quels sont les besoins, les préoccupations et les demandes des entreprises grecques dans le nouvel environnement économique et commercial qui sera mis en place après le retrait du Royaume-Uni de l’UE. Nous avons besoin de votre expérience, de vos points de vue afin que notre planification soit utile et bénéfique.

Permettez-moi maintenant de vous parler à titre d’introduction des conséquences d’un Brexit désordonné sur le domaine économique et commercial. Nos invités vous parleront du reste.

Je me concentrerai sur les conséquences d’un Brexit sans accord sur l’économie de l’UE, de la Grèce ainsi que sur les perspectives du renforcement ultérieur de notre commerce bilatéral avec le Royaume-Uni, indépendamment du scénario de sortie.

1.    Conséquences d’un no deal sur l’économie de l’UE

L’économie du Royaume-Uni est la cinquième plus grande dans le monde en termes de PIB (3,3% du PIB mondial) et la deuxième plus grande de l’UE. Elle représente 13% du commerce des biens et services de l’UE et 16% du PIB de cette dernière (autrement dit, autant que les 19 plus petits pays de l’UE ensemble).

Comme l’a indiqué le ministre délégué aux Affaires étrangères, les conséquences d’un no deal seront directement ressenties dans le domaine des échanges commerciaux, des transports des marchandises et des chaînes d’approvisionnement, dans celui de la prestation des services transfrontalière et dans le domaine bancaire. Les conséquences seront indirectes sur les activités économiques plus générales des Etats membres,  à cause de la cessation de la libre circulation des personnes, du différent cadre règlementaire, de l’augmentation de la bureaucratie et des formalités etc.

L’impact d’un Brexit désordonné sur chaque Etat membre séparément variera en fonction de l’ampleur de ses liens économiques avec le Royaume-Uni. Toutefois, dans tous les Etats membres il y aura des adaptations en matière de règles nationales, alors qu’il sera nécessaire de donner des lignes directrices aux entités concernées ainsi que de faire des investissements en ressources humaines, en matériel et infrastructures (pour pouvoir par exemple effectuer des contrôles sanitaires, phytosanitaires et douaniers renforcés aux frontières etc.).

A titre d’exemple des changements imminents, on pourrait citer la liste des tarifs douaniers temporaires (d’une durée maximale de 12 mois) publiée par le gouvernement du Royaume-Uni en l’absence d’accord avec l’UE. Ce régime sera valable pour les importations de tous les pays du monde (UE et autres pays) et fournira une protection sélective à certains secteurs et une « libéralisation modérée » pour d’autres. La plupart des importations ne seront pas soumises à des  droits douaniers (aluminium, acier, machines, armes et munitions, etc.). Toutefois des droits douaniers seront imposés sur 18% des exportations européennes (notamment sur la viande ovine, certains produits laitiers, engrais et carburants).

En outre, l’un des plus grands défis pendant ce processus de sortie du Royaume-Uni de l’UE en cas de no deal, sont les retards prévus dans la circulation des marchandises. Les procédures temporaires qui seront suivies en cas de no deal à la frontière entre le Royaume-Uni et l’UE (de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Allemagne) ont d’ores et déjà été annoncées de part et d’autre de la Manche.

Ces mesures toutefois ne peuvent pas garantir des procédures douanières ininterrompues et un approvisionnement sûr des marchés. Les entreprises grecques et britanniques qui ont des échanges avec le Royaume-Uni ou l’UE respectivement ou qui transportent des marchandises en provenance ou à destination du Royaume-Uni devront se familiariser avec les règles et les procédures qui seront établies après le Brexit, notamment si elles ont peu d’expérience en matière de transactions commerciales avec des pays tiers. 

Telle est la raison pour laquelle les professionnels, les associations commerciales et économiques, les autorités régionales et locales, doivent agir dans les plus brefs délais pour se préparer et éviter le pire. On doit, comme je l’ai tout à l’heure dit, coopérer de manière plus étroite.

2.    Conséquences d’un no deal sur l’économie grecque

Les échanges bilatéraux entre la Grèce et le Royaume-Uni se caractérisent par une inversion des rôles par rapport aux relations commerciales du Royaume-Uni avec l’UE  où le Royaume-Uni est en retrait en matière d’échange de biens alors qu’il est en avance en matière d’échanges de services. Dans le cas de la Grèce c’est le contraire qui se passe. La balance commerciale de la Grèce est considérablement excédentaire  du côté des échanges de services alors qu’elle enregistre un déficit relativement bas du côté des échanges de biens avec le Royaume-Uni, grâce au tourisme et à la navigation maritime. Le déficit qu’enregistrent les échanges de biens est entièrement compensé par l’excédent des échanges de services et, de ce fait, la balance commerciale générale est excédentaire pour la Grèce.

Le Royaume-Uni occupe la 7ème place parmi les clients de notre pays et la 11ème parmi les partenaires commerciaux de la Grèce au sein de l’UE. En 2018 : le commerce bilatéral entre la Grèce et le Royaume –Uni s’élevait à 2,6 milliards d’euros. Exportations grecques : 1,21 milliards d’euros et importations : 1,37 milliards d’euros.

Plus particulièrement, les exportations de services de la Grèce (notamment le tourisme et la navigation maritime) ont atteint 3,28 milliards d’euros, tandis que les importations grecques 1,9 milliards d’euros (excédent de la balance des paiements : 1,33 milliards d’euros). Par contre, la balance commerciale bilatérale est déficitaire pour notre pays à hauteur de 300 millions d’euros. 

Pour ce qui est des investissements grecs au Royaume-Uni, les plus importants sont ceux du groupe VIOHALCO (Bridgnorth Aluminium) et Thrace Plastics (Don & Low). La présence grecque est également marquée dans le secteur du commerce de détail, tendance qui est liée au nombre accru de Grecs qui vivent au Royaume-Uni.

Dans le même temps, un nombre important de sociétés britanniques dans notre pays, ont investi dans des secteurs tels que les télécommunications (Vodafone), le commerce de détail (Dixon’s – Kotsovolos), la santé (GlaxoSmithKline, BC Partners et CVC Capital), le tourisme, les services financiers, la production primaire (Lamex/Alterra) etc. Outre les investissements des sociétés britanniques, les investissements privés dans le secteur de l’immobilier et notamment dans celui des résidences de vacances présentent également de l’intérêt à cet égard. Londres constitue par ailleurs une source principale de fonds pour l’émission d’obligations de sociétés ainsi que le marché de prédilection pour la recherche d’investisseurs, financiers ou non. Il est à noter qu’environ 44% des obligations grecques circulent via Londres.

Dans le domaine du tourisme, notre pays est l’une des destinations de prédilection pour les Britanniques qui figurent parmi les trois plus importants clients de la Grèce en matière de tourisme.   Environ 9% à 10% des flux touristiques provient du Royaume-Uni (les touristes britanniques occupent en général la deuxième place en termes d’arrivées et de recettes), tandis que selon les données de la Banque de Grèce,  2017 a été une année record puisque a été dépassée la limite de 3 millions touristes en provenance du Royaume-Uni.  En 2018, les arrivées ont enregistré une faible baisse de 2%, la dévaluation du taux de change entre la livre sterling et l’euro étant la cause principale.

Les données pour l’année 2019 seront bientôt disponibles. L’effondrement du voyagiste Thomas Cook n’était pas une bonne nouvelle et est indicatif de ce qui pourrait arriver en cas d’un Brexit désordonné. Dans la période à venir seront identifiées toutes les actions correctives qui doivent être entreprises en vue de faire face aux répercussions sur le tourisme grec aussi.


Dans le domaine de la navigation maritime, environ 60 sociétés grecques disposent d’agences  de représentation  à Londres qui sont actives tant sur le marché britannique que sur le marché international. Ces dernières années, la Grèce a réussi à rapatrier en partie un certain nombre de sociétés maritimes à travers des incitations mais aussi à cause des évolutions défavorables relatives au régime fiscal britannique (non-doms). Ce secteur est au centre de l’intérêt britannique puisque la City offre un grand éventail de services financiers, d’assurances et juridiques à la navigation maritime, des services que la Cité de Londres veut continuer de prêter de façon ininterrompue tant que cela sera possible.

En cas de no deal, les domaines d’intérêt grec qui seront les plus touchés sont les suivants :

-    Commerce (importations- exportations, tarifs douaniers, barrières non tarifaires etc.). Toutefois, les tarifs douaniers que le Royaume-Uni  envisage d’appliquer, selon l’annonce y relative de ce dernier influeront  sur nos exportations les plus importantes (environ 3,6 % de l’ensemble des exportations grecques), telles que les huiles minérales, les feuilles d’aluminium, vêtements et produits alimentaires (fromage, riz, bananes, volailles) et les articles ménagers mais pas de manière considérable.

-    Tourisme et services de voyage.  Comme j’ai tout à l’heure dit, la baisse du revenu réel des ménages au Royaume-Uni, en combinaison avec la hausse de l’inflation, la dévaluation de la livre sterling par rapport à l’euro et l’incertitude quant à l’issue du Brexit – nous espérons qu’il n’entraînera pas d’autres faillites comme celle de Thomas Cook – aura bien évidemment des conséquences sur le flux touristique en provenance du Royaume-Uni (effet secondaire).

-    Navigation maritime.  De notre côté, nous voulons qu’un chapitre spécial sur la navigation soit inclus dans le futur accord entre l’UE et le Royaume –Uni, en cas de no deal et la conclusion d’un Protocole d’accord sur des questions relevant exclusivement de la responsabilité nationale.   Par ailleurs, l’incertitude suscitée par le Brexit et notamment le risque d’un Brexit sans accord, peut être une occasion, comme je l’ai tout à l’heure dit, de rapatrier un plus grand nombre de sociétés maritimes mais aussi d’attirer des fonds et des services maritimes en Grèce.

-    Produits agricoles et produits AOP et IGP. La protection de nos indications géographiques sur le marché du Royaume-Uni en cas d’absence d’accord constitue notre priorité principale et nous allons bientôt annoncer notre stratégie concernant cette question.

-    Secteur financier. Malgré l’exposition directe limitée du système financier grec au Royaume-Uni, les effets indirects d’une sortie « dure » peuvent entraîner une détérioration des conditions de financement des banques, créer des conditions économiques plus strictes et conduire en fait à des perspectives négatives en matière de développement. Quoi qu’il en soit, la Banque centrale européenne, en coopération avec la Commission et la Banque d’Angleterre, ont adopté des mesures provisoires en cas de sortie désordonnée, qui concernent les contreparties centrales, les dérivés et les contrats, les processus bancaires et autres questions connexes qui pourraient surgir dans ce domaine. En ce qui nous concerne, nous allons soumettre un projet de loi portant sur un grand nombre de questions qui pourraient surgir en cas d’un Brexit sans accord (no deal Brexit) lequel comporte des règlements  provisoires qui régiront également les services financiers.

3.    Perspectives de développement ultérieur des échanges de biens et de services bilatéraux entre la Grèce et le Royaume-Uni après le Brexit
Le marché britannique, indépendamment du Brexit, constitue un marché particulièrement développé et concurrentiel et requiert une approche méthodique. Les produits traditionnels grecs sont connus et il y a là-bas des consommateurs, des clients et des magasins mais par rapport aux produits similaires de nos principaux concurrents, pour ce qui est notamment des techniques de promotion et de vente, nos produits ne sont pas aussi compétitifs. Le soutien de nos produits est très important. Afin d’éviter que leur part de marché soit diminuée à cause du Brexit, il faut élargir la gamme des produits, utiliser de nouveaux emballages innovants et assurer leur différenciation qualitative.

Dans le domaine des investissements directs étrangers, la partie britannique a, à ce jour, manifesté de l’intérêt à l’égard des secteurs suivants : (a) le secteur de la santé, avec l’acquisition d’établissements sanitaires et de sociétés pharmaceutiques, (b) le secteur de la gestion des biens immobiliers, notamment des établissements touristiques, ainsi que (c) le secteur financier et notamment celui de la gestion des prêts improductifs.

La présentation des opportunités et du potentiel de notre pays en matière d’investissements pour le secteur public (programme de développement des actifs publics) et pour des projets d’investissement privés revêt une importance cruciale. Dans ce cadre, notre intention est de soutenir de manière plus intensive la participation des PME grecques et des start-ups à des expositions sectorielles spécifiques, tandis que dans la période à venir, une fois que la situation politique se stabilisera et les conditions seront favorables, on organisera au Royaume-Uni des manifestations et des roadshows en vue de présenter le programme des privatisations et les opportunités d’investissement à un public britannique bien ciblé.

Le secteur des services financiers, le secteur des assurances ainsi que celui des services de soutien aux entreprises, offrent également des opportunités pour établir des partenariats et attirer des investissements directs étrangers, puisqu’un bon nombre d’entreprises siégeant au Royaume-Uni devront fonder des filiales dans les pays de l’UE en vue de pouvoir continuer de prêter ces services à des clients à l’intérieur de l’UE. On devra par conséquent coopérer de manière plus étroite en vue d’élaborer un plan stratégique.

Enfin, la présence marquée des Grecs au Royaume-Uni constitue un facteur positif et joue un rôle important dans le renforcement des liens commerciaux bilatéraux. Au total, comme l’a affirmé le ministre délégué aux Affaires étrangères, depuis 2002 environ 115 000 citoyens grecs ont obtenu une carte de sécurité sociale au Royaume-Uni, tandis que pendant la période 2009-2017, le nombre de sociétés fondées (actives ou non) qui ont été ou sont dirigées par des chefs de nationalité ou d’origine grecque s’élevait environ à 38 000, tandis que 10 135 étudiants grecs ont étudié dans les universités britanniques pendant l’année universitaire 2017-2018, en occupant la quatrième place parmi les Etats membres de l’UE.

Dans ce contexte, l’élaboration d’un plan national global visant à la promotion de nos produits sur le marché du Royaume-Uni, indépendamment du scénario de sortie, constitue une priorité absolue. A cette fin toutefois, il faudra déployer des efforts au niveau des exportations ainsi qu’une coopération étroite entre l’Etat, les acteurs et les producteurs.

Je voudrais en guise de conclusion répéter qu’un vent nouveau souffle au ministère des Affaires étrangères qui place la politique en faveur des investissements du gouvernement au cœur de la planification de notre politique étrangère.

Les possibilités visant à développer davantage nos relations économiques avec le Royaume-Uni sont bien là. En dépit des difficultés attendues, du changement des procédures et des règles, du changement du cadre réglementaire et des retards que toute cette situation pourrait entraîner, les consommateurs de nos produits et services sont toujours là-bas. C’est à nous de les conquérir.
Notre devoir en tant que ministère des Affaires étrangères est d’aller dans ce sens et c’est ce que nous allons faire.

Je vous remercie. »

October 8, 2019