Nous vous communiquons ci-après le texte de l’intervention du vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères lors de la session plénière du Parlement européen sur l’Egypte :
« Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés,
Trois années se sont écoulées depuis le soulèvement contre le régime opprimant des citoyens égyptiens, toutes couches sociales confondues, en quête de liberté, de dignité humaine, de justice sociale et d’une meilleure économie. Pendant toute cette période, l’Europe a été aux côtés du peuple égyptien, dans le but de soutenir la participation de toutes les forces politiques au processus politique et à la transition démocratique. Nous demeurons fermement attachés à notre soutien au peuple égyptien.
Un grand nombre de personnes ont perdu leur vie dans la lutte pour une société démocratique et un meilleur avenir pour leurs enfants et leurs familles. Un nombre encore plus grand de personnes ont été blessées. Le 25 janvier 2014 devrait être un jour de fête pour l’instauration de la démocratie et un jour de mémoire pour ces personnes courageuses.
De ce fait, nous suivons avec une grande inquiétude les actes de violence et les pertes, avant et pendant le récent référendum constitutionnel et à l’occasion du troisième anniversaire de la révolution égyptienne. La Haute Représentante de l’Union européenne pour les questions de politique étrangère et de politique de sécurité, Mme Ashton a condamné fermement les actes de violence, le recours démesuré à la violence et les attaques terroristes.
La ratification de la nouvelle constitution par référendum, les 14 et 15 janvier, est une évolution positive, encore faut-il qu’elle permette l’application pleine et rapide de la feuille de route.
L’absence d’un processus réellement représentatif au stade de son élaboration et le manque d’espace politique pour les opinions minoritaires sont particulièrement inquiétants, tout comme les provocations liées à la liberté de rassemblement et d’expression politique.
Le message européen est clair : sans plein respect des droits de l’homme, la feuille de route ne mènera nulle part.
La nouvelle charte constitutionnelle constitue une amélioration, notamment le chapitre sur les droits de l’homme, qui comprend la liberté d’expression, de rassemblement et les droits des femmes. La pleine harmonisation de l’ensemble de la législation existante et future avec la constitution et les normes internationales, dans le respect des règles internationales et des droits de l’homme, est une question d’importance cruciale.
La constitution doit également s’appliquer de façon à garantir le plein contrôle de tous les secteurs du gouvernement par le pouvoir politique, sans interventions non démocratiques, tandis que les citoyens devront dans tous les cas être jugés par des tribunaux civils.
L’UE a suivi le référendum et, alors que nous n’étions pas en mesure de vérifier le bien fondé des irrégularités dénoncées, notre estimation est que celles-ci ne semblent pas avoir influencé le résultat final dans le fond.
Nous saluons l’organisation d’élections.
L’UE a été invitée à suivre les élections imminentes avec l’envoi d’un nombre non négligeable d’observateurs, dirigés par un membre du Parlement européen. Nous aurons la possibilité et les moyens d’évaluer dans quelle mesure les conditions seront mises en place pour permettre le déroulement d’élections transparentes et fiables sans exclusions, avec des conditions égales de concurrence pour la campagne préélectorale, mais aussi d’évaluer le déroulement de ces élections.
Il est bien entendu clair que, pour la stabilité de l’Egypte, ces élections doivent aboutir à la désignation d’un président élu démocratiquement et à la représentation équitable des points de vue politiques au Parlement.
L’UE invite les autorités à garantir le droit des accusés à un procès équitable et rapide, sur la base d’un chef d’accusation clair et d’une enquête indépendante, ainsi que le droit à leur communication avec les avocats et les membres de leurs familles.
Nous sommes en outre particulièrement préoccupés par la détérioration de la situation économique et ses conséquences négatives sur les catégories vulnérables de la population. Aujourd’hui, la moitié pratiquement de la population vit dans des conditions de pauvreté réelle et les plus vulnérables sont les enfants. Dans ce contexte, l’UE continuera de soutenir l’amélioration des conditions sociales et économiques, la garantie de la stabilité, des investissements, la promotion de la justice sociale ainsi que l’application des principales mesures de réforme économiques.
L’instauration d’une démocratie durable et stable est un chemin tout aussi long que difficile. L’instauration de la démocratie nécessite un travail laborieux, un dévouement et un compromis de la part de toutes les parties prenantes politiques, l’objectif final étant la création d’institutions démocratiques, transparentes et responsables, qui protègeront tous les citoyens d’Egypte et leurs droits fondamentaux. L’Egypte est un pays clé pour tous les grands problèmes du Moyen-Orient et du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale et l’intérêt de l’Europe à son égard est très grand ».
Je vous remercie»
Deuxième partie.
«Merci monsieur le président. Les exposés des honorables membres du Parlement européen ont, je pense, exprimé tout l’éventail des vues existantes au sein de l’UE sur la question égyptienne.
La position – institutionnelle et officielle – de l’UE, telle qu’exprimée par la Haute Représentante, Mme Ashton, avec le soutien du Conseil « Affaires étrangères » est une position de principes, une position claire, prudente et dans le même temps une position visant à être efficace, afin de parachever le processus transitoire difficile vers le rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit. La situation est toujours cruciale et fragile. Il est inacceptable qu’il y ait des journalistes, des opposants politiques détenus. L’UE est particulièrement préoccupée et elle souligne la détention inacceptable d’opposants politiques et de journalistes. Il est inacceptable qu’il y ait des restrictions dans la liberté d’expression, la liberté de rassemblement ou la manifestation pacifique.
Je note moi aussi les références qui ont été faites sur la nécessité de protéger les femmes. J’ai pris acte de tout ce qui a été dit concernant la situation au Sinaï qui abrite le monastère historique de Sainte Catherine datant de l’époque byzantine et qui est un trésor du patrimoine culturel mondial.
Bien entendu, d’importants pas en avant ont été faits. La ratification de la nouvelle constitution améliorée prévoyant le respect des droits fondamentaux permettra à l’Egypte de faire un nouveau départ. C’est ce à quoi nous aspirons, c’est ce que nous souhaitons. L’Egypte ne doit pas perdre cette occasion précieuse. Le cercle de la violence doit être brisé, tout comme les actions engendrant la violence. Donc, les provocations doivent être évitées. Tout comme les discours haineux, les déclarations politiques qui stigmatisent, sans distinction, des groupes politiques comme terroristes. Il faut également consentir un effort conscient et systématique visant à la participation de toutes les forces politiques à ce processus politique, au processus politique de conciliation, à un processus participatif. Sinon, nous ne pouvons atteindre notre objectif.
Aucun parti politique, aucune force politique ne peut gouverner seule l’Egypte, seulement avec sa propre vision de la société. Un pluralisme est nécessaire, une synthèse de vues, une coexistence. La polarisation déstabilise dangereusement la situation et a des conséquences particulièrement négatives sur l’économie. J’ai moi aussi visité récemment le Caire et j’ai discuté non seulement avec mon homologue, que j’ai revu à plusieurs reprises depuis, mais aussi avec le Premier ministre égyptien, sur des questions liées à l’économie en particulier.
Depuis plus d’une année, l’UE et notamment la Haute Représentante, Mme Ashton et les représentants spéciaux, MM. León et Lambrinidis, qui visitera le Caire dans quelques jours, ont été impliqués dans des efforts visant à parvenir à la participation de toutes les forces politiques à ce processus unificateur. Mais lorsque l’environnement est marqué en permanence par des phénomènes de violence, des attaques terroristes, lorsque vous avez des pertes humaines, le climat est lourd et il est difficile de faire les pas nécessaires.
L’intention de la Haute Représentante, que j’ai l’honneur de représenter – avec le soutien du Conseil et du Parlement européen – est de préserver le dialogue avec toutes les forces politiques en Egypte, afin d’appuyer toutes les initiatives nécessaires et fiables qui mènent à la normalisation de la situation, au plein rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit et bien entendu à la réconciliation. Je pense que cela aura des résultats bénéfiques sur la stabilité en Egypte.
Etant donné que d’autre exemples de pays arabes ont été donnés, des pays dans la région élargie d’Afrique du nord, la vérité est qu’historiquement l’Egypte, en raison de sa taille, n’est pas habituée à copier d’autres modèles, mais sert elle-même de modèle pour les développements dans la région élargie. Nous devrons en tenir sérieusement compte. Car nous devrons toujours comprendre, au sein des instances européennes, le poids particulier de la situation en Egypte du point de vue historique, politique, militaire, social et symbolique.
J’estime donc que notre discussion était à la fois ouverte, franche, représentative de tous les points de vue existant au sein des sociétés européennes et utile pour les actions que nous devons entreprendre en tant que Conseil, avec la Haute Représentante à sa tête.
Je vous remercie».
February 6, 2014