Propos recueillis par les journalistes M. Pollatos et I. Makriyannis
JOURNALISTE : Nous avons l’honneur d’accueillir à notre émission le ministre délégué aux Affaires étrangères, Giorgos Katrougalos. Bonjour monsieur Katrougalos.
G. KATROUGALOS : Bonjour à vous et à vos auditeurs.
JOURNALISTE : Monsieur Katrougalos, je me demande si le fait que vous soyez d’ores et déjà, en votre qualité de ministre délégué aux Affaires étrangères, placé sous les ordres du Premier ministre – ce dernier exerçant les fonctions de ministre des Affaires étrangères – a fait une différence pour vous par rapport au passé ?
JOURNALISTE : Est-ce que c’est mieux, c’est pire ? C’est comment ?
G. KATROUGALOS : Comme un de vos collègues a dit, en plaisantant, maintenant je ne suis pas ministre délégué mais ministre suppléant.
Mais sérieusement, je suis vraiment conscient de ma grande responsabilité car mes fonctions sont revalorisées au sein d’un ministère extrêmement difficile et crucial pour les intérêts nationaux.
JOURNALISTE : Comme il est Premier ministre, M. Tsipras n’a pas beaucoup de temps à sa disposition pour s’occuper des questions du ministère des Affaires étrangères et donc c’est vous qui faites le plus gros du travail, comme nous le comprenons, et par conséquent…
G. KATROUGALOS : Je vous assure que pour ce qui est des questions sérieuses et stratégiques, le Premier ministre est présent.
Il a des rencontres régulières avec les hauts fonctionnaires du ministère car il ne veut pas seulement entendre l’opinion de la direction politique. Le ministère des Affaires étrangères c’est surtout ses diplomates. A cette fin il tient des réunions thématiques chaque semaine, il donne des instructions. Il est responsable. C’est lui qui dirige le ministère des Affaires étrangères.
JOURNALISTE : Puisque vous avez parlé de choses sérieuses, hier dans son interview accordée à la chaine de télévision ALPHA, le Premier ministre a fait, semble-il, marche arrière par rapport à ce que Nikos Kotzias avait déclaré le 20 octobre lors de la cérémonie de passation de pouvoirs au sein du ministère des Affaires étrangères, concernant l’extension des eaux territoriales. Tout d’abord, M. Tsipras a affirmé que ce communiqué avait été émis d’une manière maladroite.
G. KATROUGALOS : J’ai moi aussi, comme vous le comprenez, suivi l’interview. Il a dit que pour ce qui est de notre stratégie, on ne ferait aucune concession. L’extension des eaux territoriales est une stratégie qui sert nos intérêts nationaux. S’agissant de la tactique suivie, il a dit qu’il serait à son avis utile d’engager un débat public et une consultation avec les partis politiques puisqu’il s’agit d’une question revêtant une importance majeure pour notre pays. Et c’est justement cela qu’il a qualifié de maladroit, le fait que ce communiqué ait été émis lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, sans une consultation et un débat préalables.
JOURNALISTE : Quand est-ce qu’aura donc lieu, à votre avis, l’extension ?
G KATROUGALOS : Comme le Premier ministre l’a affirmé, il faut d’abord engager cette discussion avec les partis politiques. Notre position est bien déterminée. Je ne pense pas qu’il y aura des changements car au cours de ces deux à deux années et demie un travail systématique a été accompli. Vous savez, il ne s’agit pas seulement d’émettre un communiqué à cet égard. Il existe des cartes élaborées par des spécialistes grecs et étrangers, en respect du droit international est sur la base des normes bien spécifiques qui régissent la science de la cartographie. Par conséquent, tous ces éléments sont prêts. Le droit international nous accorde cette possibilité depuis 1995.
JOURNALISTE : Quand est-ce que ce dossier sera donc soumis au vote au sein du parlement ?
G. KATROUGALOS : Je vous l’ai déjà dit. Dans les plus brefs délais, après la consultation. Tout d’abord, il faut mener ce processus de consultation. Eventuellement, le Premier ministre convoquera aussi le conseil national sur la politique étrangère afin de donner à ce processus un caractère institutionnel.
JOURNALISTE : Disons, dans un ou deux mois ?
G. KATROUGALOS : Je pense que les deux mois dont vous parlez sont un délai tout à fait raisonnable.
JOURNALISTE: Abordons maintenant les autres questions, car il y a cette discussion qui a commencé sur les embauches, l’accord avec l’église, etc. Allez-vous faire des embauches ? Où allez-vous trouver l’argent ? Cela est un problème. Est-ce qu’il y aura un miracle ? Car hier, on a aussi entendu parler de miracles.
G. KATROUGALOS : Ce que certains pourraient qualifier de miracle est le fait que nous sommes sortis des mémorandums. Nous avons une marge budgétaire et l’économie est sur la bonne voie. L’année dernière, notre pays a enregistré un taux de croissance de 1,8%. Cette année, la croissance se situe à 2,2 % tandis que l’année prochaine elle atteindra 2,5%.
Cela signifie que nous maintenons notre situation financière stable et saine – car telle est la condition pour ne pas nous retrouver dans la situation précédente à laquelle nous a conduit le bipartisme, à savoir le grand endettement – et que nous avons une marge budgétaire pour pouvoir soutenir la société, doter les écoles d’enseignants et les hôpitaux d’infirmiers et de médecins. Cela est dans l’intérêt de la société.
JOURNALISTE : Pensez-vous que nous pourrons trouver les moyens de financer ce projet ?
G. KATROUGALOS : La question n’est pas de les trouver. Ces fonds existent. Vous savez, c’est justement parce que notre pays est placé sous un régime de surveillance après sa sortie du programme d’aide ainsi que sous un contrôle auquel tous les pays de l’Union européenne sont soumis, à savoir ils soumettent tous les six mois leurs budgets, il s’agit dudit semestre européen, on ne peut pas allouer des fonds si ces fonds n’existent pas, comme c’était la pratique dans le passé.
JOURNALISTE : De toute façon, hier en écoutant le Premier ministre on avait cette impression car ce dernier n’a rien affirmé de concret.
G. KATROUGALOS : Et vous dites que tout d’un coup la Commission européenne est devenue plus tolérante et alors qu’elle était le gardien de la discipline budgétaire et qu’elle adopte maintenant le point de vue de SYRIZA ? Je vous dis clairement que ce que nous faisons est dans l’intérêt du pays car, je répète…
JOURNALISTE : Si quelqu’un vous entend parler il aura l’impression que le SYRIZA n’est pas le gardien de la discipline budgétaire.
G. KATROUGALOS : Pourquoi ? Mais je l’ai répété. Tout ce que nous faisons s’intègre dans le cadre de cette marge de manœuvre budgétaire fournie par notre peuple moyennant ses sacrifices.
JOURNALISTE : Ce que vous dites donc est que l’argent existe.
G. KATROUGALOS : Il faut qu’il y ait toujours de l’argent pour de bonnes causes. Autrement, l’Etat ne ferait pas bien son travail.
JOURNALISTE : Votre commentaire concernant l’accord avec l’église. Comment pourrait-on intégrer dans un fonds de développement un patrimoine dont la propriété est contestée ? Dans le sens qu’il s’agit des terrains dont la propriété a été violée et que ces affaires ont été portées devant la justice.
G. KATROUGALOS : Très bonne question. Tout d’abord, l’application de ce qui a été convenu émane en fait de ce changement institutionnel de principe que nous allons apporter à la constitution, la neutralité religieuse de l’Etat et la séparation des rôles.
Dès lors que l’on procède à un changement de ce genre, il est évident que l’Etat ne pourra pas continuer à verser des salaires aux membres du clergé comme s’ils étaient des fonctionnaires. Et c’était là le problème, à savoir comment pourrait-on continuer à assurer les droits de ces personnes ? Et justement parce que ces démarches ne doivent pas être faites au dernier moment, des efforts systématiques, comme le Premier ministre l’a affirmé, sont consentis, un dialogue est engagé avec l’église, cette dernière ayant aussi accepté la nécessité de régler ces questions dans un esprit consensuel.
Nous sommes donc arrivés à la conclusion que certains biens appartenant à l’église n’ont pas été recensés, ce qui est malheureusement le cas – vous devez le connaitre – pour le patrimoine de l’Etat qui n’est pas complètement recensé. Telles sont les plus grandes difficultés du cadastre.
Nous sommes donc convenus, pour éviter les amateurismes, de mettre en place un programme de recensement du patrimoine de l’église qui est même financé par le cadre de référence stratégique national (ESPA) afin que ce recensement soit effectué de manière scientifique et à l’aide des ressources disponibles. Il y a d’ores et déjà 22 Métropoles et l’Archevêché qui ont adhéré à ce programme et progressivement sera recensé l’ensemble du patrimoine de l’église.
Quoi qu’il en soit, le Fond de développement des actifs du patrimoine de l’Eglise assurera pleinement le versement des salaires des membres du clergé. Mais comme tous les biens de l’église ne sont pas encore pleinement recensés et nous ne savons pas quelles seront les recettes émanant de ce patrimoine, des fonds seront transférés par le budget de l’Etat vers l’église pour couvrir les dépenses destinées aux salaires du clergé jusqu’à ce que tous les biens de l’église soient complètement recensés.
JOURNALISTE: Toutefois, les prêtres ne sont pas contents. Vous le savez, vous voyez leurs réactions. Ils disent qu’à la fin, plus tard, l’Etat pourrait les laisser dans l’expectative.
G. KATROUGALOS : Aucun grand changement ne s’opère à pied sec, sans qu’il y ait des personnes qui protestent avec bienveillance, dirais-je. Nombreux sont ceux qui ont peur des changements. Toutefois, à mon avis, il est insensé qu’un prêtre soit fonctionnaire. Il n’accomplit pas le même travail qu’un fonctionnaire. Il doit avoir des garanties. Il doit se sentir en sécurité. Tous doivent se sentir en sécurité mais on veillera à cela à travers les changements institutionnels que nous allons opérer.
JOURNALISTE : En raison de vos fonctions, vous devez désormais coopérer un peu plus avec le ministre de la Défense, Panos Kammenos. Je ne vous poserais pas la question de savoir si vous vous êtes entretenu avec lui avant qu’il n’affirme que les Turcs ont demandé une autorisation de vol dans le FIR d’Athènes. Par contre je voudrais votre commentaire concernant un communiqué émis ce matin par le ministère turc des Affaires étrangères. Les Turcs disent qu’ils reconnaissent un espace aérien de 6 milles nautiques et ils demandent bien évidemment une autorisation de vol pour tous leurs appareils militaires ou commerciaux qui entrent dans l’espace aérien grec reconnu par les Turcs. Est-ce que cela est vrai ? Quel est votre commentaire à cet égard ?
G. KATROUGALOS : Je n’émettrais aucun commentaire de la part du ministère des Affaires étrangères à la radio. Les commentaires du ministère des Affaires étrangères se font de manière diplomatique. Ce que vous m’avez lu, néanmoins, est la position immuable des Turcs et c’est la raison pour laquelle nous avons les opérations d’interception aérienne en Egée entre 6 et 10 milles nautiques. Comme vous le savez, nous avons étendu notre espace aérien à 10 milles, ce que l’autre partie conteste – tout comme elle conteste d’autres droits qui sont les nôtres et qui de toute évidence émanent du droit international. Notre droit n’est pas contesté, car nous avons appliqué ce qui est imposé par le droit international. Et tout cela n’est pas seulement en théorie. Heureusement, nous avons les forces armées qui peuvent dans la pratique confirmer notre droit et c’est la raison pour laquelle nous avons ces interceptions continues qui viennent confirmer nos droits souverains.
JOURNALISTE : Est-ce que les agissements de la Turquie à Chypre vous inquiètent ?
G. KATROUGALOS : Ils accroissent notre vigilance. Mais je ne parlerais pas d’inquiétude pour la simple raison que nous avons pris des mesures, nous et la République de Chypre, au niveau diplomatique également ; ces coopérations tripartites, triangulaires, avec Israël, l’Egypte, ont particulièrement revalorisé la puissance diplomatique de notre pays et de la République de Chypre. Et cela a été démontré par le passé, lorsqu’on a tenté de contester le droit de la République de Chypre dans sa Zone économique exclusive, cette contestation a été contrecarrée. Car, comme je vous l’ai dit, la République de Chypre se base exclusivement sur le droit international pour valoriser ses ressources productives et aussi parce que nous avons pris les mesures nécessaires afin que le cadre juridique soit bien solide pour défendre ce droit de la République de Chypre.
JOURNALISTE : Très brièvement, une réponse à la question de savoir ce qui s’est passé au Conseil ministériel du 16 juillet, car nous avons une question d’un auditeur. Est-ce que Kammenos a finalement dit que Soros finançait le gouvernement grec ?
G. KATROUGALOS : Je n’étais pas présent à ce conseil ministériel car je me trouvais à Bruxelles, au Conseil européen. Mais je pense que les réponses ont été données sur ce qui a été ou n’a pas été dit.
JOURNALISTE : Nous vous remercions M. le ministre.
G. KATROUGALOS : Je vous remercie également.
November 9, 2018