Propos recueillis par le journaliste M. Martens
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, selon certaines informations, Athènes serait disposée à signer un accord afin que les migrants repérés en Allemagne puissent par la suite être renvoyés en Grèce dès lors que cette dernière est le premier point d’entrée sur le territoire européen. Est-ce vrai ?
N. KOTZIAS : Avec l’Allemagne nous cherchons à trouver une solution européenne à la question migratoire. Le problème est qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ont tendance à adopter de nouveau des positions nationales et à ne pas vraiment penser aux intérêts de l’Europe. Nous vivons une contradiction : certains veulent donner à un plus grand nombre de personnes possible la possibilité d’assurer leur avenir dans un pays européen. D’autres veulent ériger des murs pour empêcher ces personnes d’entrer sur le territoire européen. Ces derniers éprouvent du dédain à l’égard des leçons humanitaires que l’histoire européenne nous a enseignées. A ce jour, au sein de l’UE, nous ne sommes pas parvenus à trouver un équilibre entre ces deux positions.
JOURNALISTE : Quel pourrait-être cet équilibre ?
N. KOTZIAS : Lorsque, il y a trois ans, les fonds de la communauté internationale consacrés au maintien des camps de réfugiés au Liban et en Jordanie ont été réduits, j’avais averti que cela donnerait lieu à une nouvelle vague de réfugiés. A l’époque j’avais été la cible de critiques féroces et certains avaient même prétendu que je menaçais de faire submerger l’Europe par des vagues de réfugiés. Ce qui s’est passé par la suite, en été 2015, nous a tous pris au dépourvu en Europe car nous n’avons pas voulu reconnaître immédiatement le problème. L’Europe doit accorder une attention beaucoup plus accrue aux causes de la migration. Par exemple, le gouvernement d’Assad en Syrie a saisi les biens des Syriens qui ont immigré, ce qui rend encore plus difficile leur futur retour.
En outre, je voudrais aussi dire la chose suivante, même si cela peut être considéré comme une remarque cynique : Les pays qui ont bombardé la Libye ou la Syrie, ne prennent pas en charge le coût des flux de réfugiés qui résultent des bombardements.
JOURNALISTE : Si l’on considère la situation au regard des pays qui en sont responsables, il devrait y avoir des camps de réfugiés en Russie….
N. KOTZIAS : Cela pourrait faire l’objet d’un débat. Ce que je vous dis est que la guerre en Syrie doit prendre fin. L’Allemagne et la Grèce n’ont pas participé à ces guerres, mais elles figurent parmi les pays qui sont obligés de supporter la plupart des conséquences résultant des flux migratoires et des réfugiés. Dans ce contexte, le Premier ministre Tsipras et la Chancelière allemande, Merkel essayent de trouver des solutions communes. Une partie des Etats de l’UE n’est pas disposée à participer à l’atteinte de solutions européennes à la question migratoire. Je les comprends, sans toutefois considérer que leur attitude à cet égard est correcte. Il faut essayer de comprendre les réactions de ces pays. De quoi ont-ils peur ? Il s’agit des pays qui ont recouvré leur indépendance nationale il y a à peine 30 ans, voire moins. Par la suite, ils ont cédé volontairement une partie de leur souveraineté récemment acquise à l’UE et maintenant ils voient que la composition de leur population en est affectée.
JOURNALISTE : Vous venez de décrire des pays tels que la Hongrie ou la Pologne. Toutefois, cette attitude constitue depuis longtemps une tendance majoritaire en Autriche ou en Italie aussi.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Si l’on ne parvient pas à une solution européenne, chaque Etat recourra à des réponses nationales. Je peux en partie comprendre les Italiens aussi. Ils ont accueilli de nombreuses personnes en provenance d’Afrique ces dernières années. Et cela n’est pas seulement la conséquence des guerres mais aussi de la pauvreté et du changement climatique.
JOURNALISTE : Un homme politique allemand a proposé le renforcement des effectifs du Service de la protection des frontières de la Frontex en les faisant passer à 100 000. Est-ce que cela ferait une différence pour la Grèce ?
N. KOTZIAS : Il serait peut être utile de renforcer les effectifs de la Frontex ici dans notre région mais cela ne pourra pas changer la particularité de la géographie. La distance qui sépare certaines îles grecques de la Turquie est à peine 1200 ou 800 mètres. Au début, les hommes politiques européens n’avaient pas réalisé qu’il n’y avait pas là des eaux internationales. Le territoire turc est directement adjacent à celui de la Grèce. Tant que les embarcations se trouvent dans les eaux territoriales turques, nous ne pourrons rien faire. Lorsque ces embarcations entrent dans les eaux territoriales grecques, nous sommes obligés, en vertu du droit international, d’accueillir ces personnes. On doit prendre des mesures pour éviter ce genre de situations.
JOURNALISTE : De quelle manière ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : L’Iran a accueilli trois millions de réfugiés en provenance d’Afghanistan lesquels ont tendance à se déplacer vers l’Occident. Des centaines de milliers d’autres personnes viennent d’Afghanistan et du Pakistan. Les gouvernements de ces pays ne font rien pour améliorer la situation de ces personnes et empêcher ces déplacements. L’aide octroyée par l’UE à des Etats tels que l’Afghanistan et le Pakistan, s’élève à plusieurs milliards d’euros. C’est pourquoi j’insiste sur le fait que ces pays doivent non seulement améliorer le sort des réfugiés qui se trouvent à leurs frontières, mais aussi reprendre leurs citoyens. Toutefois, le Pakistan ne le fait pas, contrairement à l’Egypte par exemple. Des conditions et des modalités doivent régir l’octroi des fonds à hauteur des plusieurs milliards d’euros. Ces pays ne doivent pas seulement encaisser l’argent de l’Europe sans coopérer sur ces questions.
JOURNALISTE : Il existe toutefois un instrument moderne pour la gestion des flux de réfugiés : l’accord entre l’UE et la Turquie en vigueur depuis mars 2016 dont l’objectif est d’arrêter les flux de réfugiés d’une manière qui soit compatible avec les droits de l’homme. L’accueil des personnes ayant besoin d’une protection sera directement pris en charge par la Turquie, tandis que la Grèce pourra renvoyer ces personnes. Dans la pratique toutefois…
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : … cela n’est pas le cas, comme nous l’aurions souhaité.
JOURNALISTE : Le maire de Chios se demande, par exemple, pourquoi sur les îles de l’Egée qui sont particulièrement affectées par la crise des réfugiés, il n’y pas de comités d’appel pour ce qui est de la procédure d’octroi d’asile, afin d’accélérer les processus et ce, d’une manière compatible avec les normes internationales relatives au respect des droits de l’homme.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je ne suis pas le ministre compétent en la matière pour répondre à cette question, mais c’est une idée tout à fait raisonnable. Des comités de ce genre ne pourraient pas bien évidemment être mis en place sur chaque île, mais dans le cas des plus grandes îles cela n’est pas une mauvaise idée.
Il doit y avoir seulement un cofinancement de la part de l’Europe. Malheureusement, le soutien européen n’est pas suffisant. En outre, en tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai un autre problème :
Lorsqu’il y a des tensions avec la Turquie, des centaines de réfugiés arrivent sur les îles. Lorsqu’il n’y a pas de tensions, il n’y a presque pas de réfugiés. Et je m’interroge toujours : s’agit-il d’une coïncidence ou d’une politique ? J’ai dit, une fois, au Président Erdogan avec lequel j’entretiens de bonnes relations : « Tayyip, Allah a fait de nous des voisins pour voir si nous pouvons vivre ensemble dans des conditions humaines».
JOURNALISTE : Erdogan aurait répondu que vous lisez beaucoup le Coran…
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : C’est justement cela qu’il a répondu car il sait que je suis athée mais je respecte beaucoup les religions.
JOURNALISTE : Il y a quelques mois, la Turquie a arrêté deux soldats grecs qui se sont trompés de chemin et se sont retrouvés sur le territoire turc. Cette arrestation n’est pas une action habituelle dans les relations entre les partenaires de l’OTAN.
N.KOTZIAS : Non seulement elle est inhabituelle, mais elle est aussi sans précédent. Les deux soldats sont en attente de procès depuis plus de quatre mois. Ils sont « soupçonnés d’espionnage ». Mais est-ce que les espions se promènent en uniforme ? Ce sont des absurdités. Ce qu’ils ont vu, à dix mètres de la frontière, ils pourraient le voir aussi du côté de la frontière grecque avec des jumelles.
JOURNALISTE : L’arrestation des soldats est un chantage.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Permettez-moi de le formuler différemment. Je pense que la liberté et la vie humaine ne revêtent pas en Turquie la même importance qu’en Grèce. Cela me rappelle souvent la situation au Moyen-Orient, où la vie humaine et la liberté n’ont pas la même valeur qu’ici en Grèce. Jamais nous n’aurions arrêté ou emprisonné des citoyens Turcs pendant des mois sans procès. Personne n’a le droit de jouer à des jeux politiques aux dépens de la dignité et de la liberté humaine. Cela est inacceptable.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, vous avez affirmé avoir reçu ces dernières semaines des centaines de courriers menaçants à cause de l’accord sur le règlement de la question du nom.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Cela est vrai. J’ai reçu des courriers menaçants, contenant des balles, des colis contenant de la terre imprégnée de sang.
JOURNALISTE : De la terre de la Macédoine du Nord imprégnée de sang grec ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Non, de la terre grecque imprégnée de sang grec. Et ils m’ont menacé qu’à l’avenir « ça sera le sang de ma famille ». Mais ce genre de menaces ne me fait pas peur.
JOURNALISTE : Oseriez-vous à ce stade vous promener dans la rue à Thessalonique sans vos gardes du corps ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Oui, mais mes gardes du corps ne me le permettraient pas.
JOURNALISTE : La Nouvelle démocratie a qualifié le jour de la signature de l’accord de Prespès de « journée de honte ». Vous reprochez au parti (de la Nouvelle Démocratie) de contribuer au développement d’un climat de haine.
N. ΚΟΤΖΙΑS : C’est ce genre de déclarations qui ont permis de se développer en Grèce un climat de haine. Il est dommage que la Nouvelle Démocratie ne puisse ou ne veuille pas reconnaître que le règlement du différend sur le nom est important pour la sécurité et les intérêts nationaux de la Grèce ainsi que de toute la région et de l’Europe dans son ensemble. Outre cela, l’argumentation du parti est extrêmement infondée. Toutes les parties sont sorties gagnantes des négociations avec Skopje, et en dépit de cela nous avons pu obtenir beaucoup plus que ce que la Nouvelle Démocratie ne pouvait jamais espérer lorsqu’elle menait elle-même les négociations.
JOURNALISTE : Vu les manifestations de haine à l’égard de vous et du Premier ministre, vous pouvez sûrement vous mettre à la place du Premier ministre de l’époque, Papandréou et de son ministre des Finances, Papakonstantinou, qui dans les années 2010 et 2011 sont devenus la cible de la haine accumulée de tous les partis et ont été calomniés et qualifiés de « traîtres » comme vous aujourd’hui.
N. ΚΟΤΖΙΑS : La comparaison que vous faites est abusive. Car nous, avons résolu le problème. Et à l’époque, il n’y avait pas tant de haine et tant de menaces.
JOURNALISTE : Toutefois, ce que vous laissez entendre par votre réponse est que Papandréou et Papakonstantinou avaient généré un problème qui sans eux n’aurait pas pu exister.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Il n’y aurait pas eu de problème de ce genre. Ils ont donné une réponse incorrecte à une situation difficile. Alors que nous, avons réglé le différend sur l’appellation.
JOURNALISTE : Toutefois, selon les sondages d’opinion, 70% des Grecs sont contre l’accord.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Les sondages d’opinion du ministère des Affaires étrangères, qui ne sont pas destinés à être publiés, donnent une image bien différente : à peu près 55% est contre l’accord, alors que 37% est en faveur de l’accord. Il s’agit d’un bon point de départ, vu que la solution n’a reçu que le soutien du parti SYRIZA au sein du parlement. Tous les autres partis – les partis qui pendant 25 ans non seulement n’ont pas résolu le problème mais l’ont créé – sont contre l’accord. Il ne faut pas que l’histoire soit une prison. Elle doit être une école qui nous enseignera des leçons. Toutefois, ce différend nous a rendus prisonniers de l’histoire. En outre, des sondages ont aussi été organisés à Skopje concernant l’appellation qui recueillerait le plus de soutien. C’était ainsi que les appellations « Haute Macédoine » et « Nouvelle Macédoine » ont par exemple été majoritairement rejetées. Par contre, l’appellation « Macédoine du Nord » a été approuvée.
JOURNALISTE : Est-ce que le différend a été vraiment réglé ? A Skopje certains craignent que, une fois que le pays honorera une partie des obligations qui lui reviennent, autrement dit lorsqu’il changera sa constitution, le parlement grec ne ratifie pas l’accord car le gouvernement actuel aura entretemps perdu sa majorité.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Telle était d’emblée la discussion lorsqu’on préparait les prochains pas à entreprendre en vue de parvenir à une solution. La question de savoir ce qui se passera si l’une partie honore ses engagements et l’autre non, a tout de suite surgi. Si on examine avec attention le travail de préparation effectué en concertation avec Skopje, on verra que des mesures sont prises pour parer à cette éventualité. Prenons, par exemple, la réunion au sommet imminente de l’OTAN : l’opposition soutient que la « Macédoine du Nord » pourrait devenir membre de l’OTAN avant même que l’accord ne soit ratifié par notre parlement. Cela est une absurdité. Il est évident que l’opposition n’a pas lu le texte de l’accord. Qu’avons-nous fait ? Nous avons dit : après la ratification par le parlement de Skopje, la « Macédoine du Nord » recevra une invitation pour adhérer à l’OTAN, qui plus est avant que le processus des changements constitutionnels ne soit achevé.
Toutefois, dans la lettre de l’invitation de l’OTAN il sera clairement précisé que l’invitation à adhérer à l’OTAN est adressée à un pays appelé « Macédoine du Nord ».
Si nos voisins procèdent en fait au changement de leur constitution, nous ratifierons l’accord avec la « Macédoine du Nord », tout comme l’accord sur son adhésion à l’OTAN, qui plus est dans les plus brefs délais. Dès lors que nos voisins auront honoré leurs engagements, la Grèce ne pourra pas refuser d’y consentir. Ce pays pourra alors adhérer à l’OTAN et nous ne pourrons plus entraver son adhésion, ni ne voulons le faire.
JOURNALISTE : Le chef de l’opposition, Mitsotakis, affirme toutefois qu’en aucun cas l’accord ne pourra être ratifié sous le gouvernement actuel.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Mitsotakis affirme depuis trois ans que des élections devront se tenir dès le lendemain. Mais la ratification aura lieu avant les prochaines élections législatives. Mitsotakis affirme qu’un parlement au sein duquel la Nouvelle Démocratie aura la majorité, ne ratifiera jamais cet accord. Je serais curieux de voir ce qu’il aurait fait dans un tel cas. Je ne pense pas qu’il ferait ce qu’il dit maintenant. Car l’accord auquel nous sommes parvenus est mille fois meilleur que tous les accords que la Nouvelle Démocratie a tenté de négocier.
JOURNALISTE : Vous dites donc, en tant que représentant de ce gouvernement, que l’accord avec la « Macédoine du Nord » pourra être ratifié par le parlement actuel ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Bien évidemment. Nous pensons que, d’ici à la fin de l’année en cours, Skopje procédera aux changements constitutionnels. Par la suite, on devra dans les plus brefs délais ratifier l’accord et pendant les six mois qui interviennent jusqu’à cette date, l’opposition n’aura même pas la possibilité de déposer une motion de censure parce qu’elle a déjà exercé ce droit.
JOURNALISTE : Mais comment sont les relations au sein de la majorité gouvernementale ? Les « Grecs indépendants », partenaire gouvernemental du parti SYRIZA, ne veut en aucun cas voter en faveur de l’accord.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Dans une interview en décembre 2017, dans ma première interview dont le sujet principal était la « Macédoine du Nord », j’avais déclaré que nous avions le soutien de la majorité des députés du parlement. Et je suis convaincu qu’il y aura toujours cette majorité. A l’époque, l’opposition avait lancé une attaque contre moi en soutenant que pour ce qui est de la question de la ratification de l’accord avec la « Macédoine du Nord » on ne pourrait pas compter sur la majorité des partis appartenant à l’alliance gouvernementale.
Toutefois, il n’y a aucune référence dans la constitution ou dans les règles non écrites du régime démocratique à l’obligation de recueillir une majorité de ce genre. Il suffit d’avoir la majorité des députés du parlement et il y aura une telle majorité pour la ratification de l’accord. Le parti de SYRIZA compte 145 députés, il n’a donc besoin que de six votes supplémentaires pour obtenir la majorité absolue.
En outre, il y aura un nombre de partis – plus d’un – qui ne participeront probablement pas au vote au sein du parlement. C’est pourquoi pour obtenir la majorité (requise) à ce jour il faudra moins de 130 votes.
Nous voulons obtenir pour des raisons politiques une majorité de plus de 150 votes, mais du point de vue juridique cela n’est pas contraignant. En d’autres termes ?
L’accord avec la « Macédoine du Nord » sera en tout cas approuvé par le parlement.
Toutefois, je voudrais aussi clarifier la chose suivante : notre objectif est d’atteindre plus de 150 votes et nous y parviendrons. Bien évidemment, je ne suis pas un prophète. Des gens pourront mourir et il pourra y avoir des séismes. Mais, normalement il n’y aura aucun problème et nous obtiendrons ces 151 votes. C’est le numéro exact. Il est vrai que les « Grecs indépendants » ne voterons pas en faveur en tant que parti, il existe toutefois des députés au sein de ce parti, qui pensent que c’est un bon accord. De plus, il y a le parti « Potami » dont la majorité des députés ne considère bien évidemment pas que cet accord soit bon mais certains d’entre eux le pensent.
JOURNALISTE : Et pouvez-vous compter sur le consentement unanime des députés du SYRIZA, et même sur celui des députés originaires de la Grèce du nord ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Je pense que oui. Même si je ne suis pas, comme vous le savez, membre de ce parti.
JOURNALISTE : Si tout se passe comme vous le dites, ce serait toutefois une ironie de l’histoire : un gouvernement de la gauche « offre » à l’OTAN un nouveau membre.
N. ΚΟΤΖΙΑS : Nous n’offrons pas à l’OTAN un nouveau membre, mais nous réglons un problème car nous pensons que cela est correct et au profit de l’Europe, des Balkans et des intérêts nationaux de la Grèce. La « Macédoine du Nord » pourra, à travers le règlement de ce problème, adhérer à l’OTAN, ce qui n’est qu’une conséquence de notre décision et non pas le fait même qui a motivé notre décision. Nous avons été motivés par notre volonté de faire quelque chose de bien pour les Grecs et les habitants de la région.
JOURNALISTE : Pourrait-on soutenir qu’une réussite de l’accord serait aussi une victoire historique des Grecs de gauche sur ceux de la droite ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Non. C’est une victoire historique de la raison sur la déraison et une victoire de l’histoire en tant qu’école sur l’histoire en tant que prison.
JOURNALISTE : Clarifions un peu la chose suivante : Est-ce qu’il y aura vraiment une invitation de la part de l’OTAN à un pays avec l’appellation « Macédoine du Nord » d’adhérer à l’alliance ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : L’OTAN invitera la « Macédoine du Nord » à démarrer les négociations d’adhésion même si cet Etat porte encore son ancienne appellation. Toutefois, la demande d’adhésion à l’OTAN sera soumise sous la nouvelle appellation. En d’autres termes : si notre pays voisin ne change pas son nom, l’invitation ne sera plus valable. Le gouvernement de Skopje doit donc d’abord gagner le référendum dont la tenue a été imposée par lui-même. Nous n’avons pas imposé cette condition.
Par la suite, le pays voisin devra changer sa constitution, notamment trois articles et 154 dispositions où est mentionnée l’appellation de l’Etat dans la constitution. Et par la suite, notre parlement ratifiera tant l’accord d’adhésion à l’OTAN que l’accord avec la « Macédoine du Nord ».
JOURNALISTE : Cela signifiera-t-il que la « Macédoine du Nord » pourrait, d’ici un an, devenir, conformément à la feuille de route, membre de l’OTAN ?
N. ΚΟΤΖΙΑS : Le processus durera à peu près un an. Dans le cas du Monténégro, le processus depuis l’invitation jusqu’à l’adhésion a duré onze mois. Nous avons examiné tout cela en avance afin d’avoir un aperçu complet.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup de cet entretien.
July 12, 2018