Propos recueillis par les journalistes Angeliki Spanou et Vassilis Skouris
JOURNALISTE : Aujourd'hui, nous accueillons à notre émission le ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias.
JOURNALISTE : Bonjour monsieur le ministre.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Bonjour.
JOURNALISTE : Nous vous remercions de cette interview en cette période difficile.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Bonjour à vous, à vos auditrices et auditeurs.
JOURNALISTE : Est-ce que vous aimez le compositeur Mikroutsikos ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Très souvent j'écris mes textes en écoutant de la musique. Et pour pouvoir écrire, je dois mettre aussi du rythme à mes pensées et c'est pourquoi j'écoute la musique de Thanos Mikroutsikos, une musique très entraînante.
JOURNALISTE : Oui, il est un grand compositeur, parmi les plus importants je pense.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Je pense qu'après Mikis, il est le plus grand compositeur musical vivant du pays.
JOURNALISTE : Plus important que Manos Chatzidakis ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: J’ai parlé des compositeurs vivants.
JOURNALISTE : D’accord...
JOURNALISTE : La conjoncture est difficile monsieur le ministre. Chaque jour il y a une mauvaise nouvelle, notamment en provenance de la Turquie. Je me demande où nous mènera cette situation.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Je pense que nous devons faire preuve de retenue et évaluer la situation avec attention car je dis souvent à mes interlocuteurs que si j'étais à la place d'Erdogan, je me réjouirais de la manière dont la société dans son ensemble et la scène politique réagissent face aux provocations de celle-ci. Car chaque provocation de la part de la Turquie entraîne de grandes perturbations, que la nature même de la provocation ne saurait justifier.
Je ne veux pas sous-estimer les provocations, mais je veux dire que le pays a besoin d’une direction politique et d’une opposition qui feront preuve de sang-froid. En période difficile, nous avons besoin de calme et de modération.
JOURNALISTE : « Imia est un territoire turc » d'après un communiqué du...
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Ils disent cela depuis 1996. Et, je vous rappelle, qu'ils ont dit cela pour la première fois en 1993. Nous avons une réponse qui sera bientôt publiée. Nous avons préparé deux textes hier soir. Le premier est d’ores et déjà disponible sur le site et les réseaux sociaux du ministère des Affaires étrangères. Il s’agit de notre propre évaluation du rapport de la Commission. Et bientôt sera publié un communiqué plus bref portant sur le comportement de la Turquie. Notre appréciation est que la Turquie, au lieu de tirer des leçons et d’étudier les constatations de la Commission européenne concernant le respect de l’acquis communautaire et du droit international, ne fait que le violer de nouveau.
Il existe des décisions antérieures dans le cadre du droit international, il y a l’accord entre la Turquie et l’Italie, il y a le traité de Paris de 1947. Les trois textes internationaux définissent explicitement que les îlots d’Imia constituent la propriété de la Grèce et la Turquie ferait bien de comprendre que, au moins du côté de la mer Egée, elle doit – ce qui sera aussi dans son intérêt – respecter le droit international.
Et comme j’ai coutume de dire, sans sous-estimer la Syrie et l’Irak, la Grèce est un pays beaucoup plus organisé, à tous les niveaux et dans tous les domaines, par rapport à la Syrie et à l’Irak, qui sont ravagés par la guerre civile, ce qui a donné à la Turquie l’occasion de faire intrusion dans ces territoires.
JOURNALISTE : Oui, mais en Syrie et en Irak, on pourrait parler de violation du Traité de Lausanne par le gouvernement d’Erdogan.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : J’ai dit cela lundi au Conseil des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles, lors du débat engagé sur la Syrie. J’ai signalé deux choses auxquelles certains de nos partenaires n’accordent pas beaucoup d’importance. Premièrement, le fait qu’Assad, si et quand il utilise des armes chimiques – et tel a été le cas apparemment – ne commet pas seulement un acte inhumain, chose qui doit être signalée, mais il enfreint également les règles de la guerre.
Et je dois vous dire que les règles de la guerre ont été fixées il y a 4 000 ans, notamment dans trois régions du monde: en Grèce, en Chine et en Inde. En d’autres termes, même la guerre a des règles. Et cela a fait l’objet d’un débat élargi pendant la période 1400-1600, notamment en Espagne et en Hollande, lorsque les premières bases rudimentaires du droit international de la guerre ont été jetées. Cela parait paradoxal à première vue, le fait que la guerre soit régie par des règles. Assad a donc violé le droit de la guerre.
D’autre part, on a aussi la Turquie – nos partenaires ont oublié la Turquie, mais je le leur ai rappelé – qui viole également les règles internationales, c’est-à-dire, dans ce cas ci, le Traité de Lausanne. Son intervention à Afrin nous rappelle les intentions qu’elle avait eues dans les années 30’ lorsqu’elle a envahi, à travers un pseudo-référendum, la région d’Alexandrette.
Et force est de rappeler que la Turquie représentait une minorité dans ladite région. La population dans sa majeure partie était constituée d’Arméniens, au nombre de 29.500, et d’un groupe de Grecs, au nombre de 11.500.
Lorsque la crise en Syrie a éclaté, j’ai accusé la Turquie au motif qu’elle avait l’intention de faire en Syrie ce qu’elle a fait à Alexandrette. Et Cavusoglu m’a appelé au téléphone pour me dire : « Pourquoi fais-tu cette comparaison ? Nous n’avons pas des intentions de ce genre ».
Et je lui réponds: « On le verra, Mevlut. La guerre n’a pas encore fini et, d’après la façon dont vous menez cette guerre, j’estime que vous allez occuper des territoires de la Syrie près d’Alexandrette », à Afrin, comme cela a été démontré. En Syrie, il y a une violation du droit international par tous les parties.
JOURNALISTE : Abordons un peu les incidents de ces derniers jours. Que pensez-vous de ce « jeu de drapeaux » sur les îlots ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : A mon avis, en tant que chef de la diplomatie grecque, la politique étrangère doit être exercée principalement par le ministère des Affaires étrangères. Je dis cela à toutes les parties. Deuxièmement, la politique étrangère doit être exercée par les institutions du pays. Et troisièmement, si quiconque veut prendre une initiative dans le domaine de la politique étrangère, il serait bon qu’il pense aussi à ce qui s’ensuivra. Car, en politique étrangère, on doit être prêt à parer à toute éventualité.
JOURNALISTE : Oui, mais certains rétorquent que nous pouvons déployer un drapeau sur le territoire grec.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Bien évidemment qu’il faut déployer le drapeau grec. Et le drapeau grec peut flotter partout. Mais il faut aussi penser à la manière dont on défendra nos actes. D’après ce que je sais, les drapeaux grecs n’y ont pas été déployés; ou pour le dire plus correctement, ils n’y ont pas été ôtés. Toutefois, lors de chaque décision prise dans le domaine de la politique étrangère, on doit aussi prendre en l’exacte mesure des conséquences. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais je ne suis pas d’accord avec cette manière de procéder dans ce genre de situations.
JOURNALISTE: Vous dites que la diplomatie doit être exercée par le ministère des Affaires étrangères et vous dites cela à toutes les parties. Est-ce que vous entendez par cela le gouvernement, l’opposition et les institutions du pays ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Le ministère des Affaires étrangères, le gouvernement, le Premier ministre plus particulièrement, après le ministère des Affaires étrangères, sont responsables de la politique étrangère et de sa coordination. A mon avis, il faut avoir une coordination dans l’exercice de la politique étrangère et il n’est pas bon que certains, probablement en dehors du système institutionnel, exercent de la politique étrangère qui ne facilite pas le pays ou qui sape sa politique.
JOURNALISTE : M. Koutsoubas s’est dit certain qu’un incident gréco-turc surviendrait en mer Egée. Etes-vous d’accord ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Le travail de la diplomatie est d’éviter ce genre d’évolutions.
JOURNALISTE : Votre objectif est d’éviter cela.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Il ne faut pas que cela survienne. Mais l’incident, qui pourrait à un certain moment survenir, n’est pas notre problème principal. Notre problème principal est d’éviter les accidents dans la région dans ce climat de tensions avec la Turquie. Et je voudrais vous dire une chose pour être clair. J’ai regardé ce matin – à six heures du matin - la chaîne de la télévision publique ERT et ce climat de guerre – en mer Egée, "on sent la poudre", on se prépare à la guerre, la guerre est imminente– ne convient pas à une société qui conserve son calme. C’est un climat qui ne fera que réjouir Erdogan qui pensera que, d’un seul geste, il a pu causer une agitation de cette ampleur.
C’est pourquoi je vous ai dit que tous devraient faire preuve de sang-froid et cela ne concerne pas seulement les hommes politiques, mais aussi les journalistes. Ces antagonismes n’influent pas de manière positive sur le climat dans le pays.
JOURNLAISTE: Et puisque nous parlons des questions concernant la communication d’informations, il y a un mystère concernant un grand nombre de questions. Qu’est-ce qui s’est passé à Ro lorsque des tirs à balles traçantes ont été lancés? Comment le pilote grec a-t-il trouvé la mort?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Si quiconque suggère que ce qui est dit en public et par la voie officielle n’est pas la vérité, il a tout à fait raison de qualifier de mystère cette affaire. Mais si on part du principe que les informations communiquées rapportent la vérité, il n’y a aucun mystère.
JOURNALISTE : Qu’est-ce qui s’est passé à Ro ? Un vol de nuit sans feux ? C’était seulement ça? A quelle fin ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : D’après ce que je sais, des tirs ont été lancés en direction d’ un bruit, mais il n’y a pas eu d’objet visible.
JOURNALISTE : C’était quelque chose.
Ν. ΚΟΤΖΙΑΣ: Les feux étaient éteints.
JOURNALISTE: Pensez-vous que la Turquie a des revendications plus globales en mer Egée ?
Ν. ΚΟΤΖΙAS : Je pense que la Turquie a deux caractéristiques. L’une porte sur le fait qu’elle est une puissance nerveuse et cet état de grande nervosité est alimenté par un grand nombre de contradictions intérieures. Des contradictions du point de vue du développement de la société. Des structures féodales coexistent avec des structures capitalistes plus modernes. Il existe des contradictions nationales. Le problème kurde, avec 15 à 16 millions de Kurdes. Il y a des contradictions religieuses, pour ce qui est notamment des Turcs alévis et des Kurdes. La Turquie a des contradictions de toute sorte. A ces contradictions est venue s’ajouter la nervosité de ses dirigeants, une contradiction, comme j’ai coutume de dire, entre la peur, l’inquiétude et l’arrogance. Cette situation est une mauvaise conseillère.
La deuxième caractéristique de la Turquie est, comme je dis toujours, le révisionnisme. A savoir, elle a l’impression qu’elle est toute puissante et cette puissance lui confère le droit – entre guillemets – de demander le changement de la réalité émanant des conventions internationales, des accords et du droit international en général. Et dans ce cas ci, du Traité de Lausanne.
Troisièmement, je pense que certains aspects du problème ont changé car des ressources énergétiques ont été découvertes dans la région, notamment en Méditerranée orientale, et la Turquie exerce, de différentes manières, des pressions en vue de pouvoir participer à la valorisation et au transport de ces ressources.
JOURNALISTE: A votre avis, est-ce qu’il s’agit d’une stratégie d’Erdogan en général ou il….
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: A quoi vous référez-vous ?
JOURNALISTE: Cette stratégie de la Turquie, comme vous venez de la décrire, a une date, je ne dirais pas d’expiration, mais une date à laquelle les tensions arriveront à un terme en vue des élections présidentielles en Turquie.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Je pense que l’arrogance de la Turquie a été renforcée par cette tentative de coup d’Etat qui a été déjoué en faisant remonter son mental de vainqueur. Mais il a aussi alimenté les sentiments d’insécurité et d’inquiétude. En outre, les élections imminentes ont également joué un rôle à cet égard. Et, apparemment les élections se tiendront plus tôt que prévu. Ces deux éléments viennent renforcer les tensions, mais il y a aussi le révisionnisme et cette orientation est renforcée par la nécessité de participer à ce jeu – entre guillemets – énergétique.
JOURNALISTE: Il existe de vives inquiétudes à l’égard de ce qui va se passer quand les huit officiers turcs, qui ont demandé l’asile, seront libérés – mi-mai, selon le ministre de la Justice, M. Kontonis. Cela vous préoccupe-t-il ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : L’Etat grec doit veiller à la sécurité de tous.
JOURNALISTE : Quelle est votre estimation concernant les deux soldats grecs ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Comme vous l’avez constatez, M. Skouris, je n’ai jamais donné une estimation. J’avais affirmé d’emblée que cette question s’inscrivait dans le cadre d’une stratégie différente de la Turquie par rapport au passé. J’ai été le seul à l’affirmer.
JOURNALISTE : Oui, c’est vrai, mais ce que vous dites est en effet qu’il s’agit d’un geste qui n’était pas fortuit.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je ne sais pas si cela est arrivé par hasard, mais ce que je sais, et je le répèterai, c’est qu’à Ankara, Erdogan et son milieu voient la manière dont nous réagissons – et nous faisons bien de réagir – et combien nous sommes exigeants à l’égard de la libération de nos deux soldats. Toutefois, la Turquie a une autre perception de la vie des personnes et des soldats, car au cours de la période où les deux soldats grecs ont été arrêtés, 500 à 600 soldats et officiers turcs, dans l’indifférence générale de la Turquie, ont perdu la vie.
Nous avons deux problèmes à cet égard avec la Turquie. Premièrement, la Turquie a une perception bien différente du droit de la liberté et notamment de la vie humaine et, deuxièmement, elle pense que l’arrestation des deux officiers grecs ne devrait pas susciter tant de réactions de la part de la Grèce car c’était à mon avis un incident de moindre importance. Autrement dit, par rapport à nous – et j’insiste là-dessus – Ankara a une lecture différente des événements.
JOURNALISTE: D’après ce que je comprends, vous êtes satisfait de l’attitude de l’Union européenne à l’égard de la question de la mer Egée. N’est-ce pas ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: Je ne pense pas que c’est l’attitude de l’Union européenne qui nous satisfait. Nous sommes satisfaits du fait que le travail que nous avons accompli, afin qu’il y ait cette attitude de la part de l’Union européenne, a porté des fruits. Cela n’est pas dû au fait que, tout d’un coup, l’Union européenne s’est pour la première fois montrée très sévère à l’égard de la Turquie. Cela émane des traités internationaux, des relations des Européens en général avec la Turquie et de notre travail.
JOURNALISTE: Pourquoi n’y a-t-il pas eu de résultats similaires concernant la question de l’OTAN ? Les affirmations de M. Stoltemberg, par exemple, constituent une provocation. Et nombreux sont ceux qui vous reprochent de ne pas avoir protesté ou émis un communiqué.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: M. Stoltemberg ne dit pas en public ce qu’il dit en privé aux Turcs. Et moi je m’intéresse à ce qui se dit en privé.
JOURNALISTE: Et M. Poutine, qu’est-ce qu’il a dit ? Car il y a eu un entretien téléphonique du Premier ministre avec lui. Avez-vous quelque chose à nous dire concernant l’attitude de la Russie ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS: La Russie, à mon avis, s’intéresse à la Syrie, mais elle a aussi une forte volonté d'éloigner la Turquie du monde occidental - entre guillemets. Cela n’est pas une nouvelle politique de la Russie. Force est de rappeler que l’Union soviétique, dans les années 20’ du siècle précédent, c’est-à-dire il y a 95 ans, exerçait la même politique. Elle essayait d’éloigner Kemal Atatürk de l’Occident. C’est pourquoi je dis par rapport aux Turcs, pour ce qui est de l’Union européenne et d’autres instances occidentales, qu’ils devront eux-mêmes décider s’ils veulent appartenir à l’Occident ou non et ne pas avancer l’argument que l’Autriche ou un autre pays est fâché contre eux.
JOURNALISTE : Quelle est votre estimation concernant le sort des deux soldats grecs qui sont détention depuis 50 jours ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je vous ai tout à l’heure dit que nous procédons à toutes les actions nécessaires en vue de leur libération, mais cela ne dépend pas seulement de nos démarches. Cela dépend du comportement insensé ou non de la Turquie.
JOURNALISTE: Monsieur le ministre, nombreux sont ceux qui soutiennent que la Grèce a besoin d’un changement de stratégie. Jusqu’à présent, depuis le début des années 90’, notre politique était axée sur le fait que la Turquie a une perspective européenne. Nous, en tant que pays, soutenons cette perspective et c’est justement dans ce cadre que sont inscrits nos droits en mer Egée et nos demandes. A l’heure actuelle où l’Europe ne veut, semble-t-il, que la Turquie adhère à l’Europe et Ankara ne veut apparement pas adhérer à l’Europe, ne faut-il pas changer de stratégie ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : L’Europe, vous voulez dire l’Union européenne, ne veut pas l’adhésion d’Ankara, mais cela ne signifie pas qu’elle ne veut pas avoir des liens forts et des relations économiques avec la Turquie. La Turquie aussi ne s’empresse pas d’adhérer à l’Union européenne, mais elle s’empresse de renouveler ses relations économiques et l’union douanière avec l’Union européenne, question qui porte sur des activés entrepreneuriales représentant une somme s’élevant à plus de 60 milliards pour la Turquie. Par conséquent, il existe toujours des intérêts et des leviers de pression.
Deuxièmement, tous ceux qui parlent d’une nouvelle stratégie n’ont rien à proposer à cet égard. C’est-à-dire, ils contestent plutôt leur propre politique du passé. Et, troisièmement, notre politique étrangère revêt plusieurs aspects nouveaux qu’ils ne sont pas en position d’identifier, pour ce qui est notamment de l’accent particulier que nous mettons sur la Méditerranée orientale, où il y a la ligne entre Castellorizo et Chypre et les ressources énergétiques.
Tel est le cœur de notre politique et nous avons aussi établi des partenariats tripartites. Le mois prochain nous aurons des rencontres tant avec Israël qu’avec l’Arménie, ainsi qu’avec les Palestiniens, ici à Athènes. Il y a aussi le travail très important que nous avons accompli à Rhodes, portant sur la mise en place d’un nouveau système de sécurité et de stabilité en Méditerranée orientale. On était 11 pays au début et maintenant nous sommes 23.
Tous les pays arabes y participeront ainsi que les pays européens de l’Europe du Sud-est et pour la première fois il y aura aussi des Palestiniens. Et nous sommes en train d’élaborer un agenda positif pour stabiliser la région qui, à notre avis, se trouve dans l’insécurité à cause des ressources énergétiques en Méditerranée orientale.
JOURNALISTE : Certains affirment par exemple qu’il faut augmenter les dépenses en matière de défense, car si un incident survient en mer Egée, l’Europe ne viendra pas à notre aide.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Mais l’augmentation des dépenses en matière de défense ne constitue pas une stratégie.
JOURNALISTE : Oui, bien sûr.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Et, deuxièmement, nous n’avons pas les mêmes moyens que la Turquie. Notre PNB s’élève à 178 milliards, alors que celui de la Turquie est de 1 420 000 000, il s’agit donc d’un rapport de 1/8. Par conséquent, nous n’avons pas simplement besoin d’augmenter nos dépenses en matière de défense, mais il faut que ces dépenses soient intelligentes et qu’elles servent nos objectifs; autrement dit, nous voulons des équipements de défense, car nous n’avons pas l’intention d’envahir un pays tiers. La Turquie achète aussi des armements en vue d’envahir des pays tiers.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, l’opposition vous accuse souvent, elle accuse le gouvernement je veux dire, de manque d’information.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Oui. Ils m’ont de nouveau accusé de manque d’information deux jours après la séance d’information que j’ai tenue!
Permettez-moi de vous dire une chose : Pour ce qui est de l’ARYM, nous avons tenu, au cours de deux mois, une séance d’information au parlement, le Premier ministre a informé M. Mitsotakis, j’ai informé les représentants de M. Mitsotakis et nous leur avons soumis deux fois un dossier sur ce pays.
Cinq communications d’information en deux mois. Eux n’ont tenu aucune communication. Quelle audace de leur part! Ils n’ont jamais tenu une séance d’information sur l’ARYM par exemple, car ils ne menaient pas les pourparlers par le biais des diplomates, comme nous le faisons, mais d'agents du service secret, si vous vous souvenez.
Sous le gouvernement de la Nouvelle démocratie, les agents du service secret menaient les pourparlers avec l’ARYM et personne ne savait quelles étaient leurs motivations, ni leur origine. Je voudrais faire encore une remarque: il y a malheureusement certains partis qui ressentent le besoin, quelle que soit la nature des informations qui leur sont communiquées, de les divulguer à la presse, et j’en passe.
JOURNALISTE : Vous voulez parler de M. Leventis ou aussi d’autres personnes?
N. KOTZIAS: Je ne veux parler de personne, j’évoque juste la réalité. Vous êtes journalistes, vous pouvez déceler cette vérité très facilement. Je vais au Parlement, tiens une séance d’information et, alors que je suis en pleine séance d’information, mes propos sont déjà dans la presse. Je fais une séance d’information aux partis et ils divulguent ce que je leur dis. Et je veux parler des articles de presse, non pas seulement de ce qu’ils rapportent directement. Cela est un moindre mal. Je veux parler des propos qu’ils divulguent à la presse pour se faire bien voir auprès des journalistes et qui permettent à l’autre partie de comprendre comment nous pensons, comment nous hiérarchisons nos objectifs et leur contenu. Ce ne sont pas de bonnes choses. Au lieu de se plaindre de ne pas avoir d’informations – ce qui est faux – ils feraient mieux de faire preuve de responsabilité quant aux informations qui leurs parviennent. Et j’aimerais vous faire part de quelque chose de drôle : Dimitrov m’a dit qu’il avait informé un homme politique de l’opposition, lequel à la fin de la séance d’information lui a dit: « tu ne diras pas que tu m’as accordé une séance d’information aujourd’hui». C’est exactement ce que m’a dit un représentant de parti. Un soir, alors que j’avais tenu une séance d’information auprès de lui, il m’a dit « j’espère que demain tu n’iras pas dire que tu as tenu une séance d’information devant moi, ne considère pas cela comme une séance d’information ». Que dire ! Ce n’est pas sérieux tout cela.
JOURNALISTE : Qu’en est-il de la proposition du parti 'To Potami' faite au Premier ministre sur la création d’un Conseil de sécurité nationale ?
N. KOTZIAS : Nous avons eu des réunions avec le représentant du parti 'To Potami', nous nous sommes mis d’accord sur sa structure et son fonctionnement et maintenant ce sont des professeurs en droit international qui se penchent sur la question et qui l’examinent sur la base des orientations données.
JOURNALISTE : Est-ce que ce Conseil de sécurité nationale sera créé ?
N. KOTZIAS : Oui. Le Conseil de sécurité nationale est un conseil rattaché au Premier ministre. Nous le préparons mais il relève du Premier ministre et non du ministre des Affaires étrangères.
JOURNALISTE : Y aura-t-il d’anciens Premiers ministres dans ce conseil ?
N. KOTZIAS : Ecoutez, on peut envisager ce Conseil de sécurité nationale de deux façons. De la première façon d’abord, à savoir qu’il s’agit d’un CNPE élargi, car nous avons déjà un Conseil national de politique étrangère qui, au lieu d’avoir les représentants des partis au niveau du ministre des Affaires étrangères et leurs homologues au sein des partis, est au niveau des premiers ministres et ex-premiers ministres. Ensuite, la seconde façon, selon laquelle la plupart des Conseil de défense nationale se sont transformés, qui est un système auquel participent des scientifiques, des diplomates mais aussi des hommes politiques de divers partis qui se penchent sur les grands problèmes communs auxquels est confronté le pays.
Je pense que nous pencherons davantage vers le deuxième.
JOURNALISTE : Très bien. Passons à une page publicitaire.
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JOURNALISTE : Nous avons le sentiment, M. le ministre que ces derniers temps les discussions sur la question du nom s’enlisent.
N. KOTZIAS : Comment cela ?
JOURNALISTE : Lorsque M. Zaev parle d’une double appellation et qu’il affirme qu’une rencontre avec M. Tsipras n’est pas près de se produire…
N. KOTZIAS : Alors qu’avant il l’avait donné et maintenant cela s’enlise …
JOURNALISTE : C’est à vous de nous dire. Car vous avez également été très sévère dans votre déclaration.
N. KOTZIAS: Ecoutez, s’agissant de la Grèce et de la Turquie, je crois que nous devons tous apprendre – tous et moi y compris – à être plus responsables, plus sérieux et plus modérés. Certaines questions relevant de la diplomatie ne peuvent être résolues au moyen de déclarations. De la même façon, on ne peut dire lors d’interviews des choses propres à la négociation. Imaginons maintenant qu’un politicien lamda vienne dire « je ne fais pas la chose x ». Les conséquences sont au nombre de deux: s’il fait cette chose x, il sera exposé. S’il ne la fait pas, cela sera dû au fait qu’il a contribué à ce que la situation ne change pas. Je vais vous donner un exemple plus précis: le gouvernement n’a pas la majorité gouvernementale pour ce qui est de la question du nom.
JOURNALISTE : Le gouvernement grec, vous voulez dire ?
N. KOTZIAS : Oui, grec. Mais moi je fais tout le nécessaire, le Premier ministre encore mieux. Le gouvernement, quant à lui, livre son propre combat et réunit les conditions d’une majorité.
JOURNALISTE : Est-ce que cela veut dire que vous avez tiré un trait sur M. Kammenos et le parti ANEL ? D’ailleurs ils ont fait des déclarations publiques.
N. KOTZIAS: Je tire un trait sur personne. Je respecte tout simplement leurs prises de position. M. Zaev, qui a la majorité à son parlement, affirme ne pas être en mesure de le faire passer devant le Parlement.
JOURNALISTE : A-t-il la majorité?
N. KOTZIAS : Il a 61 sièges, 59 + 2 qui sont les Albanais qui ne participent pas à son gouvernement, le petit parti albanais. M. Zaev veut une majorité accrue pour la Constitution. Il doit s’employer durement à l’obtenir. S’il pense «je n’ai pas la majorité, donc je ne le fais pas», alors il ne livrera pas de combat et nous ne parviendrons jamais à un accord concret. On ne va pas passer un accord juste pour dire que nous avons passé un accord.
Je vais vous dire autre chose. Lorsque nous avons commencé la négociation avec Nikola Dimitrov – en fait nous avons commencé en janvier, deux trois mois avant nous avions fait les préparatifs sur la façon dont nous procèderions – tout le monde disait que nous faisions cela car tout le monde fait pression pour qu’ils intègrent l’OTAN en juin et donc nous, en tant que gouvernement, n’avons pas ouvert le dossier parce que, comme je continue de soutenir et de dire, il était de notre devoir national de résoudre les problèmes que nous ont légués les partis antérieurs et les gouvernements qui étaient au pouvoir pendant des décennies - des problèmes irrésolus comme avec l’ARYM et l’Albanie - mais parce que quelqu’un nous a soufflé à l’oreille « tenez-vous à carreau car en juin ils doivent adhérer ». De toute évidence, l’ARYM n’adhèrera pas à l’OTAN en juin.
JOURNALISTE : Pensez-vous qu’elle a raté le coche ?
N. KOTZIAS : Bien entendu. Car, permettez-moi de vous dire la chose suivante: au lieu de dire « Nous avions tort et Tsipras et Kotzias avaient raison de dire que nous faisons cela car nous estimons que c’est par intérêt national », ils disent « Il a arrêté, il ne fait ci ou ne fait pas ca». Je vais vous dire maintenant pourquoi ils ont raté le coche. Nous sommes en avril, un accord doit être ratifié de diverses façons. Ils veulent tenir un référendum. Pour le référendum dans le pays ami du nord, il faut plus de deux mois, autrement dit nous n’avons que le référendum en juin. Et une fois que le référendum tenu, l’accord devra être soumis au Parlement et il faudra quinze jours, un mois. Une fois au Parlement, ce dernier devra continuer à faire les changements d’ordre constitutionnel. Pour parvenir à un accord, nous devrons au préalable nous être mis d’accord sur les changements constitutionnels. Ce qui nous amène à l’automne.
JOURNALISTE : Là ils n’ont pas besoin d’une autre réunion au sommet; ils adhèrent sans même que la question du nom ne soit résolue.
N. KOTZIAS : A l’OTAN, les décisions sont prises également par les représentants permanents, à savoir la branche du ministère des Affaires étrangères. Parfois j’entends au Parlement, la Nouvelle Démocratie dire « Mais comment M. Kammenos va-t-il aller négocier pour signer à l’OTAN », et dire qu’il y a même d’anciens ministres des Affaires étrangères qui le disent. Car l’OTAN a deux formats, d’un côté le ministère des Affaires étrangères, puis les représentants permanents du ministère des Affaires étrangères et de l’autre les ministères de la Défense et les militaires. Les ministères de la Défense et les militaires s’occupent des règlementations techniques entre les Etats membres qui concernent la coordination de la défense et certaines activités militaires. Les ministres des Affaires étrangères font, quant à eux, les choix politiques. Autrement dit, les questions politiques ayant trait à l’ARYM passent soit par le Premier ministre, soit par le ministre des Affaires étrangères, soit par les représentants permanents, à savoir nos ambassadeurs auprès de l’OTAN.
JOURNALISTE : Vous dites donc que si M. Kammenos vote contre un accord – si accord il y a – il pourra rester ministre de la Défense ? Il pourra donc rester au gouvernement?
N. KOTZIAS : J’ai donné l’exemple de mon ami Boris Johnson. Comme vous le savez, Boris Johnson a souvent attaqué de front Mme May, alors qu’ils appartiennent au même parti en Grande Bretagne, et personne n’a été dire que M. Johnson devait partir car il avait des points de vue différents de ceux de Mme May. Car les sociétés sont pluralistes et démocratiques.
JOURNALISTE : Oui mais les gouvernements ne sont-ils pas toujours impliqués dans les questions majeures.
N. KOTZIAS : Les gouvernements, tous les gouvernements du monde, ont toujours des majorités et des minorités. Je vous rappelle que s’agissant de l’ARYM, la Nouvelle Démocratie a eu deux fois des minorités exprimées publiquement. La première était celle de M. Samaras qui a finalement décidé de partir de son propre chef; ce n’est M. Mitsotakis qui l’a chassé et la deuxième était le groupe des trois, à savoir M. Dimas, Evert et Kanellopoulos où, finalement, M. Mitsotakis a eu peur d’eux et n’a pas promu le changement du nom de l’ARYM, ce dont il a eu tort à mon avis, car vous voyez comment le problème a mal évolué jusqu’à aujourd’hui.
Le parti qui était au pouvoir – non seulement il était au pouvoir, mais il y avait de fortes dissensions internes sur cette question - n’a pas osé le faire car il a eu peur et il est mal placé aujourd’hui pour nous critiquer, nous qui faisons preuve de responsabilité et de courage. D’ailleurs, si je faisais parti de la Nouvelle Démocratie, j’aurais été heureux de voir qu’il existe des hommes politiques comme M. Tsipras et M. Kotzias qui ne tiennent pas compte du coût politique, mais seulement de l’intérêt national et qui résolvent un problème que leurs prédécesseurs étaient incapables de résoudre ces 25 dernières années, un problème qui a mal évolué et qui, s’il continue d’exister, finira par nous poser problème.
JOURNALISTE : Pourquoi, à votre avis, M. Mitsotakis adopte cette attitude ?
N. KOTZIAS : Il coordonne les différents groupes à l’intérieur de son parti. Je ne sais pas s’il réussira, c’est son problème.
JOURNALISTE : Vous dites que vous résolvez un problème que les gouvernements précédents, qui en sont à l’origine, n’ont pas réussi à résoudre. Mais lorsqu’après tous ces mois nous entendons M. Zaev dire que nous ne changeons pas le nom pour usage interne…
N. KOTZIAS : Je suis étonné de constater que trois mois de négociation équivalent à 25 ans de création de problème !
JOURNALISTE : Il y a eu des attentes, à savoir qu’il existe un autre « momentum », que l’acteur international s’en occupait, que le gouvernement Zaev a la volonté…
N. KOTZIAS : Je n’ai jamais dit que l’acteur international s’en occupait. Au contraire, j’ai publiquement dit que c’est une bonne phase pour la négociation car les Américains ne s’occupent pas beaucoup des Balkans occidentaux et les Allemands n’avaient pas de gouvernement.
JOURNALISTE : Et que, bref, en ARYM, il y a un gouvernement doté d’une volonté.
N. KOTZIAS : J’ai dit qu’il y avait un gouvernement qui avait plus de marge de manœuvre pour faire cette négociation. Cette persévérance sera prouvée à la fin.
JOURNALISTE: Peut-il y avoir solution sans révision de la Constitution erga omnes?
N. KOTZIAS : Non.
JOURNALISTE : Aucune.
N. KOTZIAS : Non.
JOURNALISTE : Un non catégorique.
N. KOTZIAS : Catégorique. Je vais vous dire deux choses, une de nature politique et un exemple. Je vais commencer par l’exemple que donnent toujours les gens de l’ARYM quand ils disent « Ecoute Niko, nous allons faire un accord; il y aura des documents destinés à l’étranger, sur lesquels sera mentionné le nom international et des documents à usage exclusivement interne, où vous vous ficherez que, par example, une commune écrive à une autre commune en utilisant le nom «République de Macédoine». Je lui réponds : « Très bien, je vais te donner une dizaine de textes et tu me diras comment cela va fonctionner ». Je prends le premier document. Et quel est ce premier document ? La Constitution même de l’ARYM. Et je m’interroge: «Lorsque vous enverrez la nouvelle Constitution de l’ARYM en anglais, soit à des organisations internationales, soit pour des négociations, soit à des conférences universitaires sur ce pays, comment cette constitution sera-t-elle mentionnée dans le pays? Est-ce que le nom du pays sera traduit ou changera-t-il avec son nom international»? Il m’a répondu: «Il sera traduit, nous ne pouvons pas le changer». Donc on commence par le 1er document qui circulera à l’étranger avec le nom à usage interne. Que veux-je dire par là? Que s’il n’y a pas un nom erga omnes, à savoir un nom utilisé à l’égard de tous, au niveau international, interétatique, bilatéral, au niveau des organisations internationales et au niveau interne, nous aurons investi – et c’est ce que j’essaie d’expliquer à l’ARYM – dans un conflit et des frictions pour le siècle à venir. Car il y a aura des documents qui seront publiés à l’étranger – par exemple des diplômes universitaires – avec le nom pour usage interne et nous entamerons des actions en disant qu’ils « enfreignent ou violent les accords»; eux diront que «c’est arrivé par erreur» et si aujourd’hui il est question de nous disputer sur le nom qui sera utilisé dans les organisations internationales, là nous aurons une dispute quotidienne qui nous mènera dans une impasse et qui ne fera qu’empirer la situation entre les deux Etats. Je leur dis que nous le faisons, j’insiste sur une appellation erga omnes, car nous voulons un accord qui sera stable sur le long terme et résoudra des problèmes au lieu d’en créer.
JOURNALISTE : L'un de ces problèmes est celui du nom. Sommes-nous plus près de «Gorna Macedonija»?
N. KOTZIAS : Il n’est pas question pour moi, maintenant, de discuter publiquement de l’état d’avancement de la négociation.
JOURNALISTE : Nous rapprochons-nous d’un nom ?
N. KOTZIAS : M. Nimetz a proposé cinq noms, l’un d’entre eux n’a pas été retenu. C’est un nom que les gouvernements grecs avaient accepté…
JOURNALISTE : Macédoine tiret (–) Skopje.
N. KOTZIAS : Non pas tiret, mais Skopje entre parenthèses (Skopje). C’est très différent du tiret. Le tiret est un nom, la parenthèse s’en va. Et avec l'utilisation, au niveau national, à l’intérieur du pays, de Macédoine seulement, pour certains qui aujourd’hui nous critiquent. S’agissant des quatre autres noms, il appartient au pays lui-même de choisir ce qu’il voudrait.
JOURNALISTE : Ce sera donc le nom que choisira Skopje.
N. KOTZIAS : Dès lors que ce nom a un qualificatif géographique composé, nous n’avons pas de problème. Mais ce qualificatif géographique doit aussi être à usage interne.
JOURNALISTE : La négociation porte sur sept points, si mes souvenirs sont bons. Il est clair que la Grèce ne peut pas les obtenir tous ?
N. KOTZIAS : On ne peut tout avoir dans aucune négociation qui n’est pas précédée par la victoire dans une guerre. Car l’autre partie ne vous donnera pas tout. Il faut qu’il y ait un compromis, que chaque partie obtienne ce qu’elle considère comme étant le plus important.
JOURNALISTE : Il y a aussi une question qui a été soulevée par un ancien premier ministre, M. Karamanlis. D’ailleurs c’est à moi qu’il avait fait la déclaration y relative sur la question de la nationalité. Que si la question de la nationalité ne change pas, il ne peut y avoir un accord. C’est sans doute plus important que le nom. Êtes-vous d’accord avec cette estimation?
N. KOTZIAS: J’imagine qu’il veut parler de l’identité. Car la nationalité, comme l’a dit M. Zaev, apparaîtra sur leurs passeports « ressortissants de la République untel ». Et donc ils seront ressortissants du nom qui aura été convenu. L’identité est une question d’auto-détermination, M. Skouris. Nous devons nous en rappeler, car nous ne devons pas violer les lois internationales si nous pensons que cela nous arrange quelque part.
JOURNALISTE : M. Voutsis avait dit que la question du nom pourrait être une occasion de remanier la scène politique dans le pays. Etes-vous d’accord ? Partagez-vous ce point de vue ?
N. KOTZIAS: Je vais vous dire mon point de vue en tant que Président de PRATTO, une organisation qui a participé aux bulletins de vote de SYRIZA et je suis toujours très reconnaissant de cette bonne coopération et entente.
JOURNALISTE : Qui se poursuivra?
N. KOTZIAS : Bien sûr, je ne vois pas pourquoi elle ne se poursuivrait pas. Voici ce que je pense: nous ne considérions pas le gouvernement qui aurait été créé en 2015 comme un gouvernement de gauche. J’ai aussi écrit un livre sur la question si vous vous souvenez. Nous le considérions comme un gouvernement de sauvetage. Et parce que c’était un gouvernement de sauvetage, il pourrait y avoir une coopération entre les forces de gauche et les forces populaires de droite.
Le gouvernement de la gauche pouvait venir une fois les problèmes, qui étaient les objectifs du gouvernement de sauvetage, résolus. Et si je dis cela c’est parce qu’à mon avis et compte tenu de mon expérience et de tout ce que j’ai pu apprendre dans ma vie, la nature d’un gouvernement n’est pas déterminée par les puissances qui y participent, mais par le type de problèmes qu’il résout. M. Lénine qualifiait même la révolution des Bolcheviks en 1905 de bourgeoise démocratique, non pas parce que la nature des Bolcheviks de ’17 a changé, [une nature] qui était, comme il l’a dit, socialiste, mais les tâches qu’il avait à résoudre, pour que le tsar s’en aille, qu’il institue un parlement, etc., celles d’une démocratie bourgeoise.
JOURNALISTE : A ce stade, je me vois contraint de vous poser une question. Vous estimez qu’une fois le pays sorti du mémorandum…
N. KOTZIAS : Que vous soyez contraint de poser une question ne veut pas dire que je suis obligé d’y répondre.
JOURNALISTE : Tout à fait. Je voulais vous demander: le mémorandum arrive à sa fin et, selon le premier ministre, un nouvel accord mémorandaire ne sera pas signé. Le pays acquiert un degré de liberté. La division gauche – droite revient sur le devant de la scène de manière encore plus déterminante – pour moi celle-ci a toujours été là. Et donc, avec le mandat parlementaire actuel prend également fin la coopération SYRIZA – ANEL.
N. KOTZIAS : Non. Nous en finissons avec le mémorandum et je pense que nous devons mettre en œuvre la politique de réhabilitation des classes ouvrières pauvres, de la dynamique de développement du pays et de leur revalorisation au niveau international, ce qui est toujours dans l’accord et l’entente entre ANEL et Synaspismos – SYRIZA.
JOURNALISTE: En d’autres termes, cela reste également après le départ de ce parlement.
N. KOTZIAS : Cela sera décidé plus tard, par les majorités qui se dessinent après le départ de ce parlement. Mais en ce qui concerne celui-là, je suis clair.
JOURNALISTE : Comment expliquez vous cette si grande participation aux manifestations et aux sondages. J’ai vu les derniers résultats de l’analyse PALMOS, 7 Grecs sur 10 se positionnent en faveur d’une solution mutuellement acceptable à la question du nom.
N. KOTZIAS : Ce sondage, que j’ai vu hier, est positif et montre un revirement de tendance vers une position plus réaliste. Je pense que si vous posez la question « souhaiteriez-vous que le pays au nord de la Grèce s’appelle ‘République centrale des Balkans’ ou plutôt ‘Macédoine untel’ », la réponse prévalant sera plutôt la première. La première est ce que l’on préfère, la seconde reflète le réalisme, ce que je dois et peut faire. Je pense que les évolutions avec la Turquie ces dernières semaines ont montré qu’il est grand temps de résoudre nos problèmes avec l’Albanie et l’ARYM.
JOURNALISTE : Au fait, où en sommes-nous avec l’Albanie? La presse écrit que la négociation a échoué, je vois plusieurs articles à ce sujet. Est-ce vrai ?
N. KOTZIAS: Je vais vous répondre au sujet de ces articles de presse qui disent que la négociation a échoué. Il y a un «problème» pour les journalistes grecs: le fait que le ministère des Affaires étrangères ne divulgue pas d’informations, que certains partis de l’opposition qui recevaient des documents et des informations du ministère des Affaires étrangères et les divulguaient n’ont pas accès. Car les employés du ministère des Affaires étrangères sont des diplomates, des experts et des juristes, ils sont à la hauteur des circonstances de l’époque, ils savent que nous mettons en œuvre une stratégie nationale très sérieuse, ils participent eux-mêmes à ces négociations et ils ne feraient rien qui puisse saper ces discussions.
S’agissant des négociations, je dirais que nous en sommes restés à une dernière question. Nous le voyons, nous avons les séances prochainement, comme le prévoit la Constitution du pays ami et selon la concertation entre M. Meta et le gouvernement de ce pays. Ils sont confrontés à une procédure interne difficile. Je pense que d’ici la fin du mois de mai, ils auront réglé concrètement et dans les formes les dernières questions demeurées en suspens. Vous savez, il s’agit de problèmes existant depuis 70 – 80 ans. Lorsqu’ils seront soumis au parlement pour discussion vous serez surpris de tout ce que vous entendrez et des inepties qui se disent des deux côtés.
JOURNALISTE : J’ai entendu qu’ils soulèvent de nouveau la question des chams par exemple.
N. KOTZIAS : Personne dans cette négociation n’a soulevé cette question. Nous n’avons pas accepté qu’une telle question soit soulevée dans cette négociation. Pour ce qui est des propriétés, les seules qui existent sont celles qui ont un rapport avec l’état de guerre. Techniquement, selon une interprétation, nous sommes encore en guerre avec l’Albanie. Tant que cet état de guerre n’est pas levé avec une légalité suffisante, les propriétés saisies restent entre les mains de l’Etat grec. Ces propriétés saisies concernent des propriétés qui ont été soumises à la garantie de l’Etat grec avec la déclaration de guerre par l’Italie et l’Albanie, qui étaient alors une monarchie unifiée, contre la Grèce. En d’autres termes, cela est d'avant guerre et ne concerne pas les Chams, qui sont les décisions des tribunaux d'après la guerre; et ces décisions sont définitives et irrévocables.
JOURNALISTE : Vous, une figure emblématique de la gauche, de la gauche communiste et plus tard de la gauche dans son ensemble, pourriez-vous être membre d’un gouvernement où la police protègerait la statue de Truman afin que celle-ci ne tombe pas?
N. KOTZIAS: Je pense que la police ne protégeait pas la statue de Truman afin qu’elle ne tombe pas, mais parce que' elle ne voulait pas créer un nouvel incident diplomatique, là où ce n’est pas nécessaire.
JOURNALISTE : Je crois que vous étiez très clair. Nous remercions le ministre des Affaires étrangères ?
JOURNALISTE : Oui, remercions-le.
N. KOTZIAS : Vous devez réfléchir à cette question ?
JOURNALISTE : Avons-nous une autre question ? Avons-nous oublié quelque chose ?
N. KOTZIAS : Je dois répondre ? Permettez-mois de vous remercier.JOURNALISTE : Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre participation et toutes les informations que vous nous avez fournies.
April 18, 2018