Le ministre adjoint aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis, envoie un message à la Turquie, à savoir que « aucun geste sur le terrain qui viole les droits souverains de la Grèce ne sera toléré », lors d’une interview accordée au journal « POLITICAL » et à la journaliste Dora Koutrokoï.
« La Grèce a montré dans la pratique qu'elle souhaite le dialogue et l’entente. Dans le même temps, la Turquie poursuit sa rhétorique tonitruante, ce qui ne passe pas inaperçu, rhétorique à laquelle la partie grecque répond. Une fois de plus, nous avertissons qu'aucun mouvement sur le terrain qui empiète sur les droits souverains de la Grèce ne sera toléré. C'est pourquoi nous restons vigilants. Nous observons et, si nécessaire, nous sommes toujours prêts à répondre aux provocations ». Il ajoute : « Si la Turquie veut une amélioration de ses relations avec la Grèce, elle doit le prouver dans la pratique, abandonner la rhétorique néo-ottomane et ne pas revenir aux provocations sur le terrain, et enfin montrer qu'elle respecte le droit international et le droit de la mer, ce qu'elle s'obstine à ne pas faire jusqu'à présent."
En ce qui concerne l'accord AUKUS, le ministre délégué aux Affaires étrangères a déclaré que « l'UE ne peut pas jouer le rôle d'un perdant ou d'une partie trompée, mais celui d'un protagoniste. Cet accord est un facteur décisif dans la définition de son rôle mondial. L'Europe doit faire face à des dilemmes majeurs et relever de nombreux défis. Mais notre réponse doit être unique et claire : Plus d'Europe, une Europe plus sûre, une Europe plus forte. Une Europe capable de jouer un rôle international et de faire entendre sa voix dans les affaires mondiales ».
Interrogé sur l'archevêque d'Amérique, il a souligné que « personne n'est au-dessus des critiques et les excuses de l'archevêque le prouvent ».
Interview intégrale
JOURNALISTE : Quel bilan dressez-vous du Sommet de l'ONU et finalement de la présence grecque ?
M. VARVITSIOTIS : La Grèce est désormais présente dans tous les forums internationaux. Et sa voix est entendue partout. Cela s'est manifesté il y a quelques jours, avec la réunion des ministres des Affaires étrangères et Européennes des Balkans occidentaux à Thessalonique et le sommet EUMED à Athènes. Maintenant, et de l'autre côté de l'Atlantique, le Premier ministre a clairement exposé à un public international tous les défis que l'Europe doit relever sur les questions du changement climatique, de l'autonomie stratégique, de la sécurité dans la région méditerranéenne et du respect du droit international.
JOURNALISTE : La présence de l'archevêque d'Amérique à l'inauguration de la « Maison turque » a-t-elle engendré un problème ?
M. VARVITSIOTIS : Le caractère œcuménique de l'orthodoxie va au-delà des positions nationales étroites. Toutefois, ses dirigeants doivent être prudents dans la gestion de ce rôle. Personne n'est au-dessus des critiques et les excuses de l'archevêque le prouvent.
JOURNALISTE : Le calme de l'été laisse-t-il présager un automne tout aussi calme quant à l'évolution des relations gréco-turques ?
M. VARVITSIOTIS : Les relations gréco-turques ne sont pas abordées avec des vœux pieux. Quant à savoir si un été calme, comme ce fut le cas cette année par rapport à 2020, conduira à un automne calme, cela reste à voir dans la pratique. Il ne fait aucun doute que nous voulons que le climat soit bon. Mais un bon climat se juge aux intentions, aux gestes, aux aspirations et à la sincérité de chaque partie. La Grèce a montré dans la pratique qu'elle souhaite le dialogue et l’entente. Dans le même temps, la Turquie poursuit sa rhétorique tonitruante, ce qui ne passe pas inaperçu, ni ne reste sans réponse du côté grec. Une fois de plus, nous avertissons qu'aucune action sur le terrain qui empiète sur les droits souverains de la Grèce ne sera tolérée. C'est pourquoi nous restons vigilants. Nous surveillons et, si nécessaire, nous sommes toujours prêts à répondre aux provocations.
JOURNALISTE : A votre avis, quelle est la raison de l'amélioration du climat de ces derniers mois ?
M. VARVITSIOTIS : Menacer d’imposer des sanctions à l’encontre d’Ankara, tant de la part de l’UE que des Etats-Unis, a contraint la Turquie à revoir son attitude sur le terrain. Cependant, en réalité, elle n'a jamais abandonné la pratique des provocations, comme le montrent les déclarations agressives répétées de hauts fonctionnaires turcs. Si la Turquie souhaite une amélioration de ses relations avec la Grèce, elle doit le prouver dans la pratique, abandonner la rhétorique néo-ottomane et ne pas revenir aux provocations sur le terrain, et enfin montrer qu'elle respecte le droit international et le droit de la mer, ce qu'elle s'obstine à ne pas faire à ce jour. Lors de ma rencontre à Bruxelles avec le commissaire chargé de l'Environnement, des Océans et de la Pêche, M. Sinkevicius, j'ai demandé que l'UE soit active, notamment sur la question de la pêche turque illégale. Il est temps pour l'Europe d'agir !
JOURNALISTE : L'Europe a-t-elle été prise au dépourvu, Monsieur le Ministre, sur la question de l'accord Etats-Unis-Royaume-Uni-Australie ? Y a-t-il de la place pour des réactions et à quel niveau ?
M. VARVITSIOTIS : S’agissant de l’accord AUKUS j’ai eu l’occasion d’échanger des vues dans le cadre du Conseil des Affaires générales. Il s'agit sans aucun doute d'un changement de donne sur la scène internationale. Il a créé une nouvelle scène mondiale. La réaction de la France montre qu'il y a eu surprise. L'inquiétude est également manifeste à Bruxelles. Mais il n'est pas nécessaire de réagir de façon impulsive. L'UE ne peut pas jouer le rôle d'un perdant ou d’une partie trompée, mais celui d'un protagoniste. Cet accord est un facteur décisif dans la définition de son rôle mondial. L'Europe doit faire face à des dilemmes majeurs et relever de nombreux défis. Mais notre réponse doit être unique et claire : Plus d'Europe, une Europe plus sûre, une Europe plus forte. Une Europe capable de jouer un rôle international et de faire entendre sa voix dans les affaires mondiales.
JOURNALISTE : La Chine est-elle une « menace » pour l'Europe également, comme elle semble l'être pour les États-Unis, du moins comme le suggèrent les derniers gestes de Biden ?
M. VARVITSIOTIS : L’objectif de cet accord est manifestement de freiner la Chine sur le plan économique, commercial et géopolitique. Pour les États-Unis, la Chine est un concurrent stratégique. Cela a toujours affecté le triangle Etats-Unis-UE-Chine. En effet, la Chine est le premier partenaire commercial de l'UE. L'UE est la zone économique la plus ouverte du monde, mais elle ne doit pas transiger sur ses valeurs et ses principes. La Grèce est un bon exemple de bonne coopération avec la Chine. Après les nouvelles circonstances, je crois que la stratégie de l'UE doit être flexible. La coopération lorsque cela est possible, la concurrence lorsque cela est jugé opportun, la confrontation lorsque cela est nécessaire.
JOURNALISTE : Craignez-vous que la question de l'Afghanistan soit oubliée au niveau de l'UE et qu'elle revienne de manière négative pour notre pays s'il y a des flux migratoires importants vers la fin de l'année et que l'Europe ne s'est pas suffisamment préparée ?
M. VARVITSIOTIS : La question de l'Afghanistan a été soulevée lors du récent sommet EUMED. Les pays du Sud ont envoyé un message clair : la vigilance est de mise et la réponse de l'Europe doit être rapide et décisive. La Grèce a clairement fait savoir que les flux de réfugiés de 2015 ne peuvent pas se répéter et que l’on ne peut plus penser en ces termes : « nous avons ouvert nos portes et vous attendons ». Il est désormais clair que les frontières grecques sont également européennes. Il ne suffit donc pas d'avoir une compréhension commune, mais aussi une approche commune. Il est également important, et il semble que la Turquie soit également d'accord à ce sujet, que les pays limitrophes de l'Afghanistan accueillent, en tant que pays de premier accueil, les Afghans qui quittent leur pays.
September 25, 2021