Interview accordée par le ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos au journal «ΤΑ ΝΕΑ» - Propos recueillis par le journaliste A. Ravanos (11.12.2018)

Interview accordée par le ministre délégué aux Affaires étrangères, G. Katrougalos au journal «ΤΑ ΝΕΑ» - Propos recueillis par le journaliste A. Ravanos (11.12.2018)JOURNALISTE : Quelle empreinte a laissé au gouvernement grec la visite du Premier ministre en Russie ?

G. KATROUGALOS  : Nous avons ravivé les relations bilatérales et avons jeté les bases de leur amélioration ultérieure, notamment au niveau économique et des relations entre les deux pays. L’année 2019 sera l’année de la Langue et de la Littérature Grèce – Russie.

JOURNALISTE : Quels sont les avantages pour la Grèce du dégel des relations Grèce – Russie ?

G. KATROUGALOS  : Tout d’abord, nous avons de nouveau confirmé que nous exerçons réellement une politique étrangère multidimensionnelle. Par ailleurs, d’importants accords interétatiques ont été signés et des synergies entre les entreprises grecques et russes ont été promues, notamment dans les secteurs agroalimentaire, naval et autres domaines cruciaux pour l’économie grecque. Les discussions sur les dossiers énergétiques étaient également importantes, notamment en rapport concernant l’extension européenne du TurkStream.

JOURNALISTE : Dans quelle mesure l’opposition de la Russie dans l’Accord de Prespès a-t-elle influencé la relation des deux pays.

G. KATROUGALOS : Les deux peuples s’apprécient mutuellement et il y a de bonnes relations interétatiques. La substance toutefois de la politique étrangère est déterminée par les intérêts nationaux. Le Premier ministre a exposé en détail le fait que l’Accord ne va pas à l’encontre des intérêts russes, ni n’est dicté – en ce qui nous concerne du moins – par des motifs autres que la nécessité de résoudre de manière mutuellement profitable un différend de longue date et de stabiliser la région des Balkans. J’estime que cette position qui est la nôtre a totalement été comprise tout comme la déclaration d’Alexis Tsipras qui a clairement dit que tant qu’il sera premier ministre la Grèce sera guidée par ses propres intérêts et non les pressions de tiers.

JOURNALISTE : Qu’attendez-vous de votre visite aux Etats-Unis ?

G. KATROUGALOS  : Les Etats-Unis sont un partenaire stratégique du pays. Nous aspirons à l’approfondissement et à la revalorisation de notre coopération dans le cadre de relations basées sur le respect mutuel dans le but commun de renforcer la sécurité et la stabilité dans notre région.

JOURNALISTE : L’objet de votre visite aux Etats-Unis ?

G. KATROUGALOS : Les Etats-Unis invitent peu de pays à un « dialogue stratégique », des pays importants pour la stabilité internationale. La qualité, néanmoins, la profondeur et l’ampleur de ce processus est inédit pour les Etats-Unis eux-mêmes. La différence fondamentale entre le « dialogue stratégique » et un Comité interministériel mixte est que le premier n’est pas seulement limité à des questions économiques, mais s’étend à l’ensemble des relations interétatiques, en mettant l’accent sur les intérêts géopolitiques communs, la sécurité et la défense. Cela ne veut pas dire que sa dimension économique n’est pas importante. Nous discuterons des questions énergétiques, du commerce et des investissements, en mettant l’accent sur l’innovation et les technologies de pointe. Nous voulons non seulement conserver, mais aussi donner une nouvelle impulsion à la dynamique très positive de l’Exposition internationale de Thessalonique.

JOURNALISTE : Que direz-vous au Secrétaire d’Etat américain, M. Pompeo ?

G. KATROUGALOS : Lors des discussions avec M. Pompeo et le Conseiller en matière de sécurité, M. Bolton, je mettrais en avant non seulement les questions nationales, mais aussi le rôle de notre pays en tant que fournisseur de sécurité et de stabilité en Méditerranée et dans les Balkans. Les initiatives de notre gouvernement sont tout aussi nombreuses que diverses, outre l’accord emblématique de Prespès. Je citerai à titre indicatif les modèles de coopération tripartites avec Chypre, Israël, l’Egypte, la Jordanie, le Liban et la Palestine et les modèles correspondants dans l’espace balkanique. Mais aussi la Conférence de Rhodes, qui aspire à créer un système local de sécurité en Méditerranée orientale et à laquelle participent 14 pays arabes et 8 pays de l’Europe du Sud-est. Ou encore la Conférence pour la protection des communautés culturelles et religieuses au Moyen-Orient. Ces initiatives viennent renforcer la stabilité dans la région et empêchent les efforts de tiers allant dans un sens contraire.

JOURNALISTE : Le rapprochement avec la Russie influe-t-il sur les relations gréco-américaines ?

G. KATROUGALOS : Non et c’est là que réside le fond de la politique multidimensionnelle. Notre Premier ministre l’a clairement affirmé à Moscou : l’UE est notre maison politique et nous sommes membres de l’OTAN. Toutefois, nous voulons être un pont de communication et de dialogue de l’Occident avec la Russie, dans le cadre de notre position selon laquelle il ne peut y avoir de système de sécurité européenne sans l’intégration de ce pays.

JOURNALISTE : Est-ce que la Grèce, entre Moscou et Washington, peut manœuvrer comme elle l’entend ?

G. KATROUGALOS : Bien entendu, dans les conditions que je viens d’évoquer. Et non seulement entre ces deux capitales. Nous essayons, et avons réussi dans une large mesure, de faire entendre notre voix en tant que facteur de paix et de stabilité.

JOURNALISTE : Est-ce que l’accord de Prespès est «mort»  après les récentes déclarations de Zaev ?

G. KATROUGALOS  : Bien au contraire. L’occasion a été donnée de clarifier certaines questions et de mettre en exergue l’importance de l’accord pour mettre définitivement fin à l’irrédentisme.

JOURNALISTE : Les provocations de Zaev sont constantes. La réponse d’Athènes ? Révise-t-elle sa position ?

G. KATROUGALOS  : Il y a effectivement eu des déclarations qui ne reflétaient pas l’esprit et la lettre de l’Accord et qui aurait pu être mal interprétées. Pour cette raison, un message fort a été envoyé au plus haut niveau, lors de ma rencontre avec le ministre des Affaires étrangères, N. Dimitrov, mais aussi de la part de M. Nimetz. J’ai soulevé la question également lors des contacts que j’ai eus avec le SG de l’OTAN, M. Stoltenberg et Mme Mogherini mais aussi lors des réunions ministérielles de l’UE et de l’OTAN. Le message a bien été reçu. Bien naturellement, nous continuons de suivre étroitement les évolutions, notamment la mise en œuvre finale de la révision et je vous assure que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour appliquer pleinement les dispositions de l’Accord.

December 11, 2018