Interview accordée par le ministre délégué aux Affaires étrangères Miltiadis Varvitsiotis au journal « Apogevmatini tis Kyriakis » et à la journaliste Katerina Tsamouri (12.02.2023)

« La Grèce et les héros de l'EMAK (Unité spéciale de lutte contre les catastrophes) ont prouvé dans la pratique que l'humanité n'a pas de frontières », a souligné le ministre délégué aux Affaires étrangères Miltiadis Varvitsiotis lors d’une interview accordée au journal « Apogevmatini tis Kyriakis » et à la journaliste Katerina Tsamouri. Se référant à la question migratoire, il a souligné qu'avec ses récentes décisions sur le renforcement de la surveillance des frontières extérieures de l'UE, le Conseil européen reflète désormais davantage les positions de la Grèce que par le passé. En ce qui concerne les élections, il a déclaré que « nous demandons un mandat fort pour aller encore plus loin, en construisant une Grèce forte et autonome ».


Intégralité de l’interview :

Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez réalisé l'ampleur de la tragédie ? Pensez-vous que la « diplomatie du séisme » fera baisser le ton dans les relations gréco-turques ?

La nouvelle du tremblement de terre meurtrier en Turquie et en Syrie nous a tous choqués, tout comme l'image saisissante de milliers de morts, de disparus et de sans-abri. C'est une tragédie incroyable. Le peuple grec et notre gouvernement ont fait preuve d'humanité et de solidarité dès les premiers instants. Avec le Premier ministre lui-même, nous nous sommes immédiatement mobilisés. La Grèce et les héros de l'EMAK ont prouvé en pratique que l'humanité n'a pas de frontières. Nous avons fourni une aide humanitaire afin de soutenir des milliers, voire des millions, de personnes qui se retrouveront sans abri.  Bien qu'à ce stade, la priorité soit de panser les plaies, l'existence humaine et non la politique, c'est néanmoins une bonne occasion pour moi de réaffirmer que la Grèce souhaite entretenir des relations de bon voisinage avec la Turquie. Malheureusement, même s'il s'agit d'un événement catastrophique, c'est une bonne occasion pour les dirigeants turcs de réfléchir et de se rendre compte que la rhétorique et les menaces provocatrices peuvent facilement être réduites à néant par un événement naturel.

Jeudi, vous avez accompagné le Premier ministre au sommet. Qu'a obtenu la Grèce en matière de migration ?

Les dirigeants européens ont envoyé un message fort de solidarité aux personnes touchées par les tremblements de terre meurtriers. Dans le même temps, ils ont confirmé leur volonté de continuer à soutenir l'Ukraine, qui continue à subir les lourdes conséquences de l'invasion russe. En ce qui concerne la question migratoire, la Grèce s'est exprimée de manière opportune sur la nécessité de mettre en œuvre une politique migratoire globale dont le cœur est la solidarité entre les États membres, un système coordonné de gestion des frontières et les retours dans les pays d'origine. Le Conseil européen a fait un pas décisif dans cette direction et place désormais la gestion des frontières extérieures de l'UE et la prévention de l'immigration irrégulière au centre de la politique européenne. Ses décisions récentes sur cette question reflètent désormais plus les positions grecques que par le passé.

Deux naufrages avec des migrants morts à Leros et Lesbos en deux jours. Les trafiquants envoient des âmes innocentes à la mort. Comment la Grèce fait-elle face à cette situation et que va faire l'UE ?

Aucun État européen moderne ne peut tolérer ce trafic inhumain, dont les victimes sont principalement des femmes sans défense et de jeunes enfants. Nos forces armées et la police d'Evros, ainsi que les garde-côtes de la mer Egée, mènent un difficile combat quotidien contre l'immigration clandestine et les réseaux de trafiquants sans scrupules qui exploitent l'agonie des persécutés, mettant en danger la vie humaine par leurs pratiques odieuses. Nous avons réussi, dans des conditions difficiles, à sauver de nombreuses vies humaines et nous continuerons à le faire. Notre tolérance à l'égard de ces phénomènes est nulle et, en tant que gardiens des frontières non seulement de la Grèce, mais aussi de l'Europe, nous poursuivrons nos efforts pour les prévenir.

M. Menendez a donné le feu vert à la vente des chasseurs F-35 de 5ème génération à la Grèce. D'autres sénateurs philhellènes disent « non » à la vente de F-16 à la Turquie. Comment l'équilibre des forces changera-t-il s'ils obtiennent les combattants et comment changera-t-il s'ils ne les obtiennent pas ?

Lorsque la Nouvelle Démocratie et Kyriakos Mitsotakis ont pris le pouvoir, la Turquie était impliquée dans le programme des F-35. Aujourd'hui, cette situation s'est inversée, puisque nous avons déjà demandé à rejoindre ce programme, alors que la Turquie tente désespérément de rejoindre le programme F-16, au moment où le projet de modernisation de nos F-16 est en cours.  En quelques années, nous avons réussi à changer l'équilibre des forces dans la mer Égée. La principale préoccupation de notre gouvernement est d'armer substantiellement la défense du pays et d'accroître sa capacité de dissuasion.

En conclusion, comme nous sommes déjà dans une période électorale informelle, j'aimerais connaître votre évaluation (succès et erreurs) du travail du gouvernement et quels sont vos objectifs en cas de réélection ?

De 2019 à aujourd'hui, notre gouvernement a réalisé beaucoup de choses. Bien sûr, nous ne disons pas que nous avons résolu tous les problèmes. Nous voulons maintenant franchir les prochaines étapes décisives, pour lutter contre la cherté des prix, pour de meilleurs salaires, pour des emplois plus nombreux et décents, pour renforcer encore l'État-providence, en mettant l'accent sur les femmes et les personnes économiquement les plus faibles. Et je le sais très bien grâce à mes contacts quotidiens avec les citoyens de l’ouest d'Athènes. Lors des élections nationales, nous demandons un mandat fort pour aller encore plus loin, en construisant une Grèce forte et autonome.

February 12, 2023