Propos recueillis par le journaliste Vangelis Giakoumis
« Si la Turquie souhaite entretenir une relation sincère et harmonieuse avec l’UE, elle devra renoncer à ses stratagèmes et procéder de façon tangible à une désescalade des tensions qu’elle a, elle-même, provoquées », a, entre autres, signalé le ministre délégué aux Affaires étrangères, Miltiadis Varvitsiotis dans une interview accordée au journal « Vradini » - édition du dimanche - et au journaliste Vangelis Giakoumis.
Il indique également que « la position immuable de la Grèce est que nous sommes ouverts au dialogue, conformément aux principes du droit international, sur le seul différend que nous avons avec la Turquie : la délimitation des zones maritimes. Bien évidemment, une condition indispensable à la reprise des contacts exploratoires est la volonté tangible de la part de la Turquie en faveur du dialogue, laquelle devra dans le même temps renoncer de manière permanente et pas occasionnelle à ses actions provocatrices et illégales en Égée et en Méditerranée orientale ». Et il a ajouté que « nos positions nationales sont claires et non négociables ».
Veuillez trouver ci-dessous le texte intégral de l’interview :
Monsieur le ministre, ces derniers temps les provocations de la Turquie se sont intensifiées à travers l’émission continue de nouveaux messages Navtex. On voit que chaque fois que le Président Turc surmonte l’obstacle d’une réunion au sommet, il continue sur sa lancée. Jusqu’où ira cette situation ?
La partie grecque ne relâche pas sa vigilance au niveau opérationnel, mais aussi diplomatique. Les provocations turques n’ont jamais réussi à nous faire dévier de nos objectifs immuables dans le domaine de la politique étrangère. Le choix du gouvernement de mettre en avant la dimension européenne du problème s’est avéré catalyseur ; il a placé le débat sur les provocations turques dans le contexte de l’UE et a transféré la responsabilité d’une désescalade effective à Ankara. Lors du dernier Conseil européen, l’UE a décidé de procéder à une réévaluation globale de sa relation avec la Turquie sur la base d’un plan stratégique et d’un calendrier bien défini. Désormais, si la Turquie souhaite entretenir une relation sincère et harmonieuse avec l’UE, elle devra renoncer à ses stratagèmes et procéder de manière tangible à la désescalade des tensions qu’elle a, elle-même, provoquées.
Au cours de la même période, on assiste aussi à un changement de cap de Macron qui se rapproche de Merkel, cette dernière étant celle qui ne veut pas imposer des sanctions à la Turquie, ce qui a comme conséquence l’incapacité de l’UE de réagir fermement aux provocations.
L’UE est appelée à assumer un nouveau rôle de responsabilité qui devra être à la hauteur du système de ses principes et valeurs et adapté aux nouvelles circonstances volatiles en Méditerranée orientale. Les provocations turques constituent une menace pour la sécurité dans la région élargie mais aussi pour la crédibilité elle-même de l’UE. Et cela est désormais bien clair au sein de l’UE. Le Président Macron a d’ores et déjà parlé de la nécessité d’approfondir « l’autonomie stratégique » de l’UE, tandis que la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a récemment déclaré que « la Turquie est près de nous sur la carte mais elle s’éloigne constamment ». La gestion des provocations turques au sein de l’UE déterminera ses orientations stratégiques pour l’avenir. Quoi qu’il en soit, la Grèce joue un rôle de premier plan dans ce parcours, tout comme dans le débat qui débutera en 2021 sur l’Avenir de l’Europe.
L’opposition accuse le gouvernement de faire des concessions. Que répondez-vous à cela ?
La position immuable de la Grèce est que nous sommes ouverts au dialogue, conformément aux principes du droit international, sur le seul différend que nous avons avec la Turquie : la délimitation des zones maritimes. Bien évidemment, la condition indispensable à la reprise des contacts exploratoires est la volonté tangible de la part de la Turquie en faveur du dialogue, laquelle devra dans le même temps renoncer de manière permanente et pas occasionnelle à ses actions provocatrices et illégales en Égée et en Méditerranée orientale. Nos positions nationales sont bien définies et non négociables. Les stratagèmes à effet médiatique visant à servir les intérêts des partis politiques n’ont pas de place dans la politique étrangère […] Face aux provocations permanentes, l’unanimité nationale et un front national uni sont indispensables.
Êtes-vous préoccupé par la nouvelle stratégie d’Erdogan à l’égard de la question des réfugiés ?
L’instrumentalisation des flux migratoires par la Turquie sur notre frontière à Evros en mars dernier était une « attaque hybride » contre laquelle le gouvernement a lutté avec efficacité et détermination, ce qui est qualifié de positif en Europe. La Grèce est depuis lors parvenue avec succès à surveiller aussi ses frontières maritimes en coopération avec FRONTEX. La coopération entre les agences nationales et européennes dans la surveillance des frontières grecques l’année dernière constitue une réponse globale aux menaces hybrides et réelles.
Est-ce que le gouvernement a géré la question de la pandémie de la manière dont elle devrait le faire ?
La gestion de la pandémie est une entreprise titanesque non seulement nationale mais aussi européenne. Le gouvernement de Mitsotakis a d’ores et déjà entrepris de manière coordonnée toutes les actions nécessaires à tous les niveaux : fourniture de vaccins, renforcement du Système national de santé, soutien aux professionnels affectés par la pandémie. Nous suivons les instructions des spécialistes et appliquons les mesures appropriées. Des mesures nécessaires, proportionnelles et ciblées dans la mesure du possible en vue de lutter contre la deuxième vague et parvenir à s’en sortir avec succès comme on l’a fait lors de la première vague de la pandémie. Apparemment, la lutte contre la deuxième vague qui s’avère plus forte, comportait de nouvelles données qui mettent à l’épreuve le système de santé et les citoyens eux-mêmes. Nous ne pouvons pas passer outre l’augmentation du nombre de personnes intubées en réanimation, mais aussi du nombre de décès. Il paraît par ailleurs que d’après les dernières données statistiques il y a un recul de la pandémie ce qui nous rend optimistes pour l’avenir. A condition de fêter Noël cette année en famille. Plus nous ferons attention, plus vite nous retournerons à la normalité. Je voudrais également lancer un appel aux citoyens pour se faire vacciner : ce n’est pas le vaccin en soi qui sauve la vie, mais la vaccination !
Les frontières avec la Grande Bretagne se ferment de nouveau à cause de la pandémie. Qu’est-ce que cela signifie vu aussi le Brexit imminent ?
La situation en Grande Bretagne est extrêmement difficile à cause de la mutation du virus. Cela, combiné au Brexit, peut provoquer de multiples remous. Le gouvernement s’est préparé d’emblée, du point de vue législatif et administratif, pour protéger les intérêts de notre pays et des citoyens grecs contre les conséquences du Brexit.
S’agissant de la pandémie, nous avons d’ores et déjà pris les premières mesures en prolongeant la durée de la quarantaine de 7 à 10 jours pour les personnes entrant en Grèce en provenance du Royaume-Uni, lesquelles devront également se soumettre à des tests rapides de dépistage du Covid-19. Nous ne pourrons en aucune manière mettre en danger la santé publique.
Sans aucun doute, la pandémie change tous les aspects de notre vie. Pour lutter contre la pandémie, faut-il, après le vaccin qui – espérons-nous – aura un effet positif, que l’on reparte de zéro et que le gouvernement, doté d’un nouveau mandat, recommence sur de nouvelles bases?
Actuellement, notre priorité majeure est de vaincre le virus. Et de veiller à ce que les Grecs sortent sains et forts de cette aventure afin que nous puissions en tant que pays, le jour d’après la pandémie faire redémarrer de pied ferme nos activités au niveau économique et social.
Telle est la reprise essentielle dont la Grèce a besoin et sur laquelle on doit actuellement axer notre attention. Par ailleurs, le pays dispose d’un outil précieux à cette fin, et cela est le Fonds de relance donnant accès à l’enveloppe de 72 milliards d’euros. Un nouveau mandat n’est pas nécessaire. Il y a un seul mandat depuis les élections de 2019 et c’est un mandat permanent. Actuellement, notre priorité est le pays. Il existe par ailleurs une relation de confiance entre le gouvernement et notamment entre le Premier ministre et le peuple grec. Et nous n’allons pas trahir cette confiance.
December 24, 2020