Interview accordée par le ministre délégué aux Affaires étrangères, M. Varvitsiotis à ethnos.gr et à la journaliste Katerina Kokkaliari (07.11.2021)

« La Grèce n'a pas peur de parler, mais elle n'a pas non plus peur de répondre si nécessaire », a souligné le ministre délégué aux Affaires étrangères Miltiadis Varvitsiotis dans une interview accordée à ethnos.gr et à la journaliste Katerina Kokkaliari. En particulier, il a indiqué « ce n'est pas nous qui recherchons la tension. Mais si quelqu'un empiète sur nos droits souverains et notre souveraineté nationale, il doit savoir qu'il trouvera la réponse appropriée. Nous sommes prêts à tout ».

Concernant la provocation turque continue, M. Varvitsiotis a déclaré que « la Grèce répond en se protégeant. Nous fortifions notre pays tant sur le plan de l'armement que sur le plan diplomatique, au niveau européen et international, grâce à un réseau d'alliances étendu et à plusieurs niveaux ».

Le ministre délégué aux Affaires étrangères s’est également référé à la nouvelle situation créée suite à la démission de Z. Zaev en tant que Premier ministre de la Macédoine du Nord. « S'il y a un retour à une rhétorique nationaliste qui renverse l'acquis de l'accord de Prespa, cela conduira à une redéfinition de notre position nationale quant au soutien du processus d’élargissement », a-t-il noté. « La Grèce croit au processus d'élargissement vers les Balkans occidentaux. Pour nous, l'intégration géographique de l'UE est une politique nationale », souligne-t-il, tout en ajoutant que « le retour de nos voisins à un passé nationaliste balkanique ne fera que leur nuire ».

Texte de l’interview :

QUESTION : La partie turque a récemment entretenu le climat de tension par des déclarations incendiaires et des actions spécifiques dans la région de la Méditerranée orientale. Compte tenu de ces faits, quel est votre degré d'optimisme quant à l'évolution du dialogue gréco-turc ?

M. VARVITSIOTIS : La Grèce a démontré de manière concrète qu'elle recherche le dialogue et la coopération avec tous les Etats de la région, y compris la Turquie. C'est pourquoi elle participe aux contacts exploratoires. Toutefois, la poursuite du comportement provocateur de la Turquie risque non seulement de compromettre ce processus, mais constitue également une menace pour la paix et la sécurité dans la région. La Grèce a clairement indiqué que pour qu'un dialogue soit significatif et sincère, il doit être fondé sur le respect des règles du droit international et du droit de la mer. Des principes que le comportement de la Turquie semble remettre en question et violer systématiquement. La Grèce n'a pas peur de parler, mais elle n'a pas non plus peur de répondre si nécessaire. Ce n'est pas nous qui recherchons la tension. Mais si quelqu'un empiète sur nos droits souverains et notre souveraineté nationale, il doit savoir qu'il trouvera la réponse appropriée. Nous sommes prêts à tout.

QUESTION : Face à la provocation croissante de la Turquie, la Grèce répond par une série d'accords de défense (par exemple avec la France et les Etats-Unis). Quelles seront les prochaines étapes du gouvernement dans cette direction ?
M. VARVITSIOTIS : Il est clair que les accords de défense de la Grèce avec la France et les États-Unis ont provoqué l'irritation de la Turquie, ce qui, combiné à la situation interne chez le voisin, a fait monter le niveau d'irritation. La Turquie n'est pas un voisin facile. C'est un voisin imprévisible. En outre, chaque fois que la Turquie subit une pression interne, elle exporte la crise vers la crise gréco-turque. Face à la provocation constante de la Turquie, la Grèce répond en se protégeant. Nous fortifions notre pays en termes d'armement, mais aussi sur le plan diplomatique, au niveau européen et international. Jamais auparavant la Grèce n'a disposé d'un réseau d'alliances aussi étendu et multi-niveaux en Europe, qu'avec les pays du Sud dans le cadre d'EuMed, avec les États-Unis et avec des pays de la région élargie - par le biais d'accords bilatéraux ou d'arrangements trilatéraux et quadrilatéraux - tels que l'Égypte, Chypre, Israël, les Émirats arabes unis et, plus récemment, l'Arabie saoudite. Il s'agit d'un chapitre important de notre politique étrangère, qui est constamment mise à jour.

QUESTION : Au Parlement, vous avez évoqué les développements en Macédoine du Nord, soulignant qu'un retour à la rhétorique nationaliste conduira à une redéfinition de notre position nationale en faveur du processus d'élargissement. Essentiellement, en cas de non-adhésion à l'accord de Prespa, peut-on s'attendre à un veto grec sur la voie de l'adhésion de la Macédoine du Nord à l'UE ?

M. VARVITSIOTIS : La Grèce croit au processus d'élargissement vers les Balkans occidentaux. Pour nous, l'intégration géographique de l'UE est une politique nationale. C'est la Grèce qui a récemment donné aux pays de la région l'occasion de faire entendre leur voix à Thessalonique dans le cadre du dialogue sur l'avenir de l'Europe. Les ministres des Affaires étrangères et européennes des pays des Balkans occidentaux ont répondu à mon invitation à participer à cette conférence. Après la démission de Zaev en tant que Premier ministre de Macédoine du Nord, une nouvelle situation a évidemment été créée. Mon intervention au Parlement a envoyé un message clair à nos voisins. S'il y a un retour à une rhétorique nationaliste qui renverse l'acquis de l'accord de Prespa, cela conduira à une redéfinition de notre position nationale quant au soutien du processus d'élargissement. J'ai également rappelé que l'une des conditions inconditionnelles énoncées dans le cadre de négociation est la mise en œuvre fidèle et correcte de toutes les dispositions de l'accord de Prespa. Nous ne jouons pas avec les mots. Nous ne menons pas une politique étrangère à des fins politiques internes. Nous ne tenons pas un discours à l'intérieur et un autre à l'extérieur. La Grèce n'est pas un obstacle à la perspective européenne de nos voisins. La Grèce a montré la voie, elle offre l'itinéraire européen. Leur retour à un passé nationaliste balkanique ne fera que leur nuire.

QUESTION : Une conférence sur la Libye se tiendra à Paris, avec la participation de la Grèce. Qu'attend la partie grecque sur ce « front », notamment en ce qui concerne le protocole d'accord turco-libyen ?

M. VARVITSIOTIS : La Grèce, en tant que pilier de la stabilité dans la région au sens large, reste attachée aux principes de respect du droit international et de bon voisinage. Dans le même temps, elle se réjouit d'établir des relations qui favoriseront la coexistence pacifique, la croissance et la coopération et travaille systématiquement dans ce sens. Après tout, les défis de notre époque, tels que l'environnement, le changement climatique, la suffisance énergétique, la croissance verte et autres, appellent une volonté commune et, surtout, une action conjointe pour les relever. La Grèce a la même attente à l'égard de la Libye. Nous soutenons la Libye et nous espérons que ce pays, après les souffrances qu'il a endurées, sera bientôt en mesure de prendre un nouveau départ, avec l'aide de la communauté internationale et, bien sûr, sur la base de la légitimité internationale. C'est précisément dans le cadre de la légitimité internationale que l’« accord turco-libyen » n'a pas sa place. Il est nul et non avenu et n'a aucune validité. Nous attendons de notre amie la Libye qu'elle le comprenne et qu'elle agisse en conséquence. Quant à la Conférence de Paris, qui se tient à l'initiative du président français Emmanuel Macron, Chypre y sera présente. Ayant été à Nicosie la semaine dernière pour les célébrations de la fête nationale, je peux vous assurer que la Grèce et Chypre font front commun contre les défis. Si la Turquie, qui a été invitée, ne participe pas à la conférence, au motif que la Grèce et Chypre y participent, elle n'obtiendra qu'un isolement international.

QUESTION : L'une des questions les plus cruciales pour le gouvernement est l’évolution de la pandémie. Devons-nous nous attendre à des mesures supplémentaires si nous avons des cas « record » négatifs dans la période à venir ?

M. VARVITSIOTIS : La pandémie ne se prête pas à un débat partisan mesquin et ne devrait pas faire l'objet d'une exploitation politique. Ceux qui tentent de tirer des avantages politiques, notamment l'opposition, sapent l'effort national. Nous nous intéressons à la vie des citoyens. Tous les efforts visent à limiter l'impact de la pandémie et à augmenter la proportion de personnes vaccinées. Avec le Premier ministre en tête, nous envoyons chaque jour le message « faites-vous vacciner ». Surtout à ceux qui insistent pour ne pas se faire vacciner par peur ou par doute. La vaccination sauve des vies. Bien sûr, il y a ceux qui refusent obstinément. En tant que gouvernement, nous avons l'obligation de protéger tous les citoyens. Les mesures prises ne sont pas punitives, elles sont nécessaires pour le bien collectif. À la fin de cette épreuve, nous devons tous sortir gagnants, sans exception.

November 7, 2021