Propos recueillis par le journaliste, P. Tzenos
P. TZENOS: Nous avons en ligne le ministre des Affaires étrangères, M. Nikos Dendias qui, j’imagine, à partir du moment où il a assumé ses nouvelles fonctions, doit avoir beaucoup de travail et un travail très sérieux.
Monsieur le ministre, bonjour. Commençons par les bonnes nouvelles… .
Hier, vous avez eu une rencontre avec le Pape. Mais je pense qu’il ne s’agissait pas seulement d’une rencontre à caractère religieux.
N. DENDIAS : Pas du tout. La visite au Vatican n’était pas à caractère religieux. Elle a été effectuée au niveau de deux autorités de l’Etat, du Pape et du Substitut pour les Affaires générales à la Secrétairerie d'État et du ministre des Affaires étrangères.
Nous ne nous intéressons pas à l’aspect religieux, cela ne relève pas de notre responsabilité, de la responsabilité du ministère des Affaires étrangères. Ce qui nous intéresse est l’expérience du Vatican et ses points de vue ainsi que l’influence exercée par ce dernier dans des régions bien spécifiques. Et je ne vous cache pas qu’une partie de notre discussion a porté sur la région élargie des Balkans occidentaux et notamment sur des pays, tels que la Bosnie-Herzégovine et la Croatie où le Vatican a des racines et à l’égard desquels le Vatican entreprendra probablement une initiative dans les mois à venir.
P. TZENOS : Avez- vous abordé la question migratoire monsieur le ministre ?
N. DENDIAS : A l’égard de la question migratoire, il faut signaler, en principe, que le Pape a un souvenir vivace de sa présence à Lesbos. En outre, la question migratoire est un dossier à l’égard duquel l’église catholique tout comme l’église orthodoxe – pour parler franc – ont manifesté un intérêt humanitaire. Une partie toutefois de la discussion a aussi porté sur l’aspect politique de la question migratoire, à savoir sur la manière dont la Turquie gère cette question. Autrement dit sur le fait qu’elle tente d’utiliser, sous certaines conditions, cette question comme un moyen de pression pour toutes ces choses, et on devrait parvenir à une entente à l’égard de tout cela.
P. TZENOS : Je pense qu’il s’agit là d’une bonne occasion car cette relation entre la Grèce et le Vatican n’a pas beaucoup progressé alors que c’est une relation qui pourrait influer sur l’état des choses.
N. DENDIAS : Vous avez bien raison de dire que le Vatican ne doit pas être seulement considéré comme étant une église. On doit le voir clairement comme ce que j’ai tout à l’heure dit. L’Etat du Vatican dispose d’un réseau énorme et étendu. Ses ambassades ne sont pas son seul réseau. Par conséquent, il dispose de l’expérience accumulée, des informations et d’un certain poids. Ce serait une grande erreur de négliger cela. Nous sommes des chrétiens orthodoxes. Notre église ne cherche pas à jouer un rôle séculaire de la sorte, cela n’est pas son objectif et ne fait pas partie de sa culture. On parle ici d’un autre phénomène religieux et d’un autre phénomène propre à l’Etat. On doit le concevoir et l’utiliser en son sens noble.
P. TZENOS : Abordons maintenant monsieur le ministre les questions brûlantes puisque le ministère des Affaires étrangères est chargé des questions très délicates qui ont, heureusement ou malheureusement, toujours un impact sur l’intérieur du pays. On ne le comprend toutefois pas tout de suite. J’aimerais que l’on commence par ce qui se passe en Turquie. Il semble que les choses changent, elle renonce à l’usage des armes, préférant la voie diplomatique.
J’aimerais toutefois écouter votre point de vue et je dis cela dans le sens où notre pays est un pays qui, dans sa politique étrangère, dispose d’un statu quo bien précis, il respecte les règles internationales et les invoque, contrairement à la Turquie.
On a vu ce qui s’est passé avec l’invasion à la frontière de la Syrie et on voit aussi les déclarations de M. Erdogan qui revient sur une question qu’il avait soulevée ici d’une manière très insultante lorsqu’il avait visité notre pays sous le gouvernement de SYRIZA, la question du traité de Lausanne.
M. Erdogan revient tout le temps sur cette question, et, bien évidemment, à l’occasion des développements qui surviennent là-bas, à la frontière, puisque le Traité de Lausanne ne concerne pas seulement la relation de la Grèce avec la Turquie mais aussi en général les frontières dans la région en question. Tout ce discours vous inquiète-t-il ?
N. DENDIAS : Je vais vous répondre. Tout d’abord cela ne nous plaît pas. La Grèce est contre la révision des traités, en général. On pense que le monde souffre, et pour ce qui est des Balkans, il ne faut même pas en discuter. La dernière chose à faire serait de réviser le cadre existant et de commencer à le détruire nous-mêmes. Ce serait la recette infaillible du désastre. En outre la Grèce, et je me réfère au gouvernement de Mitsotakis, veut garder les canaux de communication ouverts avec la Turquie aussi, pour que nous soyons clairs à cet égard. Bien évidemment, il condamne clairement les actions turques inacceptables lorsque celles-ci dépassent les limites ou se heurtent au droit international. Notre position à cet égard est toujours claire. D’autre part toutefois, la Turquie est notre voisin et on doit toujours garder ouverts les canaux de communication avec notre voisin. Par conséquent, en ayant comme cadre de référence le droit international, la Grèce essaye de faire en sorte que la Turquie se rapproche de ce cadre de référence, en lui expliquant par tous les moyens et sur tous les tons, que la Grèce ne veut pas la militarisation, elle ne veut pas la montée des tensions. Elle respecte les positions turques qui sont raisonnables et rejette complètement celles qui vont à l’encontre du droit international et des traités existants.
P. TZENOS : J’imagine – la question est plutôt rhétorique – que vous êtes au courant des déclarations de votre homologue, du ministre des Affaire étrangères de la Turquie, M. Cavusoglu, qui une fois de plus hier, considérant apparemment que le front en Syrie a fermé, revient sur celui de la Méditerranée.
Il a affirmé que l’intention d’Ankara était de procéder à des travaux de forage en Méditerranée orientale, pour protéger, dit-il, ses intérêts et il est allé un peu plus loin. Il a dit que nous, dans cette région, la région de la Méditerranée orientale, en envoyant notre deuxième perceuse, avons montré au monde que nous allions protéger nos intérêts, exprimant ainsi la position immuable de la Turquie, à savoir que la partie chypriote turque était en train de mener des travaux de forage de manière unilatérale. En d’autres termes, il a relancé la discussion qui demeure, d’après ce que je vois, bien vivante. Ce n’est pas une discussion qui est close.
N. DENDIAS : Tout d’abord, la Grèce n’est pas un pays qui veut exclure la Turquie de la mer qui l’entoure. Ce que dit la Grèce est que la Turquie doit respecter le droit international. C’est ce qu’elle lui dit. La Grèce réagit de manière ferme lorsque la Turquie dépasse les limites du droit international. Il faut que nous soyons clairs à cet égard. La Grèce n’est pas un pays qui veut l’exclusion de la Turquie. Elle n’est pas un pays « anti-turc ». Notre politique, nos alliances, nos partenariats tripartites ne vont pas à l’encontre de la Turquie. Nous voulons entretenir de bonnes et amicales relations avec tous les pays. Par ailleurs tel a été le dogme de la politique étrangère turque. Vous vous souviendrez de Davutoglu. « Aucun problème à nos frontières », dogme qui s’est transformé « en problèmes à toutes nos frontières ».
Telle est la manière dont la Grèce voit les choses et cette dernière a expliqué cela de manière claire à la Turquie. Autrement dit, la Turquie est probablement en proie à un sentiment d’insécurité et considère, pour des raisons qu’elle seule ne connaît et que nous ne comprenons pas, que la Grèce veut l’exclure de l’exercice de ses droits légitimes.
Toutefois, ses droits légitimes relèvent du droit international. La Turquie actuellement viole les droits légitimes de la République de Chypre. Telle est la vérité. Qu’est-ce que l’on peut faire maintenant ? Faut-il tout chambouler ?
Par conséquent, si la Turquie veut que le droit international soit appliqué, la Grèce et notamment le gouvernement de Mitsotakis seront le meilleur interlocuteur qu’elle puisse avoir, car ce gouvernement partage ce point de vue. Nous sommes tout à fait contre la militarisation. Je vous le dis de manière claire.
P. TZENOS : Je vois ce que vous dites.
N. DENDIAS : Parce que des avions de chasse grecs sont allés probablement à Chypre. Vous le savez, cela s’est passé ces derniers jours.
P. TZENOS : Certainement.
N. DENDIAS : Cela s’intègre dans le cadre d’un exercice prévu depuis longtemps. La Grèce n’a pas recours aux armes, si personne ne la provoque. Soyons clairs à cet égard. La Grèce est contre la militarisation. Tout à fait contre.
P. TZENOS : Le problème est, toutefois, que la Turquie monsieur le ministre – et vous le savez très bien car il ne s’agit pas d’une politique exercée au cours des dernières années mais d’une politique étrangère datant depuis très longtemps – ne respecte pas le droit international et crée des conditions de facto. Des conditions auxquelles par la suite elle essaye de conférer une validité juridique. En ce moment, des actions de facto sont entreprises à Chypre. Comment est-ce que la partie grecque réagira à cet égard ?
N. DENDIAS : Les activités illégales ne créent aucune situation de jure ou de facto, sauf dans le cas d’une occupation physique. C’est-à-dire ce que la Turquie a fait d’une manière inacceptable et illégale dans les territoires de la République de Chypre.
Toutefois, je vous dis franchement, est-ce que ce comportement – je le dis en tant qu’interlocuteur sincère de la partie turque – aide au bout du compte la Turquie ?
Combien lui a coûté tout cela ? Combien a souffert le peuple turc dont l’économie doit être renforcée ? Combien d’efforts a dû consentir le peuple turc afin que la Turquie mène toutes ces activités inutiles ? Ne serait-il pas plus simple d’essayer de parvenir à une entente ? Mais franchement, cela ne serait-il pas beaucoup plus simple pour nous tous ?
Autrement dit, à quoi servent toutes ces violations en Egée ? Est-ce qu’elles contribuent à quelque chose ? Créent-elles un précédent juridique ? Acceptons-nous quelque chose ? Nos avions de chasse interceptent ceux de la Turquie, nous gaspillons tous deux des carburants. Nos appareils deviennent usés. Est-ce que tout ce effort, pour ainsi dire, visant à faire monter les tensions, contribue à quelque chose ? Il ne contribue à rien. Ces pratiques appartiennent au passé. Je ne cesse de le répéter. L’époque de la politique de la canonnière est révolue et quiconque ne le comprend pas nuira surtout à ses propres intérêts.
P. TZENOS : Puisque toutefois, cette politique est justement exercée face à la Syrie et vu en général l’instabilité politique qui prévaut sur la scène intérieure de la Turquie et l’intention aussi de M. Erdogan de décongestionner la région ou plutôt de menacer l’Union européenne qu’il ouvrira le robinet, les premiers à subir les conséquences de tout cela seront nous car nous nous trouvons dans la région. Il y a la question migratoire et je n’utilise pas par hasard le terme migratoire car d’après les données dont nous disposons ces derniers temps, ceux qui entrent dans notre pays ne sont pas des réfugiés mais des migrants.
Ici le monde, nos auditeurs écoutent le gouvernement dire qu’il faut décongestionner les îles ce qui est tout à fait vrai, mais comment le fera-t-on ? Est-ce qu’il y a un plan pour mettre fin à cette situation ou va-t-on simplement congestionner par la suite l’arrière-pays ?
N. DENDIAS : Vous avez raison. La question migratoire est un problème majeur. Vous faites bien de l’appeler question migratoire. La question des réfugiés n’est qu’une partie minime de ce problème. La plus grande partie est celle de l’immigration. C’est-à-dire les migrants économiques qui, en violant les dispositions en vigueur de la loi, essayent de venir en Grèce et en Europe. Moi je vous dis la chose suivante : les flux ont augmenté cela est bien évident, il y a un problème, le gouvernement mettra en place un dispositif pour lutter contre ce problème. La Grèce ne peut être en proie au chantage. En fait, l’Europe, pour que nous soyons clairs à cet égard, ne peut être en proie au chantage. D’autre part, je voudrais signaler que ce que tente de faire la Turquie est une erreur grave. D’essayer d’exploiter les efforts des personnes malheureuses qui cherchent un meilleur avenir.
Les affirmations de type « j’ouvrirai le robinet » n’attestent pas d’un comportement sérieux quand il s’agit d’âmes humaines. La Grèce a constamment essayé d’envoyer de l’argent à toutes ces organisations qui aident en Turquie à la survie de ces personnes en dépit de la montée des tensions sur le front de Chypre. La Grèce a fait preuve de courage politique en distinguant ces deux choses. Et M. Mitsotakis a pris une position claire à cet égard. Le malheur de ces personnes qui vivent en Turquie est une chose et nos propres différends à l’égard de la question chypriote en est une autre. Toutefois, la Turquie doit également comprendre qu’elle ne peut pas exploiter le drame des âmes humaines et les positions de type « j’ouvre le robinet », sont inacceptables et attestent du manque de sérieux.
P. TZENOS : Oui, mais vous savez que dans le même temps nous sommes aussi confrontés à un autre problème. Il y a un dysfonctionnement – je l’appellerai ainsi – de la part de l’Union européenne aussi qui, dans son discours, condamne tout ce processus mais cela à mon avis n’apporte aucun résultat concernant la répartition de la charge…
N. DENDIAS : Vous parlez de la répartition de la charge à l’intérieur.
P. TZENOS : Certainement.
N. DENDIAS : Vous avez tout à fait raison.
P. TZENOS : C’est-à-dire il n’y a pas à mon avis un point de vue commun, une position commune de la part de l’Europe attestant de la volonté de cette dernière de supporter une partie de la charge afin que la Grèce ne devienne pas un « entrepôt d’âmes ».
N. DENDIAS : Il y a des pays en Europe, je ne voudrais pas les désigner nommément, qui ont assumé la part de la charge qui leur revient dans cet effort commun. Il y a des pays en Europe qui refusent d’avoir même une participation minime, car ils considèrent que l’Union européenne n’est qu’un billet leur donnant un accès gratuit à des avantages. Ce n’est pas ainsi. Et finalement l’Union européenne doit même imposer des sanctions, des sanctions intérieures, des sanctions économiques contre les pays qui sont montés à bord du train de l’UE pour profiter seulement des avantages et devant les difficultés font porter le chapeau aux autres.
P. TZENOS : Disposons-nous des moyens pour imposer cela ? Ou bien la seule chose que l’on puisse faire est-elle de former des souhaits monsieur le ministre ?
N. DENDIAS : Il ne s’agit pas du tout de cela. Nous disposons bien évidemment des moyens dans le cadre de la Politique agricole commune et pouvons faire certaines propositions. L’Europe bien évidemment a une position unanime à l’égard de la plupart des questions, on doit tous s’accorder sur ce fait. Pour ce qui est de quelques questions, la prise de décision se fait à la majorité. Je dois vous dire que pour la Grèce aussi la prise de décision à la majorité ne serait pas nécessairement dans son intérêt.
L’Europe dispose d’un mécanisme de prise de décisions spécifique. Toutefois, pour ce qui est de la question migratoire, je pense et vous le verrez vous-mêmes l’Europe se réveillera. On doit bien évidemment s’attendre à ce que la nouvelle Commission assume ses fonctions, on doit voir ce qui se passera avec la nouvelle présidente, on doit voir tout cela mais il est vrai que l’Europe doit, comme vous faites très bien de le dire, prendre des mesures spécifiques à l’égard de ceux qui refusent de s’acquitter des obligations communes.
P. TZENOS : Abordons maintenant l’autre question, je parle de nos voisins au nord, de la Macédoine du Nord.
Il y a eu un développement avec le veto mis par la France, les Pays-Bas et le Danemark à l’adhésion de l’Etat voisin et de l’Albanie, à l’ouverture plutôt des négociations sur le parcours d’adhésion…
N. DENDIAS : Ils ont opposé un veto à la date.
P. TZENOS : A la date.
N. DENDIAS : Nous ne sommes pas d’accord.
P. TZENOS : A l’égard de cela j’aimerais dire quelque chose que vous constatez vous aussi, j’imagine. Au cours de la période où l’accord était soumis au vote, la Nouvelle Démocratie affirmait : « nous ne sommes pas d’accord ».
N. DENDIAS : Vous parlez de l’accord de Prespès. Oui, nous n’étions pas d’accord avec certains articles de l’Accord, ce qui est toujours le cas, nous n’avons pas changé de point de vue.
P. TZENOS: Il existe toutefois une réponse à cela qui pourrait être inévitable, à savoir que le gouvernement, l’Etat a une continuité et on est obligé de la respecter. Toutefois cela suscite des réactions et des critiques de la part de ceux qui, si vous voulez, ont voté sur la base de cet accord et de ce qu’a fait SYRIZA.
Mais, à cet égard, je voudrais aussi que l’on aborde l’essentiel de la question : je voudrais un commentaire de votre part car certains, y compris le parti de SYRIZA, accusent le gouvernement, en disant « où sont allés ceux qui s’opposaient à l’accord ? », etc. Je voudrais que l’on aborde le fond de cette question : il y a là certaines conséquences. Le monde doit savoir que l’Accord de Prespès, ses principaux articles prévoient que l’utilisation de l’appellation, c’est-à-dire ce que l’on appelle erga omnes, à l’égard de tous…
N. DENDIAS : On vit avec tout cela.
P. TZENOS : Je l’explique de manière simple pour que tous ceux qui nous écoutent le comprennent, c’est-à-dire que cette appellation sera imposée à l’intérieur du pays à condition que les négociations avancent. En ce moment, à mon avis, on est un peu pris au piège. Les négociations n’avancent pas, nos voisins au nord nous disent que « cela n’est pas de notre faute », autrement dit, nous respectons l’accord mais c’est l’Europe qui n’entame pas les négociations et cela de nouveau a des conséquences. J’aimerais votre réponse sur les accusations de l’opposition ainsi que sur la manière dont vous envisagez de faire face à cette question.
N. DENDIAS : Tout d’abord, la Nouvelle Démocratie n’était pas contre l’accord mais contre certaines dispositions de cet accord. L’opposition et le parti SYRIZA essayent de nous dire qu’il n’y a qu’un seul accord et qu’il ne pourra y en avoir d’autre. Cela n’est pas vrai. Nous ne soutenons pas qu’il ne faudrait pas parvenir à un accord, nous ne disons pas que nous ne sommes pas contents avec le changement de l’appellation de la Macédoine du Nord. On aurait bien évidemment préféré que cet Etat ne soit pas appelé « Macédoine » mais, quoi qu’il en soit, tout cela avait été dit. En revanche, nous disons qu’un meilleur accord aurait pu être conclu.
Et ce que nous disons c’est que nous, nous n’aurions pas conclu cet accord, non pas dans le sens où nous n’aurions conclu aucun accord mais que nous aurions pu profiter de la conjoncture et de la négociation pour parvenir à un meilleur accord. Et nous accusons ce gouvernement de ne pas avoir conclu un meilleur accord et de nous avoir donné ce qu’il nous a donné.
Nous devons maintenant gérer une situation générée par le gouvernement précédent de SYRIZA. Et c’est le seul outil, car le parti SYRIZA a conclu l’accord en 2018 et nous avons remporté les élections l’été de l’année 2019 et pendant une année le gouvernement de coalition SYRIZA ANEL au début, puis SYRIZA par la suite – le parti ANEL ayant quitté le gouvernement- n’a rien fait d’autre que cet accord.
Or, il a convenu de cet accord en 2018 et nous l’a remis en 2019, car il était rongé par les remords, au regard des élections qui se présentaient et feignait dans une large mesure de ne pas savoir ou que l’accord n’existait pas, etc.
Passons maintenant à la situation : cet outil qu’il nous a remis était assorti d’une condition : le processus d’adhésion. Car, par le biais du processus d’adhésion, nous aurions obtenu ce que la partie précédente avait soi-disant gagné, car si elle avait bien écrit les choses, nous n’aurions pas dû nous battre à travers le processus d’adhésion, vous l’avez dit vous-même et nous aurions aussi réussi à interpréter cet accord, d’une manière qui soit profitable aux intérêts grecs. Sans que cela ne veuille dire que nous ne souhaitons pas la stabilisation de notre voisin au nord, à savoir la Macédoine du Nord. La Grèce a un intérêt stratégique dans l’existence de la Macédoine du Nord. Nous sommes d’accord là-dessus. Nous voulons que ce petit Etat existe, nous voulons qu’il prospère, nous voulons qu’ils soient nos amis, mais non en des termes qui portent atteinte à l’hellénisme et à notre tradition nationale ainsi qu’à nos intérêts.
Voyons maintenant ce que ce gouvernement nous a donné. Il nous a donné un outil en échange duquel nous devons recevoir une contre-prestation. La contre-prestation dépend de la question de savoir si les Français, les Hollandais, ou autres seront d’accord. Et après ils nous critiquent en plus. Que dire !
P. TZENOS : Dites-moi maintenant quels seront les prochains pas, c’est ce que les gens veulent savoir.
N. DENDIAS : Le pays n’a pas l’intention de rester les bras ballants, sans rien dire, sans rien faire.
P. TZENOS : Car vous savez la réalité à l’heure actuelle est la suivante : les négociations sur l’adhésion du pays à l’OTAN avancent, à l’intérieur du pays, il continue de s’appeler « Macédoine », à l’extérieur Macédoine du Nord, autrement dit nous avons tout le contraire de ce qui se passait…
N. DENDIAS : Je vous le redis, cette facture doit être envoyée à ceux qui ont formulé l’Accord, l’ont signé et ont fait la fête. Elle ne peut nous être envoyée à nous.
P. TZENOS : très bien, mais c’est à vous qu’incombera la partie gestion, Monsieur le ministre.
N. DENDIAS : Que vous ai-je dis tout à l’heure ? Vous m’avez demandé ce que j’ai été faire au Vatican. Vous me l’avez demandé poliment. Et je vous ai répondu que je n’y suis pas allé pour faire le signe de la croix, cela je peux le faire ici. J’y suis allé car ce tout petit Etat à une certaine influence. Et où a-t-il une influence ? Dans les Balkans. Les Balkans occidentaux. La Grèce, donc, a un intérêt stratégique dans les Balkans occidentaux et elle agira en fonction de cela. Nous n’avons pas l’intention de laisser les choses au hasard.
P. TZENOS : Il est évident que vous ne devez pas laisser les choses au hasard car la Turquie guette, n’est-ce pas ?
N. DENDIAS : Nous parlons d’une façon particulière, avec tous ceux qui sont impliqués dans ce jeu. J’ai d’ores et déjà parlé avec Dimitrov après la décision ; M. Rama viendra après-demain à Athènes. Le Premier ministre, M. Mitsotakis le recevra – dans un cadre non formel d’après ce que je sais – et nous continuerons les contacts. Nous nous entretenons avec les partenaires européens, avec les Allemands. Nous allons placer toute cette histoire dans le cadre d’une perspective européenne et d’intérêts commun, tout en protégeant les intérêts légitimes de la Grèce, qu’il s’agisse de l’erga omnes ou des marques commerciales qui concernent nos entreprises ou encore de notre tradition ou de toute autre question ayant trait à l’intérêt légitime du pays dans la région et à notre relation vis-à-vis de ces pays. Ne pensez pas que nous allons rester sans rien faire et que nous n’allons rien dire face à cette difficulté. Et cette difficulté à laquelle nous sommes confrontés confirme notre position ferme au sujet de l’erreur de la négociation qui a abouti à l’accord de 2018.
P. TZENOS : Vous aviez accordé il y a quelques jours une interview au journal du dimanche « Kathimerini ». Vous aviez annoncé que vous alliez rencontrer le ministre des Affaires étrangères, M. Lavrov. Je vois aussi un article de l’agence Sputnik…
N. DENDIAS : Je vais rencontrer M. Lavrov le 6 novembre je crois.
P. TZENOS : La Russie est l’un des principaux acteurs, facteurs qui influencent les évolutions concernant la Turquie également et bien entendu ils peuvent jouer un rôle bien précis et se positionner sur les questions des violations, de la souveraineté et des droits souverains de la République de Chypre. Pensez-vous qu’ils puissent mettre plus de pression ?
N. DENDIAS : Nous entretenons des relations traditionnelles avec la Russie que nous allons approfondir. Il y a eu une interruption, ou plutôt une détérioration des relations avec la Russie sous le gouvernement précédent. Vous vous en souvenez, je n’y reviendrai pas, et nous devons remettre le train sur les rails.
La Grèce s’entretient historiquement avec la Russie. La Russie est un pays qui se présente comme un acteur dans notre région élargie – vous l’avez vu – avec ses particularités, ses capacités et ses faiblesses. Nous n’exagérons, ni ne sous-estimons le rôle de qui que ce soit. C’est un pays avec lequel la Grèce s’entretient traditionnellement et sur bon nombre de sujets, elle peut bénéficier de son soutien. Ces derniers temps, par exemple, les positions russes, telles que nous les avons vues, n’ont pas atteint le niveau que nous voudrions. Il faut être clair. Car une partie de la société grecque pense que la Russie nous a toujours soutenus. Ses dernières positions sur le dossier chypriote sont loin de nos attentes. Nous voulons donc, que nos relations avec la Russie, pour ce qui est des questions sur lesquelles nos vues convergent et sur lesquelles nous sommes d’accord, soient au niveau que nous proposons. Et c’est ce que nous allons essayer de faire, de rétablir nos relations avec la Russie là où elles doivent être.
P. TZENOS : Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup.
N. DENDIAS : Je vous remercie.
October 24, 2019