Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, N. Dendias, lors de l’émission « SIMERA » diffusée par la chaîne de télévision SKAI (02.12.2019)

Propos recueillis par les journalistes D. Ikonomou et M. Anastassopoulou

M. ANASTASSOPOULOU : Comme nous  l’avons annoncé depuis 6 heures du matin, le ministre des Affaires étrangères, M. Nikos Dendias est avec nous. Monsieur le ministre bonjour.
N. DENDIAS : Bonjour.

D. IKONOMOU : A peine quelques heures depuis votre déplacement en Egypte, des évolutions très préoccupantes ont lieu et j’aimerais commencer par la contestation devenue désormais officielle de la ZEE de Castellorizo et du reste de nos îles, telle qu’elle a été exprimée par le ministère des Affaires étrangères du pays voisin, de la Turquie. C’est la première fois que cela se fasse par la voie officielle. Que signifie cela pour nous concrètement ?
N. DENDIAS : Il faut mettre l’adjectif officiel entre guillemets. L’objectif de la Turquie est de rendre acceptable la perception selon laquelle les îles n’ont pas de plateau continental. Et tel a été toujours son objectif de longue date. Et non seulement pour Castellorizo mais aussi pour les îles de l’Egée qui sont très grandes. Toutefois, telle est la perception de la Turquie. A notre avis, cette perception est complètement infondée. Il existe des dizaines de décisions rendues par des juridictions internationales qui sont tout à fait contraires à cela. La Turquie  se cache aussi derrière le fait qu’elle n’a pas signé la Convention sur le droit de la mer et dans le cadre – si vous me le permettez – de sa tactique de négociation, elle invoque des choses infondées.

D. IKONOMOU : Elle le fait toutefois en combinaison avec d’autres actions. C’est-à-dire en combinaison avec  le protocole d’accord qu’elle a signé avec la Libye et avec tout ce comportement provocateur dont elle fait preuve dans la région. C’est une combinaison d’actions.
N. DENDIAS : Je parlerai un peu du soi-disant protocole d’accord. Tout d’abord, il semble qu’il y ait deux accords. Le premier porte sur des questions maritimes et je l’appelle ainsi que car l’on ne sait rien sur son contenu pour pouvoir le qualifier.

M. ANASTASSOPOULOU : Et il y aussi un accord militaire, n’est-ce pas ?
N. DENDIAS : Oui, il y a aussi un accord de coopération en matière de défense. Le deuxième accord revêt aussi un grand intérêt car il constituerait de la part de la Turquie une violation de l’embargo mis par le Conseil de sécurité sur le transfert d’armes en Libye.
À part cela, il existe aussi une autre chose qui semble être une formalité mais elle est toutefois essentielle. M. Al Sarraj qui est le Président du Conseil présidentiel, du Conseil des ministres de la Libye, conformément à un accord au Maroc qui a été accepté en tant que cadre par le Conseil de sécurité, n’est pas investi du pouvoir nécessaire pour signer un accord, quel qu’il soit.

D. IKONOMOU : Toutefois, ce dirigeant a été reconnu au niveau international.
N. DENDIAS : C’est l’organe qui a été reconnu au niveau international, par la Grèce aussi. Cet organe peut prendre des décisions à l’unanimité. Il ne résulte pas…

D. IKONOMOU : Laquelle [l’unanimité] n’existe pas actuellement.
N. DENDIAS : Cela ne semble pas être le cas. Il est aussi absolument certain que cet accord ne sera pas approuvé par le parlement de la Libye qui est basé à Tobrouk.

D. IKONOMOU : Lequel est contrôlé par le Général…
N. DENDIAS : Lequel a un président qui est également reconnu par les Nations Unies.

D. IKONOMOU : Nous ne savons pas encore quel est le contenu.
N. DENDIAS : Non seulement nous ne le savons pas. Son contenu nous est dissimulé avec une diligente attention.

M. ANASTASSOPOULOU : Saviez-vous monsieur le ministre qu’un accord était en cours d’élaboration entre la Turquie et la Libye ?
N. DENDIAS : On le savait depuis le début. Tout comme le gouvernement précédent. Lors du premier Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE, le 15 juillet, j’ai briefé sur ce sujet le ministre français et italien…

D. IKONOMOU : Vous parlez du mois de juillet.
N. DENDIAS : Depuis juillet. En effet, lorsque j’ai montré sur la carte à M. Le Drian le plan qui était probablement en cours d’élaboration, ce dernier m’a dit : « exotique ».

D. IKONOMOU : Autrement dit, il ne pouvait pas le croire.
N. DENDIAS : Mais, maintenant…

M. ANASTASSOPOULOU : Avez-vous soulevé cette question auprès du ministre des Affaires étrangères de la Libye aussi ?
N. DENDIAS : Certainement.

M. ANASTASSOPOULOU : Quand ?
N. DENDIAS : Dans le cadre des Nations Unies en septembre, lors de notre rencontre bilatérale.

D. IKONOMOU : Autrement dit, à votre homologue.
N. DENDIAS : A mon homologue libyen.

M. ANASTASSOPOULOU : Qu’est-ce qu’il vous a dit ?
N. DENDIAS : Il m’avait dit que des discussions de ce genre étaient en cours, en reconnaissant toutefois que cela était problématique et qu’un accord de ce genre ne pourrait pas être signé. D’où la réaction du gouvernement grec auprès de la représentation diplomatique de la Libye.

D. IKONOMOU : Allez-vous expulser l’ambassadeur s’il ne vous donne pas des explications ?
N. DENDIAS : S’il ne nous apporte pas l’accord vendredi, il sera déclaré persona non grata et il partira.

D. IKONOMOU : Pourquoi ne faites-vous la même chose avec l’ambassadeur de la Turquie ?
N. DENDIAS : La Turquie ne nous a pas trompés.

D. IKONOMOU : Est-ce que la Turquie vous a dit ce que contient l’accord ? L’ambassadeur turc ?
N. DENDIAS : La Turquie ne nous a pas dit qu’elle n’allait pas signer un accord de ce genre…

D. IKONOMOU : Je parle du contenu de cet accord. Avez-vous convoqué l’ambassadeur de Turquie ?
N. DENDIAS : J’ai convoqué l’ambassadeur de Turquie et nous lui avons faire part de notre indignation à cet égard et lui avons demandé de donner des explications. Toutefois, la Turquie, lors de mes entretiens bilatéraux avec M. Cavusoglu, n’a pas menti sur son intention de signer un accord de ce genre. Nous devons être honnêtes sur ce sujet.

D. IKONOMOU : Par contre, l’ambassadeur libyen vous l’avait dit.
N. DENDIAS : Bien sûr.

M. ANASTASSOPOULOU : En septembre.
N. DENDIAS : Avec la Turquie on joue une partie d’échec qui consiste en manœuvres diplomatiques. Je dois être à la fois direct et sincère avec vous. La Grèce se sent puissante et a confiance en elle-même. Nous discutons toujours avec les Turcs. Bien évidemment chacun dans le cadre de ses intérêts nationaux et en signalant l’un à l’autre ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas.

D. IKONOMOU : On abordera par la suite cette question mais avant cela parlez-nous de votre discussion avec votre homologue égyptien et de l’accélération du processus de délimitation de la ZEE. Pourquoi maintenant ? Telle est notre réaction face à ce que fait la Turquie ?
N. DENDIAS : Tout d’abord, la tactique diplomatique de la Grèce et ses intérêts nationaux ne sont pas déterminés en fonction de ce que fait la Turquie. Nous ne sommes pas le miroir des actions turques. Les pourparlers avec l’Egypte sur la délimitation de la ZEE entre les deux pays ont commencé depuis très longtemps, il y a eu déjà 10 tours de pourparlers si je ne me trompe pas.
Vu les derniers développements, nous sommes de concert convenus d’accélérer ces processus. L’Egypte est un pays ami comme vous le savez. Nous étions en train de discuter…

D. IKONOMOU : Que signifie toutefois cela ? Qu’est-ce qu’il impliquera ?
M. ANASTASSOPOULOU : Est-ce que c’est nous qui avons pris l’initiative d’accélérer ce processus monsieur le ministre ?

N. DENDIAS : Je pense que les Egyptiens aussi souhaitent vivement que ce différend soit réglé car, pour ce qui est notamment de leur zone -  à Zohr un important gisement de gaz naturel a d’ores et déjà été découvert – ils pensent à juste titre qu’à côté de cette zone qui leur appartient – il s’agit normalement de cela car la nôtre ne peut s’étendre jusqu’aux côtes de l’Afrique – sera découvert encore un gisement gazier. Par conséquent, pour les Egyptiens aussi il est urgent de procéder à la délimitation de la ZEE.


M. ANASTASSOPOULOU : Est-ce que cela sera fait immédiatement ?

N. DENDIAS : Oui, immédiatement. Nous avons de nouveau mis en place les groupes techniques qui commenceront de nouveau leurs travaux et, nous nous sommes même mis d’accord avec mon collègue égyptien, car il s’agit de négociations, il ne faut pas se leurrer...

D. IKONOMOU : Est-ce que cela sera fait ailleurs aussi monsieur le ministre ? Car vous avez tout à l’heure dit que la Grèce n’avait pas exercé ses droits depuis la Convention sur le droit de la mer de Montego Bay qui a été signée en 1982.  Pourquoi ?

N. DENDIAS : Ce n’est pas en 1982. En réalité, il y a eu une longue série de sanctions. C’était en 1996 -1997.

D. IKONOMOU : Allons-nous procéder à la délimitation des ZEE dans d’autres régions ?
N. DENDIAS : Tout d’abord, la perception d’après laquelle la Grèce n’a pas déterminé la portée géographique de ce qu’elle considère comme faisant partie de ses droits, n’est pas exacte. Il existe une loi de 2011 qui a été adoptée par le parlement hellénique et a été notifiée aux Nations Unies.

D. IKONOMOU : Par conséquent la Grèce envisage-t-elle de faire d’autre pas dans ce sens ?
N. DENDIAS : De toute façon, la Grèce souhaite procéder  avec les pays voisins – à travers un accord, comme il est prévu par les dispositions de l’accord – à la délimitation des Zones économiques exclusives en vue de clarifier tout cela.

D. IKONOMOU : Parlez-vous de l’Egée et de la Mer Ionienne ? De quelles régions parlez-vous maintenant ?  Car il y a l’Albanie, l’Italie, il y a ces parties qui se trouvent là-bas.
N. DENDIAS : Comme vous le savez, avec l’Albanie nous avions conclu un accord qui a été annulé par la cour constitutionnelle albanaise. Avec l’Italie la situation est bonne. Il existe un texte convenu. Par conséquent, il s’agit ici des zones situées dans le Sud et l’Est qui posent des problèmes. Je pense qu’avec l’Egypte, qui est un pays ami, nous allons régler cette question. Nous devons en faire de même avec la Turquie. Et un dialogue doit être tenu sur ce dossier.

D. IKONOMOU : Toutefois, les canaux de communication avec la Turquie sont toujours ouverts, d’après ce que je comprends. Et que la Grèce cherche toujours à parvenir à une entente avec la Turquie par la voie du dialogue.
N. DENDIAS : Nous nous montrons toujours ouverts au dialogue et sommes toujours prêts à discuter. Toutefois, dans quel cadre de référence M. Ikonomou ? A cet égard nous devons être clairs. Dans le cadre du droit international, mais pas  dans le cadre du droit international comme l’interprète la Turquie au cas par cas. Car la Turquie a sa propre interprétation du droit international. Nous pouvons bien évidemment discuter avec la Turquie dans le cadre du droit international. Et la Turquie n’agit pas dans son intérêt, ni dans celui de ses perspectives économiques lorsqu’elle se comporte comme un pays qui viole…

M. ANASTASSOPOULOU : Permettez-moi monsieur le ministre de faire une remarque à cet égard.
N. DENDIAS : Je vous en prie.

M. ANASTASSOPOULOU : L’invocation continue du droit international est une chose évidente, du moins de notre côté. Toutefois, dans le cas de Chypre aussi, il y a quelques mois, on parlait aussi du droit international. Mais on a vu que les Turcs après avoir mené des recherches là-bas avec leurs navires, ont finalement réussi  à réaliser des travaux de forage. Craignez-vous qu’une chose pareille puisse se produire au sud de la Crète ?

N. DENDIAS : Je serai clair à cet égard. Tout d’abord, je ne peux pas parler au nom de la République de Chypre. La République de Chypre avec laquelle nous entretenons des liens très étroits, il n’existe aucun doute à cet égard, est un pays indépendant. Elle détermine sa politique. Je ne pense pas, si vous voulez mon opinion, que toute cette histoire, avec son comportement vis-à-vis de la République de Chypre, soit dans l’intérêt de la Turquie. Le Conseil européen a d’ores et déjà décidé l’imposition de sanctions contre la Turquie et ces sanctions lui seront bientôt imposées.
D. IKONOMOU : De la part de l’Union européenne.
N. DENDIAS : Exactement.

M. ANASTASSOPOULOU : Toutefois, la Turquie crée des faits accomplis dans la région.
N. DENDIAS : Je ne pense pas que la Turquie ait réussi à faire quelque chose. Je ne le pense pas. Elle a seulement dépensé de l’argent…

D. IKONOMOU : Elle a toutefois réussi à expulser l’entreprise Total de la région, de la parcelle où cette dernière détenait une autorisation pour mener des travaux de forage.
N. DENDIAS : La question qui se pose à l’égard de tout cela n’est pas s’il y aura un retard d’un, de deux mois, d’une année ou de deux années. La question est de savoir si l’on peut intégrer encore un droit dans notre trésorerie nationale globale. La Turquie n’a pas réussi à le faire.

D. IKONOMOU : Vous dites donc que la Turquie – de toute façon vous le savez mieux que nous – veut participer à la gestion des ressources énergétiques dans la région. C’est cela qu’elle veut. Elle veut s’assoir autour de la même table.
N. DENDIAS : Je ne peux pas vous dire ce que veut la Turquie. Je leur ai dit que, dès lors que la Turquie a des droits légitimes à cet égard, personne ne va lui refuser.  Toutefois, cela doit fait l’objet d’une discussion. Et quel sera le cadre de cette discussion ? Je le répète. Le droit international. Quel est le droit international ? L’accord dont nous débattons et que la Turquie n’a pas ratifié. Est-ce qu’elle veut accepter que cet accord soit valable en tant que droit coutumier même si elle ne l’a pas ratifié ? Nous pouvons sur cette base discuter aussi, mais ce sera fait dans le cadre d’une discussion sans que la Turquie nous impose des conditions quelles qu’elles soient ou nous entraîne dans des situations quelles qu’elles soient.
M. ANASTASSOPOULOU : Est-ce que nous traversons actuellement la période la plus difficile dans les relations gréco-turques monsieur le ministre ? Vous répondrez après le spot publicitaire.

[…]

M. ANASTASSOPOULOU : Avant le spot publicitaire nous avons posé une question au ministre des Affaires étrangères, M. Dendias. Nous allons la répéter : êtes-vous préoccupé monsieur le ministre par l’éventualité de voir un navire de recherches sismiques turc au sud de la Crète ou près de Castellorizo, comme l’estiment certains ? Et, si tel est le cas, que fera la Grèce ?
N. DENDIAS : Tout d’abord,  puisque vous avez parlé d’un navire sismique et vous avez fait très attention à cet égard, il faut signaler que les recherches sismiques entrent dans une exception prévue par un article si je ne m’abuse pas, c’est-à-dire il existe la possibilité que…

M. ANASTASSOPOULOU : En d’autres termes vous dites que ces recherches sont légales ?
N. DENDIAS : Cela sera jugé en fonction du cas, mais je répète que s’agissant des  recherches sismiques notamment - je le répète je ne suis pas un spécialiste en matière de politique et de relations internationales -  il existe certaines exceptions. La question est de savoir si la Turquie viole notre souveraineté. Cela est hors de question.

D. IKONOMOU : Autrement dit, vous n’allez pas le permettre.
N. DENDIAS : Il n’en est pas question.

D. IKONOMOU : Autrement dit vous n’allez pas le permettre.
N. DENDIAS : Mais nous ne pouvons pas le faire. Je ne fais pas de déclarations pompeuses. Chaque ministre, le gouvernement, le Premier ministre, prêtent serment à la constitution et aux lois. Il est de leur devoir de défendre le territoire grec tel que celui leur a été livré. Nous n’avons pas le droit de concéder notre souveraineté, nos droits souverains.

D. IKONOMOU : Nous posons cette question monsieur le ministre car il s’agit d’un scénario probable car c’est ce qui s’est passé dans le cas de Chypre. C’est un cas différent, mais c’est cela qui est arrivé. La Turquie a pris la soi-disant autorisation des territoires occupés et dans ce cas, elle peut prendre la soi-disant autorisation à travers l’accord conclu avec la Libye et  se diriger vers le sud, vers la région située au sud-est de la Crète.
N. DENDIAS : Si la Turquie viole la souveraineté de la Grèce, à partir de là sera valable ce qui sera valable. Je ne veux pas utiliser des expressions de ce genre.

M. ANASTASSOPOULOU : La Grèce donc réagira face à une telle situation.
N. DENDIAS : Il n’est pas question que la Grèce ne réagisse pas.

D. IKONOMOU : Est-ce que la Grèce dispose des forces armées puissantes monsieur le  ministre ?
N. DENDIAS : Je pense que cela est évident pour tout le monde, chaque jour. D’après les évaluations, les forces armées ont une très grande crédibilité.

D. IKONOMOU : Aux yeux des citoyens.
N. DENDIAS : La Turquie est extrêmement attentive et sera extrêmement attentive.

D. IKONOMOU : A votre avis donc, la Turquie n’ira pas jusqu’à …
N. DENDIAS : Je ne saurai faire de prévisions pour la Turquie. Notamment après 2016, le Président Erdogan a sans doute une autre perception des choses. Si vous me demandiez par exemple de prévoir ses déclarations contre le Président Macron, je vous répondrais que « je ne pourrai certainement pas les prévoir ».

D. IKONOMOU : Vous parlez du fameux « mort cérébral».
N. DENDIAS : Oui, exactement. Je ne suis pas en position de prévoir les mouvements turcs. Je dis clairement et je l’ai aussi dit au ministre turc qui est mon ami, quelles sont les limites grecques. Ces limites ne sont pas fixées par nous, le gouvernement, Mitsotakis. Ce sont des limites définies par la constitution. Tel est notre pays.

D. IKONOMOU : Oui, mais la Turquie emploie tout son arsenal monsieur le ministre et même la question migratoire, comme vous avez pu le constater, et elle use de cette question comme une arme. Que fait la Grèce à cet égard ?
N. DENDIAS : La Grèce, tout d’abord, met en place un système pour faire face aux  flux migratoires. Le pays ne peut pas et nous l’avons dit clairement…

D. IKONOMOU : J’imagine que vous n’êtes pas d’accord avec M. Samaras qui a parlé de « migration clandestine » et de «  colonisation clandestine ».
N. DENDIAS : J’étais hier en Egypte. Je n’ai pas assisté à la conférence et donc je n’ai aucune idée.

D. IKONOMOU : Vous n’avez pas écouté tout cela.
M. ANASTASSOPOULOU : Il l’a dit quand même.
N. DENDIAS : J’ai vu quelque chose mais, franchement, je ne sais pas, il faut le voir. Toutefois je voudrais signaler la chose suivante : la Grèce mettra en place un système pour faire face aux flux migratoires. Ce que fait la Turquie va  vraiment au-delà des limites du droit. Elle instrumentalise la souffrance humaine et dirige les flux des migrants et des réfugiés vers la Grèce pour mettre cette dernière et l’Union européenne dans une position difficile.

D. IKONOMOU : Toutefois, on ne voit aucune réaction de la part de l’Union européenne monsieur le ministre. Le Premier ministre a internationalisé  la question, il exerce des pressions sur l’Europe mais cette dernière demeure indifférente. Irez-vous demain à la réunion au sommet, qu’est-ce que vous direz à vos homologues ?
N. DENDIAS : C’est la réunion au sommet de l’OTAN. Cette question sera soulevée en tant qu’objet du débat…

D. IKONOMOU : Elle sera soulevée en tant que sujet principal.
N. DENDIAS : Certains partenaires sont contre le partage des responsabilités  - je n’aimerais me référer à des pays spécifiques – alors que ces mêmes partenaires sont prêts à recevoir l’argent du Fonds de cohésion. Cela est inacceptable, il faut que nous soyons clairs à cet égard.

D. IKONOMOU : Pourquoi donc parlons-nous de sanctions contre la Turquie ?
N. DENDIAS : Une minute, pour ce qui est de la question migratoire, le pays a clairement affirmé que la Turquie a droit à une aide financière. Et nous l’avons aidée et ce, à un coût intérieur élevé, puisque quand la Turquie suivait une tactique inacceptable sur d’autres fronts, la Grèce est restée fidèle à sa position initiale. Nous disons clairement que la Turquie a assumé une charge et nous allons l’aider. Mais nous n’allons pas l’aider dans ce qu’elle fait.

M. ANASTASSOPOULOU : Nous avons entendu le Premier ministre hier dire que l’OTAN devrait cesser de faire preuve d’une attitude consistant à garder la même distance face aux  deux parties.  Pensez-vous vous aussi, car cette opinion a été exprimée et abordée à plusieurs reprises, que face à une situation de crise, la Grèce sera seule ?
N. DENDIAS : Je vais inverser la question : la Grèce doit pouvoir faire face à une crise, quelle qu’elle soit, toute seule. Cela dit, il est souhaitable d’avoir à ses côtés les Européens aussi, outre ses alliés en dehors de l’Europe.

D. IKONOMOU : Pourquoi donc monsieur le ministre participons-nous à des alliances ? Nous figurons parmi les membres les plus anciens de l’OTAN, nous sommes un membre fondateur de l’Union européenne. Pourquoi donc faisons-nous partie de  ces enceintes ?
N. DENDIAS : Ni notre participation à l’OTAN, ni celle à l’Union européenne n’a nui à nos intérêts. Je répète toutefois que notre obligation est claire, il faut que nous puissions  faire face à la crise tous seuls. Je ne dis pas que je veux que nous soyons seuls et je ne dis pas que je prévois que nous serons seuls. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir justement pour que nous ne soyons pas seuls. Et le fait justement que nous ne soyons pas seuls est une forme de dissuasion. Il faut que nous soyons clairs à cet égard.

D. IKONOMOU : L’OTAN après-demain condamnera-t-elle la Turquie ? Le Premier ministre soulèvera la question.
N. DENDIAS : Je ne peux pas faire de prévisions à cet égard, mais mon opinion générale est que l’OTAN a du mal à prendre position parmi ses membres. C’est justement pour cette raison-là que le Premier ministre a pris la position qu’il a prise et il a bien fait et on doit insister là-dessus.  Même si l’OTAN ne l’accepte pas.

D. IKONOMOU : Qu’est-ce que l’on peut attendre de la part de l’Union européenne ?
N. DENDIAS : L’Union européenne a pris des positions très claires. Il ne faut pas se leurrer.

D. IKONOMOU : Prendra-t-elle des mesures ?
N. DENDIAS : Elle a accepté les mesures.

D. IKONOMOU : Non, monsieur le ministre, elle n’a pas pris position. Car, l’Allemagne dit une chose et la France en dit une autre. Les grands pays ont des intérêts divergents.
N. DENDIAS : L’Union européenne, le Conseil européen a pris une position claire : l’imposition des sanctions contre la Turquie. Et dans les jours à venir seront annoncées les sanctions.

D. IKONOMOU : Quelle sorte de sanctions ? Des sanctions économiques ?
N. DENDIAS : Des sanctions contre des personnes et des sociétés qui assistent la Turquie dans ses activités illégales. L’Union européenne n’a jamais imposé des sanctions de ce genre.

D. IKONOMOU : A votre avis, est-ce que tout cela mettra la Turquie dans une situation embarrassante ?
N. DENDIAS : Si la Turquie a un talon d’Achille, celui-ci est son économie. Je ne souhaite pas l’effondrement de l’économie turque. Je veux avoir un voisin riche et prospère. Il faut que nous soyons clairs à cet égard. Toutefois, je dis que le parcours actuel de la Turquie crée des problèmes à elle-même, à son économie et à sa société.

M. ANASTASSOPOULOU : Une dernière question monsieur le ministre : en 2018 avant de quitter le ministère des Affaires étrangères, M. Kotzias avait annoncé l’extension des eaux territoriales  en Mer Ionienne. Est-ce que cela fait actuellement partie des plans envisagés par votre ministère ?
N. DENDIAS : La planification permettant de procéder à une telle action, si le ministère donnait le feu vert, existe. Elle est enregistrée dans les fichiers du ministère.

D. IKONOMOU : C’est une demande qui est restée lettre morte. Allez-vous briefer vos collègues des autres partis ?
M. ANASTASSOPOULOU : Nous avons avec nous M. Katrougalos aussi…

N. DENDIAS : J’ai parlé avec M. Katrougalos très tôt dans la matinée et je parlerai aussi aux représentants de tous les partis. La position du Premier ministre est qu’il faut briefer les partis sur les questions de politique étrangère.

D. IKONOMOU : Devrez-vous aussi informer les chefs des partis ?
N. DENDIAS : Si eux le jugent nécessaire, je suis à leur disposition. Et j’imagine que si besoin est, le Premier ministre aussi…

D. IKONOMOU : N’allez-vous pas convoquer le conseil des chefs des partis ?
N. DENDIAS : Je ne pense pas que nous soyons dans une situation de crise.

Interview accordée par le ministre des  Affaires étrangères, N. Dendias, lors de l’émission « SIMERA » diffusée par la chaîne de télévision SKAI (02.12.2019)D. IKONOMOU : Merci beaucoup.

December 2, 2019