Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la chaîne de télévision ACTION 24 et aux journalistes Nikos Ypofantis et Dora Koutrokoi (Athènes, 07.10.2024)

Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la chaîne de télévision ACTION 24 et aux journalistes Nikos Ypofantis et Dora Koutrokoi (Athènes, 07.10.2024)

JOURNALISTE : Bonjour, bonne semaine !

JOURNALISTE : Bienvenue !

G. GERAPETRITIS : Bonjour, bonne semaine ! Merci pour votre honorable invitation !

JOURNALISTE : Merci d’avoir accepté.

JOURNALISTE : A vous tous qui nous regardez maintenant, cette discussion se déroulera sans ordre du jour. Nous demandons ce que nous voulons, vous posez vos questions au ministre par le biais des réseaux sociaux. D'accord ?

JOURNALISTE : Commençons par le sujet le plus brûlant, la situation au Moyen-Orient. Monsieur le Ministre, dans quelle mesure pensez-vous qu'il y aura une escalade ? J'observe quotidiennement la façon dont les deux parties agissent.

G. GERAPETRITIS : Nous sommes un an jour pour jour après l'attaque terroriste du Hamas, le 7 octobre, qui a déclenché ce qui a suivi. Ce fut un moment vraiment sombre de l'histoire. Il a fait reculer les efforts historiques qui avaient été faits pour instaurer la sécurité et la paix dans la région et pour établir l'État palestinien, qui est toujours la fin de cette route. La réalité d'aujourd'hui est sombre. Et elle est sombre parce qu'un cercle vicieux semble s'être établi dans lequel les parties sont constamment dans une position de confrontation belligérante. Il y a des conflits permanents. Ce que nous disons toujours en Grèce, et je pense dans la plupart des pays du monde, c'est qu'il faut faire preuve de retenue en ce moment, il faut que les hostilités cessent complètement pour permettre à la diplomatie de mettre fin à ce cauchemar. Il y a des questions très spécifiques que nous devons traiter en ce moment, à savoir la cessation des hostilités, le retour des otages, l'acheminement de l'aide humanitaire et le lancement de discussions sur le jour suivant ainsi que la création d'un État palestinien.

JOURNALISTE : Parce que c'est aussi ce tragique anniversaire qui a ouvert la boite de Pandore dans la région, ou plutôt les portes de l’enfer. Nous avons pris position à l'époque en disant qu'Israël avait raison, qu'il devait s'attaquer aux terroristes. Adoptons-nous toujours la même position ?

G. GERAPETRITIS : Nous avons été les premiers à prendre position.

JOURNALISTE : Nous avons adopté une position en faveur d’Israël.

G. GERAPETRITIS : Nous avons pris position en faveur du droit international, je suis très clair. Ce que nous avons dit dès le premier jour, c'est que nous reconnaissons le droit d'Israël à l'autodéfense légitime, c'est-à-dire dans les limites du droit international et en particulier du droit humanitaire. Nous reconnaissons le droit d'Israël et des citoyens d'Israël à leur sécurité. C'est toujours notre position aujourd'hui. Elle n'a pas changé. Vous savez, Israël est un partenaire stratégique de la Grèce, mais d'un autre côté, le monde arabe est historiquement très proche de la Grèce et nous avons cultivé ces liens, nous ne les avons pas abandonnés. Nous avons maintenu, et je le dis avec insistance, une position de principe, une position cohérente depuis le premier jour jusqu'à aujourd'hui. C'est ce qui nous a permis de parler à toutes les parties aujourd'hui. Vous savez, il n'y a pas beaucoup de pays qui parlent à toutes les parties et qui peuvent être crédibles depuis cette position. Ce que nous disons aujourd’hui, c’est que nous devrions obtenir une cessation immédiate des hostilités. Nous devons arrêter le cercle vicieux de l'effusion de sang au Moyen-Orient.

JOURNALISTE : Est-ce que cela veut dire qu’Israël ne doit pas répondre à l'attaque de missiles de l'Iran ? M. Biden a déclaré qu'il ne fallait pas frapper ce week-end les installations du programme nucléaire. Peut-être le pétrole, mais Israël ne doit-il pas répondre ?

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, nous devons être clairs sur le fait qu'il s'agit de deux questions qui, pour l'instant, semblent se chevaucher, mais il s'agit de deux situations différentes au Moyen-Orient et dans la région élargie. Il y a la question du Moyen-Orient et la question iranienne, qui constitue en soi une menace majeure pour le monde entier. Ce que nous disons pour l'instant, c'est qu'évidemment, puisque les intérêts vitaux d'Israël sont en jeu et que la sécurité de ses citoyens est menacée, il est tout à fait légitime d'avoir une légitime défense. En revanche, cette légitime défense doit s'inscrire dans le cadre du droit international. En d'autres termes, elle doit être proportionnée et ne pas conduire à une escalade permanente. Il faut que toutes les parties fassent preuve de retenue. Le cercle vicieux doit être brisé. Tant que ce bras de fer se poursuivra, malheureusement, la sécurité et le bien-être de tous les citoyens, non seulement des Israéliens et des Arabes, mais aussi de l'ensemble de la région et du monde entier, seront menacés.

JOURNALISTE : Mais tant que cette situation perdurera, quelle sera la position de notre pays par rapport au reste de l'Europe ? Nous avons vu ce qui s'est passé avec Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou et je veux vous interroger sur la réunion trilatérale Grèce-Chypre-Israël. Est-ce que la donne change à partir de maintenant.

G. GERAPETRITIS. Il n’y a aucun changement, nous sommes exactement dans la position où nous étions. Comme vous le savez, j'étais la semaine dernière à New York pour l'Assemblée générale des Nations Unies, et j'ai eu l'occasion d'y rencontrer tous les ministres des Affaires étrangères du monde arabe, tous les pays qui sont à l'avant-garde de la diplomatie en ce moment, ainsi que les organisations juives qui sont actives aux États-Unis. J'ai exprimé les positions de la Grèce, qui sont pleinement respectées. J'ai transmis les messages de la Grèce, mais aussi, je pense, de l'ensemble du monde occidental, et de l'autre côté, j'ai écouté les positions des parties. Je tiens à vous dire que la Grèce a une position de principe, une position cohérente, que nous défendrons également au sein du Conseil de sécurité, où nous sommes déjà présents en tant qu'observateurs et, à partir du 1er janvier, en tant que membres du Conseil de sécurité, l'organe le plus décisif des Nations Unies. Nous prendrons les initiatives nécessaires en faveur de la paix.

JOURNALISTE : Il existe un triangle d'alliance Grèce-Chypre-Israël.

G. GERAPETRITIS : Il est maintenu.

JOURNALISTE : Notre pays a une position géostratégique dans la région. Ce n'est pas un pays comme la France, qui est loin, et où le président Macron a mis fin à la vente d’armes à Israël, n'est-ce pas ? Ici, on peut nous demander d'utiliser la base de Souda. Allons-nous dire non ? Allons-nous dire oui ? Pour protéger Israël.

G. GERAPETRITIS : La réponse est très, très claire. La Grèce va respecter toutes ses obligations internationales. Elle ne va pas s'impliquer activement dans la guerre. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour que les hostilités cessent. Nous respecterons bien sûr les accords qui découlent des engagements internationaux envers le pays, mais il n'y aura pas d'implication du pays au Moyen-Orient.

JOURNALISTE : Même dans le pire des scénarios, Monsieur le Ministre ?

G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de ne pas faire de scénarios hypothétiques, bien qu'au ministère des Affaires étrangères nous l'ayons fait et que nous l'ayons fait toute l'année dernière.

JOURNALISTE : Vous avez donné une réponse diplomatique.

G. GERAPETRITIS : Je donne toujours des réponses très, très claires. Je vais le répéter pour être clair. Je répète que nous respectons toujours les engagements internationaux et les engagements découlant des traités internationaux. La Grèce ne s'impliquera dans aucun conflit militaire.

JOURNALISTE : Même si on nous demande de répéter la ligne d'évacuation des citoyens européens, éventuellement des citoyens libanais, des citoyens grecs de Beyrouth, d'une manière ou d'une autre, par bateau, éventuellement vers Chypre ?

G. GERAPETRITIS : Avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de dire qu'il ne s'agit pas d'une implication militaire. C'est tout le contraire. Il s’agit de décompresser l’implication militaire. En effet, nous disposons d'un plan complet pour l'évacuation des citoyens grecs et des citoyens des pays alliés. Ce plan a déjà été activé. Et à l'heure actuelle, nous disposons d'un plan même en cas de blocage de l'espace aérien. Un plan qui comprend plusieurs étapes. Un citoyen grec ou une personne d'origine grecque n'aura aucun problème s'il veut quitter les zones de guerre. Comme vous le savez, nous avons également facilité les citoyens chypriotes, en plus des citoyens grecs, et nous fournirons à un pays allié toutes les facilités que nous pourrons lui apporter.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, nous constatons que dernièrement, depuis la semaine dernière, Erdogan tente d'impliquer la Türkiye dans cette situation. Il dit : « la prochaine cible, c'est nous ». Que cherche-t-il à votre avis ? Et je voudrais vous demander, avant d'aborder les questions bilatérales entre la Grèce et la Türkiye, si vous pensez qu'il va essayer d'instrumentaliser la question migratoire dans ce cas également et de demander à nouveau de l'argent à l'Europe.

G. GERAPETRITIS : Nous comprenons tous que les conséquences d'une escalade générale dans la région seront terribles. Ces conséquences concerneront la dimension économique, en particulier si les sources d'énergie, qui se trouvent également en Iran, sont affectées. Comme vous l'avez vu, c'est uniquement la menace disant qu’il y aura des cibles énergétiques, pétrolières, en Iran qui a conduit à l'augmentation des prix du pétrole. Il existe un risque d'augmentation des flux migratoires. Il y a bien sûr le risque d'une nouvelle crise humanitaire. Les risques qui en découlent sont extrêmement nombreux et significatifs. En particulier en ce qui concerne la migration, sur laquelle vous m'avez interrogé, il y a en effet une grande inquiétude quant à une escalade des flux migratoires. Le Liban à lui seul, qui est actuellement en première ligne, accueille environ 2,5 millions de migrants, en particulier en provenance de Syrie et de Palestine. Nous comprenons donc que le danger est bien réel.

JOURNALISTE : Alors qu'allons-nous faire ?

G. GERAPETRITIS : Toutes les mesures nécessaires ont été prises pour faire face à cette situation. Je tiens à dire que dans le contexte d'une coopération améliorée entre les autorités grecques et turques, la réalité est que récemment, au cours des 15 derniers mois, il y a eu une amélioration significative en termes d'arrestations de trafiquants. Car la réalité, c'est que la lutte contre l'immigration clandestine ne peut se faire qu'en s'attaquant aux réseaux de trafiquants. Nous sommes en alerte. Comme vous le savez, la doctrine de la Grèce est très stricte. Surveillance des frontières maritimes, protection humanitaire totale là où le droit international le prévoit, mais aucune concession quant à nos principes politiques.

JOURNALISTE : Mais nous parlerons d'une vague de réfugiés très importante en cas d'escalade. Qu'allons-nous faire dans ce cas, Monsieur le Ministre ? Comment le pays va-t-il agir ? Et je voudrais que vous fassiez un petit commentaire, étant donné l'attitude de l'Allemagne, ces derniers temps, sur cette question.

G. GERAPETRITIS : Il y a deux dimensions. Il y a la dimension réelle et la dimension politique. La dimension réelle est, comme on l'a dit, une situation de crise potentielle. Et la crise, si je puis dire, ne vient pas seulement de la situation au Moyen-Orient. De nombreuses autres régions du monde sont actuellement dans la tourmente. Si vous regardez ce qui se passe en Afrique, en particulier en Afrique subsaharienne, avec des régimes illibéraux, avec la situation au Soudan, où nous avons plus de 10 millions de personnes souffrant de malnutrition, dans un état de très grande pauvreté et, bien sûr, dans un état de déplacement, vous comprenez les problèmes qui sont liés à la question des migrants et des réfugiés.

D'autre part, il y a la dimension politique, la gestion politique de la question. Comme vous le savez, il y a quelques mois, le nouveau pacte sur l'immigration et l'asile a été adopté dans l'Union européenne. Il s'agit d'un texte réglementaire très structuré. Il ne répond pas entièrement aux besoins de tous les pays, mais il s'agit d'un développement important, qui réglemente la répartition équitable des charges au sein de l'Union européenne. Ce pacte doit être mis en œuvre. Il nécessite de nombreux actes d'application, que nous avons déjà commencé à mettre en œuvre avec les ministères concernés. L'Allemagne est un cas particulier, car elle reçoit actuellement un certain nombre de flux migratoires en Europe. Je voudrais dire que, surtout dans ce domaine, la Grèce respecte strictement le droit international et, bien sûr, le traité de Schengen. Toute personne bénéficiant d'une protection humanitaire, c'est-à-dire toute personne bénéficiant de l'asile par le biais des procédures légales, qui ont été considérablement rationalisées au cours des cinq dernières années, tout comme les structures d'hébergement, peut se rendre à l'étranger. L'Allemagne est un excellent pays d'accueil, un pays toujours attrayant. Pour nous, il s'agit de respecter strictement le droit international, de répartir équitablement les charges au sein de l'Union européenne et de surveiller rigoureusement nos frontières.

JOURNALISTE : Voyons dans la pratique, lorsque le problème se posera, comment l’envisager, n'est-ce pas ?

JOURNALISTE : Oui, bien sûr.

JOURNALISTE : Ne nous laissons pas attraper, comme la dernière fois, lorsque nous avons vu une armée littéralement dressée en face de nous pour ouvrir la frontière grecque afin que ces pauvres gens puissent passer en Grèce. Vous en souvenez-vous ?

G. GERAPETRITIS : Je m'en souviens très bien.

JOURNALISTE : Et comment M. Mitsotakis a géré cela juste avant le Covid.

G. GERAPETRITIS : Je pense que ce qui s'est passé en mars 2020 est un guide. Mais depuis lors, je pense que beaucoup de choses ont changé et non seulement la politique a changé, mais je pense que l'amélioration des relations gréco-turques a contribué de manière substantielle...

JOURNALISTE : Y a-t-il une amélioration, monsieur le ministre ?

G. GERAPETRITIS : Il y a une amélioration.

JOURNALISTE : Vous dites dans Kathimerini hier, je vous ai lu en détail, que vous attendez Fidan ici en novembre à Athènes, votre homologue turc, pour fixer le cadre de la délimitation de la ZEE et du plateau continental. Et je vais vous poser une question que la plupart des gens se posent : avec qui allons-nous discuter ? Avec le pays qui a déclaré, illégalement, avec la Libye, une ZEE à quelques milles au-dessous de la Crète et de Karpathos sans respecter et sans consulter la Grèce ? C'est une question que j’aimerais vraiment aborder. Sans parler des cartes montrant la patrie bleue.

JOURNALISTE : La discussion se déroule sans ordre du jour. Et en tant que diplomate, M. Gerapetritis, qui est le chef de la diplomatie grecque, répond.

G. GERAPETRITIS : Chef de la diplomatie grecque, mais pas diplomate. Je suis très, très direct dans mes réponses. Je ne critique pas les diplomates, mais je suis toujours très direct, et j'aime à penser que j'exerce la position honorable que mon pays m'a donnée, avant tout en tant que citoyen, dans l'intérêt national. Je veux donc être clair avec vous. Vous me demandez s’il est possible de discuter avec la Türkiye, qui a signé l’accord turco-libyen et tout le reste. La réponse est la suivante : je suis toujours un homme qui croit au dialogue. Qui croit profondément au dialogue. Et je crois qu'il vaut mieux discuter avec ses voisins plutôt que d'avoir le doigt en permanence sur la gâchette. Vous me demandez s'il est un interlocuteur fiable. Il est évident qu'au fil des ans, la Türkiye a développé une politique extrêmement maximaliste. Ce n'est évidemment pas une conséquence des 15 derniers mois. Elle fait suite à une série d'années d'attaques souvent croissantes de la part de la Türkiye. Aujourd'hui, il y a effectivement l’accord turco-libyen, qui est illégal et non fondé. Cela n'est pas contesté. Mais il existe, et vous savez que c'est de là que la Türkiye tire toutes ses revendications illégales. La manière d'y faire face n'est ni de condamner, ni d'envisager à tout moment d'entrer dans un conflit militaire. La réponse est qu'il faut s'asseoir et discuter, afin de comprendre le pouvoir de persuasion du droit international et pouvoir ainsi s’en défaire. C'est clair. En ce qui concerne la patrie bleue, vous avez dit. La patrie bleue est une théorie développée depuis les années 1990. C'est une théorie que la Türkiye a développée, estimant que ce faisant, elle crée un cadre de revendications qui n'est pas convaincant. La Grèce a une vision très claire de la patrie bleue. Il n'existe absolument aucun droit souverain de ce type dans la mer Égée.

JOURNALISTE : C'est ainsi que les jeunes générations grandiront, Monsieur le Ministre. La doctrine de la patrie bleue a été introduite dans les écoles. Les jeunes turcs grandiront ainsi. Cela signifie que cette histoire se poursuivra et que nos enfants et les enfants de nos enfants la vivront. Elle ne changera jamais.

G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de dire que nos enfants et les enfants de nos enfants vivront des jours bien pires si nous avons une situation de guerre permanente. La Grèce dispose actuellement d'un énorme capital international et d'une très grande confiance en elle qui lui permet de parler à la Türkiye et à n'importe qui depuis une position, si vous me permettez l'expression, de pouvoir. Notre pays n'a jamais été aussi fort sur la scène internationale qu'aujourd'hui. C'est le plus ancien pays de la région à faire partie de l'Union européenne. C'est le pays qui compte actuellement parmi les 15 membres du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui définit l'architecture de sécurité internationale. C'est le pays qui a développé des alliances stratégiques avec des partenaires majeurs. C'est le pays qui parle avec tout le monde.

JOURNALISTE : Nous sommes d'accord.

 G. GERAPETRITIS : La patrie bleue. Permettez-moi de répondre. La patrie bleue - et il n'est pas juste, comme vous le dites, de créer un environnement toxique pour la jeune génération, tel qu'il est incarné, vous l'avez peut-être vu dans les manuels scolaires - n'inclut pas la Grèce. Et si vous ne l'avez pas vu, laissez-moi vous le dire.

JOURNALISTE : La carte n'inclut pas les îles ?

G. GERAPETRITIS : Il n'y a pas de carte qui inclut la Grèce. La patrie bleue a été placée dans la partie continentale de la Türkiye et comprend essentiellement les revendications qu'elle a dans d'autres endroits. Il n’y a pas de carte qui inclut la mer Égée. Elle ne figure certainement pas dans les manuels scolaires. Je vous invite à l'étudier et si vous trouvez quelque chose de différent, on en reparlera. Pour l'instant, observez la différence. Un récit s'est développé au fil du temps, des décennies, qui est évidemment maximaliste. Aujourd'hui, c'est par la discussion, par le dialogue, un dialogue productif, si nous pouvons avoir ce dialogue productif, que nous parvenons à assimiler toutes ces situations, à mettre en évidence l'illégalité, le caractère infondé des revendications, afin que nous puissions connaître la paix et la prospérité.

JOURNALISTE : Je veux que vous n'alliez jamais jusqu'à 12 miles, comme le dit le droit international. Que direz-vous ?

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, commençons à l'envers. Permettez-moi de vous poser une question rhétorique. Voudriez-vous que nous ne discutions jamais avec la Türkiye ?

JOURNALISTE : Non, si les revendications sont levées, j'aimerais discuter. Oui, certainement si les revendications sont levées de leur côté.

G. GERAPETRITIS : La réponse est donc que pour lever les revendications, il faudra discuter. C'est la première règle.

JOURNALISTE : Pourquoi l'approche change-t-elle ?

G. GERAPETRITIS : Non. C'est le premier axe de l'approche.

JOURNALISTE : Nous avions eu en 2020 la minicollision des frégates quand la Grèce a dit où étaient les lignes rouges. Si nous avons modifié ces lignes rouges, nous devons le savoir.

G. GERAPETRITIS : Où voyez-vous que les lignes ont changé ? À quel endroit ?

JOURNALISTE : Les lignes rouges n'ont-elles pas changé ?

G. GERAPETRITIS : Bien sûr que non. Il est évident qu'en ce moment, la Grèce a une souveraineté totale, des droits souverains et qu'elle fera ce qui est nécessaire et juste. Au cours des 15 derniers mois, nous avons eu ce qui suit. À moins que nous ne soyons en désaccord sur ce point également. Il n'y a eu aucune violation de l'espace aérien national, alors qu'auparavant, il y en avait des centaines par jour.

Nous avons évité les tensions et les crises majeures. Nous avons une situation contrôlée en matière de migration et nous pouvons discuter, de sorte que nous avons un agenda positif avec des accords qui produisent des résultats positifs. La question est la suivante. Pour l'instant, nous voulons faire avancer notre discussion afin de voir s'il existe un terrain d'entente pour résoudre nos principales divergences. Car quoi qu'il arrive, la réalité est que si nous ne résolvons pas la question majeure qui nous tourmente depuis cinquante ans, à savoir la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive, les problèmes seront toujours là. C'est ce qu'il faut comprendre. Donc, si la voie à suivre en ce moment n'est pas d'être constamment sur le qui-vive, mais d'avoir un cadre de discussion, alors nous irons de l'avant et je pense que les conditions sont réunies pour que nous ayons une discussion précisément pour la raison que je vous ai dite qu'en ce moment, la Grèce est plus forte que jamais.

JOURNALISTE : En tant que chef de la diplomatie grecque, il y a eu un tête-à-tête entre M. Erdogan et M. Mitsotakis en marge de l'Assemblée générale de l'ONU. J'aimerais que vous nous disiez, si vous le pouvez, bien sûr, si ce dont nous savons qu'il a été question est bien ce qui a été discuté. S'il y a eu un pas de franchi, que nous ne connaissons pas, et si c’est à partir de là que commencera votre contact avec M. Fidan et nous aurons une évolution dans le contact entre M. Erdogan et M. Mitsotakis en janvier. Les pourparlers ont donc progressé ? Y a-t-il des progrès, à commencer par les Nations Unies, la réunion qui s'y est tenue, et des nouveautés que nous attendons en janvier ?

G. GERAPETRITIS : Le principal point positif, je pense, de la discussion qui s'est déroulée avec la Türkiye au cours des 15 derniers mois est que cette discussion est structurée et qu'elle est élaborée jusqu'à la dernière ligne. Nous sommes partis d'une logique selon laquelle nous aurons une discussion étape par étape. Nous mettrons l'accent sur les aspects mutuellement bénéfiques, tels que la coopération économique et la coopération dans d'autres domaines, qui profitent aux deux pays. Nous limiterons les tensions, qui sont générées et produites principalement par les violations de notre espace aérien et par la question de l'immigration. Nous respecterons les réserves que nous avons exprimées. Nous n'avons reculé sur rien en ce qui concerne les revendications de notre pays. Nous ne discuterons pas et n'avons jamais discuté des eaux territoriales ou de toute autre question de souveraineté, car ces questions relèvent exclusivement de notre pays et ne seront jamais soulevées. Je vous l'assure et je le répète. Jamais, à la table des discussions avec la Türkiye. À l'heure actuelle, nous sommes devant un carrefour. Soit nous choisissons de rester dans ce statu quo, c'est-à-dire de pouvoir avoir une relation qui soit la plus stable possible, qui évite les chocs, qui évite les turbulences, soit nous faisons un pas en avant et nous abordons le débat, qui est celui de la délimitation des zones maritimes.

JOURNALISTE : Attendez-vous la même chose de la part de l'autre partie ?

G. GERAPETRITIS : Le débat sera unifié.

JOURNALISTE : Je dis cela parce que de temps en temps, nous entendons des ministres et des représentants d'Erdogan élever trop la voix et dire différentes choses. La presse turque, dans trop de cas, nous savons qu'elle explique un peu le discours du président.

G. GERAPETRITIS : Je ferai deux observations. La première observation est que même la rhétorique - vous le savez mieux que quiconque - même la rhétorique, au cours des 15 derniers mois, a grandement baissé. Nul besoin de vous rappeler ce qui avait été dit et fait il y a deux, trois, dix ans. Deuxièmement, l'inverse est également vrai. Il y a aussi des voix en Grèce, il y a des voix journalistiques, il y a des journaux, il y a des médias, qui font toujours monter une rhétorique qui est polémique. Mais je voudrais dire la chose suivante et, si vous le voulez bien, terminer par cela. J'ai toujours ressenti une grande responsabilité et une dette envers mon pays, comme nous l'avons fait avec Chypre, où nous avons investi beaucoup d'énergie dès le premier jour où nous avons assumé le portefeuille des Affaires étrangères, et nous avons obtenu ce que je considère comme un résultat positif, à savoir que le président de la République de Chypre et le dirigeant chypriote turc s’assoient à la même table et mènent des discussions directes, ce qui semblait presque impossible il y a 15 mois. Je pense donc qu'aujourd'hui, une Grèce puissante et forte, peut parler à la Türkiye sans peur.

October 7, 2024