Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la station de radio « Parapolitika 90.1 » et aux journalistes Christina Koraï et Dimitris Takis (11.09.2024)

Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis à la station de radio « Parapolitika 90.1 » et aux journalistes Christina Koraï et Dimitris Takis (11.09.2024)

JOURNALISTE : M. Giorgos Gerapetritis, ministre des Affaires étrangères, est en ligne. Nous lui souhaitons la bienvenue, nous le remercions. Bonjour à tous !

G. GERAPETRITIS : Bonjour ! Bon automne et tous mes vœux pour cette année.

JOURNALISTE : Avec votre aide, elle sera meilleure. Si vous venez souvent, ici, à l'émission. Et si les questions nationales avancent, alors elle les choses seront encore meilleures, pas seulement pour le « bras de fer », mais pour le pays aussi.

G. GERAPETRITIS : «Fais appel à Athéna, mais aussi à tes bras», selon le proverb ancien . Nous devons tous aider à ce que le pays puisse avancer.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, commençons par New York. Nous attendons la rencontre entre le Premier ministre, M. Mitsotakis, et Tayyip Erdogan. Tout d'abord, sommes-nous sûrs que la réunion ait été fixée et si vous pouvez nous en dire plus, est-ce que la date a été fixée.

G. GERAPETRITIS : La rencontre aura lieu, elle est prévue. La date exacte n'a pas encore été fixée parce que cela dépend d'autres événements qui auront lieu au cours de la semaine cruciale à New York. Comme le calendrier des autres événements n'a pas encore été finalisé, nous attendons de voir quand il y aura un créneau pour qu’ils puissent se rencontrer. La rencontre aura lieu en tout cas, elle est déjà programmée.

JOURNALISTE : S'agira-t-il d'une rencontre protocolaire ou substantielle ?

G. GERAPETRITIS : Aucune rencontre n’est protocolaire, M. Takis.

JOURNALISTE : Vous comprenez bien ce que j’entends par protocolaire.
G. GERAPETRITIS : Je comprends bien. Les rencontres entre les deux dirigeants revêtent toujours une très grande importance. Pourquoi est-il important que deux dirigeants se rencontrent ? C'est pour confirmer qu'il y a toujours une volonté de dialogue, pour faire le point sur les étapes franchies jusqu'à présent et pour planifier les prochaines étapes. Si vous me demandez si nous aurons des résultats spectaculaires à l'issue de cette rencontre…

JOURNALISTE : Pas forcément spectaculaires, mais plutôt substantiels. Des résultats substantiels, par rapport aux réunions précédentes.

G. GERAPETRITIS : Je voudrais dire ceci. Deux choses : La première, c'est que rien de grand, de spectaculaire ou de substantiel ne doit nécessairement ressortir de ces réunions. Pourquoi ? Parce que notre objectif est de normaliser les relations avec la Türkiye. Autrement dit, d’arriver à un niveau où ces réunions ne constitueront pas une nouvelle importante. Comme ce serait le cas si, par exemple, le Premier ministre rencontrait le président d'un autre pays, le Premier ministre italien ou le président français.

JOURNALISTES : Comme par exemple lorsqu’il va en Autriche. Monsieur le Ministre, mais quand nous avons des événements comme celui de Kassos, une rencontre ne peut pas être …

G. GERAPETRITIS : Quels sont les événements de Kassos, Madame Koraï ?

JOURNALISTE : Il n’y en pas a eu ? Pour nous, il n'y avait pas de problème ? Et toute cette réaction du côté turc ?

G. GERAPETRITIS : Laissez-moi vous répondre. Je l'ai dit à plusieurs reprises, je l'ai dit au Parlement également. Et je le répète, car il est important que les citoyens grecs connaissent les faits réels et ne soient pas induits en erreur par ceux qui utilisent systématiquement les questions nationales à des fins personnelles. Les faits sont les suivants. Il y a le projet d'interconnexion électrique entre la Grèce et Chypre. Il s'agit d'un projet d'intérêt commun pour l'Union européenne, qui est donc placé sous l’égide de l'Union européenne, qui finance une partie du projet. Ce projet est extrêmement important, en particulier pour Chypre, car il met fin à son isolement énergétique. Qu’en est-il donc ? Ce câble traversera les eaux territoriales de la Grèce et de Chypre, ainsi que les eaux internationales de la zone économique exclusive grecque. Lorsqu'il a été prévu de passer en dehors des eaux territoriales grecques, dans la zone économique exclusive grecque, la Türkiye, qui affiche des prétentions, sur la base de l’accord turco-libyen, qui est illégal et sans fondement, a envoyé des navires de guerre, qui se trouvaient à distance et surveillaient la situation.

Qu'avons-nous eu dans ce cas ? Nous avons eu le retrait des navires turcs en 24 heures. Aucune revendication turque n'a été reconnue. Il n’y a eu aucune reconnaissance. Aucune autorisation n'a été donnée par la Türkiye et cela n'aurait pu être demandé par la partie grecque. Et surtout, M. Takis, si je peux me permettre…

JOURNALISTE : Oui, mais il est dit que le navire de recherche italien est parti avant les navires de guerre turcs…

G. GERAPETRITIS : La réponse est très, très claire. Je ne sais pas d'où vous tenez cette information.

JOURNALISTE : C'est écrit.

G. GERAPETRITIS : Laissez-moi vous dire ceci. Je suis vraiment désolé, mais la réalité est que ceux qui écrivent, écrivent avec trop de facilité sur les questions nationales. Nous devrions tous faire preuve d'une plus grande prudence et d'une plus grande réflexion s’agissant des questions nationales. La société elle-même, M. Takis, lorsque la question a été réglée, c'est-à-dire lorsque l'enquête a été achevée, a publié une déclaration disant que l'enquête avait été parachevée à 100 %, dans les délais prévus. Nous avons donc ici, Monsieur Takis, les faits concrets. La revendication de la Türkiye n'a pas été reconnue. Les navires turcs sont partis. L'enquête a été menée à 100 %.

JOURNALISTE : Et elle se poursuit normalement.

G. GERAPETRITIS : Elle se déroule normalement sur la base de la planification de la compagnie elle-même. Je voudrais vous dire ceci. Remarquez la distorsion des faits. Alors que nous avons une situation dans laquelle les navires de guerre, les navires de guerre turcs, sont effectivement venus et sont repartis, qu'aucune autorisation n'a été donnée par la Türkiye et qu'aucune demande n'a été faite par la partie grecque et que l'enquête a été menée à bien, [remarquez] la distorsion absolue qui a lieu, à savoir que nous avons soi-disant reconnu des revendications. C'est faux. Soi-disant il y a eu une crise. C'est également faux. Soi-disant que l'enquête n'aurait pas été menée à son terme. C'est faux. Dans ce cas, les citoyens grecs doivent donc connaître les faits. Et les faits, c'est qu'à l'heure actuelle, l'enquête se déroule comme prévu. Il n'y a eu aucun retour en arrière. L'existence d'un canal de communication avec la Türkiye aide bien évidemment. Je voudrais conclure en disant quelque chose de très important que les citoyens grecs doivent savoir. Conformément au droit international, la pose de câbles et la recherche d'interconnexions électriques, la pose de câbles électriques en surface est absolument protégée. On ne peut pas empêcher cette pose car on considère que ce type de câblage électrique est nécessaire pour fournir des services essentiels aux citoyens. On ne peut donc pas l'empêcher. Cela est absolument protégé par le droit international. Et l'Union européenne, qui, comme vous le savez, ne dépense pas sans compter, a décidé, après avoir pesé toutes ces questions ainsi que la légalité du projet, d'aller de l'avant et de le financer.

JOURNALISTE. Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur New York et ce que nous attendons. Est-il possible que les deux dirigeants élaborent une nouvelle feuille de route ? Pour discuter, par exemple, d'une ZEE ?

G. GERAPETRITIS : La nouvelle feuille de route sera certainement là. Il est évident que nous entamons une nouvelle période, une nouvelle saison à partir de septembre. Un conseil de coopération de haut niveau est également imminent, qui fera suite au conseil de coopération de haut niveau de décembre dernier à Athènes.

JOURNALISTE : Le prochaine conseil de coopération de haut niveau se tiendra en Türkiye, je suppose ?

G. GERAPETRITIS : Très juste, en Türkiye, parce qu'il y a un changement de lieu. À partir de là, ce que cette feuille de route comprendra : au minimum, elle comprendra évidemment les prochaines étapes du dialogue politique, c'est-à-dire les discussions qui ont lieu à tous les niveaux de la migration, de la protection politique, etc. Elle inclura les prochaines étapes de l'agenda positif, c'est-à-dire les nouveaux accords dans divers domaines des affaires, du marché, des synergies au niveau du tourisme, etc. et les mesures de confiance. La question de savoir s'il y aura quelque chose de plus, c'est-à-dire un renforcement du dialogue, sera décidée par les dirigeants eux-mêmes et pour laquelle nous n'avons pas encore établi l'ordre du jour.

JOURNALISTE : Oui. Et je suppose que si cette question est inscrite à l’ordre du jour, ils vous chargeront, vous deux ministres des affaires étrangères, d'explorer les possibilités d’entente, s'il peut y en avoir, pour ce qui est de la question de la délimitation.

G. GERAPETRITIS : Vous comprenez, Madame Koraï, que c'est à la discrétion des dirigeants. Il est évident que l'ensemble du dialogue gréco-turc est sous la supervision constante des ministres des affaires étrangères. Nous rendons compte aux dirigeants, qui approuvent les actions au plus haut niveau politique. C'est donc à nous qu'incombent la responsabilité et l'obligation de rendre compte.

JOURNALISTE. Monsieur le Ministre, nous avons vu Fidan - avec lequel vous entretenez également de bonnes relations - se rendre en Macédoine du Nord, l'appeler « Macédoine » pour réutiliser le mot « Nord ». Nous avons vu la façon dont le président Sisi, qui était jusqu'à récemment sous le feu des critiques d'Erdogan, a été reçu en Türkiye. Mais vont-ils plus vite que nous ? C'est aussi la question que se posent les députés de la Nouvelle Démocratie.

G. GERAPETRITIS : Pour être honnête avec vous, je n'ai rien entendu de tel, mais je me fie à vos informations. Je tiens à vous dire que ce que vous rapportez n'est pas du tout vrai. Je vais prendre les questions une par une et vous donner une évaluation globale de la politique étrangère grecque. En ce qui concerne la visite du ministre turc des affaires étrangères en Macédoine du Nord, il s'agit d'une visite officielle qui a eu lieu. Si l'on examine attentivement les déclarations, on constate qu'il y a eu un certain nombre de références au nom constitutionnel de la Macédoine du Nord. En effet, à un moment donné, il a fait référence à la « Macédoine ». Je ne l'évalue pas. En ce qui concerne la question de l’Egypte avec la Türkiye, je voudrais que vous examiniez très attentivement le texte de la déclaration commune, pour voir qu'en fait, il ne va pas du tout à l'encontre des intérêts grecs. Je voudrais également dire ceci : en tant que Grèce, nous voulons que tous nos voisins et tous les États aient de bonnes relations avec d'autres États. Nous voulons la paix internationale, nous voulons la prospérité, nous voulons de bonnes relations géopolitiques, afin que nous puissions discuter. Mais cela étant dit, en particulier à propos de l'Égypte, permettez-moi d’ajouter ceci. On ne peut avoir de relations stratégiques dans une région élargie qu'avec un seul partenaire. Et en ce qui concerne l'Égypte, ce partenaire stratégique est la Grèce. Je peux donc vous assurer que les relations gréco-égyptiennes ont des racines très profondes. Je suis en contact régulier avec le ministre égyptien des affaires étrangères. J'ai également rencontré le président égyptien à plusieurs reprises. Au cours de la période à venir, nous aurons d'autres réunions et discussions qui renforceront nos relations. Je ne suis donc pas du tout inquiet. Mais en ce qui concerne notre politique étrangère globale - parce que vous avez dit qu’ils allaient plus vite que nous…

JOURNALISTE : Oui, parce que, disons, à la foire internationale de Thessalonique, les deux anciens premiers ministres étaient absents. Et d'après ce que j'ai appris, du côté de M. Samaras, rien n'a changé. Il n'a pas vu de changement de stratégie. Et vous savez quelle a été sa position sur…

G. GERAPETRITIS : Attendez une minute. Si je comprends bien, votre question est de savoir si la Grèce dispose d’un capital international fort et non d’un capital national. Je peux répondre aux deux. Mais, en ce qui concerne la position internationale du pays, permettez-moi de dire, Madame Koraï, qu'elle est à son plus haut niveau depuis la période de la transition démocratique. Et je vais étayer mes propos. La Grèce est actuellement un interlocuteur pour toutes les parties et un interlocuteur fiable. En ce moment, regardez combien de pays peuvent parler en même temps au niveau où nous parlons avec le monde arabe et Israël. Regardons ce qui se passe dans l'Union européenne et le poids particulier de la Grèce. Voyons quel pays, dans les deux prochaines années, avec l'écrasante majorité des États membres des Nations unies, siégera au Conseil de sécurité. En 2025 et 2026, la Grèce sera le pays qui co-déterminera l'architecture de la sécurité mondiale, qui sera présent à New York et qui définira avec les autres pays - 15 pays au total - la politique qui sera suivie sur toutes les grandes questions. Au sein de l'Union européenne, les initiatives ce sont nous qui les prenons. Je dirais donc que les relations internationales de la Grèce se situent actuellement à un niveau très élevé et que le pays court un marathon à une vitesse de 100 mètres.

JOURNALISTE : Pensez-vous que vous pourrez - comment dire – faire en sorte que les anciens Premiers ministres qui n'ont pas cette vision de la manière dont le gouvernement grec gère les affaires étrangères puissent se l’approprier ? De « nous ne parlons pas aux pirates » jusqu’à … Vous avez entendu ces choses, je n'ai pas besoin de vous le répéter, vous les savez.

G. GERAPETRITIS : Je voudrais vous dire ceci : tout d'abord, je respecte absolument le jugement et le bon sens des anciens Premiers ministres. Il va sans dire qu'ils ont un point de vue bien précis sur les questions ayant trait aux affaires étrangères. Leur parcours historique est très spécifique. On peut se référer à la politique étrangère des périodes concernées. Ce que je voudrais souligner, c'est qu'à l'heure actuelle, la politique de la Grèce, la politique qui - je le rappelle - a été approuvée par le peuple grec à une large majorité, consiste à se doter en permanence d'un important capital diplomatique. Et ce capital diplomatique n'est pas acquis isolément. Il est acquis parce que nous avons une économie très forte. Il est acquis parce que nous avons une défense nationale forte et parce que nous avons une voix diplomatique très forte. D'autre part - et permettez-moi de le dire - je tiens à vous dire qu'indépendamment des plaintes que j'entends, ma conviction est que ce que le peuple grec veut, c'est une politique étrangère stricte, prudente et fière qui, sans faire de concessions, parce qu'aucune concession n'a été faite, [une politique qui] nous permet de parler à tout le monde, même à nos voisins avec lesquels nous avons des différends historiques. Pourquoi devrais-je retourner la question ? Si aujourd'hui, alors que la Grèce dispose d'un capital international aussi fort, d'une économie florissante, d'une défense nationale enfin renforcée à un très haut niveau. Si aujourd'hui nous ne nous asseyons pas pour discuter, alors quand le ferons-nous ?

JOURNALISTE : Très bien. J’ai une dernière question. Je vais revenir sur la question du câble parce qu'aujourd'hui elle fait la une de deux journaux, Kathimerini, qui parle d'un thriller qui se prolonge, la tentative d'accord d'hier entre Athènes et Nicosie s'étant révélée infructueuse, et Estia, qui dit que la question du câble est dans l'air et le journal se demande si le câble sera finalement posé ou si Athènes et Nicosie se plieront aux désirs d'Ankara. Et je veux que vous nous disiez clairement : cette histoire de câble va-t-elle se terminer ou va-t-elle continuer à être un thriller ?

G. GERAPETRITIS : Ecoutez, le concept de « thriller » n'existe pas en politique étrangère.

JOURNALISTE : C'est le journal Kathimerini qui le dit, pas moi.

G. GERAPETRITIS : Je veux juste vous dire que si nous réduisons les questions de politique étrangère à un thriller, alors c’est que quelque part nous ne faisons pas bien les choses. La politique étrangère n'est pas un exercice de ce type. La politique étrangère est un exercice de scénarios potentiels. Nous travaillons donc sur tous les scénarios possibles. Je vais vous répondre honnêtement sur le câble. Ce câble a une orientation très, très spécifique. Il s'agit d'une interconnexion électrique qui sert d'abord et avant tout à Chypre. Pourquoi sert-il en premier lieu Chypre ? Parce qu'il supprime son isolement énergétique.

JOURNALISTE : Oui, vous l'avez dit tout à l’heure.

G. GERAPETRITIS : …Et parce qu'il réduira certainement les prix de l'électricité à Chypre, qui sont actuellement à des niveaux extrêmement élevés, les plus élevés, parmi les États membres de l'Union européenne. Il s'agit d'un projet géopolitique très, très important. La Grèce embrasse ce projet avec une confiance absolue et veille à ce qu'il soit mené à bien. D’ailleurs, c'est une entreprise grecque qui a entrepris le projet. Nous ne pensons pas qu'il y ait un risque d'annulation du projet. Et ce que j'entends, à savoir que nous nous inclinerons devant les Turcs, est une incroyable exagération. Cela n'a rien à voir avec les faits. Il n'y a pas eu d'empêchement des travaux de recherche dans une zone économique exclusive revendiquée par la Türkiye, et c'est pourquoi la Grèce est clairement d'avis que le projet se poursuivra normalement.

JOURNALISTE : La réponse est très claire.

JOURNALISTE : Merci beaucoup, Monsieur le Ministre.

G. GERAPETRITIS : Ce fut un grand plaisir et un honneur et je vous remercie également.

JOURNALISTE : Un honneur pour nous également. Merci beaucoup !

September 11, 2024