JOURNALISTE : Vous avez parlé d'une « fenêtre d'opportunité historique » sur la question de la délimitation des zones maritimes avec la Türkiye. Qu'attendez-vous de la prochaine rencontre Mitsotakis-Erdoğan à New York ?
G. GERAPETRITIS : À New York, les dirigeants des deux pays établiront la nouvelle feuille de route du dialogue gréco-turc en vue de la convocation du Conseil de coopération de haut niveau à la fin de l'année. Le fait que, malgré les désaccords importants qui existent, les canaux de communication restent ouverts reflète la volonté des parties de consolider le calme et la stabilité dans notre voisinage. Notre pays entame le dialogue sur la seule question qui peut être portée devant une juridiction internationale, à savoir la délimitation du plateau continental et de la ZEE, avec la confiance que lui confère sa position diplomatique renforcée. À ce stade, je pense qu'il existe effectivement une fenêtre d'opportunité pour assurer une paix durable dans notre région. C'est aux dirigeants des deux pays qu'il appartient de décider si les conditions sont réunies pour autoriser les deux ministres des affaires étrangères à examiner s'il est possible de trouver une solution mutuellement acceptable.
JOURNALISTE : Vous avez déclaré que « les conditions sont actuellement réunies pour aller de l'avant » sur la question chypriote. Qu'est-ce qui, selon vous, peut cette fois-ci amener les deux parties à s'asseoir à la table des négociations ?
G. GERAPETRITIS : Après une longue période d'inaction et à la suite d'une intense activité diplomatique du gouvernement grec, de concert avec la République de Chypre, le problème chypriote est revenu en tête de l'agenda des Nations Unies. Parallèlement, au sein de l'UE, le débat sur les relations euro-turques évolue, en référence au problème chypriote, comme en témoignent les conclusions du Conseil européen d'avril 2024. Il y a quelques jours, j'ai eu l'occasion, avec mes homologues de l'UE, de soulever ces questions en présence du ministre turc des affaires étrangères. Il est vrai que l'amélioration des relations gréco-turques crée un terrain plus fertile. Il va sans dire, cependant, que la reprise du dialogue en vue de trouver une solution permanente, juste et viable pour la réunification de l'île ne peut en aucun cas avoir lieu en dehors du cadre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur une fédération bizonale bicommunautaire. Il ne peut y avoir de solution sans discussion, mais une discussion qui fixe des conditions en dehors du droit international n'est pas acceptable.
JOURNALISTE : En Macédoine du Nord, le Premier ministre insiste sur la violation de l'accord de Prespès. Quels sont les moyens dont dispose la Grèce pour mettre un frein aux violations ?
G. GERAPETRITIS : Quelle que soit la position politique de chacun, l'accord de Prespès est un texte international contraignant pour les parties, qui prévaut sur toute disposition légale et ne peut être modifié unilatéralement. Nous surveillons systématiquement la violation de l'accord de Prespès par les dirigeants de la Macédoine du Nord et nous réagissons directement et continuellement au niveau politique et officiel, en informant nos partenaires bilatéraux et les organisations internationales. Si la violation de l'essentiel de l'accord se poursuit, il existe des garanties dont notre pays est parfaitement conscient. L'application sélective du droit international a un prix.
JOURNALISTE : Un commentaire sur le 50e anniversaire de la période de Metapolítefsi (période de transition vers la restauration de la démocratie. N.d.T.) dans un contexte de mobilité des partis d'opposition.
G. GERAPETRITIS : Les cinquante années qui ont suivi la Metapolítefsi sont sans aucun doute la période la plus douce et la plus prospère de notre histoire moderne, avec la démocratie la plus stable, la plus mûre et la plus inclusive que le pays ait connue. Le rôle de la Nouvelle Démocratie a été essentiel, car elle a contribué de manière décisive à la consolidation et à l'approfondissement des institutions démocratiques ainsi qu'à l'accélération du développement économique du pays. L'adhésion de la Grèce à l'Union européenne en 1981 et le maintien de notre pays dans la zone euro pendant la période de crise économique sont des jalons de la période de la Metapolítefsi. Il est indéniable que les réalisations de cette période ont reposé sur le bon fonctionnement du système politique, un système de gouvernance parlementaire doté de solides mécanismes institutionnels, qui a permis une succession longue et harmonieuse de gouvernements. Dans ce contexte, l'articulation d'un discours crédible par les principaux partis d'opposition, qui sont en phase de reconstruction, est impérative, en particulier à un moment où le pays est confronté à des défis complexes. Le repli sur soi prolongé des partis active le populisme. Sur les questions économiques et sociales, le populisme est dangereux ; sur les questions nationales, il est désastreux.
JOURNALISTE : Quels sont aujourd'hui les principes de base du fonctionnement et de l'élaboration des politiques au ministère des affaires étrangères ?
G. GERAPETRITIS : Avec la direction politique et l'administration des services du ministère des Affaires étrangères, nous avons organisé notre mode de travail sur la base du triptyque : confiance dans les services, respect des institutions, diplomatie fondée sur des principes. Nous utilisons et valorisons le personnel expérimenté et compétent du ministère des affaires étrangères. Nous tenons le Parlement régulièrement informé et nous informons périodiquement les dirigeants politiques en privé. Nous convoquons le Conseil national de politique étrangère. Nous pratiquons une politique étrangère fondée sur des principes, et non une diplomatie transactionnelle, ce qui nous permet de gagner en crédibilité. Avec sérieux, connaissance et sagesse, nous nous engageons auprès de tous et développons un capital international supérieur à la taille de notre pays. Notre élection solennelle et quasi unanime au Conseil de sécurité des Nations unies, sous la bannière de notre engagement en faveur du droit international et de la résolution pacifique des conflits, confirme notre force diplomatique et jette les bases d'une reconnaissance internationale accrue. Avec fierté pour la patrie et sécurité pour l'avenir.
JOURNALISTE : Êtes-vous satisfait des réformes des gouvernements Mitsotakis et quelles sont vos priorités pour revendiquer la majorité ?
G. GERAPETRITIS : Tout changement ne constitue pas une réforme. Il doit comporter un élément de rupture avec le passé. Cela nécessite un changement de la pensée politique, car pendant des décennies, les changements ont souvent été emblématiques et insuffisants. C'est ainsi que nous avons eu une abondance de lois, souvent mal écrites, avec la bureaucratie et la corruption. Depuis 2019, un effort important a été lancé pour changer les mentalités. Voyez des exemples simples : la loi sur l'État exécutif a établi pour la première fois en Grèce un manuel unique de gouvernance ; la nouvelle charte judiciaire était en attente depuis 100 ans ; les universités non étatiques ouvrent un nouveau chapitre qui était resté fermé de manière injustifiée ; la plateforme gov.gr libère numériquement 1 901 services administratifs ; la loi sur le climat fixe les conditions de la durabilité pour les générations futures. Des réformes nécessaires, mais pas suffisantes. Il faut continuer à s'engager dans notre programme, à coordonner les nombreuses fonctions et à faire preuve de professionnalisme dans la mise en œuvre. Et surtout, il faut adhérer au projet du Premier ministre d'être humble et proches de la société.
JOURNALISTE : D'une carrière universitaire à des fonctions gouvernementales. Comment vivez-vous cette transition ?
G. GERAPETRITIS : J'ai toujours ressenti l'obligation morale de rendre à mon pays la chance qui m'a été donnée d'étudier dans une grande école modèle, d'étudier en Grèce et à l'étranger grâce à une bourse du gouvernement et d'enseigner dans la plus grande université grecque. C'est pourquoi la décision de m'engager dans la vie politique n'a pas été difficile à prendre. En revanche, le passage de l'université à la politique a été violent. En effet, j'ai dû m'adapter, du jour au lendemain, à une réalité différente, sans renoncer à ce que j'avais longtemps enseigné à mes étudiants, en intégrant à ma pensée rationnelle des éléments tels que le prix politique de chaque action, qui n'est jamais devenu un critère de choix décisif dans ma carrière politique. Et ce, dans un environnement d'exposition excessive qui conduit en peu de temps et de manière douloureuse à la prise de conscience de la tolérance qu'un personnage public doit manifester à l'égard des critiques, aussi acerbes et dérangeantes soient-elles. Malheureusement, l'hostilité, l'intolérance et l'absence de limites dans le discours public sont un coup de poing quotidien dans l’estomac et exigent des réserves inépuisables de sang-froid et de concentration pour continuer à faire ce qui est juste sans être affecté. Je suis aidé en cela par mon choix fondamental de maintenir des piliers d'équilibre dans ma vie. Je fais profil bas, je conserve les habitudes et les fréquentations que j'ai toujours eues, et je reste simple et aimable dans ma vie quotidienne. J'essaie de servir la fonction que mon pays m'a confiée, non pas en tant que politicien, mais en tant que citoyen.
September 14, 2024