Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis lors de l'émission « Syndesseis » de la chaîne ERT, aux journalistes Kostas Papachlimintzos et Christina Vidou (14.05.2024)

interview-accordee-par-le-ministre-des-affaires-etrangeres-giorgos-gerapetritis-lors-de-lemission-syndesseis-de-la-chaine-ert-aux-journalistes-kostas-papachlimintzos-et-christina-vidou-14052024JOURNALISTE : Le ministre des Affaires étrangères Giorgos Gerapetritis est avec nous et nous l’en remercions vivement, car nous savons qu'il est rentré tard hier soir d'Ankara. Il est donc ici ce matin pour faire le point sur cette rencontre, avec l'aide bien sûr du bon collègue Nikos Meletis.  Bonjour, Nikos à toi également. Commençons donc par vous, Monsieur le Ministre, avec la première question, bien sûr, qui est la plus évidente. Il s'agit donc de la quatrième rencontre entre les deux dirigeants en dix mois. Quel est le bilan ? Y a-t-il des avantages pratiques, pour ainsi dire, pour la partie grecque ?

G. GERAPETRITIS : Monsieur Papachliminzos, je pense qu'après la rencontre d'hier, nous entrons dans une nouvelle phase des relations gréco-turques et du débat gréco-turc. Cette phase est régie par une normalité. Comme l'a dit le Premier ministre, une normalité productive. Et qu'est-ce que j'entends par normalité ?
Tout d'abord, il y a une régularité dans les contacts. Nous nous rencontrons à intervalles réguliers et nous continuerons à le faire.
Deuxièmement, il n'est pas nécessaire de conclure de multiples accords à chaque fois que nous nous rencontrons, ni de gérer des questions majeures. Nous devons nous rencontrer et discuter régulièrement.
Et troisième point, je pense, et le plus important, est que nous devrions être en mesure de discuter et d'être en désaccord sans provoquer de tensions et de crises potentielles. Car, notre position de base est que nous nous concentrons toujours sur les choses qui sont mutuellement bénéfiques. Mais nous devrions également discuter des questions difficiles et sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, sans nécessairement créer des conditions de tension.

JOURNALISTE : Vous savez que les gens se demandent - parce que vous avez parlé d'une nouvelle phase des relations entre les deux pays - combien de temps pensez-vous que ce dialogue va durer sans qu’il ne produise de résultat ? Ou sans solution à ce qui pourrait être considéré comme problème nécessitant une solution ?

G. GERAPETRITIS : Il y a des résultats, Madame Vidou, et je pense que les résultats sont évidents tant au niveau de la rhétorique qu'au niveau du terrain. Toute rhétorique hostile a disparu au cours des dix derniers mois. Nous avons apaisé la tension qui régnait les années précédentes, mais aussi sur le terrain. Nous comprenons tous l'intérêt d'avoir des flux presque nuls à notre frontière orientale, ainsi que de n'avoir aucune violation de l'espace aérien. Je pense que ces situations sont très importantes pour le bien-être du pays. Je tiens particulièrement à souligner qu'à une époque où les hostilités dans l'ensemble de la région sont sans précédent, je pense qu'il est extrêmement important de pouvoir disposer d'un pilier de stabilité dans notre propre région, d'un calme.

Quant à la question de savoir combien de temps ce calme durera, je suis d'avis qu’il peut durer. J'ai le sentiment que le dialogue qui se déroule actuellement, quels que soient les désaccords enregistrés, est un dialogue sincère, régi par une compréhension mutuelle. Nous comprenons qu'il y a des questions sur lesquelles il ne peut y avoir de convergence. Et ces questions ont leur propre poids historique.
D'un autre côté, je pense que les deux parties comprennent que, particulièrement aujourd'hui, il est très important que nous puissions avoir plus de calme dans notre région et, surtout, que nous ayons une plus grande perspective. Je tiens à souligner en particulier le fait que la question clé de politique internationale sur laquelle nous étions en désaccord hier, à savoir la question du Moyen-Orient, se trouve actuellement dans une phase particulièrement complexe. L'invasion russe de l'Ukraine est également dans une phase particulièrement critique. Et je voudrais particulièrement souligner qu'il y a aussi des domaines qui pourraient potentiellement provoquer de très grandes crises, en particulier en provenance d'Afrique. La situation qui existe aujourd'hui en Afrique subsaharienne crée des conditions de très forte pression à la fois dans les domaines migratoire et économique, mais surtout dans le domaine humanitaire. Pouvoir parler à la Turquie et avoir cette compréhension est, je pense, important tant que cela durera. Et nous nous efforcerons de faire en sorte qu'elle dure longtemps.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, mais n'y a-t-il pas un risque que ces questions de souveraineté soulevées à l'encontre de notre pays ne deviennent une normalité ? Nous l'avons vu dans l'interview de M. Erdogan à Kathimerini et dans ses déclarations précédentes, ainsi qu'avec la question des parcs marins. Au fond, la Turquie voit dans cette récession, dans ces eaux calmes de la mer Égée, qu'elle ne commet pas de violations en échange du non-exercice de notre part de nos droits souverains dans la mer Égée et la Méditerranée orientale. N'y a-t-il pas là un danger de normalité, de normalité acceptable pour les questions de souveraineté ?

G. GERAPETRITIS : Avec tout le respect que je vous dois, je suis totalement en désaccord avec ce que vous avez dit. Et je suis en désaccord principalement au niveau des faits, pas au niveau de l'évaluation. L'évaluation vous appartient entièrement. Je ne suis pas d'accord au niveau des faits sur les points suivants.
Premièrement, les questions de souveraineté ne font pas partie de la discussion. La partie turque peut en effet avoir ses propres positions concernant la souveraineté et les questions, que l'agenda turc a toujours incluses. Toutefois, les questions de souveraineté ne feront pas partie de notre discussion.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'exercice de nos droits souverains, il n'y a pas de contrepartie. La Grèce exerce pleinement sa souveraineté, elle exerce pleinement ses droits souverains. Nous sommes convaincus que nous pouvons discuter et trouver des solutions aux problèmes sans abroger aucun de nos droits. Et il n'y a eu absolument aucune abrogation d'aucun droit, si je puis dire, Monsieur Meletis. En ce moment, la situation est en effet très calme en mer Égée.

Il n'y a pas si longtemps, M. Meletis - vous vous en souvenez bien parce que vous êtes un journaliste très expérimenté et je pense que vous avez aussi la mémoire historique ici à la télévision publique - nous avons connu des situations incontrôlables. En 2015-2016, nous avons accueilli 1,2 million de réfugiés et de migrants en provenance de notre frontière orientale. [Ce qui s’était passé à] Idomeni et Moria n’est pas très loin. De plus, j’aimerais dire que la rhétorique hostile était une routine quotidienne pour la Grèce. Les batailles aériennes dans la mer Égée présentaient le risque de provoquer un conflit par accident. Tout cela est très récent, Monsieur Meletis.

Je tiens à vous dire ceci. Je ne suis ni irréaliste, ni naïf. Je sais qu'il y a des positions turques très fortes qui remontent à des décennies. Ce que je veux, c'est que nous puissions discuter dans un esprit de concertation, que nous puissions être en désaccord, mais de manière civilisée, sans provoquer de tensions et de crises. Et que d’un autre côté nous promouvions un agenda positif avec des accords mutuellement bénéfiques qui peuvent faire progresser nos relations bilatérales. Pas d'abrogation de la souveraineté. Pas de discussion sur la souveraineté.

JOURNALISTE : Parce qu'il a été question de parcs marins, bien que visiblement la Turquie s'y oppose catégoriquement. Le gouvernement grec va-t-il procéder à la définition des parcs marins ? Ou bien si la Turquie dit stop, si elle met le holà, nous ferons marche arrière ?

G. GERAPETRITIS : Je suis très clair et je répète que si vous avez vu un recul dernièrement, je vous prie de me le dire. En effet, je lis également les communiqués de l'opposition parlant d’un recul constant, sans qu'un seul argument ne soit avancé, sans qu’un seul élément objectif ne soient mentionné.

La réponse est claire. Les parcs marins verront le jour. Les parcs marins sont essentiellement la quintessence de la protection de l'environnement marin, ce qui est extrêmement critique pour notre pays et extrêmement utile, à mon avis, pour tous les pays méditerranéens. Il s'agit d'un suivi de la grande conférence qui s'est tenue en Grèce avec la participation de 125 États et organisations internationales pour la protection des mers et des océans, avec quelque 400 engagements pour un montant de 11,5 milliards de dollars. La Grèce a déclaré qu'elle créerait deux parcs marins sur la base de critères environnementaux. Nous sommes actuellement dans la phase d'étude pour définir les critères environnementaux techniques. Lorsque cela sera finalisé, les parcs seront inscrits sur la carte. Ce sont des questions qui relèvent de la souveraineté grecque et qui concernent en fait la durabilité non seulement de la Grèce, mais aussi de la planète.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, si je comprends bien, le noyau dur des questions, la délimitation, ne fait toujours pas l’objet de discussion, la situation n’est pas mûre, vous l’avez dit, le Premier ministre l'a dit. Quand saurons-nous que la situation est mûre, que les questions sont mûres pour être abordées ? Qui s’en occupera, vous et votre homologue, M. Fidan ? À un moment donné, lors de vos réunions, examinez-vous ces questions, pour voir si les conditions sont réunies, pour passer à l'étape suivante avec des contacts exploratoires ? Comment ce processus se déroulera-t-il ? Et quand pensez-vous que cela peut être fait ?

G. GERAPETRITIS : Je pense, Monsieur Meletis, que vous avez raison de soulever la question de la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive comme une question majeure. En effet, il s'agit de la question sous-jacente à partir de laquelle les tensions se multiplient. Je suis convaincu que si nous parvenons à résoudre ces questions de délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive, nous aurons une paix durable dans notre région. Pour l'instant, nous n'avons pas soulevé ces questions, comme vous l'avez dit.

Nous pensons - et je pense qu'il existe une position commune sur ces questions avec la Turquie – qu’il est utile que ces questions soient abordées prochainement. Ce sera à l'appréciation des deux dirigeants, qui auront l'occasion, dans un avenir très proche, de se rencontrer plus souvent. Et nous recevrons le mandat qui nous permettra d'avoir cette discussion. Je tiens à dire, M. Meletis, que, comme vous le savez, il y a une très longue histoire de discussions sur la délimitation dans le contexte des prétendus contacts exploratoires. Malheureusement, bien que nous ayons eu plusieurs cycles, 63 cycles de contacts exploratoires dans le passé, nous n'avons pas été en mesure de parvenir à un accord sur la délimitation ou même de renvoyer ce différend devant une juridiction internationale. Je pense que le moment historique est venu pour nous d'avoir cette discussion et d'apporter à notre pays une paix longue et prospère. Le moment où ces conditions seront réunies dépend, à mon avis, de deux facteurs.

Le premier est que la bonne entente et la sincérité entre les parties doivent être renforcées. Le second est d'évaluer les accords qui ont été signés afin de s'assurer qu'ils ont produit un résultat positif et bénéfique. Je tiens à vous dire que rien que le 7 décembre, dans le cadre de la visite de la délégation turque, 15 accords et protocoles d'accord ont été signés. C'est très important à mes yeux. Et ces accords devront être évalués lorsque nous serons sûrs que des résultats positifs ont été obtenus, qu'un climat de sincérité et de bonne entente a été consolidé, nous irons de l'avant.

Monsieur Meletis, Madame Vidou, Monsieur Papachliminzos, je voudrais me concentrer sur des questions qui sont des questions de « basse politique », mais très importantes et très symboliques. Grâce aux efforts du gouvernement grec et en coordination avec la Commission européenne, nous avons lancé un programme de visites de citoyens turcs dans dix de nos îles. Ce programme - outre l'énorme valeur économique qu'il représente pour nos îles, car il dure toute l'année, prolonge la saison touristique, mais aussi le produit touristique lui-même - a une très grande valeur, car il réunit des citoyens des deux pays. Je pense que la mise en œuvre de cet accord a déjà suscité une grande satisfaction, tant sur nos îles que du côté de la Turquie. C'est le type d'accord que nous voulons mettre en place, pour qu'il y ait une bonne compréhension, une bonne diplomatie au niveau des citoyens, pour que nous puissions discuter même des questions les plus difficiles.

JOURNALISTE : Ces questions de basse politique sont en effet très, très importantes. Je m'attarderai un peu sur l'une des épines dans les relations entre les deux pays. Je veux parler du problème chypriote. Publiquement, nous n'avons rien entendu dans les déclarations des deux dirigeants. Je ne sais pas si la question a été abordée lors des discussions privées à huis clos. Où en sommes-nous en termes de discussions et quelles initiatives prenez-vous ?

JOURNALISTE : Et si vous avez, au cours de la discussion, reçu un message de la part d'Erdogan en vue du dialogue qui se déroule avec Mme Holguín également.

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, je voudrais souligner que le gouvernement grec et le gouvernement chypriote sont convaincus que l'amélioration des relations gréco-turques contribue également de manière positive aux discussions sur la question chypriote. Je pense que la discussion qui a lieu actuellement entre la Grèce et la Turquie peut produire un résultat extrêmement bénéfique pour les discussions qui ont lieu actuellement sous les auspices des Nations unies.

Ma réponse sera claire. Oui, nous avons soulevé la question de Chypre. Il y a eu une discussion sur la question chypriote. Notre position, chers amis, est que les discussions entre les parties doivent être relancées. C'est-à-dire entre le président Christodoulides et le leader de la communauté chypriote turque, Tatar, sous les auspices de l'envoyée personnelle du secrétaire général des Nations unies, Maria Angela Holguín, afin que nous puissions voir le champ dans lequel nous pouvons évoluer. Et ce champ ne peut être que les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies sur la Fédération bicommunautaire bizonale.

Je voudrais dire que, bien que les parties turque et chypriote turque aient effectivement multiplié ces dernières années les discours sur l'égalité souveraine, ce qui est en dehors du cadre des Nations unies, l'essentiel pour le moment - et c'est pourquoi nous exerçons toute notre influence - est que le président Christodoulides et M. Tatar s'assoient à la même table et discutent.

Ce que je veux dire, c'est que nous exerçons toutes les pressions diplomatiques nécessaires. Je voudrais vous dire que dans quelques heures, je recevrai l'envoyée personnelle du secrétaire général des Nations unies, Mme Holguín, dans mon bureau au ministère des affaires étrangères. Nous aurons une discussion. Nous avons des contacts très réguliers avec Mme Holguín sur le problème chypriote, qui reste toujours de la plus haute importance diplomatique pour le gouvernement grec. Et je tiens à vous dire que je garde l'espoir que, dans un avenir proche, nous aurons des discussions sur cette question. Pour pouvoir discerner les possibilités d'avancer vers une solution longue et viable au problème chypriote. Il n'y a absolument aucune possibilité de laisser le problème chypriote derrière nous.

JOURNALISTE : Vous avez dit tout à l'heure que l'opposition, dans sa déclaration, parle de concessions systématiques, sans rien mentionner de plus précis. En lisant la déclaration d'hier soir de SYRIZA, qui parle de concessions et mentionne un exemple, qui est le suivant : le fait que M. Mitsotakis ait essentiellement donné le feu vert au président turc pour la conversion illégale de l’église de la Chora d'un musée en une mosquée, en se concentrant uniquement sur les questions d'accessibilité au public, est inédit.

G. GERAPETRITIS : Nous comprenons tous que ce communiqué ne repose sur aucune base factuelle. Pour dire les choses telles qu'elles sont, il convient de mentionner ce qui suit :

Premièrement, la décision de transformer l’église de la Chora en mosquée a été prise depuis 2020. Il y a bien eu des travaux de restauration. La semaine dernière, parmi 200 monuments, dont l’église de la Chora, le gouvernement turc a annoncé qu'ils allaient devenir des mosquées. Nous attachons une importance particulière à la préservation du caractère culturel œcuménique de l’église de la Chora. Le caractère culturel œcuménique est lié à la possibilité pour chacun de voir les trésors culturels qui se trouvent dans l’église de la Chora. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de la visiter dans le passé. Il s'agit de mosaïques qui, à mon avis, sont la quintessence de la culture byzantine. Elles sont extrêmement précieuses, tant sur le plan historique qu'artistique. Et je pense qu'il est absolument nécessaire de sauvegarder le caractère muséal de ce monument.

Nous avons soulevé cette question. Vous savez qu'elle est très sensible pour les citoyens grecs, mais aussi pour le gouvernement grec. Nous l'avons soulevée avec une insistance particulière devant la délégation turque. Je pense que le président Erdogan a également entendu la sensibilité de la partie grecque. Et j'espère que dans un avenir très proche, nous aurons un développement sur cette question, qui pourra maintenir le caractère universel et muséal du monument.

JOURNALISTE : Qu'est-ce que cela signifie ?

G. GERAPETRITIS : Je suis très, très clair sur le fait que ce monument doit être ouvert au public et que tous ses trésors culturels doivent être ouverts au public, pour les citoyens de toutes les religions.

JOURNALISTE : Autrement dit qu’ils ne soient pas être recouverts de draps.

G. GERAPETRITIS : Nous comprenons tous combien il est important que les mosaïques ne soient pas recouvertes ainsi que tout ce qui se trouve à l'intérieur du temple. Ces questions sont très, très importantes. Je comprends qu'il y ait une très grande sensibilité et je la justifie pleinement, s’agissant de la question de l’église de la Chora, et c'est pourquoi c'est l'une des questions que nous avons soulevées avec beaucoup d'acuité. Vous savez, il arrive souvent que sur des questions qui ont pour nous une très grande valeur historique et culturelle, l'autre partie ne soit pas d'accord sur leur importance. C'est pourquoi j'ajouterais qu'il est particulièrement important que ces discussions aient lieu afin que les deux parties puissent comprendre quelles sont les sensibilités de l'autre partie. Et pour nous, l’église de la Chora relève d’une sensibilité majeure.

JOURNALISTE : Je transmets juste le message des téléspectateurs, avec d’abord Sainte-Sophie, puis l’église de la Chora. Y en aura-t-il une troisième ? Et si c'est le cas, quelle sera la réaction du gouvernement, de la diplomatie grecque ?

G. GERAPETRITIS : Tout d'abord, la réaction a déjà eu lieu à partir de 2020 pour Sainte-Sophie et l’église de la Chora. Nous comprenons que la position de la partie turque peut être complètement différente, mais il n'est pas question pour nous de reculer à cet égard. Nous soulèverons la question dans tous les forums, comme nous l'avons fait à l'UNESCO, comme nous l'avons fait dans toutes les organisations internationales. J'informe également mes collègues de l'Union européenne des questions relatives au patrimoine culturel universel. Nous ne lâcherons cette question sous aucun prétexte.

JOURNALISTE : Avant d'aborder la question de la Macédoine du Nord. Je voulais juste poser une dernière question sur la réunion d'hier. Parce que ce qu’a dit Tayyip Erdogan à propos de questions « interconnectées » est un peu passé inaperçu. Je voudrais savoir si M. Erdogan a soulevé cette question lors de la réunion, ou lors des réunions qui ont eu lieu, et quelle est la réponse de la partie grecque ?

G. GERAPETRITIS : En ce moment, nous discutons de ces questions, qui sont des questions majeures. Nous discutons des migrations, de la protection civile, de la santé et de l'environnement international. En ce qui concerne les questions relatives à la mer Égée, la position de la partie grecque reste inchangée. La position nationale est que la question de la délimitation du plateau continental et de la zone économique exclusive est la seule question qui existe actuellement et qui peut être portée devant une juridiction internationale, et c'est sur cette base que nous en discuterons. Les questions de souveraineté ne peuvent être et ne seront pas soumises à la discussion et au dialogue.

G. GERAPETRITIS : Je voudrais profiter de cette occasion pour vous dire que demain matin, j'informerai également la commission compétente des affaires étrangères et de la défense, afin que l'Assemblée soit pleinement informée des questions gréco-turques. Je considère qu'il est très important que les citoyens grecs soient informés directement de ce qui se passe dans le cadre du dialogue gréco-turc et, bien sûr, la délégation nationale et les partis politiques, et c'est pourquoi je pense que la plate-forme de la chaîne ERT est également nécessaire pour que l'information soit immédiate, comme cela a été le cas après le Conseil du 7 décembre.

JOURNALISTE : Sur la question de la Macédoine du Nord, Monsieur le Ministre, je laisserai les critiques que vous recevez de la part de l'opposition, qui dit qu'aujourd'hui vous suppliez l'application, l'application fidèle d'un accord que vous avez vous-même rejeté lors de sa signature en 2018. Et je poserai la question suivante : Comment allons-nous aller de l'avant à partir d'ici ? Nous avons une violation flagrante de l'accord par Mme Siljanovská, la nouvelle présidente, car il est explicitement stipulé à la fois par l'accord et par la circulaire publiée par le ministère des Affaires étrangères qu'elle ne peut pas utiliser le terme « Macédoine », mais elle est obligée, en tant que représentante d'un organisme d'État, de se référer au nouveau nom constitutionnel.

L'accord lui-même prévoit la manière dont la Grèce peut procéder, soit en dénonçant cette situation dans le cadre de contacts bilatéraux, soit en intensifiant ses réactions. Comment voyez-vous la suite de cette histoire ? Un accord, qu'il soit bon ou mauvais, l'essentiel est qu'il y ait de la bonne foi dans sa mise en œuvre.

G. GERAPETRITIS : Il s'agit de deux questions différentes. Permettez-moi de parler d'abord de la première, la mineure, et je parlerai ensuite de la majeure. La mineure est la réaction de l'opposition, qui, je le dis, est une lecture artificielle et très simple d'une situation complexe. Tout d'abord, il n'y a absolument pas d'imploration de la part de la partie grecque. La partie grecque exige le respect de ce qui a été convenu. Vous savez très bien qu'une fois qu'un traité international est ratifié par les parlements, il acquiert force de loi. Aucun des deux États ne peut réviser unilatéralement cet accord. Par conséquent, même s'il n'est pas d'accord avec le contenu du traité, il doit l'appliquer.

Je tiens à souligner en particulier la différence de traitement institutionnel dans les deux États. Aujourd’hui, le gouvernement grec, qui était dans l'opposition lors de la ratification de l'accord de Prespès, a très spécifiquement et clairement exprimé son désaccord sur des chapitres individuels concernant des questions « grises », qui pourraient potentiellement causer des tensions, et il semble qu'elles causent effectivement des tensions. Néanmoins, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement et dans le contexte de la continuité de l'État et de l'impératif constitutionnel selon lequel un gouvernement ne peut pas réviser unilatéralement les traités, nous l'avons appliqué et avons exigé que l'autre partie s'y conforme également. Nous continuerons à le faire. Et je suis vraiment curieux d'entendre l'argument avancé, à savoir pourquoi les protocoles qui ont suivi l'accord de Prespès n'ont pas été ratifiés.

JOURNALISTE : C'est là que l'opposition intervient, [qui dit que] vous ne l'avez pas fait depuis cinq ans.

G. GERAPETRITIS : On nous le reproche et je vais vous dire une chose très simple : Je ne pense pas qu'il puisse y avoir une plus grande justification de cette politique, qui consiste à conditionner la ratification des protocoles d’accord à leur respect intégral, que ce qui s'est passé. En effet, le point crucial est qu'il semble y avoir actuellement une division au sein de la direction politique de la Macédoine du Nord. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, nous soumettrons cette question au Parlement lorsque le moment politique critique sera venu, c'est-à-dire lorsque la partie grecque sera convaincue du respect total des accords. Car nous savons tous qu'il y a aussi des points sur lesquels le pays voisin n'a pas respecté ses engagements. Et je ne parle pas du nom, bien sûr, mais d'autres questions.

Permettez-moi de vous dire maintenant ce qui se passe avec le nom. Tout d'abord, examinons les aspects concrets et institutionnels. Le nom "République de Macédoine du Nord" figure dans l'accord de Prespès et, selon ce même accord, à l'article 20, dernier article, il ne peut être modifié en vertu d'aucun traité. La question du nom ne fait donc pas partie des questions qui peuvent être modifiées, même par accord mutuel. Il n'est donc pas question d'amendement, comme convenu par les deux parties, ratifié par les deux parties et liant à la fois l'ordre politique grec actuel et l'ordre politique de la Macédoine du Nord.

Deuxièmement, à l'heure actuelle, ce n'est pas seulement la pression qu'exerce la Grèce. Il y a aussi la pression exercée au sein de la Macédoine du Nord. M. Meletis s’est référé, à juste titre, au communiqué du ministère des affaires étrangères de Macédoine du Nord exigeant de la présidente qu’elle se conforme pleinement, au communiqué du ministère de la justice qualifiant la prestation de serment insubstantielle et, bien sûr, je voudrais souligner que la politique que la nouvelle présidente semble adopter est également contraire à l'opinion publique en Macédoine du Nord.

Le troisième point, le plus important selon moi, est que la partie grecque a réagi avec rapidité. Grâce aux initiatives du ministère des Affaires étrangères, les autorités communautaires ont été immédiatement informées, il y a eu un communiqué, et il n'est pas habituel, comme le sait M. Meletis, d'avoir une réaction aussi immédiate de la part de la présidente de la Commission européenne, du président du Conseil européen et du représentant de l'Union européenne, et en même temps, il y a eu une position internationale, c'est-à-dire que de nombreux pays ont publié une déclaration à cet effet. Il y a donc une réaction coordonnée en faveur du respect des règles.

Et ce qui est important, comme l'a mentionné M. Meletis, c'est de savoir quelles seront nos prochaines étapes. Nous exigeons le respect de l'accord de Prespès. Il s'agit d'une loi internationale qui doit être mise en œuvre. Nous formulerons le cadre nécessaire à une mise en œuvre complète. Nous comprenons tous que, du point de vue idéologique et de la vision du monde, les nouveaux dirigeants politiques peuvent avoir un point de vue différent, mais il y a des questions qui sont au-dessus de leur volonté. Il ne s'agit pas d'une question d'autodétermination pour chaque titulaire d'une fonction politique. Nous le comprenons tous. Il s'agit de respecter ce qui a été convenu et c'est dans cette direction que le gouvernement grec agira.

JOURNALISTE : Cependant, je pense que, comme le disent les Anglo-Saxons, il y a un éléphant dans la pièce. Un éléphant dans la pièce, non seulement avec la Macédoine du Nord, mais aussi avec l'Albanie. Examinons ces deux questions. Nos deux voisins du nord, dont je ne sais pas si vous êtes préoccupés par cette tension soudaine dans nos relations. L'éléphant dans la pièce est la possibilité d'un veto sur la voie de l'adhésion des deux pays. Cette question est-elle sur la table du gouvernement grec, de la diplomatie grecque ?

G. GERAPETRITIS : Ce n'est pas un éléphant, si je puis dire. Il s'agit d'un droit institutionnel, qui est attribué aux États membres de l'Union européenne. Nous sommes clairs : en ce qui concerne la Macédoine du Nord, la mise en œuvre fidèle et de bonne foi de l'accord de Prespès est explicitement une condition préalable à son adhésion. Il s'agit donc d'une condition préalable à la poursuite du processus d'adhésion. Nous observons la situation de très près et nous agirons dans ce sens. Les dirigeants de l'Union européenne ont également insisté sur ce point.

En ce qui concerne l'Albanie, nous comprenons que l'État de droit, les droits des minorités, la démocratie et les garanties de l'acquis communautaire ne sont pas une question bilatérale, mais une question purement européenne. Nous sommes souvent blâmés pour ces questions. Je voudrais le souligner et profiter de l'occasion pour attirer l'attention du peuple grec sur ce point. Nous sommes en faveur de la paix dans les Balkans et nous sommes en faveur de l'évolution européenne de tous les Balkans occidentaux. Après tout, c'est la Grèce qui a pris l'initiative et accéléré le processus à Thessalonique en 2003. Toutefois, nous devons garder à l'esprit qu'il n'est pas possible de faire des concessions sur les principes fondamentaux et c'est pourquoi nos propres dirigeants exercent une surveillance très stricte.

JOURNALISTE : Monsieur le Ministre, en ce qui concerne l'Albanie, avant l'affaire Himara et l'arrestation de Beleri, il y avait des violations de l'État de droit, mais la Grèce n'avait pas soulevé la question d'un obstacle au processus d'adhésion de l'Albanie. Cela s'est produit après l'incident de Himara et l'usurpation de la municipalité de Fredi Beleri. Je voudrais poser la question suivante: M. Rama est apparu à Athènes avant-hier en croyant essentiellement que la question était réglée et que nous pouvions recommencer depuis le début. Que nous effaçons tout et que nous reprenons depuis le début. Est-ce bien le cas ? En d'autres termes, à Himara, quelle est la position de la Grèce aujourd'hui ? Quelle est notre exigence vis-à-vis de la partie albanaise en ce qui concerne le respect de l'État de droit, comme vous l'avez dit précédemment ?

JOURNALISTE : Donc, même si Fredi Beleri est élu après-demain en tant que député européen, la question est close pour nous aussi, n'est-ce pas ?

G. GERAPETRITIS : Nous comprenons tout d'abord qu'il y a un certain point historique dans les relations euro-albanaises. Pour l'instant, le chapitre qui concerne les fondamentaux n'a même pas été ouvert. Le premier chapitre, qui sera ouvert, est précisément celui du respect des libertés fondamentales. Nous comprenons que toutes les questions relatives à Himara, toutes les questions relatives aux droits des minorités, toutes les questions relatives au respect des droits politiques de tous les citoyens, seront soulevées précisément lorsque le chapitre sur les fondamentaux sera ouvert, et c'est là que toutes les questions relatives à Himara seront évaluées. Pour l'instant, la partie grecque observe la situation. Ils sont dans une situation très, très stricte en ce qui concerne notre surveillance. Je pense qu'en Europe aussi, le phénomène est bien compris. Les dirigeants européens ont été informés de la situation, tout comme les commissaires européens, et je pense que le moment venu, la partie grecque placera les problèmes dans leur dimension objective. Nous n'allons jamais exagérer dans notre exercice et nous n'allons pas faire des politiques transactionnelles. Ce que nous voulons, c'est que chaque État qui entre dans la famille européenne le fasse en termes de démocratie et d'État de droit, et nous veillerons à ce que cela soit pleinement mis en œuvre.

JOURNALISTE : Pouvons-nous définir ce que sont les concessions auxquelles vous avez fait référence plus tôt et dans le cas de la visite de M. Rama ? L'opposition vous accuse de silence. Quoi de plus provocateur, disent-ils, que le jour même du premier anniversaire de son arrestation, de venir à Galatsi, en Grèce, pour faire ce discours, un an avant les élections. Il considère que c'est dans le cadre de la campagne électorale. Que répondez-vous à cela ? Auriez-vous pu l'éviter ? Dire non ?

G. GERAPETRITIS : Permettez-moi de commencer par une observation générale : sur les questions nationales, nous devrions faire preuve de rigueur et d'intégrité dans nos conclusions. En ce qui concerne les déclarations de l'opposition en particulier, je les étudie toujours avec soin, mais je constate qu'il y a toujours un démenti, mais jamais de prise de position.

En ce qui concerne les relations gréco-turques, je constate que tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un dialogue gréco-turc, mais qu'ils sont en désaccord sur certains points, ce que j'ai du mal à comprendre. Ils trouvent des concessions là où il n'y en a pas. Je veux qu'il y ait de la clarté. Notre position est claire. Nous avons obtenu le vote du peuple grec. Il y a un mandat politique, c'est ce que nous ferons. Nous essaierons d'améliorer les relations gréco-turques dans le contexte du respect total de notre souveraineté et de nos droits souverains. D'autre part, que l'opposition nous dise enfin : veut-elle que le dialogue gréco-turc se poursuive ? Veut-elle que nous discutions ? Veut-elle que le calme actuel se poursuive, sans flux migratoires, sans violations de l'espace aérien et avec un dialogue coordonné et planifié ?

En ce qui concerne la partie albanaise. J'entends dire : « mais pourquoi est-il venu ? » En effet, la visite de M. Rama était inopportune, car nous sommes à un an des élections en Albanie, alors que nous ne sommes qu'à quelques jours des élections en Grèce pour les membres du Parlement européen. Mais la Grèce est un État de droit, c'est une démocratie. La Grèce n'interdira jamais à un dirigeant européen de venir s'adresser à sa diaspora. Je pense que cela fait partie du noyau dur de la démocratie. Et moi, comme le Premier ministre et tous les dirigeants, lorsque nous nous rendons à l'étranger, nous rencontrons la diaspora grecque. Jamais cette communication ne sera interdite. Ainsi, lorsque l'opposition vient dire que : « vous devriez être plus sévères », veut-elle dire que nous devrions interdire à M. Rama d'entrer sur le territoire ? La réponse est claire : non. Nous continuerons, quel que soit le prix politique à payer, à avoir une politique stricte de principes, d'application fidèle du droit international. Le gouvernement grec ne fera aucune concession sur les fondamentaux. Ainsi, même si nous ne sommes pas d'accord sur le timing, nous accepterons toujours qu'un dirigeant étranger ait le droit de s'adresser à ses citoyens.

JOURNALISTE. Merci beaucoup, M. Gerapetritis, pour la conversation que nous avons eue et pour être venu ici alors que nous savons que vous êtes arrivé tard hier soir d'Ankara. Nous pensons que nous aurons l'occasion de nous rencontrer à nouveau au cours de l'été. Dans l'espoir qu'un jour les choses s'améliorent également dans notre voisinage plus large, globalement, je le dis maintenant, cela ne dépend pas que de nous.

G. GERAPETRITIS : Je suis extrêmement préoccupé par l'évolution de la situation dans la région élargie, en particulier au Moyen-Orient. Dans les prochains jours, la diplomatie grecque prendra à nouveau l'initiative sur les questions relatives au Moyen-Orient. Je recevrai également au ministère des affaires étrangères, dans les prochains jours, le ministre égyptien des Affaires étrangères, qui joue un rôle clé dans les discussions en cours pour trouver une solution viable. Je pense que le monde entier exige en ce moment un cessez-le-feu total et une aide humanitaire pour mettre fin à cette catastrophe.

JOURNALISTE : Je vous remercie.

G. GERAPETRITIS : Je vous remercie.

May 14, 2024