JOURNALISTE : Où en sommes-nous dans le dossier chypriote ? Sommes-nous sur le point d’atteindre une solution ?
N. KOTZIAS : Nous avons discuté des quatre premiers chapitres qui concernent les aspects intérieurs. Il existe une convergence de vues sur de nombreuses questions, mais bon nombre d’entre elles restent ouvertes, comme la présidence tournante ou encore la question territoriale et les garanties ainsi que la sécurité, lesquelles n’ont pas été abordées de manière détaillée par les deux parties. Mais nous avons engagé depuis longtemps une réflexion qui pourrait constituer une éventuelle solution ou un compromis.
JOURNALISTE : Quelle est la position et le rôle de la Grèce ?
N. KOTZIAS : La Grèce a son mot à dire pour ce qui est de la sécurité. La première fois que je me suis rendu aux Etats-Unis, en avril 2015, j’ai fait clairement savoir que nous devions en finir avec le système des garanties qui est un système obsolète. Les Chypriotes grecs et nous-mêmes consentons des efforts en vue de créer un système de coopération et d’amitié qui concerne la coopération entre Chypre et les deux anciennes, je dirais, forces garantes, mais sans droit d’intervention de leur part.
JOURNALISTE : Quelle est la position de la Turquie ?
N. KOTZIAS : A ce stade, la Turquie se trouve dans une phase de réflexion. J’ai rencontré M. Davutoğlu à plusieurs reprises et me suis entretenu à ce sujet. Nous ne nous sommes pas mis d’accord, mais lors de la rencontre ici à New York avec le Président Erdogan, nous sommes convenus de nous revoir bientôt pour en discuter plus amplement. J’ai préparé un document complet sur ces questions. Le gouvernement chypriote en tient compte et c’est sur cette base que nous allons avancer.
JOURNALISTE : Manifestement les forces turques doivent se retirer. Bientôt ? Dans combien de temps ?
N. KOTZIAS : L’armée d’occupation turque devra se retirer. Il va sans dire que, du point de vue pratique, ce retrait ne peut se faire du jour au lendemain. L’objectif visé par le président chypriote – et il bénéficie de notre soutien sans faille – est que la plus grande partie de l’armée soit prête à partir le lendemain, car les Chypriotes turcs auront tout à gagner de l’unification et du développement de la République chypriote tandis que pour les Chypriotes grecs les conditions appropriées n’ont pas été garanties, à savoir le retrait des forces d’occupation, la restitution des territoires et les accords au niveau interne. Donc la plus grande partie de l’armée turque devra partir dans les plus brefs délais et la procédure de retrait se fera dans un délai raisonnable.
JOURNALISTE : Il y aura un petit nombre qui restera ?
N. KOTZIAS : Non, aucun.
JOURNALISTE : Combien resteront et pour combien de temps ?
N. KOTZIAS : C’est le gouvernement chypriote qui négocie cela, mais l’idée est de faire partir la plus grande partie de l’armée le premier jour et le reste se retirera dans un délai prouvant que l’armée d’occupation ne reste pas à Chypre.
JOURNALISTE : Vous avez rencontré le Vice-président Biden. Quel rôle jouent les Etats-Unis ?
N. KOTZIAS : Les Américains seraient satisfaits si la confrontation entre la Grèce et la Turquie s’agissant du dossier chypriote prenait fin. C’est ce qui les intéresse dans un premier temps. La deuxième chose est qu’il faudra trouver une solution de compromis à la question. Différentes vues positives sur la question chypriote sont exprimées au sien de l’administration américaine et d’autres, plus négatives, auxquelles nous répondons comme il se doit.
JOURNALISTE : Qu’avez-vous discuté avec M. Erdogan, s’agissant de la question des réfugiés ?
N. KOTZIAS : Le premier ministre a discuté avec M. Erdogan de certains paramètres de la solution de la question des réfugiés qui, de par la force des choses, ont surgi et qui doivent être réglés. Les deux dirigeants nous ont assigné la mission, à nous ministres des Affaires étrangères, de les régler.
JOURNALISTE : Vous parlez de quels points au juste ?
N. KOTZIAS : Je parle des réfugiés qui ne peuvent plus être accueillis dans les îles par manque de place, de ceux qui doivent bénéficier des soins de la partie grecque et de ceux qui doivent retourner en Turquie car ne pouvant obtenir l’asile.
JOURNALISTE : La Grèce soutient l’abolition du régime des visas pour les citoyens turcs si les engagements sont tenus.
N. KOTZIAS : Nous souhaitons que tous les points convenus soient mis en œuvre. Les Turcs d’une part, pour ce qui est du contrôle et du retour des vagues de réfugiés, l’Europe pour ce qui est de répondre à ses engagements tant en matière de fourniture de financement que de régime des visas.
JOURNALISTE : Et elle n’a pas fait ce qu’elle devait faire jusqu’à maintenant ?
N. KOTZIAS : Il y a certains Etats membres qui ne veulent pas la matérialisation de l’accord, notamment en raison de la deuxième partie et ce à quoi doivent veiller la Grèce et la Turquie, mais aussi les instances européennes c’est l’application de l’accord.
JOURNALISTE : Est-ce que les différends dans les relations gréco-turques ont été abordés ?
N. KOTZIAS : On n’a pas trop parlé des questions gréco-turques. Il existe un canal d’entente entre les deux ministères des Affaires étrangères et à cet égard l’ancien Secrétaire d’Etat et nouvel ambassadeur de la Turquie à l’ONU, M. Sinirioglu a joué un rôle important. Et maintenant, nous nous attendons à ce que l’autre partie désigne la personne compétente en la matière afin de pouvoir poursuivre les contacts exploratoires, les mesures de confiance et le dialogue au niveau des ministères.
JOURNALISTE : Est-ce que les représentants d’organisations juives que vous avez rencontrés ont soulevé la question de la coopération tripartite avec la Palestine ?
N. KOTZIAS : Non, cela ne les a pas intéressés. Cette question n’a pas été soulevée. Nous voulons mettre en place une nouvelle architecture de sécurité en Europe du Sud-est et en Méditerranée orientale. Dans ce cadre, nous avons mis en place avec Chypre, les relations tripartites avec Israël, l’Egypte, la Jordanie, le Liban et maintenant la Palestine, à savoir avec tous les acteurs de la région. Par conséquent, nous jouons le rôle de vecteur d’entente et de coopération avec tous les pays de la Méditerranée orientale.
Deuxièmement, nous avons organisé les 8 et 9 septembre la réunion à Rhodes, une réunion marquant la mise en place d’une structure de coopération avec six Etats européens et six Etas arabes.
Troisièmement, nous voulons créer un agenda de coopération en général positif et pas négatif, sur une large gamme de questions. Comme vous le savez, lorsqu’on discute lors des rencontres bilatérales et au sein des forums multilatéraux du Moyen-Orient, le débat porte sur les conflits et les guerres. Nous voulons avoir un agenda positif qui portera sur la coopération dans les domaines de la culture, de l’économie, de l’éducation, etc. Et, quatrièmement, j’ai soumis une proposition à la réunion de l’OSCE à Potsdam, il y a deux semaines, à savoir que comme nous avons créé une structure de sécurité en Europe et ce, à l’époque de la guerre froide, avec les décisions d’Helsinki qui ont conduit à la création de l’OSCE, nous devons aujourd’hui aller vers une structure de sécurité similaire pour la Méditerranée orientale.
En outre, au-delà de nos actions dans la région des Balkans et dans notre région, nous avons aussi pris une initiative de créer une alliance entre les grandes civilisations qui continuent de jouer un rôle important dans le monde. Dans ce cadre, on envisage d’organiser une première rencontre vers la fin de l’année à Athènes, avec l’Irak, l’Iran, la Chine, l’Inde, l’Italie, l’Egypte, le Mexique et la Bolivie.
JOURNALISTE : En concluant et vu que nous nous trouvons aux Etats-Unis, dans quelle mesure le résultat des élections américaines influencera-t-il la Grèce ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Ecoutez, mon objectif est de créer des canaux de communication avec toutes le parties. Cela s’impose par l’intérêt national et c’est ce que je fais. Dans ce contexte, à l’occasion de ma présence ici, à New York, je me suis entretenu avec les collaborateurs de Mme Clinton et de M. Trump. Pour ce qui est de ces derniers, ce ne sont pas beaucoup les hauts fonctionnaires étrangers qui veulent s’entretenir avec eux, ce qui est, à mon avis, une erreur. Ils ont apprécié le fait que nous avons voulu nous entretenir avec eux. Comme vous le savez, la Grèce n’a aucun intérêt de soutenir l’une ou l’autre partie. Quel que soit le vainqueur, la Grèce pourra coopérer de manière efficace avec le nouveau gouvernement des Etats-Unis.
JOURNALISTE : S’agissant de la question de Skopje, y-a-t-il une certaine mobilité ? Vous vous êtes entretenus avec M. Poposki.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Oui, je me suis entretenu avec M. Nikola Poposki. A mon avis, après la fin du processus électoral et les élections du 11 décembre, il y aura, sans aucun doute, des incitations de la part de nombreuses parties, en faveur du règlement de la question du nom. Par conséquent, après les élections, cette question devra faire l’objet d’une consultation entre les deux ministères des Affaires étrangères et il ne faut pas permettre à des tiers d’y intervenir. Et, ce avec l’aide, bien évidemment, du médiateur, M. Nimetz.
JOURNALISTE : Est-ce que vos initiatives en faveur des mesures de confiance, nous rapprochent du règlement de la question ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : On verra. Mais, il faut que vous sachiez que les mesures de confiance ont beaucoup contribué au changement de l’image de la Grèce à Skopje, d’après laquelle la Grèce voudrait, soi-disant détruire cet Etat. Nous pensons que cet Etat fait bien d’exister et nous sommes en faveur de sa survie. C’est pourquoi, j’ai mis un veto lors du débat au sein de l’UE sur l’imposition des sanctions sur cet Etat.
JOURNALISTE : Est-ce que les voisins sont au courant ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Comme je vous l’ai, tout à l’heure, dit, les mesures de confiance ont contribué dans ce sens. Le problème est que le parrain de cet Etat a commis une certaine erreur concernant son appellation.
JOURNALISTE : Quel type de soutien a demandé le Premier ministre au vice-président Biden concernant la dette ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Il faut mettre fin à la politique d’austérité qui ne contribue pas à la baisse de la dette et au règlement des problèmes de la société grecque, des problèmes qui conduiront à une impasse non seulement de notre économie mais aussi celle de l’Europe tout entière. A cet égard, les Américains, qui ont l’économie la plus puissante dans le monde, font preuve de leur soutien et pensent que la dette grecque doit être réglée d’une manière permettant de la rendre viable. C’est une position exprimée non seulement en privé mais aussi en public.
JOURNALISTE : Sont-ils disposés à exercer leur influence sur des partenaires spécifiques ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Les Américains essayent d’influencer les partenaires mais, comme vous le savez, nous vivons dans une époque où les partenaires n’écoutent pas toujours ce que leur disent les Etats-Unis et cela doit être pris en considération dans l’exercice de la politique étrangère de la Grèce.
September 27, 2016