JOURNALISTE : Nous avons en ligne, le ministre des Affaires étrangères, N. Kotzias. Bonjour M. le ministre.
N. KOTZIAS : Bonjour à vous et aux auditeurs de REAL FM.
JOURNALISTE : La question du nom redevient d’actualité, non seulement en raison de la manifestation de demain, mais aussi des documents de « WikiLeaks » des 10 années passées qui ont été révélés au grand jour. 2008 était…
N. KOTZIAS : C’était en 2007 et 2008.
JOURNALISTE : C’était en 2008, si je me souviens bien. Nous vous interrogerons à ce sujet, mais je dirais qu’il y a une certaine effervescence en ce moment, sans doute parce que l’heure du référendum dans la République voisine approche. Et nous avons été frappés de constater – et nous commencerons par ce sujet – que le Président américain – qui a d’ailleurs félicité le pays voisin pour l’accord de Prespès et l’invite à voter, etc. – se réfère au pays voisin, comme d’autres acteurs internationaux, sous le nom « Macédoine » tout court. Pas même « Macédoine du Nord » - vous allez me dire que l’accord n’a pas encore été voté – ou encore le nom utilisé à savoir « Ancienne République yougoslave de Macédoine ».
N. KOTZIAS : Jamais l’appellation « ARYM » n’a été utilisée par les Américains, depuis l’époque où sous le gouvernement Simitis, un beau jour ils ont reconnu le pays voisin sous le nom « Macédoine » tout court, comme 145 autres Etats et je dirais que l’hypocrisie a atteint des summums d’aberration. Car il a été reconnu par tous les pays qui l’appellent « Macédoine », il a été reconnu sous le nom « Macédoine » sous les gouvernements de la Nouvelle Démocratie, en grande majorité, et du PASOK pour le reste. Et maintenant ils jouent les « Saintes Nitouches » en se demandant « comment se fait-il que Trump l’appelle Macédoine » ? Puisque c’est sous cette appellation qu’ils l’ont reconnu et l’appellent.
JOURNALISTE : C’est comme cela qu’ils l’appellent, mais ils vont vous rétorquer que nous avons l’accord devant nous.
N. KOTZIAS : Devant nous. Très juste. En revanche, par cet accord les Américains se sont engagés à les appeler « Macédoine du Nord ». Cette histoire et cette hypocrisie sont absurdes. Cela vient confirmer ce que j’avais dit au Parlement, à savoir que malheureusement la majorité des Etats, ¾ des Etats du monde, ont reconnu le pays voisin sous le nom « Macédoine » et heureusement grâce à notre accord il deviendra « Macédoine du Nord ». Nous n’avons pas à faire à un pays que nous appelions par un nom bizarre et que nous appelons maintenant « Macédoine du Nord ». En fait, ce qui se passe c’est que nous avons tout à gagner à ce qu’il ne s’appelle pas « Macédoine » tout court, mais « Macédoine du Nord ». Ils font comme s’ils ne savaient pas. Ils font, comme beaucoup de mes collègues en politique et beaucoup de vos collègues en journalisme, comme s’ils ne savaient pas que depuis 15 ans tous ceux-là l’appellent « Macédoine ».
JOURNALISTE : Vous dites donc qu’il fallait s’attendre de la part de Trump à ce que cela se passe ainsi.
N. KOTZIAS : Mais comment cela aurait-il pu se passer autrement ? Trump appelle le pays comme il l’a reconnu sous les gouvernements de la Nouvelle Démocratie et du PASOK. Sous notre gouvernement et lorsque ce processus s’achèvera, il sera appelé par les Américains « Macédoine du Nord ». C’est pourquoi nous disons que nous avons « repris » le nom et non que nous avons « livré » le nom, comme certains nous le reprochent. Et eux-mêmes savent qu’il a été reconnu sous le nom « Macédoine » et est appelé « Macédoine » par les Américains depuis 15 ans, depuis l’époque où ils étaient au pouvoir. Et maintenant ils en veulent à l’accord de reprendre le nom. Que voulez-vous que je vous dise. Autrement dit, la Grèce est plongée dans une politicaillerie que je ne suis pas, comme vous le savez, ni même commente car je parle très rarement aux médias.
JOURNALISTE : Oui, M. le ministre, mais vous voyez que dans toute cette affaire les pays voisins et M. Zaev insistent là-dessus – alors que nous sommes dans une phase d’évolution de l’application de l’accord –, autrement dit, ils doivent eux aussi voter lors du référendum, changer leur constitution, etc. Et je ne sais pas si cela a lieu pour des raisons électorales de leur côté, mais ils mettent en avant cette histoire de « nous sommes la nation macédonienne, nous parlons la langue macédonienne, nous sommes des Macédoniens et des Macédoniennes » et je me demande si cela ne porte pas préjudice à nos relations. M. Zaev ne cesse de le répéter et force est de se demander, à l’intérieur même de notre pays, comment nous sommes parvenus à un accord alors que les autres insistent sur un point que nous avons soi-disant élaboré autrement dans l’accord ?
N. KOTZIAS : Tout d’abord ce que dit M. Zaev et ce que disent les Américains, n’est pas quelque chose de nouveau. Il ne le dit pas maintenant en raison de l’accord. Deuxièmement, ils ont effectivement la langue « macédonienne » car nous n’avons jamais revendiqué qu’Alexandre le Grand parle le « macédonien ». De ce que je peux me souvenir de mes études, Aristote lui a enseigné en grec et du fait que la langue « macédonienne » soit reconnue depuis 1977 par les gouvernements grecs auprès de l’ONU, ils continuent de jouer aux hypocrites et de faire semblant de ne pas comprendre. Et j’aimerais vous dire que, même dans les années ’50, les gouvernements grecs ont, à leur façon, avec les déclarations d’Averof à l’époque, reconnu leur langue en tant que « macédonienne ». L’adjectif « macédonien » dérange plus les Bulgares.
JOURNALISTE : Oui, c’est vrai.
N. KOTZIAS : Ils sont profondément convaincus que cette langue est une version bulgare, une langue bulgare et ont l’impression d’être aliénés par rapport à nos voisins du nord. Par ailleurs, ce que tente de faire Zaev – et c’est logique de sa part – est de mettre l’accent sur la langue « macédonienne » qu’il s’est attribuée depuis les années ’50, il veut remporter un référendum et ne veut pas déplacer le débat sur le fait que le nom de son pays change. Et certains font semblant de ne pas comprendre. C’est le deuxième pays dans l’histoire de l’Europe à changer son nom. Le premier était l’Autriche à la chute de l’empire austro-hongrois.
JOURNALISTE : Ils voulaient l’appellation «Autriche allemande».
N. KOTZIAS : Le pays s’appelait «Autriche allemande» et il a été obligé de changer cette appellation car il avait été vaincu à la guerre. L’ARYM change son nom, de « République de Macédoine », il devient « Macédoine du Nord », sans perdre la guerre, en raison d’un accord diplomatique conclu avec la Grèce. Ce nom, contrairement à ce qui se passait lors des négociations dans le passé, est erga omnes. Erga omnes signifie pour tous les usages, pas seulement pour tous les usages internationaux, mais aussi pour usage interne. Ne croyez pas qu’il leur est facile de changer de nom et d’ailleurs…
JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, la rhétorique générale de Zaev n’aide pas vraiment, il faut le reconnaître.
N. KOTZIAS : La rhétorique de Zaev est destinée au monde.
JOURNALISTE : Oui, mais nous sommes comme “une grande famille”. Et donc tout se sait.
N. KOTZIAS : Et s’il l’obtient, ce sera cela de gagné et il changera également son nom. Et au-delà de son nom, nous avons un cas unique dans l’histoire, un pays qui non seulement change son nom, mais aussi adapte toute sa constitution à ce nom, ce qui veut dire que toutes les institutions publiques seront assorties de l’adjectif « nord ». En d’autres termes, la police ne sera plus la « police macédonienne », mais la « Police de la Macédoine du Nord ». Tout cela change. Dans le domaine privé, rien ne changera car chacun dit ce qu’il veut, comme ils le font d’ailleurs en Grèce et où tout le monde ne peut pas le changer.
JOURNALISTE : Puisque vous évoquez le sujet, nos hommes d’affaires soulèvent certaines questions qui ont trait à la certification des produits.
JOURNALISTE : D’accord c’est sérieux…
JOURNALISTE : J’ai entendu les voisins dire, pourquoi personne n’empêche la Grèce d’utiliser le mot « macédonien » sur ses produits.
N. KOTZIAS : Ils n’ont pas dit cela. Ils ont dit qu’ils ne peuvent l’utiliser exclusivement. La vérité est la suivante : il y deux choses concernant la certification. La première est de savoir quel est le pays d’origine. Obligatoirement, il sera inscrit « North Macedonia », c’est-à-dire « Macédoine du Nord » et non plus « Macédoine » tout court. La question se pose pour les produits commerciaux, les marques commerciales. Que sera-t-il indiqué sur ces produits ? Cela sera convenu dans le cadre de la Commission qui sera chargée de ces questions.
JOURNALISTE : Comment fera-t-on par exemple pour le «Tahini macédonien», le «koulouri macédonien» ?
N. KOTZIAS : Pardon, il faut dire aussi que les hommes d’affaires grecs participeront et que cela a lieu sous l’égide de l’Union européenne, dont nous sommes Etat membre et savons exactement comment elle fonctionne. Je dirais à ce stade la même chose, à savoir que pendant 25 ans tous ces produits étaient « macédoniens ». Maintenant, il ne sera plus question de production ou de produit « macédonien », mais il sera indiqué « Macédoine du Nord ». Les marques commerciales seront corrigées dans ce sens.
Je ne comprends pas pourquoi on devrait être dérangé par le fait qu’un produit au lieu de s’appeler « produit de Macédoine » est désormais appelé « produit de la Macédoine du Nord ». On fait comme si on n’avait pas eu à notre actif 25 ans de mauvaises négociations menées sous les gouvernements précédents, comme si l’on n’était pas parvenus devant le fait accompli, que nous essayons maintenant de corriger, on prétend que tout va bien. Ce n’est pas comme si on avait des produits qui étaient appelés « Produits d’Azerbaïdjan », « Production d’Azerbaïdjan », « produits d’Arménie » et que tout d’un coup ces produits deviennent des produits de la « Macédoine du Nord ». Ce sont des mensonges. Nous avons trouvé la situation suivante : ces produits étaient appelés « production et produits macédoniens » et ils porteront désormais l’appellation « de la Macédoine du Nord ». C’est tout…
JOURNALISTE : Et qu’en sera-t-il de la manifestation ?
JOURNALISTE : Avant la manifestation il faut résoudre cette question qui a suscité tant de débats et qui concerne le passé avec ces documents qui ont vu le jour. L’opposition dit « nous n’avons jamais accepté de nom ».
N. KOTZIAS : Comment cela, ils n’ont jamais accepté de nom! Ils ont même proposé des noms, « Macédoine » tout court et je l’ai prouvé devant le Parlement en m’appuyant sur des documents. Et bien entendu, étant donné que l’opposition est puissante – une première dans l’histoire de la vie publique, que l’opposition soit soutenue par la majorité écrasante des médias – c’est la raison pour laquelle elle déblatère toutes sortes de nouvelles erronées ou altérées. La Nouvelle Démocratie lors des négociations était entre deux noms. Le premier était l’acceptation de « Macédoine » tout court et le deuxième était d’en rester à « Macédoine » tout court à l’intérieur du pays et qu’il soit appelé [sur le plan international] dans la meilleure version que l’on ait pu demander à Mme Bakoyannis « Macédoine du Nord ». Ils n’ont pas supporté ce « Macédoine » tout court, ils font comme s’ils ne l’avaient jamais dit. Quant à « Macédoine du Nord », qu’ils demandaient pour usage international seulement, ils n’ont pas pu l’obtenir. Et aujourd’hui ils sont dérangés parce que nous avons obtenu le nom « Macédoine du Nord » pour usage interne également.
JOURNALISTE : Monsieur le ministre, un instant pour que je comprenne. Gligorov à l’époque, puis Gruevski par la suite avait dit, par le biais des ambassades, « Je vais accepter l’appellation « Macédoine du Nord », encore faut-il que j’obtienne le reste ».
Ν. KOTZIAS : Une appellation double toutefois.
JOURNALISTE : Vous dites que c’était une « astuce » de Gruevski qui en réalité ne voulait pas d’accord.
Ν. KOTZIAS : L’ambassadeur américain a dit premièrement que Gruevski, quelle que soit l’appellation dont il conviendra, celle-ci ne sera pas en vigueur à l’intérieur du pays et n’entraînera pas de changements constitutionnels. Dans notre accord, celle-ci est en vigueur dans le pays pour éviter l’irrédentisme de la part des médias et ce changement sera entériné dans la Constitution pour que nous soyons sûrs. Deuxièmement, le mot « Nord » il l’a dit entre parenthèses. Car à l’époque avec la Nouvelle Démocratie, ils discutaient de tout entre parenthèses. La Nouvelle Macédoine parlait de « Macédoine (Skopje) ». Je ne verrais aucune objection à ce que le pays soit appelé « Skopje Macédoine » tout court, car cela aurait été une précision géographique. La parenthèse, on le sait bien, disparait des appellations.
JOURNALISTE : L’adjectif «Nord» disparaitra également, mais enfin.
Ν. KOTZIAS : Il ne disparaitra pas. Premièrement, il n’était pas pour tous les usages, il n’était pas pour usage interne, troisièmement il l’a dit entre parenthèses et quatrièmement il ne le croyait pas. Car la Nouvelle Démocratie l’a pris et l’a elle-même proposé lors de la négociation, il l’a exclu.
JOURNALISTE : Oui il ne le croyait pas, mais comment dites-vous « il ne le croyait pas, et ne le croyez-pas car il bluffe », c’est ce que vous dites maintenant.
Ν. KOTZIAS : Je le dis car la Nouvelle Démocratie avait proposé à l’époque l’appellation « Macédoine du Nord ».
JOURNALISTE : Oui mais dans cette même logique celui qui bluffait…la Nouvelle Démocratie bluffait également. Comment se fait-il que l’un bluffe et que l’autre dise la vérité dans le même jeu de cartes ?
Ν. KOTZIAS : Il y a une différence. L’une partie l’a dit aux Américains mais bluffait pour se faire bien voir alors que dans la négociation elle ne l’acceptait pas, l’autre l’a proposé comme une proposition normale lors de la négociation. Dire, lors d’une discussion privée, « je pourrais accepter le terme « du Nord » entre parenthèses mais pas pour usage général » et proposer « Macédoine du Nord » comme nom et « Macédoine » tout court pour usage interne, sont deux choses différentes. Il ne faut jamais oublier que la Nouvelle Démocratie et le PASOK avaient en règle générale accepté que ce pays soit appelé sous la double appellation, « Macédoine » tout court. Et je ne leur en veux pas d’avoir soumis « Macédoine du Nord » lors de la négociation, je dis simplement qu’ils ne l’ont pas obtenu. Et ce n’est pas un hasard si Mme Bakoyannis a dit encore récemment, il y a quelques semaines, que « Macédoine du Nord est un nom normal ».
JOURNALISTE : Oui, elle l’accepte.
Ν. KOTZIAS : Le parti qui a même accepté le nom « Macédoine » tout court, au niveau international et à l’intérieur, nous reproche-t-il d’avoir obtenu un nom que lui-même a revendiqué mais n’a pas obtenu ? Le coup de bluff porte sur le fait que la discussion en privé et la proposition contraignante sont deux choses différentes. Lorsque vous signez un contrat et que votre employeur vous dit « je vous donnerai 100 000 euros par jour », cela est une chose mais lorsque vous lui dites « donne-moi 1 000 euros par moi et qu’il vous dit « non, je te donnerai 800 euros », en est une autre. Il s’agit de deux discussions tout à fait différentes.
JOURNALISTE : Bien évidemment. Permettez-moi de vous demander une autre chose aussi. Supposons que, après le résultat positif du référendum à Skopje, l’accord soit soumis au vote au sein du parlement grec, mais que dans l’intervalle il y ait en Grèce un nouveau gouvernement sous la direction de Kyriakos Mitsotakis, qui déclare « ne pas ratifier l’accord », quelle seront les conséquences ? Tout d’abord, est-ce que vous le croyez ? Deuxièmement, quelles seront les conséquences ?
Ν. KOTZIAS : Tout d’abord, l’accord sera adopté par le parlement sous notre gouvernement et il sera approuvé à la majorité absolue, c’est-à-dire non pas à la majorité qualifiée avec moins de 150 votes mais avec plus de 150 votes. Il sera adopté et ce dont vous parlez n’arrivera pas. Deuxièmement, à mon avis le parti de M. Kyriakos Mitsotakis ne prendra jamais en main le gouvernement du pays. Je ne le pense pas. J’ai des doutes à cet égard.
JOURNALISTE : C’est une hypothèse.
N. KOTZIAS : Ce sont des scénarios hypothétiques tout comme les sondages qui sont fabriqués de toutes pièces, à mon avis.
JOURNALISTE : En d’autres termes la partie grecque – car il est important de le signaler – déclare qu’elle soumettra au vote au sein du parlement grec l’accord ou il existe encore une éventualité qu’il faut retenir car vous n’êtes pas seuls, il existe un autre partenaire gouvernemental. Et ce partenaire dit que l’accord « doit être soumis au vote populaire ».
Ν. KOTZIAS : Je prends note de ce qu’affirme le partenaire, mais les décisions du gouvernement sont prises à la majorité absolue et c’est très évident quels sont ceux qui expriment la majorité absolue. Le partenaire est toujours très productif et utile.
A l’égard de cette question, ses positions sont très erronées. Mais c’est son droit de pouvoir exprimer ses positions. Mais je répète : le gouvernement grec soumettra l’accord au vote au sein du parlement et au sein du parlement il y a une majorité, chose que j’ai affirmée, si vous vous rappelez depuis l’année dernière, en décembre, dans l’une des mes rares interviews télévisées dans laquelle j’avais déclaré que l’accord serait adopté non pas avec la majorité des partis mais avec la majorité des députés.
Et, en plus, je défie la Nouvelle Démocratie de ne pas quitter la salle du parlement sous un prétexte de ce genre lorsque l’accord sera soumis au vote et de dire à ses députés de voter en toute conscience.
JOURNALISTE : Question : pourquoi la position de la Nouvelle Démocratie est-elle hypocrite tandis que celle de M. Kammenos constitue un droit démocratique ?
Ν. KOTZIAS : J’ai dit que c’est un parti démocratique qui agit de manière démocratique. M. Kammenos pense que le nom « Macédoine » ne doit pas faire partie d’une appellation et d’un accord. M. Mitsotakis – je suis profondément convaincu – sait très bien quelle est la position de son père, la position de Kostas Karamanlis, la position de sa sœur. Et par conséquent, comme je lui ai dit lors d’une déclaration publique, lorsqu’il a publié avec un retard de dix ans pour des raisons médiatiques en vue de la Foire de Thessalonique, le télégramme de l’ambassadrice américaine, j’avais affirmé que « c’est son problème s’il a des désaccords avec le passé du parti et sa sœur, son père, avec Kostas Karamanlis. C’est probablement, et je le souligne, le problème de la Nouvelle Démocratie aussi mais cela ne doit pas devenir un problème national ». Les problèmes familiaux ne doivent pas devenir des problèmes nationaux.
JOURNALISTE : Une minute, M. Kammenos était le ministre de Karamanlis à l’époque. Comment se fait-il maintenant que c’est son droit et qu’il n’est pas un hypocrite ?
Ν. KOTZIAS : Je n’ai pas dit que ce n’est pas le droit de M. Mitsotakis. Il faut que nous soyons clairs à cet égard. Ce que j’ai dit est que cela n’est pas en conformité avec la position immuable historique de la Nouvelle Démocratie. Il est manifeste - et telle est mon appréciation – que lui-même ne pense pas que l’appellation « Macédoine du Nord » est une trahison ou une mauvaise chose.
JOURNALISTE : Mais qu’est-ce qui se passe donc ?
Ν. KOTZIAS : Il y a des opportunismes politiques. J’ai affirmé à un certain moment que le pire en politique étrangère est de l’exercer en ayant le regard tourné vers l’intérieur. Telle est la sagesse universelle déclarée. Et de plus, ce qui est encore pire est d’exercer la politique étrangère en agissant en fonction des intérêts du parti, pas même du pays.
JOURNALISTE : Vu que ce processus a été lancé, est-ce que nous nous engagerons monsieur le Ministre sur une voie de non retour ? C’est-à-dire, je vois aussi les interventions de l’acteur international, de M. Stoltenberg par exemple…
JOURNALISTE : Ils visitent tout le temps Skopje.
JOURNALISTE : Oui, c’est vrai et dans le même temps, ils exercent des pressions tout en étant préoccupés de quelque chose, je ne sais pas de quoi.
JOURNALISTE : M. Nimetz a affirmé quelque chose d’étrange hier.
Ν. KOTZIAS : M. Stoltenberg a expliqué – à fort juste titre à mon avis – à nos amis de la « Macédoine du Nord » - appelons-la ainsi au cours de notre discussion – que s’ils n’achèvent pas la procédure d’adoption de l’accord, ils ne deviendront pas des Etats membres de l’OTAN. Force est de rappeler que l’opposition prétendait que maintenant que le processus avait été lancé, même si ce pays n’était pas appelé « Macédoine du Nord », il adhérerait à l’OTAN. Cela est très erroné. Permettez-moi de vous dire quel était leur argument. Que même si nous n’approuvons pas l’accord, ils deviendront automatiquement des membres car ils ont accepté l’accord. La réalité est que pour qu’ils soient appelés « Macédoine du Nord », ils doivent se mettre d’accord, comme nous le devons nous aussi et que j’ai veillé – le gouvernement grec - à ce que leur ancienne demande d’adhésion à l’OTAN déposée au cours de la période 2007 - 2008 sous l’appellation « République de Macédoine » soit annulée afin d’éviter des problèmes juridiques. Mais nous avons veillé à travers l’accord – et M. Stoltenberg a très bien fait de prendre les mesures nécessaires – à ce qu’une demande nouvelle soit déposée sous l’appellation « Macédoine du Nord » et qu’il y ait l’engagement de l’adoption globale de l’accord. Mais sans l’adoption de l’accord, sans le changement de la Constitution…
JOURNLISTE : Ils n’adhéreront pas à l’OTAN.
Ν. KOTZIAS : Ils n’adhéreront pas à l’OTAN. Et je voudrais aussi vous dire une autre chose : pour qu’ils adhèrent à l’OTAN, le parlement grec devra approuver l’accord et ratifier leur demande d’adhésion. Car si le parlement grec n’accepte pas…
JOURNALISTE : Oui, cela est correct, c’est bon. Si tous les autres ratifient la demande, nous…
Ν. KOTZIAS : Je ne parle pas de l’accord avec Skopje mais de l’accord sur l’OTAN. L’accord doit être ratifié.
JOURNALISTE : Nous devons le ratifier nous aussi.
Ν. KOTZIAS : Par conséquent, permettez-moi de vous dire une chose : Il faut que nous soyons sincères. Ce que devront faire nos amis en Macédoine du nord par rapport à ce que nous devrons faire est plus difficile. Pourquoi ? Car ils devront soumettre au vote l’accord. Ils doivent par la suite organiser un référendum et procéder à l’approbation de l’accord. Après, ils doivent changer leur constitution sans encore avoir pris le feu vert pour adhérer à l’OTAN car nous devons consentir à leur adhésion. C’est-à-dire, si nous sommes mal intentionnés – nous ne le sommes pas – quelqu’un dirait qu’ils sont en train d’ « acheter chat en poche » car ils ne savent pas où ils seront dans trois, quatre mois, par rapport à nous.
Par conséquent, en faisant preuve de bonne volonté et dans un esprit de confiance mutuelle, comme il convient à des pays voisins souhaitant avoir de bonnes relations, ils procèdent à trois processus. Ils ont achevé le premier processus et ils sont en train d’achever le deuxième et par la suite nous lancerons le processus. Savez-vous ce que cela signifie ? Qu’ils ont confiance en nous. Car il y aura un vote au sein du parlement, ils vont changer leur constitution, mais malgré cela, l’appellation n’entrera pas automatiquement en vigueur.
JOURNALISTE : Certains pourraient soutenir – je me fais l’avocat du diable - que l’accord les arrange bien.
Ν. KOTZIAS : Cela n’est pas vrai, car ils n’auraient pas livré la bataille qu’ils ont livrée. Et permettez-moi de vous dire une autre chose aussi : si M. Gruevski, qui a déclaré « que tout cela est faux », était parvenu à l’accord qu’il voulait, il n’aurait pas dit que cet accord est une trahison, une suppression de l’Etat macédonien, de la nation macédonienne ». M. Gruevski se comporte comme l’ennemi le plus farouche de cet accord tandis que M. Mitsotakis se comporte aussi comme un autre grand ennemi de cet accord.
L’un dit que « nous avons tout livré à l’ARYM » et l’autre dit que cette dernière s’est livrée à nous »
JOURNALISTE : Ok, les deux gouvernements ont une position identique tout comme les deux oppositions. Cela n’est pas quelque chose de nouveau.
Ν. KOTZIAS : Non, mais j’ai dis en plaisantant qu’il paraît que nous avons deux accords. L’un qui a été soumis à Skopje et l’autre à la Grèce. Car les critiques ne vont pas ensemble.
JOURNALISTE : Et la manifestation ?
JOURNALISTE : Il existe des désaccords à cet égard. Les désaccords persistent et il y aura demain la manifestation à Thessalonique. Je ne sais pas ce que vous pensez à cet égard ou si vous constatez une montée du nationalisme en Grèce du nord.
Ν. KOTZIAS : Tout d’abord, il faut dire que les manifestations constituent un droit démocratique des citoyens et une personne comme moi qui depuis l’âge de 15 ans manifestait pour des questions différentes, telles que la question chypriote, serait la dernière à contester ce droit. Deuxièmement, à la manifestation participent des puissances de l’extrême droite lesquelles veulent la transformer en toute une autre scène. Troisièmement, il est vrai que les milieux ecclésiastiques et para-ecclésiastiques se mêlent de cette affaire ce qui ne devrait pas être le cas. Mais le deuxième et le troisième point ne supprime à personne le droit démocratique d’exprimer dans le cadre de la constitution et par la voie légale son opinion, sa protestation ou encore ses inquiétudes à l’égard d’une question.
JOURNALISTE : Ok, mais vous dites tout le temps qu’à ces manifestations participent des partisans de l’extrême droite, des membres du clergé, des agents des services secrets et vous dites aux autres « n’allez pas, car vous deviendrez leurs marionnettes ».
Ν. KOTZIAS : Je n’ai pas parlé de marionnettes. Permettez-moi de vous dire une chose ? Je n’ai jamais utilisé cette expression. Ça fait quatre ans que je suis ministre et je n’ai pas l’habitude d’employer du vocabulaire de ce genre pour qualifier des personnes ou des mouvements. Je peux qualifier des actions du point de vue politique. Mais jamais des personnes ou des auteurs d’actions. Cela n’est pas juste et contraire à ma culture.
JOURNALISTE : Puisque nous avons soulevé cette question, Dimitris a parlé d’ « agents ». N’est-il pas normal de s’attendre, de votre part aussi, car dans toute cette affaire liée au dossier macédonien, il y avait l’implication de nos relations avec la Russie, à ce que ceux qui y sont impliqués soient traduits devant la justice. Quelles sont ces personnes qui à travers leurs actions et leurs comportements ont provoqué une crise dans nos relations avec la Russie, des faits qui plus est, sont prouvés par des preuves bien concrètes, comme vous l’avez dit vous aussi ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Mais il faut maintenant dissocier les manifestations pour la question macédonienne…
JOURNALISTE : Oui, on va laisser ça de côté.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Il ne faut pas faire des corrélations de ce genre publiquement. Je voudrais aborder la question des diplomates russes que nous avons expulsés et celle des deux acteurs de la vie russe dont nous avons interdit l’accès en Grèce. Il s’agit d’une action visant à la protection de notre pays car ces personnes ne peuvent pas ne pas respecter la constitution et la loi internationale. Nous les avons renvoyés dans leur pays et à bon entendeur, salut!
JOURNALISTE : Moi, je parle de la coopération et des affaires qu’ils font avec les gens dans notre pays.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Cela ne relève pas de la compétence du ministère des Affaires étrangères, comme vous le comprenez. Nous sommes responsables pour les citoyens étrangers qui ont de plus des fonctions officielles reconnues par le ministère des Affaires étrangères, et nous veillons à ce qu’ils fassent preuve de respect à l’égard du pays. Et je voulais aussi vous dire la chose suivante : je suis partisan de la politique étrangère multidimensionnelle. Comme vous le savez, la semaine dernière j’étais en Chine qui était un voyage très réussi ce qui a provoqué la colère des journaux allemands, anglais et européens. En outre, hier il y a eu la visite en Grèce du ministre des affaires étrangères de la France, de la Lettonie et demain je pars en Norvège, la semaine prochaine ce sont les Américains qui arrivent…
JOURNALISTE : Ok, tous les ministres des Affaires étrangères s’entretiennent avec ceux-ci…
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Mais pas de la manière dont nous les avons rencontrés…
JOURNALISTE : Je ne sais pas quelle est votre manière de procéder mais bon…
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Il y a aussi nos partenariats substantiels… Nous avons même créé de concert, dans le cadre d’une initiative commune, une organisation internationale avec les Chinois, le Forum des Civilisations anciennes. C’est une entente qui valorise le patrimoine historique du pays et le fait que notre civilisation soit présente aujourd’hui et elle le sera dans le futur de l’Occident aussi. Je pense que tout cela est nouveau et jamais les Chinois ne disaient que nous sommes leur meilleur ami au sein de l’Union européenne. Et c’est pourquoi, cela n’a jamais dérangé nos amis occidentaux avec lesquels nous avons de très bonnes relations. Toutefois une condition à cela – pour venir à ce que nous étions en train de discuter – est qu’ils nous respectent. Quiconque ne nous respecte pas, en fera les frais. Le fait que nous soyons un pays relativement petit sur la scène internationale, ne signifie pas qu’une personne, quelle qu’elle soit, a le droit de montrer de l’irrespect à notre égard ou de violer…
JOURNALISTE : Partagez-vous le point de vue d’après lequel l’accord a porté préjudice au parti de SYRIZA? Ou avez-vous d’autres informations à cet égard ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je ne sais rien car je n’ai pas d’informations de ce genre. Je ne sais pas de quoi vous parlez.
JOURNALISTE : Il a vu sa cote de popularité baisser...
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Bon, ces sondages ne disent rien comme vous le savez. Nous avons vu ces sondages aussi lors des élections précédentes. Ce que je sais est que le gouvernement et les puissances qui le soutiennent, à l’exception d’un parti qui a un autre point de vue, doivent mener une campagne plus intensive, plus solide qui expliquera les avantages de cet accord avec ce pays et sa haute qualité. En outre, je voudrais aussi vous dire que cet accord dérange certains pays voisins. Indépendamment de ce qu’ils déclarent en public.
JOURNALISTE : Vous parlez des Turcs maintenant.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je n’ai rien dit. Chacun a sa propre manière de voir les choses. Je pense qu’il faut avoir de bonnes relations avec ce pays qui a le regard tourné vers la Grèce car nous sommes les seuls à ne pas avoir des arrières pensées à leurs dépens. Je pense que cette approche renforce la position de la Grèce dans la région, elle renforce la position de la Grèce au niveau international et évite qu’il y ait un Etat au-dessus de la Grèce placé sous l’influence des tiers.
En outre, je voudrais aussi vous dire que, puisque nous avons parlé des manifestations et de l’influence des pays tiers, les slogans tels que « apportez-nous des armes pour envahir Skopje » qui ont été aussi répétés lors des manifestations précédentes à Thessalonique et à Skopje, sont un exemple d’irrédentisme absurde grec, attitude qui viole elle aussi le droit international. Imaginez-vous ce qui se passerait si un million de Turcs – proportionnellement à la population – manifestaient à Constantinople en hurlant des slogans de type « Apportez-nous des armes pour envahir Thessalonique » ? Ces attitudes ne sont pas sérieuses.
JOURNALISTE : Oui, mais il ne faut pas attribuer à 500 000 personnes un slogan lancé par un idiot…
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Ce n’était pas un idiot qui a hurlé ce slogan mais on a pu l’entendre des haut-parleurs.
JOURNALISTE : Le noyau de l’Aube dorée.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Bravo, exactement. Ce que je veux dire est que les manifestants qui ont des objections ou des préoccupations ou qui peuvent ne pas avoir des objections, des préoccupations à l’égard de l’accord, doivent éloigner ces éléments agressifs, irrédentistes qui violent les lois internationales, parce que justement la majorité des manifestants n’adopte pas ces slogans. Mais il faut signaler cela car il s’agit d’une violation de la loi internationale.
JOURNALISTE : Dernière question portant sur nos relations avec la Turquie. Vous vous êtes tout récemment rendus à Izmir à l’occasion de l’inauguration du nouveau bâtiment du consulat grec et vous êtes entretenus avec M. Cavusoglu. Y a-t-il un climat différent ou des possibilités nouvelles dans les relations gréco-turques après la libération des officiers grecs ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Permettez-moi de vous dire que la diplomatie n’est une chose facile. La diplomatie est un processus très difficile et complexe c’est pourquoi j’ai qualifié la libération des deux soldats de « victoire de la diplomatie ». Dans ce cadre diplomatique, nous discutons ouvertement de nos désaccords tout comme des possibilités offertes pour l’établissement de notre coopération.
JOURNALISTE : N’avez-vous pas dit à Cavusoglu lors de votre entretien d’interdire aux avions de chasse F-16 de faire des manœuvres au-dessus de votre tête ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je lui ai dit, en plaisantant, de ne pas s’inquiéter car les avions de chasse ne sont pas grecs. « Ou bien sont-ils des avions de chasse grecs et t’inquiète à ce sujet ? », je lui ai dit. Ils faisaient des préparations pour le défilé du 9 septembre.
JOURNALISTE : Cela n’avait donc aucun rapport avec votre entretien.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Non. Le jour suivant aussi et hier ils faisaient les mêmes exercices à la même heure.
JOURNALISTE : En dépit de cela, le climat est-il en train de changer ?
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Nous essayons de changer le climat mais je ne dis pas qu’il va changer. Permettez-mois de vous dire une chose : Au lieu de mettre l’accent sur le fait qu’un bâtiment ancien grec, un bâtiment historique de la diplomatie grecque a été restauré par notre gouvernement, il est de nouveau devenu opérationnel et le drapeau grec a été hissé sur le quai d’Izmir, au lieu de souligner le fait qu’il y a de nouveau un Métropolite d’Izmir avec sa propre congrégation même petite, et qu’à l’égard duquel le ministre turc des Affaires étrangères ainsi que la hiérarchie du ministère turc des Affaires étrangères ont manifesté leur respect, toute la discussion a été axée sur les manœuvres des avions, etc.. Cela n’est pas correct car il faut aussi diffuser les bonnes nouvelles.
JOURNALISTE : C’est à nous la faute encore une fois.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Je n’ai pas parlé de vous.
JOURNALISTE : Vous parlez des événements sur lesquels l’accent est chaque fois mis. Bon, mais pour nous chaque chose compte.
Ν. ΚΟΤΖΙΑS : Toutefois, il est important de signaler que le drapeau grec a été de nouveau planté au port d’Izmir. Il s’agit d’un événement historique. Un autre événement historique sera encore celui de l’ouverture de la maison de Seféris dans laquelle siègera le Consulat à Korçë, en Albanie dans quelques mois.
JOURNALISTE : Bien. Merci beaucoup monsieur le ministre.
September 7, 2018