Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias au journal international arabe « Asharq Al Aswat » et au journaliste Ibrahim Hamidi (17.07.2021)

JOURNALISTE : Merci beaucoup pour votre temps. Je suis vos visites dans la région depuis longtemps. Je commencerai par votre visite d'hier au Caire. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Pourquoi vous êtes-vous rendu sur place et quelle est la signification de l'accord que vous avez signé avec le chef de la Ligue arabe, Ahmed Abul Gheit ?

N. DENDIAS : Eh bien, tout d'abord, permettez-moi de souligner que cet accord était déjà attendu depuis longtemps. Nous avons une relation historique avec les pays arabes qui remonte à plusieurs siècles. Nous avons essayé de calculer sa durée avec le secrétaire général de la Ligue arabe et nous sommes arrivés à une date approximative de 25-26 siècles.

Par conséquent, l'établissement d'une relation institutionnalisée avec la Ligue arabe revêtait une grande importance pour nous. Nous considérons qu'il s'agit d'une étape vers une compréhension plus étroite avec la plupart des pays arabes, en particulier, si je puis dire, avec les pays arabes qui partagent notre conception de l'ordre international, qui est fondé sur des règles.

JOURNALISTE : Le fait que vous ayez signé un accord avec Abul Gheit pour des consultations entre la Grèce et la Ligue arabe est particulièrement intéressant. Quelle est donc la signification politique de cet accord ?

N. DENDIAS : Vous prenez les consultations pour du jargon diplomatique, mais dans un sens, Monsieur, ce n'est pas le cas. Si nous voulons parvenir à une compréhension mutuelle, nous devons discuter. Nous devons exprimer notre point de vue et également apprécier la façon dont l'autre partie voit les choses.

Si ce n'est pas le cas, il ne s'agit alors que de monologues parallèles de part et d'autre. Et si, par hasard, nous avons le même intérêt, tout va bien, sinon, nous n’aboutissons à rien. Ce sont juste des lignes parallèles qui ne mènent nulle part.

Donc, pour nous, la consultation est une chose très importante. Nous aimerions que la Ligue arabe et les nations arabes comprennent notre façon d'aborder les choses et les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans la région, mais aussi nos rêves, nos aspirations, nos ambitions pour la région.

Nous aimerions également connaître leur version des faits. Il s'agit d'une région très complexe. L'histoire touche aux défis d'aujourd'hui, c'est pourquoi nous devons faire preuve d'une grande compréhension entre nous. Mais c'est aussi une énorme opportunité.

JOURNALISTE : Mais, Votre Excellence, je vous pose cette question parce qu'il y a une perception prévalant dans le monde arabe - chez certains analystes, certains journalistes comme moi - que certains autres pays de la région, comme la Turquie ou l'Iran, essaient constamment de saper la Ligue arabe et le rôle arabe, à l’heure où vous avez décidé d'institutionnaliser cette relation entre Athènes et la Ligue arabe.

N. DENDIAS : En ce qui concerne la Turquie, je l'ai vu se produire, permettez-moi d'être franc. Mais mes collègues de certains pays arabes - je n'ai pas besoin de les citer - m'ont également donné des preuves irréfragables de la manière dont la Turquie traite les nations arabes et des rêves qu'elle nourrit. Une sorte d'ambition néo-ottomane, car elle croit que ce califat pourrait renaître.

En ce qui concerne la Grèce, nous n'avons aucune ambition impérialiste dans la région. Nous souhaitons seulement comprendre et aligner notre intérêt sur celui de nos amis.

Et nous pensons que dans ce contexte, et dans celui du droit international de la mer, auquel la plupart des pays avec lesquels nous entretenons des relations étroites ont souscrit, nous pourrions créer un meilleur avenir pour nous tous.

Et permettez-moi de dire une dernière chose à ce sujet, nous aimerions que la Turquie fasse partie de cet accord, mais malheureusement, je crains que nous en soyons encore loin.

JOURNALISTE : Vous avez visité le Caire cinq fois au cours des 18 derniers mois.

N. DENDIAS : Je ne peux pas vous le dire avec certitude. Je viens de Corfou, j'ai visité le Caire plus de fois que je n'ai visité Corfou pendant mon mandat de ministre des affaires étrangères. Vraiment, je sors de la voiture et je me sens comme à la maison, je connais les portes, je sais où est l'ascenseur, je connais les couloirs.

En même temps, j'ai une relation personnelle avec le ministre égyptien des affaires étrangères Sameh Shoukry et je dois dire que je respecte le président (Abdel Fattah) el-Sissi et ce qu'il fait pour l'Égypte et ce qu'il essaie de faire avec l'Égypte. Ils déploient des efforts considérables.

JOURNALISTE : Pourriez-vous, Monsieur le Ministre, citer les intérêts communs que vous avez avec l'Egypte sur les questions bilatérales, régionales et autres ?

N. DENDIAS : Si vous me demandiez de nommer nos différences avec l'Egypte, cela serait très difficile pour moi. Il faudrait alors que je commence à penser et à réfléchir. Mais en ce qui concerne les questions sur lesquelles nous sommes d'accord avec l'Égypte, elles sont nombreuses.

Droit international de la mer, souveraineté nationale, État de droit, bonnes relations avec l'Union européenne et migration. L'Égypte n'instrumentalise pas la question migratoire en essayant de faire chanter la Grèce ou l'Union européenne. Après 2017, il n'y a plus de flux migratoire de l'Égypte vers l'Europe. Pour la stabilité globale de la région, la Libye je veux dire, mais aussi en général, je pense que nous avons une très bonne entente avec l'Egypte.

JOURNALISTE : Oui, une partie de cette compréhension, Monsieur le Ministre, est le gaz en Méditerranée et les questions maritimes. Si je ne me trompe pas.

N. DENDIAS : Vous ne vous trompez pas du tout. La création d'un corridor d'approvisionnement énergétique de l'Égypte à l'Union européenne, le Forum du gaz, les gazoducs, ainsi que l'interconnexion, font partie de nos efforts pour créer un avenir économique commun.

Et je dois dire que l'énergie en Grèce - et je prends la Grèce comme exemple - est assez chère. L'énergie que nous pouvons faire venir d'Égypte en Grèce est beaucoup moins chère, et elle nous aidera à créer une croissance durable dans notre économie.

Il existe donc une liste infinie d'intérêts communs avec l'Égypte.

JOURNALISTE : Mais en ce qui concerne le gaz en Méditerranée, vous avez créé cette union de six nations, six pays. Pouvez-vous nous en dire plus sur les objectifs, quels sont ses objectifs ? Sont-ils seulement économiques, ou sont-ils plus géopolitiques ?

N. DENDIAS : Eh bien, je tiens à préciser que nous ne nous considérons pas comme une Union. Nous nous considérons comme une Entente parce que nous avons une vision commune, un avenir commun et un intérêt commun. Et je vous le dis ouvertement, si la Turquie respecte les règles, elle est la bienvenue, ou tout autre pays, pas seulement la Turquie.

En ce qui concerne les objectifs, non, l’avantage n'est pas seulement économique. D'une part, il est clairement économique, elle est fondée sur l'intérêt économique et la nécessité de disposer de sources d'énergie à un coût raisonnable. D'autre part, c'est plus que cela, c'est l'acceptation de la société et de l'ordre international basé sur des règles.

Cela nous a unis contre d'autres approches, qui sont clairement impérialistes au sens du 19e ou du 18e siècle, et qui n'ont rien à voir avec le 21e siècle. Mais il est plus facile en paroles qu'en actes pour certains pays de comprendre que ce n'est pas la bonne voie pour progresser.

JOURNALISTE : Parallèlement à cette plateforme que vous avez créée, les six pays, il y a une autre plateforme, je pense avec Chypre et Israël concernant l'électricité, n'est-ce pas ?

N. DENDIAS : Bien sûr. La relation avec Chypre est évidente, avec Israël, encore une fois, nous avons une relation très étroite. Nous sommes partis d'un point très bas. La Grèce a été le dernier pays probablement en Europe à reconnaître l'État d'Israël en 1990.

Cependant, je dois dire que nous avons travaillé très dur avec nos amis israéliens pour parvenir à une compréhension commune de la région. Et je dois souligner que même les Israéliens partagent notre point de vue selon lequel la stabilité de l'Égypte en tant que pays est fondamentale pour la stabilité et la prospérité de la région.

Et bien sûr, nous coopérons avec Israël dans de nombreux domaines, l'énergie étant l'un d'entre eux.

JOURNALISTE : Je me demandais pourquoi il y a deux plateformes, une pour le gaz, une autre pour l'électricité, et pourquoi l'Egypte ne fait pas partie de cette plateforme pour l'électricité.

N. DENDIAS : Eh bien, ce n'est pas de ma compétence de répondre à ce sujet, il y a un autre ministère qui est impliqué, mais laissez-moi dire, en ce qui concerne l'énergie, je pense que nous arriverons tous à une compréhension commune et à une vision commune pour l'avenir. C'est quelque chose qui arrivera, et je dois dire que cela arrivera assez tôt.

JOURNALISTE : Une question complémentaire sur votre relation avec la Turquie. Je pense que le premier ministre grec a rencontré le président turc en juin, et il est toujours question que le 20 juillet soit le moment où nous verrons où vont les relations entre Ankara et Athènes. Pourquoi ?

N. DENDIAS : Bon, je vais commencer par la rencontre entre mon Premier ministre, le Premier ministre (Kyriakos) Mitsotakis et le Président (Recep Tayyip) Erdogan. La réunion s'est bien déroulée. Dans le sens où, sur le plan personnel, c'était une bonne rencontre, la glace a fondu, mais une fois encore, nous devons voir si la Turquie a vraiment changé de comportement.

Le 20 juillet, le président Erdogan se rendra dans la partie occupée de Chypre et pour nous, il est très important d'entendre ce qu'il va dire et de voir ce qu'il va faire.

Car si la rhétorique dans la partie occupée de Chypre est contraire au droit international, contraire aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, alors le comportement du président Erdogan n'a aucun sens.

JOURNALISTE : Cela signifie-t-il que vous vous opposez à une solution à deux États ?

N. DENDIAS : Ce n'est pas moi, ce n'est pas la Grèce, ce n'est pas Chypre, c'est le droit international et le Conseil de sécurité des Nations unies qui s'opposent à toute idée de « solution à deux États ».

Et laissez-moi vous dire qu'il n'y a pas de « solution à deux États ». Les Turcs proposent deux États, ce qui ne constitue pas une solution au problème chypriote.

La solution au problème chypriote est l'unification de l'île. Tout le reste n'est pas une solution. C'est contraire au droit international.

JOURNALISTE : La Grèce et vous personnellement êtes intéressés à maintenir des liens avec toute la région, je veux dire une partie de la région. Je crois qu'en avril, vous vous êtes rendu en Arabie saoudite et vous avez signé un accord avec votre homologue saoudien.

Quelle est donc votre vision des relations entre la Grèce et l'Arabie saoudite ?

N. DENDIAS : Tout d'abord, l'Arabie Saoudite est un pays très important. Elle revêt une importance capitale pour le monde musulman et est la gardienne des deux sites les plus sacrés de la religion musulmane. C'est l'un des plus grands producteurs d'énergie au monde.

Cela dit, le fait qu'elle soit l'un des plus grands producteurs d'énergie la rend très importante pour l'économie mondiale, je pourrais même dire pour les économies européenne et grecque.

Par conséquent, la sécurité du Royaume d'Arabie saoudite est importante pour nous. C'est pourquoi nous avons signé un accord avec eux, et c'est pourquoi nous leur avons envoyé une batterie de missiles Patriot, qui est une arme défensive et non offensive. Nous avons donné des armes à l'Arabie Saoudite pour se défendre contre des ennemis anonymes, pas pour attaquer les autres.

Et aussi, en général, avec le monde musulman, nous partageons un passé commun. J'ai mentionné au Secrétaire général de la Ligue arabe - et je le répète toujours - que les écrivains grecs de l'Antiquité ne seraient pas aussi bien connus de nous aujourd'hui sans le monde arabe, qui a copié leurs œuvres et les a transmises au monde chrétien.

Nous devons donc beaucoup au monde arabe. Et nos relations sur le plan personnel sont très bonnes aussi, comme vous le savez déjà. Et ce n'est pas seulement l'Arabie Saoudite.

Nous avons une excellente relation stratégique avec les Émirats arabes unis, nous avons une excellente relation avec le Koweït et nous avons une très bonne relation avec la Jordanie. Nous avons une relation extrêmement cordiale avec l'Irak.

Avec tous ces pays que j'ai mentionnés, nous n'avons pas une seule différence que je puisse nommer. Ainsi, sur la base du fait que nous n'avons pas de différences, sur la base de nos intérêts communs et de notre vision commune de la prospérité et de la stabilité dans la région, nous essayons de construire un avenir commun.

Nous voulons faire de même avec l'Inde, nous voudrions inclure dans ce contexte l'Inde, qui est la plus grande démocratie du monde et une puissance économique en plein essor.

Le ministre indien des affaires étrangères, le Dr. (Subrahmanyam) Jaishankar, s'est rendu à Athènes il y a tout juste deux semaines.

Nous essayons de construire un pont entre l'Inde, le monde arabe et l'Union européenne, la Grèce étant la porte d'entrée.

JOURNALISTE : Votre Excellence, les Saoudiens sont très intéressés par la crise au Yémen, comme vous le savez peut-être. Quelle pourrait être à votre avis la meilleure solution à la crise yéménite ?

N. DENDIAS : Une chose est claire : si un cessez-le-feu n'est pas obtenu et tant que les Houthis continuent à tenter de prendre Maarib, la situation ne peut pas continuer.

Tout d'abord, il est impératif de parvenir à un cessez-le-feu, puis nous tenterons de trouver une issue à cette situation.

Et si la Grèce peut contribuer de quelque manière que ce soit, nous sommes là pour aider nos amis. Mais ça ne va pas plus loin. Je ne peux pas prétendre que la Grèce a une grande connaissance institutionnelle du Yémen en tant que pays.

JOURNALISTE : En parlant de pays en crise, l'un d'entre eux est la Syrie et je viens de Syrie. Ces dernières semaines et ces derniers mois, comme vous l'avez peut-être entendu, certains responsables syriens, ou des responsables à Damas, ont dit que la Grèce avait décidé de rouvrir son ambassade à Damas. Qu'est-ce que vous en pensez ?

N. DENDIAS. Tout d’abord la Syrie est l’un de nos proches voisins. Et l'existence d'un État défaillant en Méditerranée n'est pas dans notre intérêt.

Il y a déjà d'énormes flux migratoires de la Syrie vers l'Europe, ce qui est particulièrement triste pour nous, car nous avons des relations historiques avec la Syrie, l'un des patriarcats orthodoxes se trouve là-bas et nous sommes tristes de voir la Syrie dans cette situation.

Cela dit, ce n'est pas nous qui allons oublier et pardonner au régime d'Assad. Ce que nous faisons, c'est reconnaître qu'il y a un problème là-bas et que le chargé d’affaires grec doit être présent pour aider à normaliser la situation, pour aider les citoyens grecs et pour aider les citoyens européens. Cependant, nous n'accréditons pas notre chargé d'Affaires auprès du régime d'Assad. Nous devons d'abord consulter nos amis et partenaires européens, puis le Conseil de l'Union européenne doit décider de la manière de traiter le régime d'Assad. Nous ne déciderons pas seuls.

JOURNALISTE : Vous n'avez donc pas décidé de rouvrir l'ambassade et d'envoyer un ambassadeur à Damas ?

N. DENDIAS : Non. Nous avons un chargé d’affaires à Damas, pas un ambassadeur. Il s'agit d'une personne de haut niveau et expérimentée, car la situation sur le terrain exige de l'expérience, mais ce n'est pas un ambassadeur accrédité auprès du régime Assad.

JOURNALISTE : Et comment fonctionnera l'ambassade ?

N. DENDIAS : En ce moment, le chargé d’affaires est à Beyrouth pour essayer de déterminer comment l'ambassade peut fonctionner.

JOURNALISTE : Le Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne a décidé, il y a presque deux ou trois ans, de se réengager sous conditions dans la région. Il a été déclaré qu'il n'y aurait pas de contribution à la reconstruction tant qu'il n'y aurait pas de progrès « substantiels » dans le processus politique.

N. DENDIAS : Vous avez raison. Nous avons essayé de combiner ces éléments. Encore une fois, je parle très souvent avec Geir Pedersen, l'envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, je le rencontre très souvent à Genève, nous avons une bonne relation. Je lui ai proposé nos bons offices pour régler la situation, mais la décision de l'Union européenne est exactement ce que vous avez mentionné.

Nous devons voir le régime d'Assad faire des pas afin de lui fournir des fonds pour le projet de reconstruction. Et je regrette que ces pas n'aient pas été faits parce que, par exemple, nous n'acceptons pas le résultat des élections, nous ne le prenons pas au sérieux. Parce que le peuple syrien a besoin de notre aide, et il en a besoin de toute urgence.

Vous savez mieux que moi qu'un tiers de la population syrienne se trouve hors du pays. C'est inacceptable. Nous sommes au 21e  siècle.

JOURNALISTE : Quelles sont les étapes vers la normalisation que vous attendez du régime de Damas ?

N. DENDIAS : Encore une fois, je ne vous dirais rien de nouveau si je disais que l'Union européenne s’attend à l’instauration de la démocratie, au plein respect des droits de l'homme et à la prise de responsabilité pour les crimes de guerre. Ce sont les conditions dans lesquelles l'Union européenne fonctionne. L'Union européenne est un ensemble de nations, mais c'est aussi un ensemble de valeurs.

JOURNALISTE : Puisque c’est une question majeure, très importante pour de nombreux Syriens, pourriez-vous nous donner plus de précisions ? Ce que vous voulez dire est qu’à partir de maintenant, vous vous engagez à respecter les conditions de l'UE en matière de normalisation et de reconstruction ?

N. DENDIAS : Permettez-moi encore une fois d'être franc. Dans l'état actuel des choses en Syrie, la chose évidente que nous souhaitons est, par exemple, d'ouvrir des couloirs par lesquels nous pouvons fournir une aide humanitaire.

Comme vous le savez, il n'y a plus qu'un seul couloir ouvert entre la Turquie et la Syrie par lequel l'aide humanitaire pourrait être acheminée. Nous avons besoin de plus. Si cela se produit, et nous nous y attendons, nous serions intéressés de voir comment le régime Assad perçoit l'avenir. En d'autres termes, comment peut-il démontrer de manière convaincante à l'Union européenne sa volonté de créer un avenir démocratique pour le peuple syrien et de faire en sorte que ce dernier puisse exprimer son opinion.

La Commission constitutionnelle est un grand forum à travers lequel, si le régime Assad le souhaite, certains pas peuvent être faits. Mais je ne suis pas sûr que nous voyions cela se produire.

JOURNALISTE : Comme vous l'avez mentionné, les Russes et les Américains ont conclu un accord au Conseil de sécurité de l'ONU pour renouveler l'aide transfrontalière. Qu'est-ce que vous en pensez ? Par ailleurs, pensez-vous que cela pourrait être le point de départ d'une collaboration entre Russes et Américains pour trouver une solution ?

N. DENDIAS : Ce serait formidable s'ils parvenaient à un accord. Une entente entre Américains et Russes serait le premier pas vers un meilleur avenir pour la Syrie. Il reste à voir si cela se produira.

JOURNALISTE : J'ai encore quelques questions. L'une concerne l'OTAN. La Grèce et la Turquie sont membres de l'OTAN. Comment décririez-vous la relation avec l'OTAN par rapport aux relations compliquées entre les deux pays ?

N. DENDIAS : La Turquie et nous-mêmes sommes parmi les plus anciens membres de l'OTAN. Et je dois dire que nous sommes fiers de notre participation. Au-delà de cela, l'OTAN adopte parfois une approche équidistante à l’égard des États membres.

Je voudrais que l'OTAN n'oublie pas qu'au-delà d'être une Alliance - ce n'est pas seulement une alliance de pays - c'est une alliance fondée sur certaines valeurs. Et cela oblige l'OTAN, lorsqu'un membre est en faute, à le dire clairement. Elle ne l'a pas fait jusqu'à présent.

C'est compréhensible, je le répète, parce que nous parlons d'un État membre. Mais encore une fois, l'OTAN est une alliance de valeurs. Et je dois dire que nous sommes en train de procéder à une révision complète de l'avenir de l'OTAN : la politique de l'OTAN pour 2030. Il serait intéressant de voir comment cet élément des valeurs est décrit dans ce document de politique.

JOURNALISTE : Sur ce point, les Américains ont décidé depuis longtemps, je pense, d'étendre leur base navale à Alexandroupolis. Quel est le but de ce geste, M. Dendias ?

N. DENDIAS : Les relations gréco-américaines, je dois le dire, se trouvent  à leur plus haut niveau de tout temps, et ces dernières années, les Américains ont toujours fait les bonnes déclarations chaque fois qu’une crise gréco-turque se produit.

Et je dois dire, par exemple, que je me suis senti extrêmement heureux parce qu'il y a trois ou quatre semaines, le Secrétaire d'État américain, Antony Blinken a publiquement recommandé que tous les pays signent la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, l'UNCLOS, sachant que les États-Unis eux-mêmes ne l'ont pas signée non plus. Nous étions ravis d’entendre cela car c'est justement ce que nous croyons.

Je dois donc dire que les États-Unis sont une force extrêmement positive dans notre région, notamment dans la mer Égée et dans le contexte des relations gréco-turques. Et je serais heureux qu'il y ait une présence américaine plus forte en Grèce, une présence américaine plus forte dans la région. Je le vois comme absolument positif.

Nous négocions un nouvel accord de défense avec les États-Unis. J'espère que nous pourrons conclure les négociations d'ici l'automne 2021 pour signer ce nouvel accord d'ici la fin de l'année, mais cela reste à voir. Toutes les négociations sont complexes, mais telle est notre ambition.

Et je dois dire que je suis absolument positif quant au rôle que les États-Unis ont joué dans notre région.

JOURNALISTE : C'est la dernière question. Est-ce lié à la base militaire d'Incirlik, dans le sud de la Turquie ? Cela signifie-t-il pour la Turquie que les États-Unis tentent d'étendre leurs relations avec la Grèce à ses dépens ?

N. DENDIAS : Je ne considère pas que notre relation avec les Etats-Unis soit en quoi que ce soit antagoniste avec la Turquie. Encore une fois, comme je l'ai dit, je souhaite que la Turquie normalise son comportement et cherche à devenir un pays moderne inspiré des valeurs occidentales, un pays démocratique et un partenaire dans la communauté des États démocratiques et respectueux de la loi.

Notre coopération avec les États-Unis a donc une valeur autonome pour nous. Au-delà de ça, ce que les Américains font avec leurs amis turcs ne nous concerne pas.

JOURNALISTE : Ok, je sais que j'ai utilisé beaucoup de votre temps.

N. DENDIAS : Pas du tout, c'était un grand plaisir. J'espère un jour vous rencontrer en personne. Merci beaucoup.

July 18, 2021