Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la chaîne de télévision ERT 1 (06.02.2020)

Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à la chaîne de télévision ERT 1 (06.02.2020)Propos recueillis par les journalistes, O. Tremi, A. Dellatolas et I. Kanellis

JOURNALISTE : Mesdames et Messieurs, bonsoir. Bienvenue à notre émission. Ce soir notre invité est le ministre des Affaires étrangères, M. Nikos Dendias, qui se trouve exceptionnellement à Athènes et avec lequel nous aborderons tout l’éventail de nos questions nationales. Monsieur le ministre, commençons par l’Italie où vous étiez avant-hier car nous avons lu avec une grande satisfaction le communiqué du ministère italien des Affaires étrangères dans lequel il est indiqué que ce dernier reconnaît le gazoduc Eastmed en tant que projet d’intérêt commun. Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? Est-ce qu’ils signeront enfin cet accord ?

Ν. DENDIAS : Regardez, il existe certaines questions qui ne portent pas sur l’acceptation ou non de ce projet et sa logique mais plutôt sur le point de terminaison de ce gazoduc en Italie, c’est-à-dire le point d’entrée en Italie et il y a certaines préoccupations…

JOURNALISTE : Des préoccupations environnementales.

Ν. DENDIAS : Il s’agit plutôt de préoccupations à caractère local. Et puisque cette affaire concerne le parti 5 Stelle, le parti de M. Di Maio, car son parti est bien puissant dans cette région, une discussion est en cours sur une éventuelle connexion de ce gazoduc au gazoduc TAP en mer, ce qui permettrait d’avoir un seul point d’entrée en Italie et contribuerait donc considérablement à l’acceptation de ce projet par la région.

JOURNALISTE : Est-ce que ces démarches s’accélèrent à votre avis ?

Ν. DENDIAS : Cette situation causera probablement des difficultés au gouvernement italien. Mais, je pense qu’en fin de compte ce qui est important est d’approuver la logique de ce projet et à la fin on parviendra à un accord.

JOURNALISTE : Pour ce qui est de la délimitation de la ZEE nos deux pays, se sont-ils mis d’accord sur un certain calendrier ? Car cette réaction a été un peu vague.
Ν. DENDIAS : Il y a des discussions…Tout d’abord nous sommes très proche d’un accord sur le point [d’entrée du gazoduc] qui est par ailleurs fixé en fonction de la délimitation du plateau continental de 1977. Il y a un problème qui est lié à certains droits de pêche d’une petite crevette rouge que veulent les Italiens et qui, dans une large mesure, ne concerne pas les pêcheurs grecs. Et une discussion est en cours sur la sauvegarde de ces droits entre les 6 et 12 milles nautiques. C’est là que réside le problème.

JOURNALISTE : Et s’agissant des délais ?
Ν. DENDIAS : Vous savez, si je vous donne un délai maintenant je vais probablement me contredire moi-même. Mais, quoi qu’il en soit…

JOURNALISTE : Non, cela est important pour toutes les questions en général liées à l’Egée.

Ν. DENDIAS : Mais vous avez tout à fait raison et je ne vous cache pas que c’était l’une des raisons pour lesquelles je me suis rendu à Rome, pour discuter de cette question et pour discuter de la question libyenne. Je pense que nous ne sommes pas loin d’un accord mais il serait probablement arbitraire de ma part de vous donner une date exacte.

JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, cette déclaration que nous avons lue n’était pas du tout à caractère théorique, médiatique.
Ν. DENDIAS : Non, pas du tout.

JOURNALISTE : C’est-à-dire, il y a un certain progrès pour ce qui est du gazoduc Eastmed et de la ZEE. Dans le passé toutefois on est arrivé très près d’un accord mais finalement…
Ν. DENDIA : Mais je pense que cela a été dû à la convocation d’élections, je ne me rappelle plus si c’était ici ou en Italie, quelque chose s’est passé. C’est-à-dire il n’y a pas eu de désaccord entre la partie grecque et italienne.
JOURNALISTE : En effet cette discussion sur l’Eastmed n’est-elle pas théorique ? Et dans quel horizon temporel s’inscrit-elle ?

Ν. DENDIAS : Bon, regardez, je ne suis pas en position de vous donner des informations sur la réalisation de ce projet et tout ce que je vous dis est ce que je peux vous dire et que le ministre compétent en la matière m’a dit. Je pense que Kostis Chatzidakis peut très bien vous informer à ce sujet. Mais, pour nous, au sens large, l’Eastmed n’est pas seulement un gazoduc qui transporte de l’énergie vers l’Occident et diversifie les sources de l’Occident par rapport au gaz ou au pétrole en provenance de la Russie. Il s’agit d’une manière plus large de voir les choses…


JOURNALISTE : Des alliances se mettent en place et des intérêts géopolitiques se dessinent…
Ν. DENDIAS : Moi, monsieur Dellatolas, je dis toujours que…

JOURNALISTE : C’est un instrument politique.
Ν. DENDIAS : …il met en place un cadre d’entente qui est ouvert à tous.

JOURNALISTE : Avant d’aller vers l’ouest, restons un peu en Italie. On a le sentiment que l’attitude de l’Italie à l’égard de la question libyenne n’était pas très claire, au moins au début. Dans le cadre de ce voyage que vous avez effectué la circonstance dans laquelle ce dernier a eu lieu est également importante.  Est-ce que vous avez un aperçu plus clair concernant l’attitude des Italiens à l’égard de cette question ?

Ν. DENDIAS : L’Italie, et je pense que cela est connu de tous, a soutenu Sarraj, l’administration, le gouvernement de Tripoli. Telle a été sa position initiale. Et même, nous avons utilisé la partie italienne, moi et le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, et ce dernier avait parlé avec M. Conte et M. Conte a agi en tant que médiateur et a contacté Sarraj dans le but d’éviter la signature du fameux protocole d’accord entre la Turquie et la Libye. Le gouvernement de Tripoli a trompé les Italiens comme il l’a fait dans notre cas aussi.
Toutefois, l’attitude de l’Italie à notre égard était correcte. Cela dit, en voyant que le gouvernement de Tripoli ne suit pas dans une large mesure, non pas les instructions mais l’entente parvenue avec Rome, la partie italienne a considérablement changé sa position. Bien évidemment, elle n’est pas allée jusqu’à soutenir Haftar. Toutefois, pour ce qui est des positions grecques, l’attitude de l’Italie a été parfaite tant au sein du Conseil que lors de ma présence à Rome. Leurs déclarations étaient complètement…

JOURNALISTE : Avec un petit retard, dirais-je, toutefois. Il y avait certains articles parus dans la presse qui ont probablement joué un rôle à cet égard, par exemple, l’article du journal Corriere della Sera dans lequel le gouvernement italien a été fortement critiqué pour avoir adopté une attitude disons ambivalente.
Ν. DENDIAS : Je lis le journal Corriere della Sera, c’est un très bon journal et, en effet, puisque vous l’avez dit, je dirais que ce journal a largement critiqué le gouvernement italien. Toutefois, je suis obligé de le dire et de le dire de manière claire que le gouvernement grec est tout à fait satisfait de l’attitude italienne, tant au niveau des déclarations qu’au niveau des positions prises au sein du Conseil des ministres. Ils ont été tout à fait à nos côtés et nous ont complètement soutenus pour ce qui est de la question des protocoles d’accord passés entre la Turquie et la Libye.

JOURNALISTE : Abordons maintenant la question d’Imia, question issue des déclarations d’Erdogan, qui en effet, et c’est pourquoi on en discute maintenant, relance sa propre manière qui est bien connue, la théorie des zones grises.  En effet, la question devient compliquée d’une manière, qui à mon avis, est dépourvue de substance ou d’importance, autrement dit il s’agit de la question de savoir ce que M. Panagiotopoulos a affirmé et s’il l’a affirmé, etc. Pourriez-vous nous donner une réponse claire vu que cette question est liée à celle de la théorie des zones grises ?

Ν. DENDIAS : Une réponse claire mais il ne faut pas oublier que vous parlez avec le ministre des Affaires étrangères.

JOURNALISTE : Une réponse claire diplomatique.
Ν. DENDIAS : Excusez-moi, je plaisante. Certainement que je vous donnerai une réponse claire puisqu’il est clair que…

JOURNALISTE : Par ailleurs, on vous a accusé d’être plus souriant que ce qui conviendrait à un ministre.
Ν. DENDIAS : Vous avez raison mais j’ai décidé….

JOURNALISTE : Ils vous accusent même de cela, n’est-ce pas ?
Ν. DENDIAS : …de ne pas entraîner la société grecque dans la mélancolie à cause de la crise que l’on traverse. Je pense que la société grecque a essuyé tant d’épreuves qu’elle a le droit de voir autour d’elle des sourires. Tout d’abord, aucune entente et aucun accord préalable ne sont possibles avec la Turquie à l’égard des questions de ce genre. Cela dit, nombreux sont ceux qui forment souvent l’espoir que les tensions soient évitées avec la partie turque. Et, dans ce sens, ces souhaits sont utiles aussi, c’est-à-dire je me réjouis d’entendre la partie turque dire qu’elle ne veut pas de tensions avec la Grèce. Jusque-là. Tout le reste n’est que bavardage à des fins politiques et je pense que les déclarations appropriées ont été faites par toutes les personnes compétentes en la matière afin d’éviter…

JOURNALISTE : A part l’incident…
JOURNALISTE : Une minute, la raison pour laquelle je pose cette question et j’étais même indécis sur cela car en réalité…
Ν. DENDIAS : Mais vous avez toutefois décidé de la poser.
JOURNALISTE : Je vous dirais pourquoi vous avez regretté, mais bon nous allons aborder après cette question. Car, d’une part on a la version d’Erdogan concernant ce qui s’est passé lors de cet entretien entre un haut fonctionnaire grec et un haut fonctionnaire turc. D’autre part, néanmoins, la Turquie a affirmé en public que la Grèce avait consenti à la théorie des zones grises. Vu cela donc, j’ai passé outre mes réticences et c’est pourquoi je vous ai posé la question.
Ν. DENDIAS : Bon, je comprends Mme Tremi, je comprends très bien et vous faites très bien de poser cette question, entre autres. L’opinion publique a droit de savoir. Je répète qu’aucun ministre grec ne peut avoir des concertations de ce genre avec la partie turque. Cela ne s’intègre pas dans le cadre de l’échange de vues habituel. Toutefois, puisque je veux être précis avec vous, les deux parties forment souvent l’espoir que les tensions soient évitées. C’est seulement dans ce cadre que s’intègrent nos accords avec les Turcs.

JOURNALISTE : La non-présence sur Imia ne constitue donc en aucune manière une acceptation de la part de votre gouvernement d’une région grise.
Ν. DENDIAS : Mais je pense M. Dellatolas qu’aucun gouvernement grec, non seulement notre gouvernement, aucun gouvernement ne peut accepter la création de zones grises sur le territoire grec. Ce n’est pas une question de pouvoir discrétionnaire, une question d’expression correcte de nos réflexions ou de goût. Cela ne se fait pas!

JOURNALISTE : D’autre part, est-il vraiment nécessaire d’organiser des cérémonies de commémoration des incidents à Imia ? Ces dernières années les cérémonies de commémoration consacrées à Imia étaient à caractère nationaliste et ne concernaient que la scène politique intérieure et notamment le parti de l’extrême droite, n’est-ce pas ?

JOURNALISTE : Trois personnes ont été tuées, et on ne laissera ni l’extrême droite ni personne exploiter cet incident.
JOURNALISTE : Et ce, indépendamment d’organisation ou non d’une cérémonie.

Ν. DENDIAS : On a perdu trois officiers là-bas et nous devons rendre un grand hommage en leur mémoire. Mais, cela dit, cette date est devenue en effet un instrument pour promouvoir des personnes spécifiques qui ont occupé… le poste de ministre de la Défense. Cela est vrai.
JOURNALISTE : Abordons la question du bateau Oruc Reis ? Selon la version initiale, le navire aurait été entraîné par le courant mais, cette fois aussi, grâce à M. Panagiotopoulos, nous avons appris que l’Oruc Reis était en train de quitter la ZEE chypriote et se dirigeait vers le plateau continental grec jeudi soir et que nous étions en état d’alerte. Pourrions-nous clarifier cela ? Car il y a eu aussi si vous voulez une confusion à cet égard et à partir d’un moment on a commencé à faire de l’humour, il a été entraîné par le courant, il n’a pas été entraîné par le courant…

Ν. DENDIAS : Je vous dirai…

JOURNALISTE : On n’a même évoqué le fameux « Général Vent » qui cette fois-ci était un amiral.
Ν. DENDIAS : C’était il y a très longtemps. Quels souvenirs ! Je peux tout simplement vous dire, car je vous parle en ma qualité de ministre des Affaires étrangères, qu’il n’y a eu aucun incident relatif à la navigation de ce navire spécifique. Cela dit, car…
JOURNALISTE : N’était-ce pas toutefois une manière de tester notre capacité de réaction ?
Ν. DENDIAS : Non, je ne pense pas que c’était un test de notre capacité de réaction.
JOURNALISTE : Qu’est-ce que c’était ? Un incident fortuit ?
Ν. DENDIAS : Je ne pense pas Mme Tremi que c’était un test de notre capacité de réaction.

JOURNALISTE : C’était quelque chose toutefois, qu’est-ce que c’était ?
JOURNALISTE : Vous avez dit à Yannis Pretenteris dans votre interview accordée à Proto Thema, qu’il serait mieux de tourner cette page. Ce qui laisse à penser que soit au niveau de la gestion, soit au niveau de la communication, on n’a pas géré la question de la manière la plus appropriée. 
JOURNALISTE : Faut-il donc ne plus en discuter ?
Ν. DENDIAS : Je veux être honnête avec vous. Je ne pense pas que nous ayons excellé au niveau de la communication. Vous avez raison.
JOURNALISTE : Vous savez, nous avions été surpris d’une autre chose aussi, du fait que le ministre de la Défense nationale lors de la cérémonie du partage de la galette du Nouvel An à Kavala, a raconté avec moult détails le parcours de ce navire de recherche, les réactions de la partie grecque et il a même rapporté les conversations tenues avec le Premier ministre pendant la gestion de ce problème. Cela pourrait évoluer en crise et j’aimerais que vous nous disiez franchement s’il est normal qu’un ministre de la Défense nationale se comporte de cette façon. Je suis désolé car c’est votre collègue, mais vous savez, il n’est pas ministre de l’Agriculture mais ministre de la Défense nationale.
Ν. DENDIAS : Je ne voudrais pas juger du comportement d’un collègue que j’apprécie beaucoup. Je pense que Nikos Panagiotopoulos est un homme politique très compétent. Un ministre consciencieux qui livre une vraie bataille pour que les forces armées soient à la hauteur au niveau des pièces détachées, de leur capacité de réaction, etc. Cela dit, ce n’est pas à moi d’en juger.

JOURNALISTE : Veux-tu dire quelque chose ?
JOURNALISTE : Je voudrais demander quelque chose, je voudrais dire quelque chose. On parle souvent des choses que nous ne connaissons pas en matière de crise. J’ai lu hier dans le journal « TA NEA » un article écrit par un expert, Monsieur  Petros Liakouras, professeur à l’Université du Pirée.
JOURNALISTE : On l’a accueilli à notre émission.
JOURNALISTE : On l’a accueilli nous aussi à notre émission et il nous a raconté ce qui s’est exactement passé. Il dit que les incidents précités concernant le navire de recherche en question présupposent que ce dernier mène des recherches, c’est-à-dire que des échosondeurs balayent le fond marin ce qui implique que le navire se déplace d’une façon bien spécifique, pour permettre le captage par ondes magnétiques. Quoi qu’il en soit, le professeur dit que cela n’est pas possible. Le temps n’était pas suffisant et le navire n’était pas proprement équipé pour mener des activités de recherche de ce genre. Par conséquent, dit-il, si le navire ne mène pas des activités de recherche, il croise au large et agit conformément  aux règles de la navigation internationale. A cet égard, la presse grecque n’a fait que donner des proportions exagérées aux événements, dit M. Liakouras.
JOURNALISTE : Les messages radio émis par les deux navires disaient autre chose.
JOURNALISTE : Si tel était le cas, comme l’affirme le professeur, et le ministre, j’imagine, on n’aurait aucune raison d’envoyer notre navire pour aller surveiller le navire de recherches.
JOURNALISTE : Je ne sais pas. Le ministre est là et il nous dira.
JOURNALISTE : En d’autres termes aurait-on donné l’ordre au navire « Nikiforos Fokas » de se rendre là-bas immédiatement si on avait fait une autre évaluation de la situation ?  
Ν. DENDIAS : Disons que cela a été fait pour parer à toute éventualité.

JOURNALISTE : Il y a très longtemps bon nombre de vos collègues ainsi que des ministres ont à plusieurs reprises soutenu que la Turquie est isolée. Vous n’avez pas d’emblée adopté cette position et vous avez même affirmé que vous n’étiez pas en faveur d’une Turquie isolée car il fallait maintenir les contacts avec cette dernière.
Ν. DENDIAS : Je ne veux pas que la Turquie soit isolée.

JOURNALISTE : Je voudrais donc vous demander si cette série de visites que vous avez effectuées au niveau diplomatique, en prenant aussi le relais du gouvernement de SYRIZA, qui a conclu un accord avec l’Egypte et Israël, a apporté les résultats escomptés pour ce qui est de cette région, car les Etats-Unis sont un autre paramètre. Un paramètre important certes, mais c’est différent.

Ν. DENDIAS : Je vous dirai. Tout d’abord, les relations avec Israël et l’Egypte datent depuis très longtemps. Je voudrais aussi affirmer, car je n’aime pas utiliser les stéréotypes partisans, ni porter des œillères, que le fait que le parti SYRIZA ait poursuivi cette politique est très positif. Le gouvernement de SYRIZA a poursuivi cette politique, ce qui n’a pas été facile pour le gouvernement précédent, notamment vis-à-vis d’Israël mais il est important qu’il ait suivi les lignes directrices de la politique étrangère grecque telle que celles-ci ont été préalablement définies.  Maintenant, quel est l’objectif ? L’objectif est de créer un cadre de compréhension des points de vue. Définir ce qui est logique, légal et correct dans la région. Et il est très important que la plupart des acteurs dans la région, pour ne pas dire la quasi totalité, s’alignent sur notre manière de voir les choses, une manière qui n’est pas grecque. Cela n’est pas notre privilège. C’est la manière qui est conforme au droit international. Tel est notre objectif. Si ce cadre est mis en place, nous attendons de la Turquie aussi de s’aligner sur cette position ou, du moins, de ne pas adopter des comportements contraires à la majorité écrasante des Etats de la région élargie. Car cela aussi n’est pas facile pour la Turquie. Toutefois, je répète que notre objectif n’a jamais été son isolement. Nous ne le voulons pas, cela ne facilite pas les choses. Nous voulons avoir des canaux de communication ouverts. Nous voulons que la Turquie comprenne ce qui se passe, ce qui est correct, ce qui est crucial pour elle aussi.

JOURNALISTE : Oui, mais vous nous avez dit que la Turquie était isolée du point de vue diplomatique, alors que cela n’est pas le cas en réalité…
Ν. DENDIAS : Je ne l’ai pas dit.

JOURNALISTE : Pas vous, mais cela a été à plusieurs reprises affirmé par le gouvernement, Monsieur le ministre et je pense que la réalité vient contredire cette affirmation. Car, d’une part, Erdogan n’en fait qu’à sa tête et, d’autre part, il est en contact avec les puissants de la planète, à l’exception de Macron qui est manifestement contre lui.
Ν. DENDIAS : Mme Tremi, pour vous…tout d’abord permettez-moi de répéter que le gouvernement de Mitsotakis et le Premier ministre ne souhaitent pas l’isolement de la Turquie car tout pays qui se trouve isolé est aussi dangereux en définitive.
JOURNALISTE : On est tout à fait d’accord.
Ν. DENDIAS : Par conséquent, nous voulons maintenir les canaux de communication ouverts. Cela dit,  vous présentez et cela est tout à fait légitime, la perception plus élargie de l’opinion publique grecque selon laquelle la Turquie a exercé une politique étrangère réussie, elle a exercé des pressions et le Président Erdogan s’entretient avec tout le monde et a une place autour de la table des puissants de la planète.

JOURNALISTE : Non, mon intention n’est pas de faire une analyse plus générale. Je parle de l’état actuel des choses.

Ν. DENDIAS: Pour pouvoir...
JOURNALISTE : De toute façon, mon analyse plus générale est différente.

Ν. DENDIAS : Pour pouvoir donner un aperçu plus clair de la situation.

JOURNALISTE : Mon analyse plus générale est différente.
Ν. DENDIAS : A quoi la Turquie est-elle parvenue? La Turquie a des problèmes avec tous les pays de son voisinage. Il  y a quelques jours, on entendait dire que la Turquie et la Russie se sont engagées sur la même voie et qu’elles formeraient un axe  très puissant. Cet axe  s’est effondré...

JOURNALISTE : Il est perturbé. Je ne sais pas s’il s’est effondré. Demain il pourrait être rétabli.

N. DENDIAS : Bon, cet axe est perturbé. Je suis d’accord avec le terme que vous utilisez. Toutefois, cet axe est perturbé d’une manière qui laisse à penser qu’il n’existe plus. En outre, la Turquie, à mon humble avis… Ce n’est pas moi qui indiquerai au Président Erdogan quel est l’intérêt de son pays et de sa société. Lorsque Kemal Ataturk a renoncé à la tradition de l’Empire ottoman pour opérer la transition vers le nouvel Etat turc, il a en réalité comblé les fossés qui le séparaient des pays sur lesquels l’Empire ottoman a  exercé sa cruelle souveraineté.

En relançant le néo-ottomanisme, le Président Erdogan creuse de nouveau ces fossés. Le monde arabe n’est pas du tout prêt à accepter une Turquie néo-ottomane. Leurs efforts sont une approche erronée.

JOURNALISTE : Du moins, pas tous les pays du monde arabe.
JOURNALISTE : Bon, regardez, je vous ai dit que mon analyse plus générale était différente. Il est vrai que dans la région dont nous parlons, c’est-à-dire dans les pays d’Afrique du nord, un front antiturc est en train de se former.

Ν. DENDIAS : Dans la péninsule arabique aussi et au Moyen-Orient.

JOURNALISTE : D’autre part, on a été vraiment frappé par ce conflit entre Erdogan et Poutine en Syrie, fait qui a révélé qui est le patron et qui est celui que ce dernier utilise pour promouvoir son propre agenda. Je suis tout à fait d’accord avec tout cela. En fait, cette analyse est dans une large mesure proche de la mienne. D’autre part, pour parler d’un autre facteur que nous n’avons pas évoqué, il y a les Etats-Unis, le State Department qui qualifie cet accord entre la Turquie et la Libye de provocateur et de contreproductif. Il y a aussi toutefois, le Président Trump qui parle au téléphone avec Erdogan et affirme que nous devons régler nous-mêmes nos problèmes. Sommes-nous satisfaits de cela ? Qu’est-ce que cela signifie dans la pratique ? 

Ν. DENDIAS : Je vais vous dire. Tout d’abord, les Etats-Unis ont plusieurs centres de pouvoir, chacun d’entre eux ayant une importance différente. Il n’y a pas seulement la déclaration que vous avez évoquée. Il y a une autre déclaration du State Department qui de manière claire et pour la première fois reconnaît l’argument grec concernant le plateau continental et les zones économiques exclusives des îles en  qualifiant cet argument de compatible avec le droit international et la perception allant au contraire de cet argument d’incompatible, à savoir la perception turque. La loi sur le gazoduc Est Med (East Med Act) qui a été adoptée par les organes législatifs, le sénat et la chambre des représentants est une vraie claque pour la Turquie. Ils veulent bien évidemment voir les efforts de la Grèce.

JOURNALISTE : Si et lorsque cela sera possible.
Ν. DENDIAS : Il n’en est pas question.

JOURNALISTE : Nous avons dit, Ilias a dit que cela…
JOURNALISTE : Cela est aussi une affaire intérieure. Il faut voir qui est en charge.
JOURNALISTE : Le futur…
Ν.DENDIAS : Toutefois la Turquie est exclue du programme F-35.
JOURNALISTE : Elle est exclue.

JOURNALISTE : C’est ce qu’on a dit concernant la personne qui est en charge. Il s’agit d’une affaire intérieure, d’un conflit intérieur concernant la personne qui doit être en charge en matière de sécurité nationale et de défense je veux dire, puisque vous avez parlé du gazoduc East Med. Car Trump était contre cela. Non parce qu’il est contre le projet lui-même du gazoduc Est Med. C’est une question de savoir qui doit décider aux Etats-Unis de ces questions.
Ν. DENDIAS : Toutefois, il a souscrit à cet acte, à l’Eastmed Act. Et de plus, je voudrais aussi vous dire que, puisque j’ai été présent à la discussion entre M. Mitsotakis et M. Trump tant lors de la rencontre publique – qui bien évidemment n’était pas aussi importante – que lors de la rencontre à huis clos - le Président Trump n’a pas été du tout contre les positions grecques. Il est vrai qu’il a tendance à penser qu’Erdogan est une personne avec laquelle il peut parler au téléphone et utilise souvent l’expression « il est mon ami » ce qu’il fait, j’imagine, avec tous les dirigeants dans le monde car cela est propre au caractère de ce Président américain. Toutefois, je pense que les relations entre la Grèce et les Etats-Unis sont plus étroites que jamais.

JOURNALISTE : Heureusement qu’il l’a qualifié d’ami et non pas de partenaire.
JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, en cas de crise entre la Grèce et la Turquie, Trump pourrait –il, le Président de toute façon, maintenant Trump est le Président, téléphoner et dire aux deux parties de se calmer et de régler leurs différends ?
JOURNALISTE : Que signifie « réglez vos différends » ?
Ν. DENDIAS : Je pense  que si cela était nécessaire ce serait le Secrétaire d’Etat américain M. Pompeo qui le ferait et je pense que c’était dans cet esprit et d’une manière ouverte vis-à-vis de la société grecque, sous la forme d’une garantie, que ce dernier a adressé cette lettre à Kyriakos Mitsotakis.
JOURNALISTE : Vous vous référez à Monsieur Pompeo.
Ν. DENDIAS : Oui.
JOURNALISTE : Ecoutez, moi je voudrais insister là-dessus.
JOURNALISTE :… la lettre avait-elle une date ?
Ν. DENDIAS : Il y avait bien évidemment une date. Je vais vous dire pourquoi.

JOURNALISTE : Car vous devez répondre à cette question. Soit vous faites semblant d’être dupe, soit vous ne voulez pas aider.
Ν. DENDIAS : Regardez, moi je ne veux dire à personne comment…

JOURNALISTE : Mais ce ne serait pas aussi mauvais de dire « voilà, telle est la date ».
Ν. DENDIAS : Chaque lettre de ce type est accompagnée d’une note de couverture. Sur cette note de couverture figure le destinataire de la lettre et au verso il y a la lettre.
JOURNALISTE : Cette lettre n’est-elle pas aussi adressée à d’autres destinataires ?
Ν. DENDIAS : Non, ça ne se passe pas comme ça.

JOURNALISTE : Regardez, monsieur le ministre. Je voudrais insister sur ce que le Président américain a dit, c’est-à-dire qu’il faut régler nous-mêmes nos différends avec la Turquie. Je n’aime pas du tout cela.
Ν. DENDIAS : Pourquoi ne voyez-vous pas l’aspect positif de cela ?

JOURNALISTE : Je vais vous dire pourquoi. Parce que c’est comme si une personne menaçait quelqu’un et une autre personne qui observe la situation leur dit de régler leurs affaires toutes seules.
Ν. DENDIAS : Mais, franchement, vous pouvez interpréter cela dans le sens contraire. Si le Président Trump nous avait pressés de faire quelque chose, j’aurais pu ne pas vous le dire ouvertement mais l’approche générale serait différente. Et je dois vous dire qu’à la rencontre étaient présents M. Pompeo, M. Pence ainsi que le vice-président et M. O’Brien, le nouveau conseiller à la sécurité nationale. Le Président Trump non seulement n’a pas exercé des pressions sur la Grèce mais il a fait preuve d’un esprit de compréhension absolu à l’égard des positions grecques telles que celles-ci ont été déclinées par Mitsotakis.

JOURNALISTE : Est-ce que vous lui faites confiance ? Car, selon la presse internationale, Trump est extrêmement imprévisible, ce qui est le moins que l’on puisse dire au sujet de son caractère.
Ν. DENDIAS : Madame Tremi, je veux être sincère avec vous. Mon obligation constitutionnelle est de faire confiance à la société grecque et aux forces armées grecques. Tous les autres sont des représentants d’autres pays avec lesquels il y a une convergence ou une divergence d’intérêts. Et en fonction de cela je juge de notre attitude.

JOURNALISTE : Je veux poser une question mais je ne sais pas comment la formuler.
Ν. DENDIAS : Vous cherchez sans doute une manière astucieuse de la formuler.


JOURNALISTE : Non, pas du tout. Franchement, je veux une réponse, même diplomatique. Il y a deux perceptions dominantes dans le cadre du débat public sur les dossiers gréco-turcs.  Et cela a, à plusieurs reprises, fait l’objet de discussions autour de cette table, avec Ilias aussi, avec la participation des professeurs, etc. La première perception est en faveur d’un recours à La Haye et ce, non pas sans réflexion, et sans un processus fixé au préalable bien évidemment, alors que la deuxième perception est en faveur d’une diplomatie plus agressive, ce qui constitue aussi une critique contre vous, par rapport à celle exercée jusqu’à présent. Je ne sais pas vraiment quelle serait une solution intermédiaire, il faut probablement trouver le juste milieu car notre intention n’est pas de faire la guerre. Et, de plus, on ne veut pas recourir à La Haye sans conditions, car sinon, ils pourraient s’accaparer aussi de la maison de votre grand-mère à Paxos.

Ν. DENDIAS : Non, j’ai dit que nous ne pouvons pas recourir à La Haye et discuter de la possession de la maison que j’ai héritée de ma grand-mère. Nous n’allons pas recourir à La Haye pour…
JOURNALISTE : ...discuter des questions liées à notre souveraineté. Quelles sont les questions...
JOURNALISTE : Oui, mais est-ce qu’il est question d’un tel dilemme ?
JOURNALISTE : Non, pas du tout. Certains posent probablement ce dilemme, car ils disent qu’il faut recourir à La Haye, signer et voir laquelle des deux parties a raison.


JOURNALISTE : Autrement dit, c’est La Haye ou la guerre ?
Ν. DENDIAS : Non.
JOURNALISTE : Nombreux ont été les professeurs qui ont soutenu un recours à La Haye pour voir quels sont nos différends. Ce qui nous sépare. Si on a recours à La Haye sans avoir un agenda, on perdra certaines choses que nous n’avons pas. Ma question est donc la suivante  - et la critique exercée contre vous porte essentiellement sur ce point – pouvons-nous exercer par exemple une politique plus agressive destinée à dissuader l’autre partie de provoquer un incident ?
Ν. DENDIAS : Nombreux sont ceux qui me disent et parfois au sein du parlement aussi, qu’il faut faire preuve d’une plus grande détermination. Mais lorsque je leur demande de fixer des objectifs spécifiques quant aux mesures ou les actions qu’il faut entreprendre, il n’y a aucune réponse de leur part. Cela est une position vague.
En ce qui me concerne, je dis quelle est la priorité du gouvernement de Mitsotakis et quelle est la mission que le Premier ministre m’a confiée, lequel m’a nommé à ce poste. Il faut essayer de préserver la capacité de l’économie grecque de se développer et la capacité de la société grecque de vivre en paix, en défendant le territoire national et nos droits nationaux et souverains. Telle est la description de notre mission. Tel est le « job description », pour emprunter l’expression anglaise. Tel est l’objectif du gouvernement. Si quelqu’un demande au gouvernement de Mitsotakis de déclarer la guerre à la Turquie, cela ne fait pas partie de la mission qui m’a été confiée. Nous ne voulons pas cela. Nous voulons un pays moderne européen avec des canaux de communication ouverts qui défendra sa souveraineté et ses droits souverains. Je pense qu’il s’agit d’une conjoncture difficile et la situation est bien tendue, il ne faut pas se leurrer. Toutefois, il est agréable de voir ces derniers jours une tendance à retourner au calme.

JOURNALISTE : Cela est le plus intéressant de tout ce que vous dites car tout le reste…
Ν. DENDIAS : C’est cela que je constate, la situation était très tendue ces derniers temps.

JOURNALISTE : Cette désescalade pourrait nous conduire à une période moins tendue lors de la réunion à Munich. Une réunion ne se tiendra-t-elle pas là-bas ? Est-ce que nous y serons présents ?  Car j’entends dire que…
Ν. DENDIAS : Je…
JOURNALISTE : Est-ce que je peux conclure ma question ?
Ν. DENDIAS: Je vous en prie.

JOURNALISTE : On entend parler, nous en avons discuté avec Olga avant l’émission, d’un effort visant à parvenir à une entente sur l’organisation d’une rencontre là-bas entre le Premier ministre et Erdogan et entre vous-même probablement et Cavusoglu.
Ν. DENDIAS : D’après ce que je sais, le Premier ministre n’ira pas à Munich, c’est moi qui irais.
JOURNALISTE : Cavusoglu ?
Ν. DENDIAS : Cavusoglu se rendra à Munich.
JOURNALISTE : Allez-vous vous entretenir ?
JOURNALISTE : Irez-vous à Munich en quelle qualité ?
Ν. DENDIAS : j’irai en ma qualité de ministre des Affaires étrangères.
JOURNALISTE : Sommes-nous donc invités à cette réunion ? Car c’est la suite du Processus de Berlin.

Ν. DENDIAS : Pour clarifier les choses, il s’agit d’un forum comme celui de Davos. Oui, nous y sommes invités. Aucune rencontre n’est prévue. M. Cavusoglu m’a adressé une invitation, je ne vous le cache pas. Je connais M. Cavusoglu depuis 17, 18 ans, nous avons une relation personnelle, je ne vous ai jamais caché cela.

JOURNALISTE : Oui.

Ν. DENDIAS : Il m’a invité à un autre forum à Antalya et j’ai dit ouvertement que j’envisage cette éventualité d’un œil favorable. Bien évidemment, il faut qu’il y ait un climat qui me permettra d’y aller car il ne faut pas donner l’impression que le pays est entraîné là-bas à cause des pressions qui lui sont exercés, ou à cause de l’intimidation ou des faits accomplis.
JOURNALISTE : Il n’y aura donc pas une rencontre avec Erdogan.
JOURNALISTE : Oui, mais sur un terrain neutre toutefois…
Ν.ΔΕΝΔΙΑΣ: Non, non.
JOURNALISTE : Une rencontre avec Erdogan est donc exclue et il y aura peut-être une rencontre avec Cavusoglu.
Ν. DENDIAS : Nous sommes toujours en faveur de la discussion. C’est pourquoi nous avons lancé le dialogue politique, les contacts exploratoires, les mesures de confiance…

JOURNALISTE : Est-ce qu’on a lancé les réunions sur les mesures de confiance ?
Ν. DENDIAS : Oui, une date a été fixée. Mais pas encore pour les contacts exploratoires. Pour avoir une rencontre il faut qu’il y ait un climat de compréhension. Je dois vous dire…
JOURNALISTE : Mais Munich n’est pas la même chose que Berlin, comme…
Ν. DENDIAS : Non, non.
JOURNALISTE : C’est autre chose.
Ν. DENDIAS : A Munich toutefois se tient une réunion en marge qui fait suite à la conférence de Berlin…
JOURNALISTE : Oui, mais nous n’y sommes pas présents.
Ν. DENDIAS : Non, nous n’y sommes présents. Nous verrons comment nous participerons à ce processus car vous devez prendre en compte que Berlin et Palerme sont deux choses différentes. La conférence de Berlin est une initiative allemande alors que Palerme où M. Tsipras avait participé, est une initiative italienne. Ce n’est pas la même chose.

JOURNALISTE : Donc, ce que vous dites est que cette réunion en marge du forum à Munich fait suite à la conférence de Berlin, n’est-ce pas ?
Ν. DENDIAS : Non, Munich est un forum annuel sur la sécurité…

JOURNALISTE : Non, je parle de l’autre auquel vous vous rendez.
Ν. DENDIAS : L’autre s’intègre dans la continuité de la Conférence de Berlin, il ne s’agit pas de sa suite de manière générale.

JOURNALISTE : C’est un follow up, un follow up à part.
Ν. DENDIAS : Oui, à part.
JOUNRNALISTE : Quel sera votre objectif là-bas ? Que nous participions au moins en qualité d’observateurs ?
Ν. DENDIAS : Notre objectif est la direction globale de ce débat dans le sens de la logique des positions grecques et européennes. 
JOURNALISTE : Vous avez affirmé depuis longtemps dans une interview que la partie qui prévaudrait contre les autres et réussirait à former un gouvernement serait un paramètre décisif dans la question libyenne. Est-ce que l’on a un aperçu de la situation dernièrement, suite aussi aux visites de Haftar ?

Ν. DENDIAS : Je vais vous dire. Il y a un renforcement considérable du côté de Haftar, ce qui est normal. Il contrôle 90% du territoire. De l’autre côté, il y a un affaiblissement de Sarraj lui-même ce qui est le résultat du rapport de forces actuel. La Turquie essaye de le renforcer à travers l’envoi de mercenaires, d’armes en violant l’embargo sur les armes, il y a cela aussi. Cela dit, il est extrêmement difficile de prévoir ce qui va se passer en Libye. Toutefois, ce qui ne semble pas du tout probable actuellement est que Sarraj, Tripoli s’impose sur l’ensemble du territoire. Cette probabilité est peut-être exclue.

JOURNALISTE : Qu’est-ce qui nous fait dire avec optimisme que toute évolution en Libye, quelle que soit l’issue, car comme vous dites personne ne peut prévoir ce qui se passera là-bas, conduira automatiquement à l’annulation de l’accord conclu entre la Turquie et la Libye ? Même si Haftar s’impose pleinement. Avons-nous une telle garantie ? Non.

N. DENDIAS : Ecoutez, nous avons une garantie pour ce qui est de Haftar et du parlement libyen, autrement dit l’armée libyenne car il y a trois autorités reconnues en Libye.

JOURNALISTE : Oui
N. DENDIAS : La première est le gouvernement Sarraj, le gouvernement de Tripoli. L’autre est l’armée, autrement dit Haftar. Et la troisième est le parlement. Le parlement libyen, qui est le seul élu, a voté pour l’annulation des protocoles d’accord. Donc, si la légalité prévaut en Libye, de la manière dont l’Union européenne et le monde occidental l’entendent, automatiquement ces protocoles d’accord seront annulés. Ils seront considérés comme annulés.

JOURNALISTE : Vous me dites donc que...

N. DENDIAS : Je ne parle pas de certitudes, car nous n’avons aucune certitude n’est-ce pas ?

JOURNALISTE : Non, écoutez-moi. Ce que je dis est différent. Il se peut que cet accord plaise finalement au nouveau leader en Libye, quel qu’il soit, alors que les parlements votent, puis revotent…

Ν. DENDIAS : Je vais vous répondre Mme Tremi.

JOURNALISTE : Ils peuvent voter et annuler de précédentes décisions.
N. DENDIAS : Je vais vous répondre et j’aimerais revenir à ce que nous disions tout à l’heure au sujet de l’empire ottoman. Il y a ce sentiment antiturc en Libye. La plupart des tribus, car la Libye est un pays avec plus de30 tribus, sont antiturques.
JOURNALISTE : Elles ne peuvent se mettre d’accord.
N. DENDIAS : Cela c’est autre chose. En tout cas toutes…
JOURNALISTE : Nous ne sommes qu’une seule tribu et ne pouvons nous mettre d’accord.

N. DENDIAS : Toutes sont quasiment d’accord, à l’exception de deux qui ne sont pas d’accord et pensent qu’il n’y a pas d’avenir pour la présence turque en Libye. Et la Tunisie partage le même point de vue et sur d’autres questions elle ne s’aligne pas avec la partie Haftar. L’Algérie, où je me rendrais après-demain, partage également le même point de vue, si je comprends bien. Et observez bien la réaction de la Libye le lendemain de…
JOURNALISTE : Je me suis inquiété, je me suis dit Dendias restera en Grèce un ou deux jours ?
N. DENDIAS : La réaction de la Tunisie le lendemain du départ du Président Erdogan de la Tunisie. Erdogan, d’une part, a présenté sa visite comme une vision commune de la Libye et le lendemain il a clairement expliqué que cela n’était pas valable.

JOURNALISTE : Olga a demandé quelque chose tout à l’heure ou Ilias, je ne sais plus, et j’aimerais y revenir. Vous avez dit que ce qui se passe en Syrie, ces derniers jours, calme les hostilités éventuellement. Je vous pose la question suivante : outre ce dont nous discutons, les mouvements diplomatiques, dans quelle  mesure sont-ils bons, agressifs, c’est une question essentielle qui tourmente les gens qui sont inquiets. Peut-être auront-nous un incident grave ? Pensez-vous qu’avec ce qui se passe en Syrie, les mouvements diplomatiques que vous effectuez, nous nous éloignons d’un incident qui pourrait être planifié par Erdogan ? Votre appréciation.
N. DENDIAS : J’espère que la Turquie n’a pas planifié ce genre de choses. D’un autre côté, je dois dire que…

JOURNALISTE : Vous dites « j’espère », vous n’êtes donc pas sûr.

JOURNALISTE : Je veux dire, vous n’êtes pas sûr que ce genre de choses ne fasse pas partie de leurs plans.
N. DENDIAS : Non, Mme Tremi, je ne peux pas en être sûr.
JOURNALISTE : Je pose la question.
N. DENDIAS : Nous traitons la Turquie sur la base de deux scénarios possibles : d’un côté un pays qui, en dépit de ses particularités, essaie de dialoguer avec nous et de l’autre un pays qui n’essaie pas de dialoguer avec nous et essaie de nous pousser dans nos derniers retranchements. Nous considérons les deux scénarios. Ce que j’observe, car je ne peux émettre des hypothèses, je ne suis pas un devin et n’ai pas le droit d’émettre des hypothèses, est que ces derniers jours il y a des indications d’escalade par rapport à la tension de ces dernières semaines.

JOURNALISTE : Il a été dit à plusieurs reprises qu’en cas d’incident grave, la Grèce serait seule, j’aimerais vous poser la question suivante, car l’espoir fait vivre, et vous demander si ce changement dont il est question dans notre relation stratégique avec la France – en d’autres termes si cela évolue en accord d’assistance mutuelle. Premièrement est-ce que cela pourrait arriver bientôt à tout moment et deuxièmement est-ce que cela signifie dans la pratique que finalement la France, s’il arrive quelque chose – ce que nous ne souhaitons pas – sera à nos côtés du point de vue opérationnel.

N. DENDIAS : Je ne voudrais pas entrer dans les détails. Je dirais juste ce que je ne cesse de réitérer : que premièrement nous pouvons nous en sortir tous seuls dans le cas d’un incident grave. Et deuxièmement, même si nous pouvons nous en sortir seuls, nous ne serons pas seuls.

JOURNALISTE : Quel est le plus grand danger ? Car je l’ai lu quelque part et cela m’a semblé très intéressant. Que M. Erdogan surestime ses capacités et dans le même temps sous-estime la détermination de la Grèce de défendre ses acquis ?

N. DENDIAS : Je ne voudrais pas me référer précisément au Président Erdogan. Mais de manière générale, je dis que dans la vie la pire des choses est l’Hybris, selon la conception de la Grèce antique. Hybris est toujours suivie de Némésis.

JOURNALISTE : Vous pensez donc que tout ce révisionnisme de la Turquie a des traits de caractéristiques d’Hybris ? Ne pourrait-on pas dire en substance que la Turquie change simplement d’orientation ? Qu’elle part de l’Europe et essaie…
N. DENDIAS : J’espèrerai, et très honnêtement je l’espère car je fais partie des personnes qui espèrent et pensent que la Turquie… dans un avenir lointain ? Dans un avenir lointain, elle deviendra un pays européen et elle participera au système des valeurs que partage l’Occident, à savoir à une conception de l’homme inspirée du Siècle des Lumières. Donc, je ne suis pas prêt de cautionner leur révisionnisme, en dépit des nombreuses indications que nous avons, ce pourquoi je veux être clair. Mais je continue d’espérer que la Turquie finira par voir clairement son intérêt dans le mode de vie occidental et la société occidentale.
JOURNALISTE : Il y a des « enclaves » bien naturellement, dans le système social et politique du pays.

N. DENDIAS : Oui de très grandes.

JOURNALISTE : Le problème, c’est que nous avons un pays divisé en deux sur le fond. Deux cultures différentes.
N. DENDIAS : Ce n’est pas à nous de dire à un grand pays, un pays fier, comment il déterminera son avenir. Ce que nous pouvons faire c’est dire ce qui à notre sens est bon pour eux et bon pour nous.

JOURNALISTE : Une proposition a été faite de la part de SYRIZA – KINAL, je le dis en un mot en raison des derniers articles publiés sur la réunion d’un Conseil des chefs des partis sous la direction du Président ou du Président de la République. Pourquoi ce Conseil ne devrait-il pas avoir lieu ? Je constate que le gouvernement est réservé à ce sujet. Craint-il un manque d’unanimité sur toute une série de dossiers ?
N. DENDIAS : Ecoutez, je vais vous dire.

JOURNALISTE : Ou bien vous ne voulez pas montrer. Mais ne pas montrer quoi ?  Les faits sont là.
N. DENDIAS : Il y a une hiérarchie. C’est le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis qui répond à cette question. C’est lui qui pourrait prendre l’initiative de proposer au Président ou à la Présidente la convocation du Conseil en question. Ce qui incombe à mon rôle constitutionnel, c’est le Conseil sur la politique étrangère. Je l’ai déjà convoqué une fois et je le convoque de nouveau le 18 février.

JOURNALISTE : Êtes-vous satisfait du résultat de la première rencontre…
N. DENDIAS : Oui, je suis satisfait.

JOURNALISTE : Pensez-vous que les conditions d’unanimité ont été garanties ?
N. DENDIAS : Cela s’est déroulé dans un esprit d’unisson et de sérieux et cela est tout à l’honneur des partis. Tout le monde a bien pris conscience – l’heure était grave – du caractère crucial du moment et leur comportement était en conséquence. Et je suis tout aussi reconnaissant au système politique du pays.

JOURNALISTE : Passons à une question qualifiée de nationale car elle provient de la tension existant dans la région et je veux parler de la Syrie et des réfugiés. Le Premier ministre a admis – à travers les changements qu’il a effectués – être revenu sur sa décision s’agissant du ministère et de différents services…

JOURNALISTE : Vous parlez de la question migratoire.

JOURNALISTE : … que la meilleure des préparations n’avait pas été faite ou que vous n’étiez pas si bien préparés. Nous constatons une grande tension. Il n’y a manifestement pas beaucoup de solutions faciles, mais de nombreux projets théoriquement, beaucoup de promesses, de résultats, rapides, efficaces, on en parlait avant-hier ici avec des invités, afin que désamorcer ce climat et nous ne voyons pas les îles.
N. DENDIAS : Je vais vous dire. Nous n’avons pas excellé pour ce qui est de la question migratoire. Nous le savons tous et sommes tous d’accord là-dessus. Il y a eu des actions correctives de la part du Premier ministre, d’importantes actions correctives. Je pense que le système portera ses fruits. Effectivement, cela n’est pas facile. J’ai géré la question migratoire en 2012-2014. Ce n’est pas une question facile. La réalité est que la situation s’envenime lorsqu’un autre pays se sert en partie de la question migratoire pour faire pression sur l’UE et la Grèce.

JOURNALISTE : D’un autre côté, est-ce que l’Union européenne pourrait revoir la façon dont elle envisage à l’heure actuelle la question migratoire ? En tant que problème gênant pour chaque pays ?

N. DENDIAS : Je vais vous répondre. Certains pays de l’Union européenne devront comprendre que la question migratoire est un dossier que nous devrons gérer pendant des décennies. Lorsque l’Europe se transforme petit à petit en maison de retraite et qu’il y a d’autres continents, des grands continents comme l’Asie ou l’Afrique qui en réalité sont des maternelles, le mouvement de la maternelle vers la maison de retraite continuera naturellement de se produire.

JOURNALISTE : C’est un point de vue très spécial et je vous en remercie.
N. DENDIAS : Si vous y ajoutez le fait qu’un pays intermédiaire l’utilise comme moyen de pression, cela empire l’effort de résolution. Nous devons être à la fois honnêtes et réalistes.

JOURNALISTE : L’opposition vous critique et dit que vous ne mettez pas assez de pression sur l’Europe afin qu’elle change sa position bien qu’il y ait – et Ilias avait raison avant-hier – un point dans la déclaration conjointe qui rend encore plus difficile le déplacement des réfugiés vers le continent.

JOURNALISTE : Soyons réaliste, nous parlons de quelle Europe ? Angela Merkel est submergée avec ses problèmes économiques, la montée de l’extrême droite en Allemagne et Erdogan la manipule bien pour ce qui est de la question migratoire. Angela Merkel ne peut ramener ce dossier sur sa politique intérieure. Si Angela Merkel ne peut le faire, comment l’Europe va examiner la question de la prise de responsabilités, qu’ils ont clairement ?

N. DENDIAS : La chancelière allemande, à mon humble avis, a ouvert des autoroutes, par sa déclaration de 2015, n’est-ce pas ?

JOURNALISTE : Oui, d’accord, mais on parle de 2020.
N. DENDIAS : Et maintenant l’Allemagne est craintive vis-à-vis de la question migratoire.

JOURNALISTE : Elle a désormais un parti d’extrême droite.
N. DENDIAS : Exact. Et la montée de l’extrême droite ne fonctionne pas comme une menace globale. Donc, le système politique allemand à l’heure actuelle, de manière générale à l’heure des défis mondiaux, se trouve dans une phase transitoire. Probablement vers l’ère post-Merkel. Qu’essayons-nous de faire ? Avec nos capacités, les alliances que nous pouvons bâtir, nous essayons de créer un système unique d’asile, un système unique de retours, un système unique de distribution à l’intérieur de l’Union européenne.

JOURNALISTE : Nous savons ce que nous voulons.
N. DENDIAS : Nous pouvons y parvenir ?
JOURNALISTE : C’est la question.
N. DENDIAS : Nous essayons autant que faire se peut.
JOURNALISTE : Je ne vois pas de volonté en tout cas
N. DENDIAS : Il y a certains pays qui non seulement n’expriment pas de volonté, mais sont tout à faire négatifs.
JOURNALISTE : Oui, la Hongrie par exemple.
N. DENDIAS : Soyons honnêtes
JOURNALISTE : Pour dire les choses par leur nom. Passons à une page de publicité.

[…]

JOURNALISTE : Nous reprenons notre discussion avec le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias. Passons un peu à la cour de la Haye pour clore le débat sur la question migratoire.
JOURNALISTE : Jette ton filet.
JOURNALISTE : Oui, je vais jeter mon filet. Monsieur le ministre, nous connaissons très peu de choses bien naturellement. Nous savons que celui-ci fait 2,7 kilomètres de long et qu’il coûtera 500 000 euros. Cela étant, nous ne savons pas combien de points d’entrée il pourra servir, il y en a environ 30, quel est le coût de la maintenance, quelle est l’efficacité, si cela créé des problèmes à la navigation libre et bien entendu s’il s’oppose à des questions de droits de l’homme, car il y a une certaine gêne du côté de l’Union européenne. Il me semble que cela est un peu confus.
N. DENDIAS : Ecoutez, la question migratoire est tellement compliquée, qu’il est normal que de nombreux efforts soient consentis et de nombreuses solutions recherchées. Cela étant, nous verrons cela dans la pratique si c’est appliqué. Je pense que c’est le ministre de la Défense, Monsieur Stefanis qui s’en occupe. C’est une personne sérieuse. Je suis certain qu’il a examiné tous les paramètres pertinents et il verra la suite des choses dans la pratique.

JOURNALISTE : Je ne vois pas le filet.
JOURNALISTE : Moi non plus. Je ne vois pas non plus d’enthousiasme concernant ce filet.
N. DENDIAS : Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse se réjouir de ce filet.
JOURNALISTE : Passons à la Haye maintenant qui fait couler beaucoup d’encre. Il y a un…
N. DENDIAS : Ce n’est pas facile d’aller à la Haye… Cela fait couler beaucoup d’encre, mais…
JOURNALISTE : Je veux dire passer à la question de la Haye.
N. DENDIAS : Je comprends bien.
JOURNALISTE : Mais l’humour vous plait bien. Nous aussi c’est vrai. Il y a une certaine confusion qui règne et cela suscite de vives préoccupations. Par exemple, nous en arrivons au point où le secrétaire du groupe parlementaire, un de vos cadres de la Nouvelle Démocratie, publie toutes sortes de messages sur quelle valise prendre à la Haye, inquiet, comme si nous avions un excès de bagage. Commençons donc par cela, par la valise ou le sac voyage, appelez cela comme vous voulez. Est-ce qu’il contiendra le plateau continental, la ZEE en Egée et la Méditerranée orientale ou encore autre chose ?
N. DENDIAS : Mme Tremi, quels sont les différends qui opposent la Grèce à la Turquie ? C’est ce que je dis à tous les étrangers avec qui je parle. Quel différend nous oppose à la Turquie ? Le plateau continental tout d’abord et de ce fait, étant donné que le droit de la mer a changé au cours des années passées, la zone économique exclusive également. Est-ce que les Turcs voudraient bien que nous essayions de résoudre cette question entre nous. Et si nous ne réussissons pas à résoudre la question entre nous, nous ferons une convention pour décrire notre problème et par cette description…

JOURNALISTE : Ce problème.
N. DENDIAS : Ce problème.

JOURNALISTE : Qui contiendra ce que je vous ai mentionné tout à l’heure ? Pour être plus précis.
N. DENDIAS : Je dis toujours, au risque de créer des malentendus, que si un de mes amis, M. Cavusoglu par exemple, vient et me demande d’aller à la Haye pour résoudre la question de la propriété de la maison que ma grand-mère m’a léguée à Paxos, je ne serais pas d’accord. Je ne peux être d’accord. Donc, je pense que le cadre est prédéterminé.

JOURNALISTE : Puis-je poser une question.
N. DENDIAS : S’il vous plaît.
JOURNALISTE : Par exemple, les Turcs disent que parmi les questions, il y a celle de la démilitarisation des îles, prévue par le Traité de Lausanne.
N. DENDIAS : Permettez-moi de vous dire franchement, d’ailleurs je lisais récemment un livre à ce sujet, que cela est à mon sens tellement clair que cela pourrait faire l’objet d’une discussion franche entre deux personnes et ce problème serait résolu très facilement. Entre un étudiant grec en première année de droit et  un étudiant turc en première année de droit, tous deux animés de bonne foi, bien sûr.
JOURNALISTE : C’est essentiel.
N. DENDIAS : Si ces deux personnes s’asseyaient pour discuter, je pense qu’elles résoudraient le problème.
JOURNALISTE : Etant donné que tout est question de conjoncture, ou de timing comme on dit à Tinos, n’est-il pas un peu étrange que…
JOURNALISTE : A Larissa on le dit aussi.
JOURNALISTE : La même chose ?
JOURNALISTE : Bien sûr.
JOURNALISTE : C’est un progrès. N’est-il pas un peu inapproprié pour un conseiller adjoint à la sécurité et conseiller du premier ministre en cette conjoncture de parler de co-exploitation s’agissant d’une question qui pourrait arriver, quand elle arrivera, si elle arrive ?
N. DENDIAS : Je ne pense pas que Monsieur Dokos se perçoit comme faisant partie du pouvoir exécutif. C’est un scientifique qui exprime son point de vue et ne pense que…

JOURNALISTE : Il participe à une instance qui est à caractère consultatif auprès du  premier ministre et dans le pays, n’est-ce pas ?
N. DENDIAS : Comme vous l’avez si bien dit, à caractère consultatif. Effectivement, ce type d’instance a la possibilité de produire plusieurs recommandations et libre au Premier ministre de choisir.

JOURNALISTE : Je pense que la sympathie que vous lui portez ne vous permet pas d’être d’accord avec la conjoncture de cette proposition.
N. DENDIAS : Ecoutez, je suis plus politicien dans l’étroit sens du terme, même je me prévaux d’être un politicien amateur, ce n’est pas mon travail, mais je suis bien plus expérimenté. Par conséquent, j’ai une idée de ce qui doit être dit, ce qui doit être rendu public et quand. Monsieur Dokos est un scientifique dont les compétences ont été appréciées et on a estimé qu’il peut apporter sa contribution en tant que conseiller du Premier ministre. S’agissant d’une instance dont le rôle est de conseiller le premier ministre, cela est utile.

JOURNALISTE : En tout cas, Monsieur Dokos a en réalité dit…
N. DENDIAS : N’extrayons pas cela de son contexte.

JOURNALISTE : En réalité, il s’est référé à la question de la co-exploitation - et je dis cela pour que les téléspectateurs puissent suivre - il s’est référé à la question de la co-exploitation pour après, si quelque chose est conclu. Si tel est le cas, cela se fera à des conditions d’intérêt commercial à proprement parler. Le timing était un peu étrange.
N. DENDIAS : Donc, nous sommes tout à fait d’accord.

JOURNALISTE : Oui, comme on dit à Tinos. C’est un peu étrange dans le sens où l’on ne dit pas cela lorsqu’Oruc Reis se promène en Méditerranée. Maintenant, Monsieur le ministre, pour revenir à la question de la Haye, car vous nous avez fait une belle description des choses. Dans la pratique, comment pouvons-nous nous accorder avec la Turquie sans passer par la Haye ou bien comment pouvons-nous aboutir à un accord lorsque d’un côté la Grèce reconnaît un différend et de l’autre la Turquie met 7 questions sur la table.

N. DENDIAS : J’ai le sentiment qu’un grand nombre de questions soulevées par la Turquie sont un prétexte.

JOURNALISTE : Ce ne sont pas sept questions, mais cinq donc.
N. DENDIAS : Et la Turquie le sait bien. Cette question de la délimitation des zones maritimes avec la Libye, très honnêtement je vous dis que je suis absolument convaincu que la Turquie le fait pour optimiser la force de sa position de négociation lorsque les négociations commenceront. Cette affaire est tellement absurde, elle ne peut pas le penser. On se demande si cela est possible en regardant la carte.

JOURNALISTE : Ce n’est pas la stratégie de Davutoglu pour que le pays ait accès à la mer et…
N. DENDIAS : La Grèce ne refuse pas à la Turquie l’accès à la mer. La Grèce ne veut pas la conduire à la suffocation. Je rappelle que nous étions le premier pays à avoir soutenu l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Nous ne souhaitons pas l’isolement de la Turquie, je le répète. Nous voulons la participation de la Turquie, mas à quelles conditions ? Non pas aux conditions hégémoniques de la Turquie. Autrement dit, si la Turquie, si une partie de l’Etat profond en Turquie pense que la Méditerranée centrale et orientale peut devenir un lac turc et la Grèce une île dans ce lac, qu’elle oublie ! Soyons d’accord. Et lorsque j’entends parler de patries bleues de cette taille, je leur réponds que ce sont des inepties. Cela ne fait pas partie de la réalité. Si la Turquie aspire à une mer de paix et de coopération, elle trouvera en la Grèce l’allié le plus fidèle et le meilleur auditeur. Mais dans ce contexte. Dans un contexte européen, un contexte contemporain, un contexte du 21e siècle. Loin des politiques des canonnières.

JOURNALISTE : Pardonnez-moi, ne sous-estimez-vous pas un peu cette stratégie de la Turquie, Monsieur le ministre ?
N. DENDIAS : Je respecte la Turquie, je ne la sous-estime pas du tout Mme Tremi.

JOURNALISTE : Non, je veux dire par là que vous dites par exemple que l’histoire du protocole d’accord avec la Libye se passe pour qu’elle puisse négocier…
N. DENDIAS : J’espère que c’est la raison.

JOURNALISTE : Car d’un autre côté, comme vous le savez bien mieux que nous, tout cela créé des acquis et pas plus tard qu’aujourd’hui, nous avons eu le porte-parole du gouvernement turc qui a annoncé que très bientôt la Turquie effectuera des recherches en Méditerranée orientale, dans les régions qui, selon elle, sont déterminées par le protocole illégal turco-libyen.
N. DENDIAS : Je recommanderais à la Turquie de s’abstenir de le faire. Mais mon avis ne compte pas, mais mon conseil d’ami à la Turquie serait de ne pas continuer sur cette voie, cela n’aide pas.

JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, sa tactique et la référence faite par Olga au fait que cela créé des acquis – et nous ne vous apprenons rien de nouveau – nous dit bien qu’elle peut le faire.
N. DENDIAS : Quoi qu’il en soit, en considérant ces protocoles d’accord comme valides, la Turquie se trouve parmi la minorité. Personne, même le gouvernement, pardonnez-moi Mme Tremi, même le gouvernement de Tripoli, a demandé après la signature à envoyer une commission pour discuter et examiner l’éventualité de recourir à la Haye pour ces protocoles d’accord.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, ici nous voyons…
N. DENDIAS : Même eux ne sont pas sûrs. Ils n’osent pas affirmer qu’ils sont valides.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, nous constatons que la Turquie à l’heure actuelle harcelle, ou plutôt il n’y a pas harcèlement car il n’y a pas d’exploration dans cette zone, dans cette parcelle de terrain, nous la voyons essayer de créer des acquis pour ce qui est de Chypre. La Turquie nous a envoyé le navire. Elle nous menace que la situation se répètera. Comment est-il possible que la Turquie puisse faire tout cela ? Car il y a savez-vous le point de vue selon lequel elle est soutenue. Elle est soutenue par les Etats-Unis et ce que souhaitent les Etats-Unis c’est de nous conduire vers un statut de co-exploitation pour ce qui est des ressources naturelles. Acceptez-vous ce point de vue ? Et si cela est valable, pouvons-nous réagir ? En d’autres termes, les Etats-Unis peuvent nous dire « Allez-y et nous vous soutiendrons » mais que se passera-t-il s’ils nous disent de tout partager pour en finir avec ce problème ?

N. DENDIAS : Je n’ai aucun élément nous permettant d’émettre l’hypothèse selon laquelle les Etats-Unis d’Amérique encouragent la provocation de la Turquie. Ni dans le cadre de l’Egée, ni dans le cadre de la Méditerranée orientale, ni dans le cadre des zones autour de la République chypriote. Je n’ai aucune indication dans ce sens.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, si la question chypriote avait été résolue dans le sens de la Fédération bizonale, bicommunautaire…
N. DENDIAS : Vous parlez du Plan Annan 5.

JOURNALISTE : Le Plan Annan 5 ou Crans Montana en 2017. Si cela s’était produit, est-ce que la situation serait plus calme aujourd’hui et si cela s’était produit ainsi, un moyen serait peut-être de soulever de nouveau la question avant tout devant les deux communautés ?
N. DENDIAS : Monsieur Kanellis, si nous pouvons résoudre la question chypriote après les « élections » dans les territoires occupés, les efforts démarreront à nouveau, il est certain que cela aura une incidence positive sur les relations gréco-turques. Il va de soi que nous ne sommes pas indifférents à la question chypriote. Nous ne sommes pas indifférents et jamais la Grèce n’oubliera l’invasion de 1974. Donc, tout ce qui permettra le règlement de la question chypriote sera bénéfique à la Grèce également. Si vous me posez la question de savoir si une telle chose peut facilement se produire, je vous répondrai en toute modestie que cela ne l’est pas du tout. Des personnes bien plus capables et intelligentes que nous qui traitons de ce dossier, ont échoué. Mais nous continuerons d’essayer.

JOURNALISTE : Vous avez dit une belle phrase au sujet de la Russie et de l’ours. 
N. DENDIAS : Je ne m’en souviens pas.

JOURNALISTE : Quelqu’un a dit que lorsque l’on danse avec un ours, on n’est pas celui qui refusera de danser la dernière danse.
JOURNALISTE : Αh, je crois que c’est...
N. DENDIAS : Non ce n’est pas moi qui l’ai dit.
JOURNALISTE : Vous auriez pu le dire, c’est votre style d’humour.

JOURNALISTE : Quelles relations entretenons-nous avec la Russie ?
JOURNALISTE : C’est ce que je voulais dire et Ilias l’a saisi. Je pense que ces relations n’étaient pas au meilleur niveau qui soit sous le gouvernement de SYRIZA. Je ne sais pas si oui ou non nous avions raison, le service le découvrira, mais est-ce que le climat s’est un peu amélioré par rapport à cette période ? 
N. DENDIAS : Je pense qu’un effort important a été déployé avec ma visite à Moscou et ma discussion chaleureuse et très longue – plus de cinq heures – avec Monsieur Lavrov. Je crois que l’affaire Vinnik a posé problème. Permettez-moi d’être clair : je crois que la question religieuse est celle qui, d’après les Russes, a un effet négatif sur les relations gréco-russes. Mais je pense toutefois que le fond de l’Histoire et les éléments communs, la foi que nous partageons, contribuera à moyen terme à améliorer les relations gréco-russes et c’est ce à quoi nous aspirerons.

JOURNALISTE : Par rapport à la Turquie ?
JOURNALISTE : Diriez-vous qu’en ce moment les relations sont au point mort ?
N. DENDIAS : Non, non.

JOURNALISTE : En tout cas, pour ce qui est de la question ecclésiastique en 2010, il se trouve que j’étais à Panagia Soumela et une certaine confusion régnait quant au fait de savoir lequel des deux patriarcats officierait lors de la cérémonie…
N. DENDIAS : Vous voulez parler du Patriarcat de Moscou ?
JOURNALISTE : Oui le Patriarcat de Moscou et le Patriarcat œcuménique de Constantinople.
N. DENDIAS : La conception du Patriarcat de Moscou sur une troisième Rome est bien connue. Mais la République hellénique n’est pas impliquée dans les affaires religieuses. Nous essayons de le faire clairement comprendre à nos interlocuteurs russes.

JOURNALISTE : Sans doute que nos interlocuteurs russes ne le comprennent-ils pas étant donné qu’ils ont un autre mode de fonctionnement et une culture différente.
N. DENDIAS : Je pense qu’en Russie il y a un césaropapisme, au sens byzantin du terme, sans doute plus actif que dans notre pays, qui plus est lorsque le Patriarche œcuménique n’est même pas sur le territoire grec, il  n’est même pas ressortissant grec. Mais si vous observez l’allocution que Poutine a adressé au nouvel ambassadeur grec, Mme Nasika, vous constaterez ce réchauffement auquel je me suis référé tout à l’heure.

JOURNALISTE : Par rapport à la Russie et à la Turquie ?
JOURNALISTE : Est-ce que cela prendra du temps pour que ces relations avancent ?
N. DENDIAS : Je crois que des efforts mutuels sont nécessaires.
JOURNALISTE : Car ces deux épines, c’est vous qui vous êtes référé au dossier religieux, est…
N. DENDIAS : Nous n’avons pas commencé par le meilleur point, M. Dellatolas l’a dit, je ne voudrais pas m’étendre là-dessus.

JOURNALISTE : Il y a aussi l’histoire de M. Bitcoin. Il est clair que ces deux questions évolueront de la manière dont nous déciderons ; la question religieuse n’a pas été décidée par le gouvernement, mais par l’Eglise orthodoxe grecque…

N. DENDIAS : J’espère que la Russie verra clairement ce que vous dites.

JOURNALISTE : Mais ces questions ne peuvent pas être mises sous le tapis. Il faut donc du temps.
N. DENDIAS : Je pense qu’il est nécessaire d’approfondir les relations, ce qui en définitive produira un effet et résoudra les problèmes et si la Russie voit les choses clairement, elle comprendra que la partie grecque n’a aucune responsabilité. Et je pense qu’elle commence progressivement à le voir.

JOURNALISTE : Avant de finir, je ne sais pas si Olga nous réserve une surprise, j’aimerais poser la question suivante et il est important que vous vous exprimiez à ce sujet compte tenu de la conjoncture actuelle. Nous supposons ou avons été  informés du fait que les chefs politiques et le Premier ministre s’accordent pleinement pour ce qui est de la ligne rouge que le Premier ministre, si besoin est, Dieu nous en préserve, posera en cas de provocation. Partagez-vous le même point de vue ?

N. DENDIAS : Monsieur Dellatolas, je réponds toujours la même chose à cette question : la ligne rouge de tout premier ministre grec et bien sûr de Kyriakos Mitsotakis et de son gouvernement sous ses ordres est la défense des droits consacrés par la Constitution. J’ai prêté serment de défendre la Constitution et les lois. Le territoire souverain de la Grèce est clairement défini. Je n’ai aucun droit, je parle de moi pour ne pas parler pour les autres, de remettre un territoire grec qui soit plus petit d’un millimètre carré que celui qui a été remis à notre gouvernement.

JOURNALISTE : Une autre question : Quelles sont nos relations aujourd’hui avec la Macédoine du Nord avec laquelle, comme vous le savez, votre parti avait une relation sui generis ?
N. DENDIAS : Bien meilleures. Nous sommes un pays qui s’efforce d’aider la perspective d’adhésion de la Macédoine du Nord à la condition bien entendu que les dispositions convenues soient respectées pour que nous soyons…

JOURNALISTE : Ces deux points sont interconnectés. Je veux dire par là que nos obligations étaient en quelque sorte « en amont », tandis que celles de la Macédoine du Nord sont subordonnées également à son adhésion à l’Union européenne.
N. DENDIAS : Je dirais que la Macédoine du Nord fait un effort.
JOURNALISTE : Très bien, revenons à la question abordée tout à l’heure, à savoir celle de la Turquie, de son agressivité, de la Haye etc. Personne ne peut exclure la survenue d’un incident grave j’imagine, car c’est une éventualité qui pourrait se produire, indépendamment du fait que ce soit ou non le choix stratégique de la Turquie. Cela pourrait se produire par hasard au cas où les tensions sont militarisées. Si cela se produit – par hasard ou non – est ce que le prochain pas sera de nous asseoir tous ensemble à une table des négociations ?

N. DENDIAS : Etant donné que j’espère toujours que la première des choses évoquées n’arrivera pas, il n’a pas de sens que je réponde à la deuxième. Notre travail est de…

JOURNALISTE : Oui, ce serait l’issue du scénario.
N. DENDIAS : Vous savez, notre travail est de faire en sorte que l’incident grave soit évité. Vous allez me dire, cela dépend-il seulement de la Grèce ? Certes, cela ne dépend pas seulement de la Grèce. Mais nous pouvons faire au mieux pour que cela n’arrive pas.

JOURNALISTE : Je vous ai demandé s’il y avait un plan dans une telle éventualité. Admettons qu’il y ait un plan, quel est son objectif ?
N. DENDIAS : Je ne sais pas.

JOURNALISTE : Qu’il y ait une « échauffourée » ou qu’ils nous traînent contre notre gré à une table des négociations ? Est-ce que cela vous passe par la tête ?
N. DENDIAS : Je ne le sais pas car il faudra que j’émette des hypothèses, que je me demande s’il y a un plan, quel est le rédacteur de ce plan, quels sont ses visées et si…

JOURNALISTE : Je suis sûr que vous avez analysé tout cela.
N. DENDIAS :…et j’essaie de lire entre les lignes ….
JOURNALISTE : Vous êtes optimiste en tout cas dans votre conclusion…

JOURNALISTE : Quoi qu’il en soit, peut-il y avoir un plan dans deux pays vivant du tourisme ? Et si quelque chose était compromis par un incident grave, cela ne…
N. DENDIAS : Ce n’est pas cela seulement. Je vais vous dire et j’inclus également la Grèce, bien que la Turquie ait aussi une économie sensible, nous avons deux pays donc avec une économie sensible, une société qui est en partie mise à l’épreuve, la Turquie a subis…
JOURNALISTE : …d’importants dommages en raison du séisme.
N. DENDIAS : Oui, d’importants dommages en raison du séisme, c’est pourquoi nous essayons d’aider par tous les moyens. Je ne pense pas que la tension soit bénéfique pour la Turquie. Je pense qu’un accord assorti de conditions européennes et modernes est absolument dans l’intérêt de la Turquie. C’est pourquoi, j’espère vraiment que nos relations s’amélioreront rapidement.

JOURNALISTE : Oui, mais en tout cas pour l’instant...
N. DENDIAS : Car je pense que cela est dans son intérêt, sans parler du nôtre.
JOURNALISTE : Pour l’instant en tout cas, la tension est une arme de gestion des problèmes internes.
JOURNALISTE : Je vous vois vous déplacer très rapidement à Antalya.
N. DENDIAS : Je n’y verrais aucune objection. Je n’y suis jamais allé. Je n’y verrais aucune objection si les responsables politiques turcs garantissaient les conditions qui me permettraient de m’y rendre. Ce serait avec grand plaisir.

JOURNALISTE : Pour conclure maintenant. Quelle est la feuille de route à partir de maintenant ? Et je ne parle pas seulement de vos déplacements. Car il faudra faire encore deux émissions pour épuiser le sujet.
N. DENDIAS : Nous avons une planification très claire de la politique étrangère. M. Mitsotakis l’a clairement expliqué et ses ordres sont très clairs. Premièrement, les Balkans. La perspective d’adhésion des Balkans occidentaux, dans le respect des conditionnalités. En d’autres termes, l’Albanie, les droits de la minorité grecque. La Macédoine du Nord, les dispositions prévues par le traité.

JOURNALISTE : Nous constatons au sein de l’UE des efforts pour changer de tactique.
N. DENDIAS : Nous avons-nous aussi beaucoup aidé à ce sujet. Nous avons une grande conférence de ministres à Thessalonique.
JOURNALISTE : Vous allez vous faire un avis par la suite.
N. DENDIAS : Mais quoi qu’il en soit il y a une conditionnalité en ce qui concerne les deux pays et pour ce qui est de l’Albanie, il faut faire attention.
JOURNALISTE : Cette question du veto, songez-vous l’aborder avec Macron ?
N. DENDIAS : Le veto ? Dans quel cas ?
JOURNALISTE : De la Macédoine du Nord. Le veto de la France pour l’entrée des …
N. DENDIAS : Monsieur Mitsotakis en a discuté avec M. Macron. J’en ai discuté avec M. Le Drian ; nous entretenons de très bonnes relations avec la France. Je pense qu’il est bien plus facile maintenant de nous aligner avec la France pour ce qui est de la question des Balkans, car ils respectent l’expérience que nous avons à ce sujet.
JOURNALISTE : Donc les Balkans d’abord.
N. DENDIAS : Deuxièmement maintenant. Dans le bassin élargi de la Méditerranée et de la mer arabe, de la Péninsule arabe et de la partie au nord de l’Afrique.

JOURNALISTE : La ZEE avec l’Egypte ?
N. DENDIAS : La ZEE avec l’Egypte je dirais cela aussi. Cela concerne une compréhension globale s’articulant autour des axes du droit international et du droit de la mer, qui comprend la ZEE. Autrement dit, l’accord sur les zones économiques exclusives.

JOURNALISTE : En d’autres termes, nous n’acceptons pas de délimitation partielle ?
N. DENDIAS : Que voulez-vous dire par là ?
JOURNALISTE : Par exemple que Castellorizo reste en dehors.

N. DENDIAS : Nous nous efforçons de parvenir à un règlement global dans la région élargie en tant que facteur de paix et de sécurité. Maintenant la question est de savoir si nous réussirons à le faire avec tous les pays. Nous incluons également la Turquie, Mme Tremi. Nous ne l’excluons pas. A savoir maintenant si elle veut rester en dehors ou non, cela relève de ses propres compétences. Si elle souhaite rester en dehors c’est dommage. Mais nous voudrions qu’elle soit dedans.

JOURNALISTE : S’agissant de l’Egypte, j’aimerais que vous me disiez si vous discutez du scénario de la délimitation partielle.
N. DENDIAS : Vous vous référez au 28e méridien ?
JOURNALISTE : Oui.
N. DENDIAS : Nous examinons tout ce qui peut être dans notre intérêt. Ecoutez, si la délimitation partielle est la fin, alors la réponse est non. Si la délimitation partielle est un pas en avant, alors c’est différend. C’est une discussion. Et cela étant, nous avons les relations avec la superpuissance, au meilleur niveau. Nous avons signé l’accord de coopération en matière de défense (MDCA), les relations s’approfondissent. Nos relations bilatérales avec les pays européens, notamment la France, sont particulièrement importantes, tout comme nos relations avec la Russie et la Chine. Avec la Russie, il y réchauffement, avec la Chine, approfondissement des relations commerciales. Tel est le plan de la politique étrangère du gouvernement Mitsotakis.

JOURNALISTE : Avec tout cela, vous nous donnez le sentiment d’être une superpuissance.
N. DENDIAS : Non Monsieur Dellatolas.
JOURNALISTE : Avec l’Israël ?
N. DENDIAS : Avec l’Israël nos relations sont meilleures que jamais et je dois dire que, je l’ai dit tout à l’heure aussi, cela est très important et est un lieu commun de la politique étrangère grecque. J’ai rencontré le Premier ministre Netanyahu déjà 4 fois au cours des 7 derniers mois, bien qu’il ne soit pas mon homologue. Et il a rencontré 3 fois M. Mitsotakis.

JOURNALISTE : Et après les élections en Israël ?
N. DENDIAS : Vous me demandez si nous continuerons de le voir ? Cela dépend.
JOURNALISTE : Pas Netanyahu, mais le Premier ministre, quel qu’il soit.
N. DENDIAS : Cela dépend de la société israélienne. Nous entretiendrons toujours des relations étroites avec Israël et Netanyahu est un premier ministre qui s’est bien comporté avec la Grèce et par conséquent nos relations personnelles avec lui ne sauraient être perturbées.

JOURNALISTE : Nous avons passé un excellent moment. Merci beaucoup.
N. DENDIAS : J’aimerais en dire autant, mais vous m’avez bien « cuisiné » pour utiliser l’expression populaire.
JOURNALISTE : Merci beaucoup.
JOURNALISTE : … calme, nous verrons…
N. DENDIAS : Jamais. Nous vivons malheureusement dans un voisinage de tensions. Je le dis toujours et le regrette mais je ne suis pas le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg pour pouvoir dormir la nuit sur mes deux oreilles.

JOURNALISTE : Ne dites pas cela. Pensez au Luxembourg, il y a 50-60 ans en arrière, vous imaginez…
JOURNALISTE : Malgré cela…
N. DENDIAS : Vous avez raison. Les Allemands entraient d’un côté, les Français de l’autre.

JOURNALISTE : Au Luxembourg, le ministre des Affaires étrangères était confronté à un autre problème. Il s’ennuyait à mourir !
N. DENDIAS : Lequel, soit dit en passant, est très philhellène.

JOURNALISTE : Merci encore Monsieur le ministre.
N. DENDIAS : C’est moi qui vous remercie.
JOURNALISTE : Merci également à nos auditeurs qui nous ont suivis.

February 7, 2020