Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’agence de presse Ria-Novosti (05.11.2019)

Interview accordée par le ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, à l’agence de presse Ria-Novosti (05.11.2019)Propos recueillis par le journaliste G. Melnik

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, vous vous rendez à Moscou en vue de tenir des négociations avec votre homologue russe, Sergueï Lavrov. Quel est l’agenda des négociations ? Quelles sont les questions que vous voulez aborder et comment évaluez-vous l’état actuel de nos relations bilatérales ?

N. DENDIAS : Ce sera ma première rencontre avec M. Lavrov et je m’en réjouis particulièrement car l’occasion nous sera offerte de discuter à fond des questions qui nous préoccupent. La Grèce et la Russie entretiennent traditionnellement des relations d’amitié et de coopération. Notre objectif ferme est de renforcer davantage les bonnes relations et notre coopération avec la partie russe, sur la base du respect mutuel et de l’égalité. Force est de signaler que la Grèce, en dépit des problèmes survenus dans le passé, a toujours été un interlocuteur permanent de la Russie, même au cours de la conjoncture difficile dans les relations de la Russie avec l’Occident, comme celle de ces dernières années. Par ailleurs la Russie est une grande puissance qui joue un rôle important au niveau mondial et, bien entendu, en Europe du Sud-est et au Moyen-Orient, des régions revêtant un intérêt direct pour nous. C’est pourquoi nous voulons développer davantage nos relations, notre objectif étant de maintenir la stabilité régionale, notamment dans la conjoncture actuelle qui est particulièrement délicate. Dans ce cadre, nous aurons l’opportunité de discuter avec mon homologue russe, M. Lavrov, de l’ensemble des questions auxquelles est confrontée la région élargie, dans le but d’identifier les domaines dans lesquels il y a une convergence de vues quant à la gestion des défis actuels.
L’occasion nous sera également offerte de discuter de nos relations bilatérales en vue de renforcer notre coopération dans un large éventail de domaines.

JOURNALISTE : Les sanctions européennes et l’embargo russe limitent l’accès des agriculteurs grecs à l’énorme marché russe. Soutenez-vous les initiatives du Président français, Emmanuel Macron visant à surmonter les différends et à supprimer les sanctions dans les relations entre la Russie et l’Union européenne ce qui n’est dans l’intérêt de personne ? Comment pourrait-on améliorer les relations entre la Russie et l’Union européenne ? Que pensez-vous de l’initiative visant à relancer l’organisation des réunions au sommet entre l’Union européenne et la Russie ?

N. DENDIAS : En tant qu’Etat membre de l’UE, la Grèce est liée par les décisions prises dans le cadre de l’UE. Cela est aussi valable pour les sanctions adoptées contre la Russie  que notre pays est tenu d’appliquer. Par ailleurs, si la Grèce figure parmi les pays soutenant que l’UE doit maintenir des relations bonnes et fonctionnelles ainsi que garder ouverts les canaux de communication avec la Russie, elle figure aussi malheureusement parmi les pays  affectés particulièrement par l’inclusion des produits agricoles dans les mesures contre la Russie, car, comme vous le savez bien, les produits agricoles représentent une large partie de nos exportations. Notre pays pense que la Russie fait partie intégrante de l’architecture européenne de sécurité et veut contribuer de manière positive au dialogue avec la Russie. Nous soutenons les initiatives visant à améliorer les relations entre l’UE et la Russie tout en signalant dans le même temps la  nécessité d’appliquer à part entière le droit international. Par ailleurs, comme la Grèce le sait bien, en raison des comportements infractionnels et provocateurs en Egée et en Méditerranée orientale, seule la persistance dans le strict respect des règles du droit international peut assurer la coexistence pacifique des Etats et la stabilité régionale.

JOURNALISTE : Les investissements russes en Grèce sont déjà importants dans des domaines à caractère non stratégique, tels que le tourisme, l’immobilier. A titre indicatif l’investissement dans le complexe « Elounda » en Crète s’élève à environ 410 millions d’euros. Dans quels autres domaines à votre avis il y a-t-il des opportunités en matière d’investissements à caractère stratégique et de développement de nos relations économiques ? Est-ce qu’il y a des perspectives dans le domaine de l’énergie, dans le domaine du gaz naturel par rapport au projet Turkish Stream ?

N. DENDIAS : Comme vous le dites si justement, il y a matière à développer davantage nos relations économiques bilatérales et à renforcer les investissements russes en Grèce. Je ne peux pas dire que le secteur touristique ne soit pas stratégique pour mon pays. Bien au contraire. Mais bien naturellement, nous sommes prêts à accueillir les investissements russes dans d’autres domaines également. Tout d’abord, il peut y avoir des investissements russes dans des domaines comme les infrastructures, les transports et la construction par le biais de la participation de groupes d’investissements dans le programme ambitieux de privatisations mis en œuvre par notre gouvernement, notamment via le TAIPED en association avec le programme en cours d’investissements publics. D’ailleurs, les investisseurs russes, comme tous les investisseurs, peuvent valoriser les avantages du nouveau projet de loi en matière de développement (mesures incitatives financières, baisse de la bureaucratie, simplification des procédures) récemment adopté par le Parlement hellénique et formant un cadre institutionnel particulièrement attrayant pour les programmes d’investissements revêtant une importance majeure pour le pays.

J’aimerais également me référer aux secteurs des hautes technologies et de la recherche appliquée, où, par le biais de la mise en place de partenariats entre des groupes, des pépinières d’entreprises et startups, pourraient naître des synergies mutuellement profitables et à grande valeur ajoutée pour les entreprises partenaires et, par extension, pour nos relations économiques bilatérales.

Pour ce qui est de l’énergie, la Russie est un partenaire important de la Grèce présentant des perspectives d’approfondissement ultérieur de la coopération bilatérale à l’avenir. Nous saluons les synergies développées entre entreprises grecques et russes, avant tout dans le domaine du gaz naturel, tandis que nous sommes en même temps intéressés par le renforcement de la coopération dans d’autres secteurs, comme les sources d’énergie renouvelables.

JOURNALISTE : Monsieur le ministre, la Russie et la Grèce fêtent traditionnellement d’importants événements de notre histoire commune. Il y a quelques jours, elles ont célébré l’anniversaire de la Bataille de Navarin. Des manifestations communes ont-elles été programmées pour 2021 par rapport au 200e anniversaire de la Révolution grecque ? Si oui, lesquelles ?

N. DENDIAS : La programmation des manifestations à l’occasion du 200e anniversaire de la Révolution grecque sont en cours. Quoi qu’il en soit, notre pays reconnaît le rôle déterminant que la Russie et d’autres grandes puissances de l’époque, comme la Grande-Bretagne et la France, ont joué lors de la Révolution grecque. Nous connaissons également le rôle décisif de la Diaspora grecque en Russie dans la lutte pour l’indépendance.  Notre intention, par conséquent, est d’honorer l’histoire de nos peuples et de nos pays et de souligner le fait que cela constitue un guide pour l’évolution future de nos relations.

November 5, 2019